Chapitre 43 | Ayla
J'ai passé ces derniers jours à profiter du grand soleil, des balades romantiques sous le clair de lune et à participer aux différents ateliers de lecture en compagnie d'Ethan. Nous nous sommes rapprochés et je suis maintenant certaine que le bonheur m'attends auprès de celui-ci. Les paroles veineuses de Cyrus ne me touchent plus, il représente un fantasme futile auquel je ne dois pas accorder d'importance.
Ethan écarte une mèche de mes cheveux derrière mon oreille puis m'embrasse délicatement. Je ne repousse plus le moindre contact, nous nous embrassons régulièrement et ma main rencontre facilement la sienne. Nous formons une belle harmonie qui ne fera que s'améliorer au fil des années. Je n'ai plus la crainte de fonder une famille avec lui, ce n'est pas quelqu'un de mauvais.
― Est-ce que tu es certaine de ne pas vouloir nager avec les dauphins perlés ? C'est un spectacle vraiment magnifique qui vaut le détour. Je m'en voudrais de te priver de ce merveilleux moment.
― Certaine. Je ne suis pas suffisamment en forme pour me lancer dans une telle expédition aussi enchanteresse soit-elle, mais ne te prive pas de cette activité. Je vais moi aussi profiter d'un bon moment.
Nous avons convenu de passer une après-midi chacun de notre côté afin d'accorder suffisamment d'espace à l'autre en cas de besoin. En réalité, c'est une excuse pour rendre visite à Avon et poursuivre son éducation. Il n'est pas encore capable de se mêler aux sorciers sans éveiller les soupçons. Je culpabilise de mentir à Ethan, mais je n'ai pas le choix. La présence du dernier Guideur encore en vie est un secret. Nous devons maintenir les apparences que je le veuille ou non.
Je ne suis pas retournée auprès de Cyrus une seule fois depuis notre dernière conversation, ce qui est préférable pour nous deux. Je communique uniquement avec Dawn et Ever afin de me maintenir éloignée de cet homme au regard envoûtant. Elles m'ont informé que Cyrus reprenait le travail et qu'il ne serait pas présent pour surveiller Avon. Une occasion idéale pour poursuivre son adaptation à la vie ordinaire.
― D'accord, je n'insiste plus ! Mais ce soir, tu as le droit à un magnifique repas digne d'un grand restaurant alors prépare ta plus jolie tenue pour passer une nuit extraordinaire en ma compagnie.
― Je n'attends que ça.
Nous nous embrassons sous les regards amusés des vieux couples. Je n'ai pas l'habitude d'exposer mes sentiments devant tout le monde, c'est une nouveauté à laquelle je dois m'adapter. Les journaux du royaume parlent certainement de nos vacances actuelles, nous ne sommes pas à l'abri des regards indiscrets. Certains vacanciers sont certainement des journalistes et les connaissant ils ne passeront pas à côté d'un scoop comme celui-ci.
Ethan est contraint de me laisser afin de ne pas arriver en retard à sa propre activité. Je lui ai raconté que je me rendais à la bibliothèque pour une écoute littéraire, ce qui est totalement faux. J'attends que celui-ci disparaisse de mon champ de vision pour me mettre en route vers ma véritable mission du jour.
Je veille à ne pas me faire remarquer par les vacanciers en empruntant un chemin plus discret menant à la maison de Cyrus. Le sentier est agréable et possède un nombre incalculable de fleurs tropicales auxquelles je n'ai jamais accordé la moindre importance depuis mon arrivée. Mon esprit ne peut s'empêcher de contempler ce que je ne verrais plus dans moins de quarante-huit heures. Ces deux dernières semaines se sont écoulées à grande vitesse, je ne pensais pas que rentrer à la maison serait aussi douloureux.
Je m'agenouille devant une petite forte faisant la taille d'un pouce en souriant. Cette espèce n'existe pas à Slonia, ce qui est bien dommage. Je ne m'attarde pas sur le sentier par crainte d'être suivie. Il me faut quelques minutes supplémentaires pour faire face à la maisonnette de Cyrus. Elle m'est devenue familière en si peu de temps. Ce sentiment de bien-être m'avait quitté depuis la mort de ma sœur. Arriverais-je à le retrouver dans ma nouvelle maison ?
La gorge nouée, je pousse la porte de la maison en veillant à signaler ma présence. La cuisine est dans un état désastreux. Des bocaux contenant différentes plantes traînent sur le plan de travail, une grande marmite à l'odeur nauséabonde ainsi que des fioles avec un liquide ambré à l'intérieur. Mais qu'est-ce qui se passe ?
― Ayla ?
Mon cœur se met à bondir de plus en plus fort dans ma poitrine en réalisant à qui appartient cette voix. Dawn avait pourtant affirmé que Cyrus ne serait pas présent aujourd'hui, mais c'était de toute évidence un mensonge. Le brun ne porte qu'une serviette autour de la taille, ce qui m'embarrasse.
― Qu'est-ce que tu fais ici ? demandé-je.
― Il me semble que c'est à moi de te poser cette question.
― Je me suis proposée pour donner un nouveau cours à Avon. On m'avait dit que tu ne serais pas présent aujourd'hui et maintenant je me retrouve comme une imbécile dans ta cuisine à justifier mon intrusion.
