Chapitre 2 : Souviens-toi
Lorsque Tarik les vit, il ne prit même pas le temps de faire le tour de la scène. Il y descendit directement, et poussa une barrière. Elle faisait partie des trois derniers festivaliers qui restaient. Elle discutait avec Nabil, tandis que les deux autres parlaient avec Nekfeu et le Crew.
« Ah Tarik, mon frère, viens voir ! J'ai trouvé une go... WAllah, c'est la femme de ma vie, elle a tout compris ! C'est limite chelou mais putain, c'est chanmé de parler avec elle. ». Nabil avait fait dix mètres pour venir le rejoindre. Les derniers qui les séparaient.
« Nabil... ». C'est tout ce que Tarik put lui dire, alors qu'il avait envie de tout lui raconter. Que c'était lui qui l'avait vu en premier, et qu'ainsi, elle était sienne. Il se stoppa net. S'était-il vraiment fait cette réflexion ? Alors, une autre émotion mauvaise fit son apparition : la peur. Puisqu'il ne s'expliquait pas l'attrait qu'il ressentait envers elle.
Or, à peine il eut le temps de plonger dans ses pensées qu'une voix féminine, douce, légère et surtout qui n'aspirait en rien le mal l'extirpa de ses réflexions : « Bonsoir, heu... Je peux t'appeler Tarik ? En effet, dès que j'ai essayé de prononcer N.O.S à ton frère, il m'a limite engueulé parce que selon lui, je n'avais rien d'être l'une de ces folles pendant le concert... Qui était... Je n'ai même pas les mots, merci ! Ce n'était pas le premier mais je me souviendrai de l'ambiance, de vos choix de chansons... Tout était parfait ! ».
Alors qu'elle semblait avoir une aisance pour communiquer avec les gens, lui se maudit de ne pas avoir l'art d'engager une conversation avec une fille. Que Tarik trouva encore plus belle lorsqu'il s'approcha d'elle. Elle avait une attitude rassurante, mais devait avoir moins de vingt-cinq ans.
« Cimer. », arriva-t-il seulement à bougonner. « Bah, vas-y, appelle-moi par mon prénom ! Mon frère te fait confiance, j'ai pas vraiment de raisons à me méfier de toi. En plus, c'est rare les filles comme toi qui écoute nos sons. T'as pas l'air d'être une superficielle. C'est quoi ton blaze ? ». La délicatesse n'était pas encore un concept qu'il maîtrisait, surtout puisqu'il était en train d'essayer de mémoriser son visage le plus discrètement possible. Cependant, au lieu d'être vexée comme toutes les poufs, elle éclata de rire. Ce dernier était enveloppant, chaud, communicatif. Aussi, elle s'exprimait avec les mains. Ces éclats de voix firent retourner tous les rappeurs qui se trouvaient derrière les grilles.
Elle lui dévoila son prénom. Italien, quatre syllabes, peu commun et qui lui correspondait parfaitement. Tarik le trouva joli. En réalité, il trouvait tout splendide en elle. Il devait réagir.
« Tu veux venir passer la soirée avec nous ? Programme tranquille : nouilles, bières, bédo... Et t'inquiète, on te laissera repartir sans aucune égratignure. ». Putain mais qu'il était con quand il s'y mettait. Même son frère qui se trouvait derrière elle fit un geste de désespoir.
« Merci, c'est vraiment gentil mais je ne veux pas vous déranger... En plus, je dois aller fermer les fenêtres de ma bagnole car la pluie commence à tomber sa mère... », dit-elle en commençant à insulter le ciel. Elle était naturelle. Cela se voyait qu'elle était loin d'être trompeuse.
« Attends, tu dors dans ta vago ? Depuis combien de temps ? Putain mais c'est même aps le bail ! Au moins pour ce soir, viens te reposer dans le tour-bus... ». Son instinct de protéger une femme venait de se réveiller en Tarik alors qu'à cause du zoo, son intuition s'était affaiblie.
