Chapitre 72
Je me réveillai tôt ce matin, sentant un souffle froid se glisser dans mon cou. Quand j'ouvris les yeux, ce fut pour tomber nez à nez avec le visage tout endormi de Jeff, sa joue reposant paisiblement sur mon épaule.
Au départ totalement désorientée, les éléments de la veille me revinrent peu à peu en mémoire et c'est avec un tendre sourire que je le regardai, lui qui d'habitude était toujours aux aguets, perdu dans ses rêves en ce moment même.
Aujourd'hui, nous avions répétition de la pièce de théâtre. Mais je devais d'abord passer à la chambre prendre des affaires et rendre des comptes à Kelly et Sky... Bon sang, j'avais l'impression que notre dernière discussion entre colocataires remontait à une décennie !
Il fallait que j'aille les voir, les pauvres, elles qui m'avaient toujours écoutées et toujours conseillées, je les mettais au second plan, trop occupée comme l'idiote que j'étais par mes problèmes personnels.
Même si je n'étais pas sûre de leur fiabilité, je n'étais pas non plus sûre de leur trahison et je ne pouvais donc pas les exclure ainsi de ma vie alors qu'il y avait au moins 50% de chances qu'elles soient toutes deux vraiment mes amies ! Aussi, je commençai à me tortiller entre les bras de Jeff afin de discrètement m'en échapper.
Évidemment, avec ma discrétion légendaire, je me pris les pieds dans la couverture, tirai, ce qui le fit se retourner d'un coup pour se retrouver sur le dos, l'obligeant à se réveiller brusquement. Il se redressa brutalement, les traits tirés par l'inquiétude et à la recherche du moindre mouvement suspect.
Ce ne fut que lorsqu'il m'aperçue, en train d'essayer de démêler mes pieds du nœud de draps géant qu'il se détendit. Il se détendit tellement qu'il ne put s'empêcher d'éclater de rire.
Putain mais quel talent j'avais ! Je devais vraiment penser à faire des recherches pour pratiquer une carrière d'humoriste ! Quoi qu'il en soit, j'étais toujours en train de me tortiller dans tous les sens et ce ne fut que lorsque je perdis l'équilibre pour tomber les fesses sur le sol que la couverture dénia enfin me relâcher.
Jeff était encore plus hilare tandis que je me relevai, honteuse et boudeuse face à cette situation particulièrement gênante... Heureusement pour moi, une fois debout, je ne me pris pas encore les pieds dans quelque chose et je m'avançai fièrement vers la salle de bain.
Je m'y lavai le visage et les dents puis ressortie, prête à retourner dans ma chambre, retrouver mes amies et des vêtements propres. Jeff était assis sur son lit, encore en train de se frotter les yeux. Je ne m'attardai pas en paroles inutiles : il savait très bien ce que j'allais faire. Aussi, je me contentai de l'embrasser rapidement avant de m'en aller.
– Alors c'est comme ça que tu dis au revoir au type avec lequel tu as passé la nuit ? Demanda-t-il quand ma main tournait la poignée ;
– Je ne te dis pas au revoir beau gosse, je te retrouve dans à peine vingt minutes... 10 si on mange ensemble au réfectoire ! Tu ne peux tellement plus te passer de moi que vingt minutes sonnent comme une longue période pour toi ?
Jeff, face à mes propos moqueurs se leva et marcha tranquillement jusqu'à moi.
C'en était presque drôle : sa simple démarche, élancée et assurée dénonçait sa confiance en lui, il était beau, avait du charme et on pouvait sentir à des kilomètres qu'il en était conscient.
Mais quel playboy ! Pourquoi diable me plaisait-il autant ? Non, rectification : pourquoi diable cette assurance, qui m'avait toujours répugnée chez les autres de son espèce m'attirait ici ?
Quoi qu'il en soit, il fut bientôt tout près de moi et je dus monter la tête pour le regarder dans les yeux. Son souffle doucement glissa sur ma peau et caressa tendrement mes lèvres, rappelant la magie d'une soirée révolue. Il plaça ses deux bras autour de mon visage et se pencha, pour que sa bouche n'ait plus que quelques centimètres de séparation avec la mienne.
J'aspirai brusquement l'air tout en fixant intensément sa lèvre inférieure qui s'avançait encore un peu. Enfin, ni tenant plus, je réduis la distance qui nous séparait et soupirai de soulagement lorsque le contact fut établi.
