Chapitre 2 : Réalité augmentée
« Toute ma vie j'l'ai ramée dans les ténèbres. J'me réveille j'ai cette haine qui me pénètre. ». Cela faisait longtemps que Tarik n'avait pas rappé la rancune qu'il pouvait ressentir contre cette terre. Il regarda Nabil. Le génie de PNL se résumait en une phrase qui se révélait qu'ils étaient deux frères rentrés dans la légende après avoir conquéri le monde avec que la famille. Pourtant, cette fusion représentait en amont bien plus que ça. « J'connais le million mais j'chante toujours pas la-la-la-la. ». Au fil des punchlines, Tarik retrouvait sa voix qui résonnait dans son torse.
Les rappeurs n'avaient pas attendus une semaine pour se remettre sérieusement au travail. D'habitude, cela les arrangeait de se cacher derrière cette façade de l'artiste qui avait besoin de temps pour produire de la qualité mais ils étaient en réalité tous de vrais charbonneurs. Le rap était le projet d'une vie. En effet, il ne suffisait pas de poser un couplet mais surtout construire une collaboration étroite avec son beatmaker, adapter les idées de paroles selon le flow et dégager une émotion sincère. « Tu vois cette image qu'ont les gens du rap ? Et bien nous, on va changer ça. ». Dès 2015, Nekfeu présentait déjà les nouvelles ambitions.
« Hé la, holà! Tes lèvres ne me font plus penser. ». Nabil avait la réputation d'être plus accessible par rapport son frère, notamment par les femmes.
Pendant des semaines, tous porteront une attention particulière sur leurs voix et physiques. Cependant, pour Tarik, cette tâche était loin d'être facile parce qu'Ademo était un homme à part. Comment l'humain pouvait-il résister à ne pas sombrer dans sa propre folie lorsqu'il pensait ? Avec cette remarque, Tarik Andrieu perdit son propre combat qu'il menait face à lui-même. Cette démarche volontaire d'aller chercher Ademo lui faisait contradictoirement du mal car il n'était plus ce personnage. Certes, la haine était toujours présente mais elle s'était dissipée.
C'était notamment à cause de ce genre de réflexion que Tarik n'avait pas laissé le choix à Nabil de ne pas établir de suite une tracklist puisque la liberté de l'improvisation faisait partie de la création.
Depuis des jours, le couple vivait dans une réalité augmentée crée seulement par rien d'autre qu'eux-mêmes. Lorsque l'individu ne se supportait temporairement plus, pouvait-il pour autant vivre avec l'autre ? Elle et Tarik pouvaient devenir philosophes, bien que depuis des jours, aucun des deux n'avait rien écrit. Cette situation devenait problématique car ils ressemblaient à une cocotte-minute sur le point d'exploser, et plus par frustration que de rage. L'ennui menait à la mélancolie, cette dernière à la peine et la peine...
Ils encaissaient. Jusqu'à ce que Nabil demanda à Hugz de lancer Tu sais pas. Avant même qu'il ne commence, Tarik eut la gorge serrée. Cela ne s'arrangea pas quand il la vit exploser en sanglot.
Or, la musique n'était que catharsis. D'où provenaient ces sentiments et émotions ? Surtout, pourquoi elle et Tarik les ressentaient plus viscéralement ?
Ademo devait reprendre le dessus. Tarik s'abandonna donc en replongeant dans cette jungle qu'est le zoo, les Tarterêts, Corbeil-Essonnes, Gagarine, la jungle, Paris, la faim, la bicrave, la prison, la haine, l'ambition. Semblable à un Saiyan, il se transforma. Mangas, pop culture, jeux vidéo, blanka.
« Ça voudrait dire qu'on est tous liés. J'ai l'impression qu'on est tous liés. ». Tarik se trouvait dans sa période où il ne trouvait des réponses uniquement dans les punchlines de Nekfeu.
De quelle manière faire cohabiter Gainsbourg et Gainsbarre, de même que le Renaud ait accepté le Renard ? Quand Tarik arrêterait-t-il de se poser des questions ? Jamais parce que c'est le propre d'un génie qui se révèle en réalité souvent seul...
« Ça va pas trop, j'roule un tehr, trop d'haine pour neuf mètres carré. Tristesse, faut pas calculer. ». Malgré tout cela, Tarik écoutait Nabil, redevenu N.O.S.
En quelques secondes, la confusion s'était de nouveau installée. Pendant quel jour de la semaine se produisait ces évènements ? Lundi, mercredi ou vendredi ? Au fond, il n'y avait vraiment aucune importance vu qu'il bicravait sept sur sept H24 en bas du hall... Ademo était en train de renaître des cendres de l'enfer et cela n'était pas bon pour Tarik. Pourtant, ce fut bien Ademo qui sortit de scène le mental et le cœur gainé.
