Chapitre 9
Le bruit de giclure qui se répand dans mes oreilles s'éternisent à n'en faire qu'un écho.
Ce liquide rougeâtre qui emplie mes yeux m'aveuglent un moment. Un moment propice où l'intrus en a profité pour se rapprocher de moi à pas feutré, sans même un craquement de cailloux sous la semelle de ses chaussures pour le trahir.
Hagard, ayant retrouvé une vue plus ou moins nette, je relâche le corps de l'homme à présent mort sur le sol.
L'esprit néanmoins vif grâce aux conseils d'Azraël, je recule de plusieurs pas, mon couteau tendu vers l'intrus en question.
— Ne t'en fais pas, je ne suis pas ici pour te faire du mal. Crois-le ou non, je faisais moi aussi mon boulot. Le hasard à parfois son lot de surprise, n'est-ce pas ? s'explique celui-ci en fouillant les poches du pervers. Henri ! Un prénom qui ne concorde pas vraiment avec son attitude.
— Vous trouvez ça marrant ? m'indigné-je, exaspérée par ce comportement à la fois détaché et hautain.
— Et toi, Gaïa ?
Son regard captivant et ravageur frappe mes prunelles. En une fraction de seconde, je sens tout mon corps se tendre face à cette vision irréelle. Mais bordel ! Qui est ce type ?
— Figure-toi que ce que tu comptais faire ce soir, et comme toutes les autres nuits d'ailleurs, j'en fais de même, répète-t-il en grimaçant devant ce corps sans vie. Enfin bref, Henri, Henri, Henri...
Qu'est-ce que je fabrique à rester planter là, à le regarder observer ce Henri en soupirant chaque fois qu'il prononce son nom ?
— Henri, c'était un prénom très noble, il fut un temps...
— Qu'est-ce que vous voulez ?
— Je t'en prie, arrête de me vouvoyer. Appelle-moi plutôt Caîn, et je dis bien " appelle-moi ".
Je ne comprends rien à rien, d'où sort-il avec ses paroles qui n'ont ni queue ni tête ?
Soudain, je repense à Azraël, à ma principale mission que je dois reprendre depuis plusieurs nuits déjà, mais que j'ai mis de côté pour une stupide rébellion de ma part.
Maintenant, je sais qui c'est, et si j'avais poursuivi mon enquête jusqu'au bout, j'aurais sûrement pu éviter le dilemme dans lequel je me trouve à l'instant T et ainsi me retrouver face à face avec ce psychopathe que m'a dépeint l'ange de la mort.
— Qu'est-ce que vous attendez de moi ? demandé-je enfin, d'un ton dédaigneux.
— Rien, justement.
— Impossible ! Vous êtes ici pour une seule et bonne raison, n'est-ce pas ?
— Je tiens à le réitérer, mais non. Je suis simplement ravi de constater depuis quelque temps qu'une autre personne agit de la même manière que moi.
— Je ne suis pas comme vous, craché-je, dégoûtée par cet homme qui semble sans foie ni loi.
— Tu te fourvoies. N'agis-tu pas pour le bien de l'humanité, mais par la même occasion pour ton propre bien ?
Dans ma tête, un maelström d'émotions et d'interrogations se bouscule. Que suis-je censée répliquer ? Comment réussir à l'ignorer et à passer mon chemin ?
— J'ai longtemps ravalé ma fierté, mais à présent que j'ai le pouvoir de transformer les choses, plus rien ne m'arrête.
— Eh bien grand bien vous fasse, le coupé-je en tentant autant que faire se peut de reprendre ma route.
— Je n'ai pas fini.
Son ton ferme et tranchant me glace le sang. Comment arrive-t-il à passer d'une personne aimable et sociable à quelqu'un de terrifiant en une fraction de seconde ?
— Dans ce cas, venez en au fait. Je n'ai pas toute la nuit.
— Pourtant, il faudrait tellement de temps pour tout te raconter. À moins que tu préfères qu'on s'assoie autour d'un bon petit thé bien chaud ?
Son allusion à notre première entrevue me fait légèrement grimacer. Jamais je n'aurais dû commettre autant d'imprudence, mais sous le coup de mon amertume envers Azraël, j'ai agi bêtement.
Une erreur que je paye aujourd'hui et que je pourrais payer très cher dans les jours à venir.
— Qu'est-ce que tu en dis ?
— Je pense que ce serait une très mauvaise idée.
Ce sourire qui s'élargit plus amplement sur son visage n'a rien d'humain. Face à ce regard sournois qui me hérisse le poil, je ne courbe pas l'échine et tente de garder au maximum mon sang-froid.
Je dois absolument m'entretenir avec Azraël, car pour un soi-disant psychopathe, je le trouve bien trop connaisseur à mon sujet. Dans tous les cas, je ressens quelque chose qui ne me semble pas normal et comme dans quatre-vingt pour cent des cas, mon instinct ne me dupe que très rarement.
— Pourquoi donc ?
— Nous ne nous connaissons ni d'Adam ni d'Eve. Que ferais-je accompagnée d'un inconnu, attablée dans un bar, de plus dans un lieu que je fuis comme la peste ?
Son sourcillement me redonne une lueur d'espoir, je pense l'avoir un peu désarçonnée, mais je reste néanmoins sur mes gardes. Ce genre de personne peut être très fort lorsqu'il s'agit de jouer la comédie. L'étonnement feint, son sourire narquois reprend sa place sur ce visage que je distingue très nettement à présent. Sa silhouette longiligne ne dénote pas avec le reste, ses yeux sont d'un noir aussi profond qu'un puits, son teint blafard fait ressortir de grosses cernes sombre appuyant une sensation de fatigue ou dans le pire des cas, de maladie. Quoiqu'il en soit, ce type ne ressemble en rien à l'homme avec qui j'ai échangé ce dit jour.
Je n'y comprends rien !
— Nous avions pourtant commencé une belle conversation, réplique ce dernier en gardant la face, tout comme je garde la mienne, ce serait dommage de s'arrêter en si bon chemin.
— Je n'en ai que faire d'une discussion sans fond.
— " Sans fond " ? Elle m'avait semblé bien profonde pour ma part.
Je ne sais que dire, car il paraît avoir toujours réponse à tout. Le temps est long, il faut que je décampe au plus vite avant que cet échange ne tourne au drame. Seulement, je suis comme paralysée sur place, les pieds bien ancrés sur le sol.
Me lâchant enfin des yeux pour se baisser afin de récupérer sa dague, j'en profite pour passer à ses côtés et filer au plus vite. Néanmoins, avec une curiosité non dissimulée, je jette un dernier regard au coin de la rue que je regrette aussitôt.
Caîn est debout face à moi, un sourire ensanglanté au coin de ses lèvres, nettoyant le sang de sa lame contre son torse.
Mon calvaire est loin d'être fini.
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