Chapitre 15
- Avri ?
La voix suraiguë de Sky obligea mon cerveau à pratiquer une petite danse dans mon crâne qui consistait à se déhancher tout en cognant le plus possible les parois de ma pauvre tête meurtrie.
- Avri réveille toi !
Je grognai et montai la couverture au dessus de ma tête.
J'étais en train de ressombrer lorsque deux mains attrapèrent mes frêles épaules et se mirent à les secouer violemment.
- Mais il est quelle heure bordel ? Je m'exclamai d'une humeur massacrante à cause de ce foutu réveil plein de délicatesse...
- 23 heures 30 !
J'ouvris grand les yeux, rencontrant une obscurité propre à cette nuit à peine entamée et me redressai d'un coup, fusillant cette tortionnaire du regard :
- Putain mais tu te fous de moi ? On est en pleine nuit laisse moi dormir tranquille, merde à la fin !
Bon, il était vrai que quand on me réveillait j'avais des expressions de tueur en série, mais 23h30 ! Fallait pas exagérer !
Sky me dévisagea quelques secondes cependant elle ne se formalisa pas de mon vocabulaire de camionneur : j'avais beau être timide et réservée toute la journée, le matin elle était habituée à recevoir des insultes abominables. Je DETESTAIS sortir du lit.
- Je sais que je t'énerve mais là tu dois m'expliquer : qu'est-ce que tu as fais pendant cette f*cking journée ?
Je l'observais sans comprendre, puis les images de l'après midi me revinrent en flèche. Merde... je n'avais pas préparé d'excuses pour mes colocs !
Dans l'improvisation la plus totale et cherchant - de manière très peu subtile je l'accorde - à changer de sujet je lui demandais où se trouvait Kelly :
- Oh, elle dort depuis longtemps, elle voulait pas qu'on te réveille...
Pour vérifier ses dires, je sortais de mon lit - rencontrant un courant d'air glacial qui recouvrit toute la surface de ma peau - et montais sur l'échelle. Mes pieds grinçaient sur les petites marches gelées et je ne pouvais m'empêcher de frissonner.
Je découvris, à la fin de ma petite ascension, le corps endormie de la personne concernée, enfermée dans un sommeil profond. Il était vrai que cette fille ne se réveillait jamais pendant la nuit : un éléphant aurait décidé de faire des claquettes tout prêt de son oreille que ça ne l'aurait pas dérangée...
- Tu vois ? Maintenant dis moi tout ! Marmonna la deuxième colocataire qui m'attendait en bas, le regard fixé - j'en était certaine - sur moi. Je me résignais et descendais du matelas pour aller m'asseoir sur le lit de Sky, tout en bas. Elle me tendit un pan de sa couette duveteux que je m'empressais d'attraper pour couvrir mon corps peu vêtu avec.
- Alors, on sait toutes les deux que tu vas finir par cracher le morceau : explique !
Mon cerveau bouillonnait à la recherche du premier mensonge que j'allais devoir proférer. Il fallait vraiment que je trouve une excuse !
- Hum... j'étais avec Jeff...
QUOI ? Putain mais qu'est-ce qu'il m'avait prit ? Je ne savais pas d'où étaient sortis ces maudits mots mais hélas maintenant, je ne pouvais plus les retirer. Je me tournais vers mon amie, pour voir quel effet mes paroles lui avait procuré et je vis - non sans malaise - que ses pupilles s'étaient rétrécies par la curiosité que je venais de réveiller... mais pourquoi étais-je aussi stupide ? Je déviais mon regard sur le sol en moquette blanc cassé, évitant à tout prix tout contact visuel...
- Comment ça avec Jeff ? Développe !
Bon, je devais trouver un ragot encore plus juteux pour changer la trajectoire de sa soif de commérages intarissable.
- D'ailleurs, Chloé n'est pas intéressée par lui ?
La question avait de nouveau glissé de mes lèvres et dégouliné sur le matelas laissant des tâches indélébiles : peut être que j'avais détourné la conversation vers un sujet moins dangereux, mais je n'étais pas sûre du tout que je pourrais entendre ces informations sans débarquer dans la chambre d'un des deux concernés avec une mitraillette... Hélas, la phrase maculait toujours les drap blanc et Sky semblait déjà prête à rebondir dessus.