Tout à coup, il fut interrompu par une silhouette plus petite que lui qu'il venait tout juste de percuter au coin d'un couloir. Assurément, ça ne pouvait être qu'elle. Pour la première fois, elle releva timidement sa tête. Les deux amants se faisaient face et aussi loin qu'ils remontèrent dans leurs souvenirs, jamais ils n'avaient vécu de situation aussi floue. Pour une raison qu'il ignorait, Ademo serrait fort les poings tandis qu'elle fuyait son regard. Que s'était-il passé pour avoir un tel changement ?
« Comment peux-tu aimer à la fois Tarik et Ademo ? », bougonna Tarik en posant son front contre celui de sa femme. Les frontières entre les personnalités n'avaient jamais été aussi fragiles et délicates.
« Tarik est l'homme qui partage ma vie. Quoiqu'il en pense, c'est un être construit de force qu'il entretient pour protéger les siens. Il est fier, pudique et le roi de notre tribu. J'en suis amoureuse depuis qu'il est venu me parler dans la nuit après sa prestation dans un festival. Il a partagé son lit sans méfiance puisqu'il savait que je ne le percevais pas comme Ademo. Ce dernier est ta face cachée. Et encore, je suis sûre qu'il garde secrètement en lui une vallée paisible. », lui avoua-t-elle. Puis, elle posa ses mains sur son torse, le regard transperçant d'amour.
Tarik ne put que plonger sur ses lèvres en plaçant ses mains de part et d'autre de son visage. Et si quelqu'un les surprenait ? Balek, puisque leur amour était la volonté de Dieu. Il n'y avait que ce dernier pour lui avoir envoyé la femme de sa vie. Après tout, c'est le mektoub qui le dira...
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« Voilà, il faut que tu pousses sur tes mains et tes jambes. Tu vois, je t'avais bien dit que le surf était beaucoup moins compliqué que le skate. En plus, tu as moins mal quand tu tombes. », expliquait Mohamed pendant qu'il apprenait à l'une de ses plus proches amies les bases du surf.
Maroc. Soleil, chaleur, sable, désert, oasis, plage, mer. Le repos, les potes, la vie quoi. Si Tarik avait écouté Ademo, ce dernier aurait fait ramener toute l'équipe pour cliper un son. Dans cette baie, il faisait le beau. En réalité, il ne pouvait que se le permettre car depuis des semaines, il ne cessait de développer sa masse musculaire. Allongé sur sa serviette en plein soleil avec son short de bain, sa casquette à l'envers et sa cigarette du coin des lèvres, il était plutôt fier de dévoiler son corps.
Tarik, lui, n'avait d'yeux que pour elle. Dans l'eau avec Mohamed, elle tentait de tenir debout sur la planche. Même avec ses gestes peu assurés, elle réussissait à les faire rire. Elle est délicieusement belle avec sa combinaison et ce ruban enroulé autour de ses cheveux : « Tarik, tu es tout rouge. », lui indiqua-t-elle avec un sourire en coin alors qu'elle sortait de l'eau. En effet, Tarik s'était soudainement souvenu de l'image d'une certaine James Bond girl dans cette situation. Comme tous les quarts d'heure, elle venait le rejoindre pour boire de longues gorgées d'eau fraîche dans l'une des bouteilles qu'elle avait pensé à conserver dans la glacière.
« C'est le soleil. ». A peine Tarik eut commencé sa phrase qu'il se rendit immédiatement compte de cette incohérence. Protégé sous le parasol et par sa peau bronzée d'algérien, il était impossible qu'il soit victime d'une brûlure superficielle. Pour réponse, elle le scruta avec des yeux malicieux. « Je voulais dire la chaleur. ». Comme la première, cette riposte fut aussi erronée parce qu'il supportait très bien une température élevée. De nouveau, elle lança à Tarik un regard joueur. « Tu me connais, c'est aps mon genre de... C'est bon, t'as gagné, je te trouve juste canon. », essaya-t-il de grogner tandis qu'elle l'embrassait d'un baiser pudique. Elle l'aimait d'un attachement profond et sincère.
Ces vacances faisaient vraiment le plus grand bien à elle, Tarik et Mohamed. Ils étaient arrivés la veille, après avoir fêter sur deux jours consécutifs les anniversaires de ce dernier et Théo. Comme toujours, tous s'étaient naturellement rassemblés dans l'appartement où elle vivait avec Tarik. Il repensa à l'un des deux après-midis où ils avaient formé deux équipes pour se relayer à la Play... Jusqu'à ce qu'ils remarquèrent que la neige s'était mise abondamment à tomber. En une seconde, elle avait eu l'impression de faire face à une classe d'enfants surexcités et impatients d'aller se défouler en récréation. De plus, la chance avait également décidé de leur sourire en permettant d'avoir des flocons assez collants pour faire une bataille monumentale avec tous les jeunes du quartier. Ils étaient des mômes, malgré que Florian allait bientôt souffler ses vingt-sept ans. Dans l'amitié, qui avait-il de plus précieux que la complicité ?
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