De son petit sac Eastpak, elle sortit un sweat bien trop grand pour elle. Noir, sans logo QLF, Seine Zoo Records, Random, Croco, Jeannine ou encore Visionnaire. Elle rabattit sa capuche sur sa casquette et dans un look street qui lui semblait familier, répondit en rigolant : « T'inquiète, je ne suis pas à la rue... Et même, je crois que je commence à prendre goût à cette vie nomade que je mène depuis quelques temps en allant me dépayser dans vos concerts. En plus, demain matin, je ne veux pas être en une des journaux poubelles qui me feraient passer pour ta nouvelle conquête. ». Elle avait du répondant. Il ne fallait pas que Tarik la laisse partir.
« Allez viens, tu perds R de toute façon ! ». Cette fois-ci, c'était un ressenti au fond de sa poitrine qui avait parlé pour lui. Il regarda quand même son frère pour qu'il approuve son choix. Les frères Andrieu ne formaient qu'un. Quand l'un prenait une décision, l'autre suivait. Et par chance, l'averse se calma. « Tu vois, t'as même aps plus besoin d'aller fermer les fenêtres... ».
Elle le regarda lui, puis son frère. Tarik n'avait toujours pas détaché son regard d'elle depuis qu'il l'avait cherché. Elle ne semblait pas intimidée. Il avait si envie de la connaître plus...
« Ok, c'est bon... Mais si les autres ne sont pas d'accords ? Je ne pourrais jamais m'enfuir en courant, je suis nulle en course à pied... », leur dit-elle avec un regard mi-inquiet, mi-amusé.
A ce moment précis, Nabil éclata de rire : « T'inquiète car j'ai une autre confidence à te faire, celle que mon frère et moi, on est les plus forts physiquement. ».
« Qui te dit que j'aurais besoin de toi pour me défendre ?! », lui répondit-elle pendant qu'ils se dirigeaient vers le parking des bus. Tarik ne put entendre ce que son frère lui répondit.
Puisque Tarik se tenait effacé, il les regarda marcher côte à côte. Elle avait mis ses mains dans les grandes poches de son sweat. Sa démarche semblait lourde et pas du tout innocente...
///
« Non mais ce n'est pas possible, comment vous voulez que je réussisse à manger avec des baguettes face à des professeurs pareils ? ». Elle grognait, mais cachait en réalité un fou-rire. Puisque Tarik sentait qu'elle avait loin d'avoir peur du ridicule. En plus, elle était épicurienne.
Mikael et Théo étaient les derniers à essayer de lui apprendre à utiliser ces ustensiles. Son frère et Ken étaient déjà partis en fou-rire, tandis que les autres avaient un regard compatissant.
« C'est quoi cette douille ?! Allez, j'ai trop faim, je vais aller me chercher une fourchette... », leur informa-t-elle en se levant. Elle n'était pas honteuse, juste en colère contre elle-même.
« Attends, j'arrive car avec le bordel, t'arriveras aps à trouver... ». Tarik se leva d'un coup, mais heureusement dans la cohue, son geste passa inaperçu. Ils mangeaient au milieu du rectangle qu'avaient formé les conducteurs de leurs bus. Elle se tenait devant la porte de celui reconnaissable grâce au logo QLF. Elle l'avait attendu.
« Vas-y, tu peux entrer. Fais pas gaffe au zouk... Mais c'est vrai qu'avec mon refré, on aime bien garder l'habitude de vivre comme on le fait au bled. ». Tarik ne savait pas la raison pour laquelle il se justifiait, alors qu'elle semblait préoccupée par tout autre chose. Bien sûr, qu'il était con. Cela devait être la première fois qu'elle devait monter dans un tour-bus.
Le deuxième détail à savoir sur Tarik Andrieu est qu'en présence d'une femme qu'il trouvait belle et qui l'attirait, il prenait énormément de recul sur la situation. En effet, il avait peur de passer pour un homme qu'il n'était pas. Il ne savait pas comment engager une conversation construite et surtout de la poursuivre.
« Tiens, ta fourchette... », lui tendit-il alors qu'elle regardait toujours minutieusement l'intérieur du salon qui faisait à la fois office de salle à manger et cuisine.
