Chapitre 11
Je ne compris pas tout de suite qu'il s'adressait à moi mais lorsque ses pas se rapprochèrent à une allure qui m'indiquait qu'il courait, le doute n'était pas permis.
Mon instinct de survie prenant le pas sur ma raison, je m'élançais entre les arbres, m'enfonçant avec une rapidité surprenante dans les bois.
Néanmoins, malgré ma vitesse je sentais sa présence, je savais qu'il me poursuivait. Il devait être à une dizaine de mètres, j'espérais de toutes mes forces qu'il ne pouvait pas me reconnaître.
Je détalais à travers les arbres, poussée par ma peur. Je n'avais aucune idée d'où je me dirigeais mais cela n'avait pas d'importance, il fallait que je fuis, il ne fallait pas qu'il découvre qui j'étais !
C'était une certitude : je ne savais pas qui il était toutefois je n'avais aucun doute sur sa nature malfaisante, c'était comme un pressentiment.
Je galopais toujours dans ce lieu lugubre et je compris vite - au vu du paysage qui m'entourait - que s'il me rattrapait maintenant, s'en était fini de moi. Nous étions totalement isolés et personne ne pourrait entendre mes hurlements stridents. Je devais me débrouiller seule. Je devais tenir. Je devais survivre !
Le décors qui s'offrait à moi rendait la situation encore plus sinistre. Je traversais cette forêt noire où la vie ne semblait plus exister. Les branches qui me surplombaient me faisaient penser à des doigts crochus qui cherchaient à m'emprisonner dans une cage d'où je ne pourrais plus jamais m'échapper.
J'étais perdue, terrifiée et peu entrainée, mes chances de victoire étaient plus que minces... Le ciel était gris, comme s'il reflétait mes propres sentiments, un gris pluvieux, proche des larmes qui menaçaient d'exploser au coin de mes orbites. Ce gris m'entourait et diffusait un brouillard dense autour de ma petite personne. Je tournai deux secondes la tête et vis que je ne pouvais distinguer que ce qui se trouvais à seulement quelques mètres de moi.
Je compris aussitôt à quel point l'homme était proche: je le voyais clairement, courant vaillamment à travers cet enfer. Il paraissait près à tout pour m'attraper. Heureusement, j'étais aussi prête à tout pour lui échapper...
Cela faisait presque un quart d'heure que je courais à en perdre haleine et soudain, la fatigue commença à se faire sentir au creux de mes entrailles. Elle se forma autour de mes muscles déjà légèrement engourdis par la froid hivernale. Mon souffle était saccadé et je commençais vraiment à désespérer: il était évident que je ne pourrais plus tenir longtemps...
- Arrête toi ! Fit sa voix.
Je ne répondais ni ne réagissais, il ne fallait pas qu'il découvre mon identité et pour cela je devais à tout prix garder ma bouche close et courir.
Je continuais mon ascension slalomant entre le arbres, ils me donnaient l'impression d'être des obstacles, près à me faire tomber dès que je ne serai plus assez concentrée. Toute la nature semblait s'être retournée contre moi et je ne savais pas du tout vers où je devais me diriger.
C'était un cauchemar, mes jambes ne me soutenaient plus qu'à moitié et je déambulais de cette vaste étendue fanée qui peu à peu semblait se refermer sur moi comme un cercueil...
- Tu ne vas pas pouvoir aller bien loin, continua-t-il.
Il semblait indéniable pour lui comme pour moi que je ne disposais plus de beaucoup de temps avant que mon épuisement ne prenne le dessus. Je ne m'arrêtais pas, mais je sentais malgré moi que je ralentissais sous le poids de mes muscles en coton. Il se rapprochait et j'étais à présent seulement animée par ma volonté de subsister, je refusais de mourir aujourd'hui, ce n'était pas une option envisageable. Je n'étais pas prête à faire le grand saut ! Et pourquoi ? Parce que j'avais entendu une conversation que je n'avais même pas comprise !
Le chemin devenait de plus en plus sinueux et mes forces me quittaient peu à peu. Je ne savais pas comment faire pour me sauver, je n'avais aucune stratégie. Tout ce dont j'étais sûre, c'était que je ne devais surtout pas m'interrompre dans mon élan.
