Chapitre 20
Une semaine. Sept jours. 168 heures étaient passées depuis que j'avais vu la doctoresse - alias l'agent qui n'avait pas levé le petit doigt pour m'aider l'année dernière quand j'en avais eu le plus besoin. Et j'en étais toujours à me demander qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire.
D'un côté, j'avais envie de les aider, parce que bon sang, je ne pouvais pas laisser Schooltime faire ses petites magouilles sachant pertinemment ce qui se passait. Mais en même temps... Comment ?
Je ne pouvais décemment pas devenir une EMM, elle avait beau dire cette agent infiltrée à la noix, passer d'ETRD à EMM c'était carrément prendre les gens pour des cons, et même s'ils étaient tous fous ici, ils n'étaient pas idiots pour autant : la preuve, ils avaient réussi à créer cette école et à empêcher la CIA de la détruire, ce n'était pas rien.
Et puis j'avais envie d'en parler à mes amis. Maintenant que Sky, Kelly et Ellie étaient au courant, je ressentais le devoir de leur dire la vérité. Je n'avais plus vraiment d'excuse pour ne pas tout leur raconter mais en même temps...
Ellie était déjà dans la merde, je ne pouvais pas me permettre d'en rajouter et bien que Kelly ait prouvé sa loyauté, elle restait la fille de ses parents et ses parents - contrairement au père de Sky - lui parlaient souvent et l'avaient plus ou moins engagée pour me tuer.
Il ne me restait donc plus que Sky. Plus les jours passaient, plus j'étais prête à la mettre dans la confidence. Parce que, soyons honnêtes, cette fois, je ne pourrais pas m'en sortir toute seule : je n'avais plus ma tante pour protéger mes arrières, Diego était déjà assez occupé comme ça avec Ellie et Jeff n'en avait plus grand chose à faire de moi.
Aussi, ce matin en allant à la cafétéria, je me résolus à lui parler. Il était temps qu'on m'aide. J'en avais marre de toujours agir seule et de toujours échouer : j'avais procédé de cette façon toute l'année dernière et ça avait fini avec l'explosion du CDI et mon retour en France, abandonnant tous mes amis en danger. Je ne pouvais pas me permettre de refaire la même erreur.
- T'es sûre que ça va ? Répéta Kelly, me tirant de mes pensées ;
- Puisque je te dis que oui ! Arrêtes avec ça ! Ça fait une semaine que tu me fais comprendre que j'ai une sale tête !
À croire qu'elle avait un sixième sens surdéveloppé.
- Bah écoutes, c'est le cas, depuis que t'es revenue avec Jeff, t'es toute pâle et t'arrives pas à répondre par autre chose que des monosyllabes. Excuses moi de m'inquiéter pour mon amie. Quand est-ce que tu vas enfin te décider à me dire ce qui s'est passé ?
D'habitude, Kelly n'était pas du genre tenace et n'osait jamais réclamer de réponses même si nous ressemblions à des zombies déshydratés. Mais elle faisait un fixette sur dimanche dernier et je savais pourquoi : elle était persuadée que Jeff m'avait fait du mal. J'avais beau lui répéter que non, elle ne me croyait pas.
- Je te l'ai déjà dit ! Jeff était relou, il a fait un crise de jalousie parce que je suis proche de Diego et moi je lui ai mis un coup de poing. Fin de l'histoire.
Jeff qui d'ailleurs ne m'avait pas reparlé depuis ce jour-là, après la crise que Chloé avait piqué en nous voyant réapparaître décoiffés et essoufflés - c'est vrai que ça pouvait porter à confusion...
- C'est bizarre, j'arrive pas à te croire, grommela Kelly en poussant la porte du réfectoire ;
- Ouais c'est vraiment bizarre puisque c'est la vérité, répliquai-je en la dépassant, soulagée de trouver notre table remplie : j'allais pouvoir fuir cette conversation pour la millième fois.
- Hello tout le monde ! M'exclamai-je après m'être glissée sur le siège entre Sky et Ellie ;
- Hey !
Je posai mon sac puis allai me chercher un plateau. Kelly en profita pour me suivre mais à mon grand soulagement, Diego aussi. Depuis la semaine dernière, nous nous étions encore rapprochés et j'étais partagée : d'un côté, ça me faisait plaisir de passer du temps avec lui parce qu'il était génial, d'un autre... il y avait Ellie... Et même si nous n'avions pas eu de conversation à ce sujet, je sentais qu'un froid s'était installé entre nous.
Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé ! Dès que nous étions rentrés du centre commercial, j'étais allée la trouver pour lui raconter. Je lui avais dit que je ne voulais surtout pas qu'il y ait de problème entre nous et que si ça la dérangeait, j'arrêterais tout avant même que ça commence. Elle s'était tournée vers moi avec un sourire rassurant et m'avait répondu : « t'inquiète, depuis qu'on s'entraîne je n'arrive plus à le voir autrement que comme un coach insupportable ».