« Merci ! Pour ce qui est du bazar, tant que vous vous y retrouvez, personne n'a rien à vous dire. Et même, comment veux-tu qu'il n'y ait fouillis dans un endroit petit... ». Elle s'interrompit lorsqu'elle vit une phrase qu'il avait accroché au mur : « Quand tu ne sais pas où tu vas, souviens-toi d'où tu viens. », lut-elle avec une voix remplie d'empathie.
Et pour la première fois, Tarik la sentit fragile. Il vit son regard devenir triste, ses épaules recourber et... Elle était devenue autre. Renfermée, peinée, blessée, sombre, cachant un secret.
« Fais pas attention, c'est mon refré qui a mis ça là... ». Tarik fit un pas en avant pour se rapprocher d'elle. Trente centimètres devaient les séparer. « Viens, je vais te faire visiter et te faire voir ta chambre dont tu pourras t'installer aussi longtemps que tu voudras. ». Depuis la fin du concert, Tarik sentit enfin que même s'il avait encore dit une folie, cette dernière était plus que sincère.
Tarik poussa la porte de la dernière chambre, qui en réalité, était plus un studio de travail, parfois d'enregistrement. Il y avait un lit double, mais surtout des micros, des ordis, des enceintes... Tout pour se plonger de manière studieuse dans le travail. Les frères Andrieu y avaient installé leur matériel puisque c'était la pièce la plus climatisée.
« T'inquiète, avec Nabil avant que tu viennes te coucher, on te mettra tout ça dans un coin. De toute façon, tu trimballes quoi dans ta caisse ? Une valise nan ? D'ailleurs, c'est quoi comme gova ? », lui demanda-t-il en commençant à ranger deux trois objets.
« Un Twingo noir récente. Ce sont plutôt des cartons. Un de vêtements, un pour l'hygiène et un pour mes livres. Il me n'en faut pas plus pour vivre. Le seul regret que j'ai, c'est que j'ai laissé mes deux poissons rouges chez moi. Quand t'es toute seule, faut bien un être vivant qui fasse que ton chez toi semble vivre. », lui répondit-elle simplement.
« T'es sérieuse ? Ça fait aps gangsta tes deux poissons... Mais bon, si t'as aps de iench, c'est que tu dois pas forcément avoir le temps de t'en occuper non ? ». La conversation commençait à devenir naturelle et Tarik pria intérieurement pour que cela dure.
« Oui, même si depuis quelques temps, je prends du temps pour moi après avoir enduré pendant sept mois des horaires de bureau. Je me suis trouvée une location dans un studio, je fais ma petite vie. ». Elle finit sa phrase avec un sourire de façade, qui cachait des sentiments lourds.
« Et si demain matin, je ne te laisserai plus jamais partir ? Que je décide qu'on t'emmène avec nous jusqu'à la fin de l'été pour faire le concert que tu viens de vivre, tu dis quoi ? ». Ces mots étaient une folie. Pourtant, ils n'avaient pas été prononcés à la légère. C'était l'un des caractères de Tarik, celui d'être impulsif, après cependant avoir bien réfléchi à la situation.
« Tout plaquer pour vivre une expérience exceptionnelle ? Bien sûr que j'accepte tout de suite. Tu vois, lors de ma dernière année d'étude, j'ai vécu dans le sud et j'y ai appris notamment une philosophie essentielle de la vie, à savoir vivre au jour le jour sans se soucier du lendemain. Franchement, il faut vivre ainsi. ». Elle ne pouvait pas mieux dire. « Merci pour cette nuit Tarik. », finit-elle.
« Avec plaisir. On devrait aller rejoindre les autres. C'est aps parce que j'aime pas ta présence, mais tu connais... Nous les mecs, on peut être parfois un peu lourds. », s'excusa-t-il presque.
« Tarik, un mec, quand il mange, boit et fume ne s'aperçoit jamais de la disparition d'une femme. ». 1-0. Apparemment, elle avait un sens de l'observation aussi développé que le sien.
///
« Alors, soit tu es très intelligente parce que tu analyses nos textes et tu écoutes ce qu'on a à dire, ou t'es une groupie complètement folle. Dis-moi que tu es une fille de la première catégorie. ». Fabrice avait toujours le chic de balancer des punchlines au bon moment.
