Malgré mes nuits emplies à la quête de justice dans les rues de cette ville, il ne faut pas oublier que j'ai une vie à côté de tout cela. Et ça, c'est malheureusement ma vraie vie.

Aujourd'hui en est un très bon exemple, j'ai une nouvelle fois rendez-vous avec un conseiller concernant une demande de formation de ma part. J'espère qu'il ne va pas me rendre folle celui-ci, car des conseillers, j'en ai eu pas mal, et tous ont été soit incapables de manier l'ordinateur qui leur faisait face, soit ils s'entêtaient à me caser dans des jobs actuellement boudés. En même temps, être payé au lance-pierre ne donne pas envie de s'engager dans de tels jobs. Alors depuis mon licenciement abusif et le harcèlement moral que j'ai très mal vécu, la restauration, c'est fini pour moi.

À jamais !

Donc je croise les doigts pour que ce nouveau ne me fasse pas déchanter aussi vite que les précédents. Ces personnes ont souvent tendance à prendre les chômeurs pour des débiles mentales, et ça, je n'en peux plus.

Je suis loin d'être une idiote !

Je me prépare donc en deux temps trois mouvements étant une fille très simple. Je ne me maquille que très rarement et quand c'est le cas, ce n'est qu'une petite touche de crayon noir aux yeux ainsi qu'un peu de fond de teint de temps à autre.

Épuisée par ma nuit où j'ai dû de nouveau faire face à des individus tous plus dérangé les uns que les autres, je tente aujourd'hui de cacher les cernes qui ne me quittent plus depuis un certain temps. Pareil pour mes cheveux ternes et bouclés qui commencent sérieusement à hurler à l'aide. Ma peau quant à elle, à réellement besoin de voir la lumière naturelle du jour, car je commence à être aussi blanche qu'un cachet d'aspire, et je déteste cet aspect. J'ai déjà du mal avec mon corps pour qu'un teint aussi révulsant que le mien s'en mêle.

Les gens de cet acabit que j'essaie d'arrêter pendant qu'ils commettent une infraction ou bien une agression, sont des personnes que j'arrive plus ou moins à maîtriser grâce aux conseils d'Azraël généreusement donnés durant une initiation express. Bien que ma vie nocturne me plaît beaucoup, je n'en reste pas moins une fille et je sais que les choses pourraient très vite mal tourner pour moi. Mais j'ai toujours su faire face et réagir selon les situations dans lesquelles je me trouvais. Autant dire que j'ai appris pas mal de chose en très peu de temps. Trop peu de temps même.

Pour éviter un potentiel problème comme ce dernier, j'ai préféré dès le début me cacher derrière un masque. Un masque noir qui se lie à merveille avec les ténèbres de la nuit.

Cependant, je dois bien avouer que de m'occuper des cibles d'Azraël commence légèrement à m'ennuyer, car de mon côté, je n'ai toujours pas pu jouir de l'autre moitié de ce pacte.

Cette autre partie qui me donne la possibilité de reprendre mes droits face aux gens qui m'ont fait du tort du début de mes jours jusqu'à aujourd'hui. Chaque fois qu'Azraël me rend visite, j'ai l'espoir que cette fois-ci, ce sera pour moi. Or, j'attends, toujours et encore. Et après un an d'attente, cela devient long. Très long et décevant.

—Je t'entends chouiner depuis l'autre bout de ta rue, intervient l'ange, me faisant bondir sur place, laissant une trace de crayon noir du coin de mon œil jusqu'à ma tempe.

— Nom de Dieu, Az ! Je t'ai déjà dit de me prévenir de ta présence avant de me parler ! Tu tiens vraiment à ce que ta petite marionnette fasse une crise cardiaque ?

—Toi, tu es frustrée.

— Exactement ! Et pas qu'un peu !

—Bien, soupire-t-il, las, raconte-moi tout ?

— Laisse tomber. Je suis sur les nerfs et quand c'est comme ça...

— ... tu t'emportes assez vite. Je sais. Garde cette énergie pour plus tard, tu veux, tu vas en avoir besoin.

Ce qu'il m'agace quand il feint l'ignorance et la nonchalance.

— Va au diable !

Quittant la salle de bain, je claque la porte au passage en tentant tant bien que mal de contenir cette rage que je dissimule depuis bien trop longtemps maintenant.

—Le diable est un très bon ami. Et pour ta gouverne, je le vois assez souvent en ce moment.

— Ça me fait une belle jambe !

—Tu l'adules, ne dis pas le contraire, rétorque l'ange, le ton moqueur.

— Tu fais le malin hein ? Montre-toi un peu que je vois si tu vas tenir ces propos en face de moi.

Le mettre au défi, Azraël adore ça ! Il aime les personnes qui essayent de prouver qu'ils peuvent être sur le même pied d'égalité que lui et possiblement le surpasser.

—Tu sais que je ne peux pas, croasse subitement une voix sur le rebord de la fenêtre de mon salon.

— Ah oui ? Et qui se trouve face à moi ? La Vierge Marie ?

Au son de ce nom, le corbeau hérisse ses plumes, croasse et claque du bec comme si je lui présentais un crucifix sous son nez.

Face à cette réaction, je suis prise d'un fou rire incontrôlable, mais qui, au fond, me fait un bien fou.

Sacré Azraël ! Je suis quand même heureuse d'être quotidiennement en sa compagnie.