Et après, elle avait commencé à m'éviter. Le truc c'est que ça ne lui ressemblait pas : ça nous était déjà arrivé de craquer sur le même mec, une fois, au collège, on était tombé amoureuse de Julien - alias le beau gosse dont toutes les filles de la classe rêvaient.
Après s'être crié dessus pendant une énorme dispute, on avait convenu que de toute façon, s'il se passait quelque chose, c'était le garçon qui ferait le choix et que nous ne pourrions rien y faire et donc que ça ne servirait à rien de se crêper le chignon. En mai, il avait choisi Ellie et j'avais été sincèrement contente pour elle.
C'était comme ça avec Ellie : on se disait tout. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi ça avait changé.
- Bon alors aujourd'hui c'est tartines au Nutella ou œufs brouillés ? Demanda Diego en me tendant un plateau.
Essayant de ne pas trop penser au problème Ellie, je répondis d'un ton enjoué :
- Œufs brouillés !
- Oui capitaine !
Diego attrapa une assiette alors que je prenais mon verre et alla me chercher des œufs brouillés pendant que je me servais du jus de pommes. Quand on retourna s'asseoir, Jeff et Chloé venaient de s'installer.
- Bah alors Avril, ça fait combien de temps que t'as pas dormi ? Me lança Chloé,
- Je sais que je suis plus belle que toi Chloé, mais ça sert à rien d'être aussi jalouse, ça va te gâcher la vie tu sais... répondis-je avec un grand sourire.
J'avais décidé que je devais passer à autre chose et maintenant, je me contentai de copier Jeff et de l'ignorer. Diego était là pour moi lui, et il savait ce qu'il voulait. Le truc, c'est que je me rendais compte que c'était plus facile dire qu'à faire : bien que je lui en veuille beaucoup et que le Jeff actuel ne m'intéresse pas, je ne pouvais empêcher les souvenirs d'affluer de temps à autres.
Et dans ces moments-là, je pensais à la soirée que j'avais passée dans sa chambre, je pensais à tous ces moments où nous nous étions taquinés et où nous avions eu des fous rire, je pensais à sa déclaration... Ça me manquait...
- Quelques fois, je me demande pourquoi on te laisse t'asseoir ici, tu fais chier tout le monde, reprit Chloé ;
- Non ma chérie, là tu confonds avec toi-même.
J'aurais bien aimé vous dire qu'en acceptant la relation de Jeff, j'avais fini par accepter Chloé mais ce n'était pas le cas. Cette fille me sortait par les yeux, je rêvais qu'un jour, en cours de lutte, on me laisse l'opportunité de la remettre à sa place, malheureusement, ce n'était encore jamais arrivé...
- Tu sais, tu peux continuer de jouer la maligne, mais un jour tu vas devoir te rendre à l'évidence : c'est moi que Jeff a choisi, donc t'auras beau dire que t'es plus belle ou toutes ces conneries, tu finiras par comprendre que y a que toi qui y crois.
C'est là que je compris que, contrairement aux autres matins où on ça s'arrêtait là, aujourd'hui serait différent. Chloé avait vu juste, je n'avais pas beaucoup dormi et elle venait de dépasser les bornes :
- Chloé, on va arrêter de se mentir : on sait tous que Jeff t'a choisie par défaut pour deux raisons.
Je levai un doigt :
- Premièrement parce qu'il n'y avait plus que toi, tout-de-suite c'est plus facile.
Je levai mon deuxième doigt :
- Deuxièmement parce que tu as écarté les jambes à la seconde où j'ai quitté Schooltime.
Oui, c'était un coup bas, mais je n'avais pas pu le retenir... Chloé devint rouge de colère, j'étais même étonnée que la fumée n'ait pas commencé à sortir de ses oreilles :
- Quelle honte il y a à vouloir prendre du plaisir avec son mec Avri ? Ah oui, j'avais oublié que t'étais si coincée, tu ne sais pas à quel point Jeff était content quand il a enfin pu se lâcher.
Ne rougis pas, ne montres pas que tu veux lui exploser la figure, surtout pas.
Pour une fois, j'écoutai bien sagement ma conscience, et au lieu d'exprimer la haine qu'elle m'inspirait, j'affichai un grand sourire :
- Des fois, Chloé, il faut apprendre à fermer sa gueule. Surtout toi, ça ferait des vacances à tout le monde si t'apprenais à dire des trucs intéressants.
- Les vacances, on les a eu quand tu es partie. Tu sais ce que je regrette ?
- Ta naissance ? Lançai-je avec un air innocent ;
- Non, je regrette que tu ne sois pas morte dans ce foutu CDI.