« Je suis assez tournée littérature donc je pense choisir l'option numéro un. », dit-elle en buvant sa première gorgée de bière. Ils la regardèrent avec des yeux ébahis : « Eh ! J'ai déjà fait des soirées rugby. ».
Elle, Fabrice et Tarik étaient en train d'aller chercher les cartons dans sa voiture car ils étaient les seuls qui ne somnolaient pas. Tarik ne savait même plus l'heure qu'il était. Ils avaient passé la soirée à parler, manger, fumer... C'était une femme intelligente, réfléchie et réaliste.
Ils firent l'aller-retour rapidement, chacun portant un carton. Fabrice eut la gentillesse de poser le dernier dans la chambre, pendant qu'elle et Tarik commençaient à organiser la pièce.
« Bonne nuit les khôs et surtout ne faites pas trop de bêtises... », leur dit-il en faisant un clin d'œil avant qu'il ne se prenne gentiment un coussin qu'elle avait lancé.
Tarik sentit une vague de chaleur l'envahir. Il était clair qu'il s'était déjà pas mal tapé de meufs mais elle, c'était différent. Cela se voyait qu'elle avait un fond gentil, sans arrières pensées vulgaires. Alors qu'ils étaient en train de finir d'installer les affaires, Nabil vint les rejoindre. Il était ailleurs, mais par habitude, gardait quand même les idées claires.
« Si t'as quoique ce soit, hésite aps à venir réveiller celui qui te sera le plus utile, même si j'ai déjà une idée de qui ce sera... ». Comme Fabrice, Nabil se prit un coussin en pleine tête. « Frère, c'est officiel, je te laisse la gérer, elle est beaucoup trop violente pour oim. », dit-il pendant qu'il esquivait un autre coussin qui celui-ci, déclencha la guerre.
Pour se mettre à sa hauteur, elle était montée sur le lit et ainsi, avait été plus maligne car elle avait choisi une arme beaucoup plus redoutable, à savoir le traversin. La bataille ne dura pas bien longtemps car cette dernière se conclu par un geste que Nabil avait l'habitude de faire avec toutes les personnes qu'il appréciait et surtout à qui il faisait confiance, celui de l'enlacer.
Tarik découvrit qu'elle était tactile, puisqu'en réponse, elle passa ses bras autour du dos de son frère. Par pudeur, leur étreinte fut courte. Puis, comme si cette situation était naturelle, les deux se chéckèrent. Enfin, Nabil passa devant son frère, calé naturellement contre la porte.
C'était le troisième détail à connaître sur Tarik Andrieu qui découlait des deux premières ; il était un homme qui avait l'impression de vivre la scène en dehors de son déroulement.
Le quatrième élément arrivait rapidement après le troisième. Tarik Andrieu avait toute sa vie rêvé de rencontrer son idéal qu'il s'était fait de la femme. Discrète, mais avec du caractère.
Or, l'élément qui surprit Tarik fut qu'elle soit tactile. Enfin, sur ce point-là, c'était plutôt à lui de faire des efforts. Elle n'hésitait jamais à mettre sa main - toujours de façon amicale et rassurante -, sur un bras, une épaule... Pendant que lui avait des difficultés à être à l'aise lorsque quelqu'un s'approchait de trop près. A part son frère qui était son sang.
Pourtant, l'envie qu'il avait quand il se retrouvait à côté d'elle était qu'elle fasse le premier pas. « Réaction typique de lâche. », lui souffla sa conscience. « La ferme. », lui répondit-il. Depuis que la soirée avait commencé, elle semblait à l'aise avec tout le monde, et cela le rendait triste qu'elle ne tente rien avec lui.