Il ne me restait plus qu'à positiver : qu'elle se concentre sur cette histoire me laissait le temps de trouver un mensonge qui inclurait la présence du Bad boy sans qu'il ne se passe rien de charnel...
- Intéressée ? Le mot est faible. Chloé est cramponnée à ce mec, elle le drague depuis son arrivée ! Je crois même qu'ils ont couché ensemble mais... attends que je me souvienne.
Purée ! Je saignais des oreilles ! J'avais envie de prendre une paire de ciseaux et de me l'enfoncer dans la gorge, ou encore attraper un foulard et de m'étouffer avec, ou même de me pendre avec un lacet de chaussure ou... je ne sais pas mais tout sauf ça ! La jolie blonde, qui ne paraissait pas le moins du monde se rendre compte de mon état déplorable face à sa dernière intervention, posa une main sur son menton et fixa un point au dessus de ma tête - signe qu'elle réfléchissait.
Quand je vis ses yeux bleus s'allumer d'un éclair, un hurlement intérieur fit rage dans toute mon âme.
- C'est ça, ils ont couché ensemble mais Jeff est un vrai playboy et il l'a lâché pour en avoir une autre...
- Et elle l'aime toujours après ce qu'il lui a fait ? Ne pus-je m'empêcher de répliquer malgré le mal que me procurait cette conversation ;
- Yep, ce gars hypnotise toutes les filles ! D'ailleurs... Oh My Gosh !
L'exclamation soudaine qui venait de franchir la bouche de ma copine me fit sursauter brusquement, mais que lui arrivait-il ?
- Je viens de comprendre un truc : si tu as passé ton aprèm avec Jeff, ça veut dire que...
- Ce n'est pas ce que tu crois ! Criai-je tout en plaquant mes mains sur son visage de façon à étouffer les horribles conclusions hâtives que cette belle blonde allait réciter, nous avons discuté, nous sommes amis, dis-je d'une traite.
- Amis ?
Elle me regarda attentivement, semblant examiner chaque parcelle de mon corps qui pourrait trahir mon attirance incontestable envers ce Don Juan. Malheureusement pour elle, je m'étais préparée depuis au moins cinq heures à mentir à tout le monde et elle ne faisait qu'une victime de plus à mon plan infaillible pour ne pas me faire trucider par la secte des profs tarés.
Mon instinct de survit guidant mon jeu d'acteur, je me mis à expliquer de manière bien plus naturelle que je pensais en être capable ce qu'il était « sensé » s'être passé, et grâce à la pénombre des lieux, mes expressions traitresses étaient noyées dans ce flot d'opacité :
- J'ai pris énormément de temps à remplir le formulaire et quand j'ai fini, il était trop tard pour aller en cours. Je ne vous ai pas trouvé et...
Tandis que je parlais, je me grattai la joue et en sentant du plastique collé à ma peau, je me souvint horrifiée que j'avais des éraflures plein le visage... Pourquoi Sky ne l'avait pas remarqué ? Arrêtant d'un coup ma comédie je regardais paniquée autour de moi et me rendis compte que la lumière éteinte avait également servi à dissimuler mes pansements ridicules.
Néanmoins il ne ferait pas nuit pendant une semaine et il allait donc falloir que je trouve une excuse pour ça aussi dans mon récit...
- Et ? S'impatienta mon amie ;
- Et je suis sortie me promener dans la forêt parce que je voulais prendre l'air. Je me suis enfoncée dedans, je me suis perdue et j'ai pété les plombs : je me suis mise à courir, je me suis ramassée dans un buisson plein de ronces et c'est là que Jeff m'a trouvée...
- Attends, du coup tu t'es blessée ? S'écria-t-elle affolée ;
- Oui, un peu... marmonnai-je mal à l'aise. J'ai des pansements plein le visage...
Soudain, je sentis la place à coté de moi sur le matelas monter et je compris aussitôt que mon interlocutrice s'était levée. Ses pas étaient étouffés par le sol silencieux et je n'avais aucune idée de ce qu'elle comptait faire à présent. Je manquai de crier lorsqu'une lumière aveuglante éclata dans la chambre. Par réflexe vampirique, je plongeai dans le lit sur lequel j'étais et cachais mes yeux abimés sous l'oreiller.