Il se contente de hocher la tête avant de passer à côté de moi pour vérifier le contenu de sa marmite.
― Avon est dans le salon, il refuse d'abandonner une seconde fois les tableaux.
― Ever est allée les récupérer ?
― Oui, elle est parvenue à les enchanter avec la magie pour les ramener en parfait état. Je ne sais pas si tu arriveras à lui donner une leçon de bonne conduite aujourd'hui. Il n'a même pas touché au repas apporté par Dawn, ce midi.
Je m'avance prudemment en contemplant l'adolescent. Il est agenouillé devant le portrait de mon ancêtre murmurant des mots dans cette langue inconnue. J'ai tenté de trouver le nom de cette langue en vain. Elle appartient certainement au peuple des Guideurs, mais je doute qu'il soit en mesure de m'expliquer son origine.
― Je me demandais quand tu reviendrais.
Avon détourne son intérêt du tableau pour me regarder. Je tente de masquer mon trouble par ses grandes pupilles turquoise. Il possède un regard à la fois innocent et adulte, ce qui le rend encore plus spécial.
― Est-ce que tu te sens d'attaque pour une petite leçon ?
― Aujourd'hui il n'est pas question de moi.
La façon dont il parle est différente, ce qui ne me surprend pas. Avon est un jeune homme complexe et difficile à comprendre. Je ne suis pas encore capable de cerner sa véritable personnalité et je crains qu'il n'en soit pas capable non plus.
― Vraiment ?
― Il te reste peu de temps pour comprendre la vérité.
Avon pointe du doigt le tableau représentant Astra.
― Elle attend.
― Je ne suis pas certaine de comprendre ce que tu veux dire, Avon.
― Ils attendent tous que tu comprennes la réalité des choses.
Je soupire.
― Quelle réalité ? Astra Eastwood est morte auprès de son époux après une lutte acharnée contre la maladie.
― Et les autres ?
Il désigne chaque portrait avec grand soin puis s'attarde sur le dernier. Esadora Eastwood, la jeune femme qu'il considère comme une amie. Il l'a vu grandir au fil des années à travers des visions et semble avoir beaucoup de mal à accepter sa disparition. Je ne comprends pas ce qu'il essaie de me dire. Toutes ces personnes sont mortes de façon ordinaire à ma connaissance. Il m'est impossible de connaître chaque membre de ma famille en dehors de la première Eastwood.
― Elle s'est noyée pour échapper à son mariage avec un homme qu'elle n'aimait pas.
― Ils prétendent que ce sont des morts ordinaires, mais c'est faux.
Il indique un autre portrait, celui du petit garçon.
― Il a été empoisonné.
― Je suis désolée de te contredire, mais c'est impossible.
Avon continue de me lister chacune des morts de ces différentes personnes en ne se préoccupant pas de mes protestations. Pourquoi est-il convaincu que ces membres de ma famille sont morts de façon violente ? Nous ne sommes pas des sauvages et aucun assassinat n'a eu lieu ! Je croyais sincèrement que ce jeune homme avait encore un esprit clair malgré les années de solitude, mais je me trompais. Il confond les rêves et la réalité, ce qui est impossible à guérir. Avon est un jeune homme dont la solitude a brisé son équilibre mental, les visions n'ont malheureusement pas arrangé les choses.
― C'est difficile à croire, mais je suis en mesure de prouver ce qu'il vient de te raconter.
― Comment peux-tu croire à des choses aussi absurdes, Cyrus ?
Il soupire.
― Durant l'une de mes visions, j'ai eu l'occasion d'assister à la décomposition du corps de ce petit garçon. Ses parents l'ont cherché pendant des jours avant de le trouver, mais il était bien trop tard.
― Non, non ! Je ne te crois pas !
Je passe une main sur mon visage en réfléchissant à toute vitesse. La mort d'un enfant n'est pas une chose anodine. Mes professeurs particuliers l'auraient forcément évoqué si cette mort n'était pas naturelle et causée par un poison. Suis-je en train de remettre en doute mon enseignement ?
― Il faut que j'aille prendre l'air, j'ai l'impression d'étouffer.
La porte claque dans mon dos tandis que je cours de plus en plus vite. Hors de question de laisser les doutes prendre le dessus et changer ma vision des Eastwood. Que suis-je supposée croire ? Avon possède un grand pouvoir, mais puis-je vraiment lui faire confiance ? La perspective que des meurtres ont eu lieu dans ma propre famille me donne envie de vomir. C'est impossible. Je ne peux pas croire que les Eastwood cacheraient ces choses surtout à moi, la représentante. Mon oncle en aurait forcément entendu parler si c'était vrai. Il m'a transmis toutes les connaissances dont j'aurais besoin et jamais il n'aurait gardé une information pour lui.
Les larmes brouillent ma vue, je suis contrainte de m'arrêter et de m'adosser contre un mur pour reprendre mon souffle. La fille aux cheveux rouges me dévisage en secouant la main dans ma direction. Les apparences sont contre moi, je ne peux pas me le permettre. Je retourne rapidement dans mon propre logement pour essuyer toute trace de larmes. Ayla a le droit de pleurer, mais pas Aylana Eastwood.
06.01.2024
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