Deux mois plus tard
L'herbe a jauni. Les feuilles planent un moment avant de tomber sur le béton qu'ils foulent, lui de ses pieds, elle de ses roues. Ses feuilles d'érables, de chênes et de bouleau sont colorées de jaune, de rouge et d'orange, ce qui ajoute une touche de couleur dans cet automne si sombre et si lugubre. Dans le ciel, le temps s'assombrit. Une tempête se prépare-t-elle? Le vent siffle dans leurs oreilles, au point d'en être douloureux.
- J'ai mal, papa.
- C'est normal, l'air est si froid qu'il pénètre dans le creux de nos tympans, une zone très sensible, ma chérie.
Il tapote doucement sa petite tête, tout en continuant à pousser sa chaise.
Elle se mut dans un silence et lui, se perd de nouveau dans le nuage de ses pensées.
Le brouillard l'assomme et l'atmosphère s'alourdit.
Il est de plus en plus difficile de ne pas se laisser envahir par ses émotions tumultueuses qui s'agitent en lui, en son âme. De bien sombres pensées qui s'insinuent tel un serpent dans le terrier où se cacheraient les lapereaux.
Il ressasse les douloureux souvenirs.
Cela fait déjà deux mois que l'événement s'est produit.
Il se remémore la tragédie et sa gorge se noue, son cœur se serre.
Après s'être écroulée sur le sol, Sarah avait été incapable de se relever. Elle disait que ses jambes refusaient de lui obéir.
Il l'avait pris dans ses bras, lui avait ordonné d'accrocher son bras autour de son cou et il était parti en course vers sa voiture. Puis, ensemble, ils s'étaient dirigés vers l'hôpital le plus proche où, après avoir expliqué la situation à la première infirmière qu'ils avaient croisée, ils avaient été pris en charge.
Dans le couloir, seul face à lui-même, Harry s'était senti dépourvu.
Une fois de plus.
Comme la première fois.
Cette fois où il avait perdu Selena.
Assis sur le banc où il attendait le résultat des analyses, il s'était laissé envahir par ses peurs.
Et si...
Et si Sarah était atteinte du même mal que Selena.
Et si...
Et s'il perdait sa fille tout comme il avait perdu sa femme.
Puis, le médecin en charge s'était joint à lui et avait expliqué la situation au jeune veuf.
- Votre fille souffre d'une maladie dégénérative des jambes. Le mal est lié aux nerfs de ses hanches.
- Elle ne pourra plus danser? s'était-il naïvement inquiété.
Le connaisseur de maladie, ce porteur de mauvaises nouvelles l'avait alors regardé avec gravité.
- Elle ne pourra plus marcher.
Les mots avaient fait mouche. Harry avait eu l'impression qu'un poids venait de lui tomber dans l'estomac et qu'il se trouvait, à cet instant, devant une immense montage impossible à gravir.
Abasourdi par les mots du pédiatre, il avait été incapable de dire quoi que ce soit. Il avait laissé quelqu'un d'autre se charger de l'annoncer à sa fille.
De lui dire qu'elle ne pourrait plus jamais se tenir sur ses deux jambes. Qu'elle ne serait plus une petite fille, normale. Qu'elle ne pourrait plus jamais... s'envoler.
Et quelqu'un d'autre avait vu l'étincelle de lumière s'éteindre dans ses yeux. Quelqu'un d'autre l'avait prise dans ses bras et l'avait réconfortée. Quelqu'un d'autre...
...que lui.
Lui n'avait été qu'un lâche.
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