Il empoigna ma nuque et me pressa contre lui tandis que je faisais de même avec ses hanches. Notre union était parfaite, électrique et sensuelle, poétique et langoureuse. Nos langues se joignirent dans une sorte de petite danse et je m'aperçue étonnée qu'il avait un goût de menthe.
Nous étions le matin et il n'avait pas eu le temps de passer par la salle de bain pour se brosser les dents, non ? Enfin, tant mieux, parce que dans le cas contraire j'aurai dû embrasser un garçon à la mauvaise haleine...
Non mais putain ! Qu'est-ce qui clochait chez moi ? J'embrassai ce magnifique latino et tout ce à quoi je pensais c'était à son haleine ? Wow, moi qui traitai les gens d'ici de fous, il allait bientôt falloir que je me remette en question.
Jeff dut sentir que j'avais les pensées ailleurs car il desserra légèrement son étreinte histoire de pouvoir me dévisager :
– Qu'est-ce qu'il y a ? souffla-t-il toujours avec ce sempiternel sourire en coin ;
– Rien ! Répondis-je instantanément, je n'avais pas très envie qu'il devine ce qui alimentait mes pensées quelques minutes plus tôt...
– Si, bien sûr qu'il y a quelque chose, t'étais complètement ailleurs, et quand j'embrasse une fille, je peux t'assurer qu'elle n'est jamais ailleurs. Alors je répète ma question : qu'est-ce qu'il y a ?
– « Quand j'embrasse une fille elle n'est jamais ailleurs », le repris-je en exagérant son ton, non mais tu t'es entendu ? C'est quoi cette phrase de blaireaux ?
Sans me laisser le temps de me moquer de lui plus que cela, il plongea de nouveau sur ma bouche et me mordilla la lèvre inférieure tout en se pressant contre moi.
Automatiquement, mon corps réagit et alors que je voulais le repousser, mes mains l'attrapèrent par le cou pour l'amener au plus près de moi possible. Bon sang mais ce mec devait avoir un pouvoir magique, ce n'était pas normal d'être aussi... craquant...
Cependant, au bout de trente secondes, il s'éloigna et m'immobilisa tout en me scrutant d'un regard narquois :
– Tu vois, les filles ne sont jamais ailleurs quand je les embrasse.
Putain de Bordel de Merde.
– T'es vraiment un salau* quand tu t'y mets toi tu sais ?
– Parfaitement, répliqua-t-il tout fier, mais c'est ce qui te plaît chez moi, ose dire le contraire !
Je ne relevai pas son défi et finis par directement demander ce qui m'avait intriguée tout-à-l'heure. Oui, j'avais envie de le mettre mal à l'aise, oui c'était pour me venger, oui c'était sûrement mesquin mais oui, je m'en foutais royalement :
– Tu as pris un bonbon à la menthe quand j'étais dans la salle de bain ?
J'attendis alors la rougeur sur ses joues ou les bégaiements sur sa langue. Mais, à mon grand désarroi, il resta stoïque malgré mon attaque.
Son visage se fendit d'un sourire puis :
– Tout les moyens sont bons pour t'avoir Jolie Avri, me murmura-t-il à l'oreille.
Je frissonnai.
– Jeff Flores ?
– Si ?
– Tu as un don.
– Lequel ? M'interrogea-t-il de plus en plus amusé ;
– Ça, je ne te le dirais pas, ou ton égo surdimensionnée te ferait exploser.
Et avant qu'il rétorque et que je sois obligée de m'attarder jusqu'à avoir le dernier mot, j'ouvris la porte et partis rapidement – enfin, aussi rapidement que je le pouvais avec une jambe bousillée. Heureusement que j'avais pensé à prendre mes médocs dans la salle de bain !
* * *
Quand j'arrivai dans la 73, j'eus l'impression que j'ouvrais la porte sur un champ de ruine... ou plutôt un champ de bataille : Kelly s'était cachée derrière la chaise du bureau, trois paires de chaussettes roulées en boule dans la main et Sky, tout en haut, dans le lit de Kelly balançait des pulls vers la détentrice du fameux lit.
– How can you say that ? C'est du n'importe quoi ! Hurla blondy tout en jetant violemment un joli gilet en coton noir ;
– I say what I want ! And you don't have to judge me ! I don't judge you when you speak like a slu...
– Mais c'est quoi ce bordel ? M'écriai-je énervée, pourquoi on ne peut plus voir le sol de la chambre, pourquoi n'y a-t-il plus de matelas sur mon lit et pourquoi est-ce que vous criez comme des marchandes de poissons ? Éclatai-je.
