Le sommeil de la raison engendre des monstres.
Goya.

On m'a toujours considéré comme une personne lambda, menant une vie plutôt banale.

Certes, ce fut le cas durant une longue période de ma vie. Aujourd'hui, celle-ci a pris un virage à cent quatre-vingts degrés. Néanmoins, j'aime entretenir ce flou dans mon existence aux yeux des gens qui me connaissent. Bien entendu, la réalité est tout autre.

Depuis plusieurs années, après avoir pas mal galéré et mené un train de vie me paraissant au quotidien injuste, j'ai décidé qu'il était temps pour moi de faire ce que je trouvais juste et qui en plus de cela m'amusait.

Entre subir du harcèlement dans un travail où je me donnais corps et âme, quémander du boulot à mon agence d'emploi qui me tournait le dos à chacune de mes demandes, où être à de multiples reprises agressée dans la rue, jusqu'à dernièrement, je pense avoir pas mal supporté. Alors il était temps que je sorte de ma léthargie.

Car au plus profond de moi, la faible Naya n'existe plus, bien au contraire il y a une Naya maléfique qui tentait jusque-là de se faire entendre.

Suite à ce fameux pacte, je n'échangerais ma nouvelle existence pour rien au monde, car j'y ai vraiment pris goût.

L'injustice est ce qui m'a fait le plus souffrir, j'en fais à présent ma force. Je me suis, à de nombreuses reprises, laissé faire, par peur de représailles ou encore parce que je n'avais pas la capacité de me défendre moi-même.

Mais depuis quelque temps, tout cela est révolue. Je peux vivre aussi librement que je le souhaite. Et ceci, grâce, ou à cause, d'un ultime accident.

Un soir, me baladant dans une vaste étendue d'herbe qui s'offrait à moi, je fixais l'horizon le regard vide, mais l'esprit en ébullition.

Un maelström de colère, de rage, de haine, de peine et d'envie de meurtre s'immisçait dans mon esprit.

Je n'ai jamais été de nature violente, certes, je suis un peu impulsive, mais je n'ai jamais porté la main sur qui que ce soit.

Cette soirée-là, je me suis une nouvelle fois fait agresser par trois individus. Trois hommes aux effluves nauséabonds auxquels j'ai réussi à échapper, fuyant à travers la plaine déserte.

À bout de souffle, je me suis arrêtée bien malgré moi, jetant un œil par-dessus mon épaule, affolée.

Appuyée contre un arbre, désabusée par ce qui venait une nouvelle fois de m'arriver, une silhouette a jailli de nulle part alors que je ne croyais plus en rien.

Surtout plus en Dieu, ni même en un potentiel ange gardien.

En pleurs, non pas envahit pas la tristesse, mais plutôt par le surplus d'adrénaline ainsi que de désillusions, une grande ombre s'est alors dressée face à moi.

Je l'ai scrutée un moment, ne sachant pas si cela relevait de mon imagination ou de la réalité. Puis, à la fois impressionnée et apeurée, la curiosité l'a emporté par-dessus toutes les autres émotions qui me passaient par la tête.

Alors celle-ci s'est adressée à moi, d'une voix morne et luciférienne, elle m'a proposé quelque chose qui me paraissait être ma seule chance. Ma seule porte de sortie dans ce monde cruel : ma revanche.

- Je sens cette âme pure et combative, avec un arrière-goût amer et sombre. Gaïa, femme de la Terre, es-tu prête à devenir mes yeux, mes mains, prête à accomplir mes volontés contre les êtres maléfiques qui jonchent ce monde, d'éliminer tous les criminels qui le méritent ? En échange, je pourrais à mon tour être ta vengeance, ton guide et ainsi te rendre plus forte.

Cela pouvait paraître glauque, mais au point où j'en étais, c'était pour moi la chance de ma vie qui tombait à point nommé !

Mais est-ce le bon choix ? Est-ce sensé d'accepter un tel accord ? Ne vais-je pas, au contraire, tout perdre, jusqu'à mon âme ou bien même mon humanité ?

Cependant, après avoir eu toute une existence avec un boulet enchaîné au pied, la roue semblait enfin tournée en ma faveur.

Perdre mon humanité donc ? Est-ce que les gens qui m'ont fait du mal auront plus d'humanité que moi ? Je ne le crois pas.

Après avoir pas mal tergiversé, au bout d'un long moment de questionnement et d'hésitation, je me rappelle avoir souri à cette ombre et le pacte a été scellé en un rien de temps. J'ai tout de même décidé de lui serrer cette main osseuse qu'elle tendait vers moi, car je n'avais plus rien à perdre. Suite à cet acte, je me suis senti revigorée par cet esprit qui, paradoxalement, n'était ni vivant, ni mort et ni bon, ni mauvais.

Ce pacte, c'est un contrat qui, aujourd'hui, me donne une raison de vivre et me donne le courage d'affronter les gens odieux qui jonchent mon entourage, mais aussi cette planète et qui osent non sans culpabilité s'en prendre à plus faible qu'eux.

Cette main, je l'ai attrapé il y a un an maintenant. À présent, je suis heureuse et j'ai l'esprit serein. Ce que je fais n'est ni légal et ni juste, mais où se trouve la justice lorsque l'on a besoin d'elle ?

Je ne me suis jamais considérée comme une personne sauvant les faibles de l'injustice, mais puisque j'ai le pouvoir de le faire, j'agis. Malgré tout, ma plus grande motivation reste la quête de la paix en n'oubliant pas cette part de moi qui crie vengeance.

En quelques secondes, ma vie a changé du tout au tout et ceci grâce à l'aide de mon seul ange gardien.

Son nom, c'est Azraël.