Comme d'habitude, Tarik dut réfléchir à la situation en une seconde, puisqu'elle avait déjà fini à déballer ce qu'il lui serait utile. Serviette de bain, trousse de toilette et bien sûr pyjama. Elle se trouvait devant lui, parce qu'il bloquait toujours l'unique sortie de la chambre. Lorsqu'il s'en rendit compte, il se poussa immédiatement. Il aurait pu jouer, mais il n'avait pas envie de la brusquer. « Excuse, je réfléchissais à un truc. Tu vois toujours où est la salle de bain ? ». Elle acquiesça, toujours avec un sourire doux aux lèvres. Alors, il la laissa passer, même s'il n'en n'avait pas fini : « Au fait, prends aps peur quand tu reviens car je jouerai à Fifa. ».
A cet instant, elle eut une réaction dont il ne s'attendait pas : « Quand je reviens, prépare-toi, je vais te mettre la misère. ». Et sur un sourire ambitieux, elle ferma la porte. Putain. En une seconde, il se débarrassa de ses chaussures pour aller s'affaler sur le lit. Et merde, la télé.
///
Enfin, elle apparut. Dix minutes plus tard, une éternité pour Tarik. Il n'avait pas bougé, mais intérieurement, ce fut l'explosion. Putain, qu'est-ce qu'il la trouvait belle. Elle était seulement habillée d'un T-shirt et legging noir mais l'effet qu'elle provoquait sur lui était indicible. Elle approcha du lit comme s'ils avaient déjà passé quelques nuits ensemble. Lui essaya de rester concentré sur son match. Manqué : il se prit un but. Il grogna, pendant qu'elle était en train d'exploser de rire. Elle était restée debout.
« Tu sais, tu peux venir, je vais aps te faire de mal. ». C'était l'une des paroles les plus rassurantes qu'il pouvait lui dire. Il s'en rendit compte lorsqu'elle osa enfin se coucher à côté de lui. « Ça te dérange si je fais encore une partie ? J'ai aps sommeil. ». Quel menteur. Une minute plus tard, il se rendit compte qu'elle dormait déjà. Alors, il décida d'aller la rejoindre.
///
Mal de crâne, mais l'une des meilleures soirées qu'il ait passées. Tarik se réveilla avec la tête en vrac, ses longs cheveux emmêlés mais avec une odeur de café plus que satisfaisante. Elle était en train de faire le café. Non, fallait pas qu'il lui donne cette image-là.
Tarik se leva d'un coup, avec le barreau. Il attendit un petit moment avant de sortir de la chambre mais finalement, il bénit que la salle de bain soit à côté. Par chance, cette dernière était libre et il s'y enferma pour directement prendre une douche. En dix minutes, il était déjà prêt. Or, lorsqu'il arriva dans la cuisine, il fut déçu de ne pas la voir. Cependant, il remarqua qu'elle s'était assise sur les marches du bus. La vision qui s'offrait à lui était magnifique avec le lever de soleil.
Avant que quiconque ne vienne les déranger, il prit la parole : « Salut... T'as bien dormi ? Tu vas ienb ? ». Elle tourna la tête dans sa direction. Il venait de s'asseoir à ses côtés.
Putain. Encore, puisqu'elle avait pris le temps de se déplacer pour acheter une vingtaine de pains au chocolat et croissants. Elle était en train d'en tremper un dans son thé.
« Salut Tarik ! J'ai trop bien dormi tu veux dire. Du coup, je suis en pleine forme. Toujours. ». Cette femme était un rayon de soleil dans sa vie. Il comprenait enfin ce que Roméo chantait.
« T'es folle pour les viennoiseries... On passe pour quoi nous maintenant ? Regarde-moi les volets des bus, tous les gars dorment encore, seulement celui de Ken est ouvert... ».
« C'est le remerciement minime pour m'héberger ! Par contre, je suis désolée, j'ai fini le nutella... », l'informa-t-elle en lui montrant le pot.
Ce n'était pas si grave que ça. En effet, Tarik avait d'autres choses à lui dire : « Au fait, j'ai dormi avec toi mais j'ai toujours deux trois questions : t'es née quand ? Et rien à voir mais comment t'es arrivée à te choper une place pour toutes nos dates ? ». Elle avait inconsciemment un effet plus que positif sur lui car ce matin-là, plus que les autres, il avait envie de conquérir le monde. Alors, naturellement, elle lui donna sa date de naissance.