Mes deux amies, s'apercevant enfin que j'étais là, se tournèrent d'un même mouvement vers moi, me scrutant avec des petits yeux de chat Potté. Oui, chat Potté de Schreck, exactement.
– Mais qu'est-ce qu'il vous arrive les filles ? Demandai-je plus doucement, voyant que ma première réaction les avait plus choquées que calmées.
Elles se lancèrent un regard noir puis me répondirent en cœur :
– Rien du tout ! Avec des airs innocents qui donnaient envie de sortir un briquet et d'allumer les tas de fringues qui recouvraient le sol de cette pièce puisque je savais pertinemment qu'elles me mentaient.
– Oui c'est ça, et moi je suis la Statue de la Liberté c'est ça ?
– Oh désolée Avri, on ne voulait pas te vexer ! On a juste eu un petit... différend... s'excusa Kelly, en lançant tout de même un regard meurtrier à Sky à la fin de sa phrase.
– Un PETIT différend ? Mais t'as les manches du pull de Sky dans les mains ! Tu veux vraiment me faire gober que vous vous êtes entretuées pour un PETIT différend ?
Les deux filles baissèrent les yeux pour fixer le sol, comme des enfants qui auraient fait une bêtise et se seraient fait prendre la main dans le sac.
– Si je comprends bien, vous n'allez pas parler, n'est-ce pas ?
Toujours les yeux rivés à la moquette, ou plutôt aux habits qui étalés sur la moquette, elles secouèrent la tête d'un même mouvement de nouveau.
– Très bien, alors tout ce que je vous demande c'est de vous calmer et de faire la paix parce q...
Avant que je puisse terminer ma phrase je fus coupée par des grognements mécontents qui me dérangèrent vraiment parce que, merde quoi, Kelly et Sky étaient de grandes amies et quoi qu'est put être ce « petit différend » ç'aurait été idiot de briser leur relation rien que pour ça !
– Au lieu de grogner exprimez-vous ! Repris-je, ne me départissant pas de mon âme de médiatrice ;
– Nan ça ira, répondit froidement Sky ce qui me fit très bizarre : Sky n'était JAMAIS froide.
– Alors aidez-moi plutôt à ranger tout ce bazar ! J'ai envie d'aller au toilettes, j'ai mal à la jambe et j'ai faim et j'aimerai bien pouvoir régler tous mes problèmes dans une chambre propre.
En plus, j'ai pleins de choses à vous raconter et j'ai pleins de choses à vous demander aussi. Le filles, ça fait au moins trois semaines qu'on n'a pas eu de 73's meeting ! Vous me manquez trop !
– C'est pas comme si c'était de notre faute... grommela Kelly toujours perchée derrière sa chaise ;
– Je sais, je sais, c'est moi... J'ai été une sale idiote égoïste ces temps ci et j'en suis désolée ! Mais j'aimerai vraiment qu'on rattrape tout ça et qu'on parle le plus possible avant cette putain de répétition du spectacle !
Et pour lancer le truc, je me baissai et commençai à ramasser tout ce que je trouvais pour les plier et les ranger. Après de trois minutes de solitudes, j'obtiens enfin la réaction que j'attendais. Chacune à son tour, mes colocataires se levèrent puis ensemble, on se mit à ranger tout le désordre.
Au départ, l'atmosphère était tendue, mais après deux ou trois remarques sur notre situation – toutes les trois penchées les fesses en l'air sur des vêtements en lambeaux – la tension se dissipa pour laisser place à la légèreté et la bonne humeur.
J'appris ainsi que Kelly avait battu tout le monde en sport et qu'elle avait pu changer de niveau et que Sky avait essayé de sortir de l'internat lundi dernier avec Adam pendant les cours pour rejoindre la ville mais qu'ils s'étaient fait pincer au bout de seulement trois pas.
Je leur expliquai alors la soirée avec Jeff, omettant d'évoquer comment nous nous étions trouvés et pourquoi j'avais tellement besoin de parler à Ellie, seule personne objective que je connaissais dans cette histoire. Elles tirent jusqu'aux larmes quand je leur racontais comment je m'étais pris les pieds dans la couette ce matin.
Le rangement dura une bonne demie heure si bien que nous étions complètement en retard quand ce fut terminé. On descendit les escaliers rapidement – j'avais heureusement pensé à prendre mes médocs contre la douleur pour ma jambe – et on alla directement à nos cours, sans prendre la peine de nous avancer vers le réfectoire puisqu'il devait être fermé. Je rejoignis le plus vite possible l'auditorium et arrivai au moment où Mme Chalenais frappait dans ses mains pour réclamer le silence.