La fatigue me consumait de l'intérieur et je sentais avec horreur mes muscles s'ankyloser. Je ne comprenais rien à la situation ce qui aggravait mon malaise.
Comment avais-je fais pour me retrouver ici ? Pourquoi cet homme me poursuivait-il ? Et pourquoi étais-je complètement certaine qu'il ne me voulait pas du bien ?
Après tout, je connaissais cette voix, alors qu'est-ce qui la rendait aussi terrifiante à présent ?
Je n'avais pas de réponses à toutes mes questions cependant je pressentais que je ne devais surtout pas m'arrêter, je pressentais que c'était une question de vie ou de mort et le fait que cet homme me court après rendait mon pressentiment encore plus logique.
Mes déductions sur cette conversation dont j'avais été témoin à mon insu me paraissaient plausibles mais il restait ce doute, encré au fond de ma poitrine, juste à côté de l'effroi que ne cessait de me hanter.
Tout à coup, l'abattement se fit sentir dans mon ventre, tordant mon estomac dans une douloureuse sensation que je ne pouvais plus soutenir. Et avant que mes forces ne me quittent, guidée par le désespoir, j'utilisais les dernières que je possédais et faisait un sprint vers un buisson droit devant moi.
Je fonçais dessus et arrivée devant, je plongeais littéralement dedans, mes jambes étant trop faibles pour supporter mon poids, malgré ma fine silhouette. Je me retrouvais alors entre des branches piquantes qui me griffaient le visage, les mains et les chevilles. Mais je faisais en sorte de ne pas interrompre ma course, rampant dans ce bosquet destructeur qui semblait bien décidé à rendre ma trajectoire très difficile d'accès.
Devant moi se dressait un feuillage encore plus dense et le buisson m'égratignait de partout, je savais que je saignais, je distinguais la sensation du liquide chaud qui coulait sur mon visage, toutefois une seule pensée était lisible à l'intérieur de ma tête :
survivre survivre survivre survivre survivre survivre survivre survivre survivre survivre
Je sentis une main s'abattre violemment dans mon dos et s'attacher à ma veste, dans un dernier réflexe avant que l'anéantissement ne finisse par me gagner entièrement, je faisais un mouvement d'épaules pour me débarrasser du vêtement et me jetais dans le mur de végétation qui me surplombait.
Le paysage épineux se remis à me caresser de ses pointes acérées loin d'être douces. Malgré tout je le perçai, et découvris avec un soulagement plus qu'intense la lumière du soleil se reflétant sur les graviers, j'étais devant l'entrée de l'internat ! Je n'avais plus qu'à la franchir et je serai sauvée !
Je me relevais et boitillais le plus rapidement que je pouvais vers les escaliers. Derrière moi régnait un calme inquiétant.
Je grimpai les marches dans une lenteur insupportable mais indispensable si je voulais rester consciente avant mon arrivée dans l'établissement.
J'atteignis enfin le palier, m'approchai de la porte et l'ouvris sauvagement.
J'entrais et la refermais aussi brusquement que je l'avais ouverte.
Voyant qu'il me restait encore un minimum de forces pour ne pas m'évanouir, je m'avançais dans la chaleur du bâtiment.
À cette heure, tous les élèves étaient en cours. J'oscillais dans le couloir, rassemblant toute mon énergie pour toquer à la salle de classe à quelques mètres de moi.
J'entendis la porte que je venais de franchir claquer et je compris avec horreur que mon poursuivant m'avait de nouveau rattrapée.
Un frisson de panique me parcouru toute ma colonne vertébrale tandis que je sentais mon visage - déjà livide - prendre une teinte verdâtre sous l'émotion de terreur qui s'abattait dans ma poitrine.
- J'ai ta veste.
Cette phrase me donna envie de vomir, je ne pouvais plus courir, marcher était une épreuve à la limite du surmontable, mais je devais progresser. Je déambulais donc faiblement dans les couloirs quand j'entendis un rire qui me glaça le sang.
- Tu as perdu.
- Non, soufflai-je.