Ils avaient dix ans de différence. Si Tarik l'avait croisé dans l'un de ses concerts, il aurait eu le premier réflexe dont il a la mauvaise habitude, celle de juger au premier regard. Physiquement, elle lui plaisait. Belle poitrine, taille fine, hanches marquées et habillée simplement d'un haut et d'un jean. Cependant, une chose avait fait la différence : son regard, son sourire et son habilité à s'ouvrir aux autres.
« Tu n'as pas l'air craintive pour une meuf de ton âge... Maintenant, elles sont presque toutes flippées même juste lorsqu'on leur propose un verre en boîte. Comme l'a si bien remarqué Fram, c'est difficile de te caser dans une catégorie. ». Tout cela pour dire qu'elle l'intriguait.
« Comme vous qui faites tous du rap. Sauf que toi et ton frangin, vous produisez plutôt du cloud, alors que les autres sont dans un rap plus cain-ri, tug, cool, conscient... ». Elle semblait réfléchir à chaque mot qu'elle prononçait. Tarik trouva cette attitude étrange pour une personne du siècle.
Lorsqu'elle lui parlait, Tarik se sentait en paix. Elle était douce, écoutait sincèrement les personnes autour d'elle et surtout, faisait tout pour les aider.
Ils finirent de grignoter le petit-déj en silence. Tarik ignorait encore la raison pour laquelle il n'avait pas envie de la laisser partir. Comme toujours, il n'arrivait pas à mettre des mots sur ses émotions. Pourquoi lui avait-il proposé de boire un coup avec eux ? Lui qui s'effaçait le plus possible, ne parlant qu'à son frère et s'étant juré la promesse d'aucune gonzesse superficielle.
En réalité, Tarik ressentait bien une excitation particulière pour elle. Depuis qu'il était adolescent, il ne faisait jamais le premier pas vers une fille. Par fierté, car qu'il avait appris que moins il dévoilait ses sentiments, moins il avait de risque d'être blessé. En pensant à son passé « sentimental » - lui-même plaça le mot entre guillemets -, il ne se rappela même pas une fois d'être tombé amoureux. L'amour passionnel, il ne connaissait pas, surtout parce qu'il s'était toujours refusé de se le recevoir.
Ils furent interrompus dans leur complicité lorsque Ken fit son apparition : « Salut... T'as bien dormi ? Oh non, tu n'as pas fait aç... Merci infiniment pour les pains au chocolat, j'adore. », lui avoua-t-il en croquant dedans à pleines dents. « Tarik, est-ce qu'il reste du café ? ».
Comme Tarik l'avait pressenti, il avait ainsi anticipé de prendre des tasses et surtout la cafetière. Il servit un café à Ken qui resta debout, excité comme une puce. Pendant que ce dernier dévorait déjà son deuxième pain au chocolat, il lâcha enfin ce qu'il avait en tête : « J'espère que ton thé est fort en théine car je viens d'avoir l'idée du siècle. Hier, crois-moi, j'ai parlé avec les autres qui sont absolument partants pour une idée qui m'est venue. Alors, je vais être cash : on voudrait collaborer avec toi. Après tes qualités qu'on a vues hier, on s'est dit que tu es la personne qu'il nous faut. ».
Elle se leva si rapidement qu'il en eut le tournis : « Ken, t'es sérieux ? Je ferai tout pour vous aider autant à court qu'à long terme mais il faut que tu m'expliques de quoi il s'agit ! ».
Or, avant que Ken ne puisse ouvrir la bouche, Nabil fit son apparition, en simple caleçon. L'unique réaction de Tarik fit rire son frère, Ken et bien sûr elle : « Refré, habille-toi, on reçoit une meuf ! », grommela-t-il.
Pourtant, Tarik n'était pas au bout de ses peines avec toute la clique qui était en train de se ramener. Concernant leur tenue, c'était du n'importe quoi, mais elle ne sembla pas plus y prêter attention que ça. Au contraire, la seule chose qui la préoccupait, c'était de savoir si tout le monde allait avoir de quoi déjeuner. Il la regarda avec envie.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro