- Es-tu vraiment prête pour renaître ? m'interroge Azraël, de sa voix grave et doucereuse.

Renaître est un bien grand mot, mais je suis impatiente de découvrir ce qu'il m'attend et de devenir une nouvelle personne tout en restant moi-même.

- J'ai hâte, Az. Vraiment hâte.

- Alors qu'on en finisse !

L'ange de la Mort lève ses deux mains squelettiques au-dessus de nous, une sorte de brouillard s'en échappe virevoltant ensuite autour de nous deux pour ensuite tournoyer auprès de mon petit corps. J'ai la sensation de n'être qu'une brindille face à Azraël et à ce phénomène, toutefois, lorsque cette chose s'introduit brusquement en moi, par les oreilles, mes yeux et ma bouche ainsi que mes narines, je me sens d'un seul coup différente.

Mon être est secoué de spasmes, mes membres tremblent alors que je me sens envahie d'une extrême chaleur, et puis s'ensuit des frissons qui me parcourent la peau tout entière avant que celle-ci ne vire au rosé au rouge ardent. J'ai chaud. Tellement chaud que je n'arrive plus à respirer afin de pouvoir m'aérer un tant soit peu.

- Az... Est-ce... Normal ?

Une réponse rapide serait parfaite pour moi face au problème qui m'englobe, mais celui-ci ne semble pas aussi vif que je l'aurais voulu.

- Az !

Mes entrailles brûlent, ma peau n'est plus que chair et os, je n'ai plus aucune force pour alerter Azraël, qui est toujours là, devant moi, à me lorgner comme s'il ne se passait rien de grave.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il ne fait rien, pourquoi il ne m'aide pas alors qu'il voit que je ne vais pas bien. Que se passe-t-il dans sa tête pour qu'il ne réagisse pas ?

Il fait si chaud que j'ai l'impression de me liquéfier goutte après goutte alors que respirer devient un enfer. Pourtant, je ne perçois aucune souffrance physique.

- Aide-moi !

- Tu sembles pourtant ne faire qu'un avec ton nouveau don, s'étonne ce dernier d'un calme olympien, alors que je serais à deux doigts de le crucifier si je n'étais pas en si mauvaise posture.

- Tu... Te fous de... Moi ?

Alors que je tombe à genoux, l'ange penche son crâne sur le côté en ayant un petit hoquet de surprise. Mais alors que je tente de rassembler mes dernières forces pour le bouger de sa nonchalance, la chaleur s'amenuise en une fraction de seconde, ma peau est redevenue mienne et je n'ai aucune trace de sueur sur moi.

Tandis que je m'observe sous toutes les coutures, des phalanges aux genoux, je me redresse sans difficulté, comme si rien de tout cela ne s'était passé. Épuisée, mais pas trop, je rive mes yeux sur la Mort attendant des explications de sa part.

- Quoi ? me demande celui-ci d'un air goguenard.

- Bordel ! Tu n'as pas vu que je n'allais pas bien ? J'étais sur le point de suffoquer ! crié-je après lui. Imbécile !

- C'est moi que tu traite d'imbécile ?

Son ton ébahie, mais moqueur me met hors de moi, mais avant que je n'ai eu le temps de répliquer, il ajoute :

- Ta transformation s'est plutôt bien déroulée, pas vraie ? Alors pourquoi toutes ses simagrées ? Ou bien est-ce le fait que tu sois une petite nature ? Je te pensais plus robuste que cela, s'épate-t-il, mais peut-être me suis-je trompé, murmure-t-il dans sa barbe, assez fort pour que je puisse entendre.

- En brûlant vive ? C'est ça que tu appelles bien déroulé ?

- Gaïa, soupire Az, tu ne brûlais pas. C'est ce que tu ressentais et ce que tu voyais, mais tu ne l'as pas réellement vécu. C'est le pouvoir que tu as reçu qui s'est installé en toi, et toi, tu l'as perçu de cette façon. Finalement, tu t'en es bien sorti. N'est-ce pas ?

Ahuri, aucun mot ne réussit à sortir de ma bouche. Néanmoins, Azraël reprend d'un ton plus solennel :

- Je me dois de m'adresser de nouveau à toi, Gaïa : es-tu prête à renouveler tes vœux ?

- Mes vœux ?

- Ceux que tu as acceptés lors de notre rencontre. Es-tu de nouveau prête à devenir mes yeux, mes mains, prête à accomplir mes volontés contre les êtres maléfiques qui jonchent ce monde, d'éliminer tous les criminels qui le méritent ? En échange, je pourrais à mon tour être ta vengeance, ton guide, te rendre plus forte que tu ne l'es déjà...

- J'accepte ! le coupé-je.

- Bien ! Ainsi soit-il !

La fin de sa phrase sonne le glas lorsqu'il claque des mains comme pour sceller un nouvel accord.

Ne sachant pas comment user du don qu'il m'a fait, je me sens perdu. Toutefois, Azraël me donne un coup de main, brutal mais efficace, afin que je me réveille enfin de ma léthargie.

- Je t'entendrais geindre jusqu'à l'autre bout de la Terre. Tu n'es pas assez concentrée ! me reprend-il tel un père devant sa fille capricieuse.

Fermant les yeux, j'inspire et expire lentement quand une lumière vivifiante m'entoure soudainement. En ouvrant les paupières, je remarque que mon corps prend de plus en plus feu, mais je ne ressens là encore aucune douleur.

- Az ?

- Ceci semble être ton tout nouveau atout, ma chère. Rassure-toi, tu vas rapidement savoir comment t'en servir. Finalement, je suis ravi que tu aies reçu le don que je possède.

- Il est à toi ? Tu ne l'avais pas choisi ?

- Comme je te l'ai dit, je t'offrais un don qui m'étais inconnu. Tu aurais pu voler ou statufier des gens en glace, mais il en est ainsi. Te plaît-il ?

- Je te répondrais quand je saurais quoi en faire. Cela dit, je t'avoue avoir toujours eu une fascination pour le feu au fond de moi.

- Alors tant mieux ! Si toi et moi nous vouons un culte pour cet élément, cela ne me surprend guerre qu'il se soit réveilé en toi. Tu entreras encore plus vite en symbiose avec celui-ci et tu seras plus puissante.

- Comment savoir jusqu'où je peux m'en servir ?

- Avec le temps, tu le sauras.

Pouvoir contrôler le feu à sa guise est un des pouvoirs le plus puissant qu'il m'ait été donné. J'en suis heureuse et j'espère pouvoir l'utiliser jusqu'à son paroxysme afin de combattre celui qui est le sujet de tous les jours : Caîn.