Sans attendre, je m'avançai vers les chaises et pris place à côté de Jeff qui me faisait un signe de la main pour que je vienne. Je m'assis discrètement alors que la professeur commençait à parler et lançai un sourire à Jeff qui me fixait avec agacement :
– Quoi ? Chuchotai-je ;
– Tu m'avais dit qu'on mangerait ensemble... Répondit-il avec un air boudeur ;
– Désolée ! J'ai dû régler une affaire urgente ! Je te promets que ce n'était pas intentionnel ! M'excusai-je en lui pressant les doigts entre ma main.
– Bon d'accord, mais ne me refais pas ce coup là, déclara-t-il en passant le bras autour de mes épaules pour me serrer contre lui ;
– Je fais ce que je veux je te signale.
– On verra ça...
– On ne verra rien du t...
– Avril, avez-vous un mot à passer à la classe ? Me demanda soudain l'enseignante.
Je me raidis automatiquement et bégayai un faible « non » en guise de réponse.
– Très bien, alors s'il vous plaît pourriez-vous vous concentrer sur mon cours au lieu de parler à votre camarade ?
– D'accord...
Et le cours reprit aussitôt.
– Je disais donc que tout les rôles ont été attribué définitivement et que je vais vous appeler un par un pour vous les révéler. Quand vous entendrez votre nom, je vous demanderai de vous lever et de venir me rejoindre à mon bureau pour prendre votre script. On passera les deux heures à s'entraîner et je veux que vous appreniez votre texte par cœur pour dans deux semaines. Ai-je été claire ou avez-vous des questions ?
Ce fut un silence de plomb qui lui répondit.
– Bien, alors commençons par les rôles principaux : le rôle d'Antigone est attribué à Avril Taylor.
Je me levai et m'avançai entre les rangées de chaises pour atteindre le bras tendu de Mme Chalenais et lui prendre le tas de feuilles photocopié et agrafé. Je la remerciai puis fis demi tour.
– Le rôle de Créon sera attribué à Jeff Flores.
Cette fois, ce fut Jeff qui alla au bureau pour prendre les papiers qui lui étaient destinés.
Il revint avec un mine énervée que je ne compris pas :
– Tu as un des deux rôles principaux, pourquoi tu n'es pas content ? Lui demandai-je ;
– Je voulais faire Hémon. Répliqua-t-il en grognant.
– Pourq...
Je réalisai avant de finir de formuler mon mot la raison.
– Ça me fait chier qu'il y ait un mec qui joue ton petit-ami.
Pourquoi le simple fait qu'il me dise ça fit battre mon cœur plus rapidement ? Je souris et lui fis un petit bisou sur la joue tout en murmurant :
– Ne t'inquiète pas, je ne risque pas de t'oublier, grincheux comme tu es...
Il serra son bras autour de mes épaules :
– T'as intérêt.
Mon sourire s'élargit alors que je reportai mon attention sur la prof qui appelait la fille jouant le rôle d'Ismène. C'est là que mes pensées se tournèrent vers le sens de la phrase que Jeff avait dite : un garçon allait jouer mon fiancé, nous allions devoir être proche...
Oh merde, même si ce n'était que du spectacle c'était gênant ! Pitié que ce soit un garçon gentil... Je ne me souvenais plus vraiment de tous les dialogues mais je savais quand même que ces deux personnages étaient très proches et que j'allais avoir du mal à mener à bien mon interprétation, surtout si le garçon en question me mettait mal à l'aise...
– Le rôle de Hémon est attribué à...
C'était l'heure de vérité, pitié que ce soit un mec sympa, pitié que ce soit un mec sympa, pitié que ce soit un mec sympa...
– Dean Brewer.
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Heyyyy !
Ça fait tellement longtemps ! Vous m'avez manqué ! ^^
Je suis désolée pour ces... 2 semaines et demie d'absence ! J'ai eu beaucoup de travail et peu de temps ce qui fait que le chapitre a été très long à écrire !
Mais pour me faire pardonner je vous en ai posté un plus grand que d'habitude ! ;)
J'espère qu'il vous a plu ! En tout cas bon courage pour cette période rude en contrôles et devoirs et merci de continuer à me lire même si je vous fait de sales suspenses !
Baci, Ellecey
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