- Rho c'est bon ! C'est pas comme si tu allais mourir ! Grommela la cause de toute cette agitation ;
- Je ne suis pas morte, je suis aveugle ! Bravo, maintenant je ne pourrais plus jamais voir la lumière du jour, me plaignais-je.
Sky se mit à rire bruyamment face à ma phrase déroutante. Je grognais sous le coussin et frottai brutalement mes yeux brulants pour effacer ces taches noires qui apparaissaient dans mon champ de vision. Une fois le mal atténué, je sortais ma tête de son refuge et clignai à maintes reprises pour m'habituer à l'intense luminosité de l'endroit.
- Ça y est, tu es rétablie ? Bougonna la sorcière, les doigts encore pressés sur l'interrupteur.
- Ouais c'est bon, gémissais-je.
Au lieu de la remarque cinglante que j'étais préparée à me prendre en pleine poire, un silence surprenant m'accueillit.
- Bah alors Blondy, t'as perdu ta langue ? Commençais-je.
Je dégageai mes yeux en retirant mes mains de mon visage quand je vis la face livide de la jeune fille.
- Ça ne va pas ? Demandai-je alors, beaucoup plus sérieuse cette fois.
De nouveau, le silence explosa en guise de réponse et cela m'agaça. Je fixai mon amie, attendant impatiemment qu'elle daigne ouvrir sa bouche. Au bout d'environ une minute, celle-ci secoua la tête et fit virevolter sa crinière blonde tout autour de sa tfigure dans une sorte de danse gracieuse.
- Tu es vachement... amochée, me dit-elle doucement.
Je compris alors d'où venait la tête effrayée qu'elle me présentait.
- Ne t'inquiète pas ! Ça ne fait pas mal, c'est superficiel, répliquai-je instantanément pour rassurer sa pauvre mine compatissante ;
- Tu en es sûre ? Renchérit-elle.
Je hochai vigoureusement la tête et ses épaules parurent tomber d'un coup.
C'est à cet instant que je réalisai à quel point mon était devait être laid à regarder.
- Bon, tu peux éteindre cette lumière maintenant ? Réclamai-je calmement.
Elle ne se fit pas prier et en moins d'une seconde, un petit clic résonna et la nuit engloutit la pièce. Peu de temps après, je sentis les draps s'affaisser sous le poids de sa propriétaire qui venait de revenir. Elle redevint muette et c'est avec plaisir cette fois que j'accueillais son geste : j'étais vraiment fatiguée et le silence me permis de calmer mes nerfs à fleur de peau. Je l'entendis aspirer une grande goulée d'air puis :
- Donc vous n'avez rien... fait avec Jeff ? M'interrogea-t-elle ;
- Sur le plan... sexuel tu veux dire ? questionnais-je à mon tour ;
- Oui c'est ça.
Je réfléchissais, me demandant franchement si je pouvais lui dire mais la vérité fit place dans mon cerveau : cette fille n'était pas MA meilleure amie, elle était celle de Chloé et lui dire qu'on s'était embrassés revenait à signer mon arrêt de mort.
- Non rien du tout, finis-je par répondre.
Et puis ce fut tout. La conversation se dirigea ensuite vers sa journée géniale en compagnie d'Adam, le plus beau, le plus gentil, le plus intelligent, le plus romantique, et patati et patata. On parla pendant ce qui me sembla une éternité, cependant je n'osais pas l'interrompre, de peur de la vexer - ce que je ne pouvais pas me permettre après l'avoir traité comme je l'avais fait quand elle m'avait réveillée. Lorsque mes yeux ne tenaient plus et que je commençais à respirer bruyamment,
Sky comprit que je dormais à moitié et mit fin à cette discussion qu'elle adressait plus à elle-même plutôt qu'à cet objet en manque de batterie qui me servait de corps. Je filais donc dans mon lit et tombais automatiquement dans un profond sommeil, peuplé d'iris ambrées, de lèvres douces et de mains délicates...
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