Et je ne sais pas comment j'arrivais à atteindre l'extrémité du couloir emplit de casiers. Alors que je errai dans cet endroit dépourvu de vie, une horrible vérité se fit dans ma tête : si je connaissais la voix de mon ravisseur alors qu'il était vieux, cela voulait irrémédiablement dire qu'il était enseignant. Et donc que quelque soit le chemin que j'empruntais, j'étais perdue.
Je ne pouvais avoir confiance en aucun adulte.
Peut être que cette affirmation était tirée par les cheveux, mais dans les circonstances actuelles, avec le psychopathe qui me poursuivait je ne pouvais agir que rapidement et je n'avais pas le temps de m'appesantir sur la question.
Après une demi seconde de réflexion, je m'avançais vers la seule salle dont j'étais sûre qu'il y aurait quelqu'un à travers ce lieu désert et où il n'y aurait aucun professeur : la salle de colle.
Le chemin me parut interminable jusqu'à cette salle de classe pourtant pas si éloignée que ça.
Je l'ouvris faiblement, l'entrebâillai plutôt et j'aperçus un visage familier.
Derrière moi résonnaient les pas de mon ravisseur, augmentant la pression entre mes côtes et l'envie de défaillir, laisser mon corps s'écrouler et m'endormir fut tellement forte, que je dus m'administrer une gifle bien bruyante pour chasser cette très mauvaise idée, très sombre tentation de la tête.
Je murmurai désespérée le prénom de celui qui maintenant me semblait être la personne que j'aimais le plus au monde :
- Jeff... Jeff...
J'étais appuyée contre la porte qui était presque fermée, j'allais m'évanouir, je le sentais: le noir obscurcissait déjà un quart de ma vision et mes muscles engourdis ne me soutenaient même plus.
- Jeff...
Je ne pouvais que chuchoter et dans la minuscule fente que j'avais réussi à ouvrir je voyais les élèves faire un boucan pas possible, ce qui anéantissait toutes mes chances d'être entendue.
Personne ne se tournait vers la porte, personne n'apercevait l'œil de cette fille à moitié morte à travers.
Je me raclai la gorge et disais le plus fortement que je le pouvais avec ma pauvre gorge enrouée par la course effrénée que je venais d'affronter:
- Jeff !
Avec un miracle qui relevait limite du surnaturel, il se tourna et ses yeux croisèrent les miens.
Sans montrer le moindre doute ou la moindre peur - à mon plus grand étonnement - il traversa la salle, me tira et claqua la porte derrière moi tandis que j'entendais les pas de mon poursuivant s'accélérer d'un coup, ayant sûrement compris que je venais de réussir à attirer l'attention de quelqu'un.
Le beau latino me cacha de son corps, pour que personne dans la pièce ne s'aperçoive de mon état, puis colla son oreille à la paroi qui nous séparait de mon agresseur.
Celui-ci entra en collision avec notre séparation ce qui la fit onduler sous le coup violent. Le fou se mit alors à tourner la poignée mais mon poids et celui de Jeff l'empêchèrent de rentrer.
Il devait savoir qu'il ne pouvait plus me rattraper, qu'il avait perdu. Cependant, il parla assez fort pour que moi et mon sauveur puissions l'entendre :
- Je sais que c'est toi Avril, et tu ne m'échappera pas la prochaine fois. J'espère que tu as des amis qui peuvent te protéger, car du côté des profs, tu ne trouveras jamais personne pour t'écouter.
Puis il se mit à rire et ce son dément résonnait comme une torture au fond de mon crâne, il s'amplifiait au fil de mes pensées qui réalisaient peu à peu les horribles menaces qu'il venait de me proférer.
La pression contre la cloison protectrice disparut soudainement et je pus distinguer la réverbération de ses pas qui s'estompaient peu à peu à cause de la distance qui les noyait.
Je pouvais donc percevoir qu'il s'éloignait et une fois sûre qu'il était loin, je tournai mes yeux vers ceux caramels du garçon qui me cachait des autres et lui murmurais un :
- Merci !
Avant de sombrer dans ce trou noir qui me paraissait si attirant depuis quelques minutes. Les veloutes de la fatigue m'emportèrent loin de ma frayeur, et loin de ces bras qui se resserraient autour de ma taille tandis que je m'effondrai contre ce torse musclé...
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