Le silence s'abattit sur notre table alors que j'encaissai le coup. Je n'arrivais pas à croire qu'elle ait osé dire ça. Tous nos amis nous regardèrent, sous le choc, et enfin, Sky s'emporta :
- Putain Chloé t'es complètement idiote ou quoi ? C'est pas parce que Jeff est pas foutu de rester fidèle que tu dois vouloir la mort de ta rivale, s'il y a une personne à blâmer dans cette histoire c'est l'autre con, pas Avri. Donc maintenant, fais-nous le plaisir de fermer ta gueule.
Elle se leva d'un coup, repoussant la chaise avec violence, puis me pris le bras :
- Je m'en vais, avec AVRI, parce que sérieux, en ce moment elle est bien plus ma meilleure amie que toi.
Sans que j'aie vraiment pu en décider autrement, elle me tira et je la suivis hors du réfectoire sans avoir pu toucher à mon déjeuner, sentant le regard cuisant de tous les élèves. Avant de partir, je vis Diego s'adresser à Jeff d'un air mauvais.
Génial. Super. Je venais de louper mon repas, de briser l'amitié indestructible de Sky et Chloé et des gens regrettaient que je ne sois pas morte... Quoi de mieux pour commencer la journée en beauté ?
Sky avançait toujours d'un pas pressé, semblant ruminer notre conversation et quand on finit par dépasser la grande porte pour atterrir dans la cour, je me dis qu'il était temps de la calmer - il faisait quand même froid dehors.
- Sky ?
Pas de réponse.
- Sky ?
Toujours pas de réponse et on commençait à s'approcher de la forêt.
- SKY !
Mes converses s'enfoncèrent dans la mousse et je pilai brusquement, arrachant un petit cri à Sky qui venait sûrement de se déboîter l'épaule :
- Putain Avri, tu m'as fait mal ! S'écria-t-elle en me lâchant pour se frotter là où j'avais tiré.
- Il fallait bien, on allait finir au Mexique si je t'arrêtais pas !
- Qu'est-ce que tu...
Elle regarda autour d'elle et son visage se déforma par la surprise :
- Waouh, on est allé jusque là ?
- Ouais.
Après avoir de nouveau scruté les lieux avec plus d'attention, Sky adopta une expression honteuse. Elle fixa le grand chêne dépourvu de feuilles qui nous faisait face un instant avant de pivoter vers moi. Sky ne semblait jamais honteuse, j'en conclus qu'elle repensait à ce que Chloé avait dit.
Ce n'était pas la première fois qu'elle s'excusait pour les conneries de sa meilleure amie, mais je sentais qu'aujourd'hui, elle trouvait que ce n'était pas suffisant. Aussi, je décidai de la rassurer : Sky n'avait rien fait et cela ne servait à rien de la tenir pour responsable des erreurs de Miss Cheveux-rouges.
- Eh, Blondy, t'inquiètes pas pour moi, tout va bien. On peut rentrer.
Ou plutôt j'avais HÂTE qu'on rentre : je détestais cet endroit, chaque fois que j'avais vécu un drame, c'était en lien avec cette forêt. De plus, j'avais l'impression d'avoir fait un bond dans le passé : nous étions en mars et il faisait le même temps qu'à mon arrivée l'an dernier.
Le ciel était bas et gris, les arbres nus et griffus, ne laissant apparaître que leur écorce noire et sinistre. Aucune trace de verdure dans ce bois ténébreux : de la terre marron, de la mousse brune et un vent glacé qui s'infiltrait dans vos vêtements pour vous geler jusqu'aux os. Je frissonnai alors que la brise soufflait son haleine fraiche sur ma nuque, soulevant mes cheveux.
- Non, tout ne va pas bien. Ce qu'elle a dit était impardonnable, déclara-t-elle d'un ton inflexible.
Bon, on était loin du compte. J'allais essayer de la raisonner, mais une idée me vint : tant qu'à faire, autant profiter du temps qu'on avait toutes les deux. Sans hésiter une seconde, je pris une profonde inspiration et commençai :
- Écoutes Sky, ce n'est pas ta faute et je ne t'en veux pas. Si tu as des problèmes avec Chloé, c'est avec elle qu'il faut les régler mais ne prend pas sa place pour rattraper ses erreurs, tu n'y es pour rien. Maintenant, comme on est seules, j'aimerais te parler d'un truc important si tu veux bien.
Alors qu'elle s'apprêtait à protester sur ce que j'avais dit plus tôt, je vis mes paroles peu à peu prendre sens à son esprit, son visage passant des remords à la curiosité à la vitesse de l'éclair, c'en était impressionnant :
- Un truc important ? Quel truc important ? S'exclama-t-elle, oubliant le reste ;
- Tu te souviens des problèmes à Schooltime, l'examen final et tout et tout ? Demandai-je en baissant la voix pour être sûre que personne d'autre ne pourrait m'entendre ;
- Oui, répondit-elle tout bas en acquiesçant ;
- Eh bien...
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