Chapitre 2 : Du Vécu
Le nettoyage et le rangement de la cuisine se firent en un temps record. Moins de vingt minutes plus tard, les lieux étaient redevenus encore plus propres qu'avant leurs passages.
Tarik n'avait aucune idée de l'heure qu'il était. Peut-être cinq heures du matin car ils avaient mis longtemps à finaliser les pâtisseries. Enfin, tout était prêt et il était grand temps d'aller dormir. Alors, Tarik releva doucement le rideau et lui indiqua qu'elle pouvait le devancer.
Elle était en T-shirt et face l'aube douce qui commençait à se faire sentir, Tarik vit qu'elle frissonnait. A cet instant-là, il aurait voulu se rapprocher d'elle et la prendre dans ses bras, afin qu'il sente enfin le peu de chaleur qu'il lui restait, l'odeur de ses cheveux et surtout la douceur de sa peau. Cependant, par pudeur ou fierté, il n'osa pas la toucher.
Tarik ne trouva donc qu'à dire : « Désolé, pour te réchauffer, j'ai R à t'offrir pour te réchauffer, sauf mon T-shirt. Sauf peut-être une clope. Tu fumes ? ». Ses tentatives d'approche étaient médiocres mais au moins, il faisait un effort.
De son côté, elle lui répondit de sa manière habituelle, à savoir d'avantage lui sourire par rapport à tous les autres : « T'inquiète, je n'en ai pas besoin car c'est moi qui aurait dû être prévoyante. Et je ne fume pas. Je n'ai jamais rien essayé, encore moins l'alcool fort. ». Elle avait croisé les bras, mais regardait Tarik.
« J'ai toujours essayé de baisser ma consommation, mais en réalité, je n'ai pas vraiment de motiv... Je veux dire, y'a des mecs qui arrêtent de fumer pour leur go ou leur gosse... Mais moi, j'ai R de tout aç, que mon père et mon frère. ». Tarik ignorait la raison pour laquelle il se confiait à elle. Peut-être parce qu'elle écoutait toujours ce qu'ils avaient à dire.
« Tu sais quoi ? C'est carrément stupide mais on va faire un deal. ». Avant que Tarik ne put répliquer, il la vit sortir de la poche de son survêtement le petit écrin qui contenait le collier. Tout à coup, il eut chaud, parce que finalement, il ne savait pas si cette idée était...
« Tu vois ce cadeau ? Je pense que tu as été fou de me l'acheter. Même si pour toujours être honnête avec toi, j'adore les bijoux. Alors, si je le mets, tu te contrôleras de fumer. ». Tout ce qu'elle venait de déclarer ne ressemblait en rien à une stupide promesse. Au contraire. Cela était un échange. Si Tarik se restreindrait de fumer, il pourrait toujours voir la chaine autour de son cou. Cet ornement devenait un accord, un lien indéfectible.
Alors, toujours par son regard, Tarik lui indiqua d'ouvrir le cadeau. Ce qu'elle fit, avec délicatesse : « Merci Tarik. C'est si précieux l'or et le camée quand ils sont réunis... ». A ce moment précis, elle lui tourna le dos pour que... « Tiens, tu peux m'aider à le mettre s'il-te-plait ? ». Juste à ce qu'elle place ses cheveux sur l'une de ses épaules, son geste le chamboula.
Pour la première fois, Tarik fut conscient qu'il contrôlait de nouveau ses jambes pour se rapprocher d'elle. Il lui prit donc le collier des mains - en essayant le moins possible de paraître suspect à vouloir toucher sa peau -, et lui passa enfin le bijou autour du cou. Pour lui montrer le résultat, elle se retourna et le regarda droit dans les yeux.
« Alors, comment tu le trouves ? », lui demanda-t-il alors que Tarik profitait de cette seconde d'admiration pour prendre le camée entre ses doigts, et surtout pour la sentir plus que jamais proche de lui.
« Je n'ai pas vraiment de mots... Comme je te l'ai dit, l'or et le camée sont déjà des bijoux très précieux lorsqu'ils sont séparés, alors imagine-toi quand ils sont réunis... ».
Oui, Tarik pouvait imaginer. Puisque lorsqu'il l'entendait faire de telles déclarations, il avait l'impression qu'elle parlait d'eux.
Sans prévenir, son ange de l'épaule gauche réapparut brusquement : « Regarde-toi, tu es pitoyable avec tous ces sentiments. ». Alors, il se renfrogna. Pour lui, cela était dommage parce qu'en réalité, il savait très bien ce qu'elle évoquait.
Enfin, ils décidèrent d'aller rejoindre le bus. Cette fois-ci, c'est Tarik qui monta en premier dedans. Alors qu'il allait se diriger vers sa chambre, il entendit ce qu'il espérait le plus.
« Si tu veux, viens dormir avec moi, ça évitera que tu réveilles ton frère puisqu'il dort dans la chambre attenante à la tienne. ».
Tarik se retourna et put voir avec plaisir qu'elle avait prononcé cette déclaration avec une assurance inégalée, sans aucune hésitation et surtout sans peur. En essayant de rester le plus naturel possible, il lui répondit simplement : « C'est cool cimer. ».
Alors, ils se dirigèrent vers la pièce qui, quoiqu'il se passait, restait climatisée. De fatigue, elle se laissa tomber sur le lit en s'enroulant dans la couette. Puis, à peine Tarik eut le temps de l'observer qu'elle fermait déjà les yeux. Quant à lui, il ne sentait même plus son cerveau réfléchir. Entre la fin des effets de l'alcool et surtout après tout ce qu'il venait de se produire, il ne se posa pas plus de questions. Il se coucha auprès d'elle et ne se souvint même pas d'avoir cogité avant de s'endormir.
///
« Tarik, mon frère, viens grailler les desserts ! ». La voix de Nabil. Tarik ouvrit difficilement un œil mais réussit quand même à le voir à travers la fenêtre. Le premier réflexe que l'aîné eut, avant de même regarder l'heure, fut de vérifier si elle était toujours à ses côtés. Oui, elle dormait. De manière paisible, profonde, presque indérangeable. Pour se repérer, il tourna la tête vers sa partie de la table de nuit, où un simple réveil indiquait 14 heures. Pour la laisser se reposer encore un peu, il fit signe à son frère de ne pas retoquer contre la vitre parce qu'ils arriveraient dans moins de quinze minutes.
Alors, Tarik se leva, se dirigea machinalement vers la salle de bain, puis prit une douche réconfortante. Ensuite, il se coiffa, arrangea sa barbe et s'habilla. Pourquoi prêter subitement autant attention à son physique ? La présence d'une femme pouvait faire bien des miracles.
Enfin, Tarik retourna dans la chambre. Elle dormait toujours et elle semblait imperturbable. Cela faisait mal au cœur à Tarik de réveiller une personne qui se reposait si bien. Toutefois, il prononça quand même son prénom en la secouant un peu.
« Mmm... Tarik... Il est quelle heure ? », dit-elle avec une voix encore endormie, et surtout sans avoir encore ouvert les yeux. Tarik la trouva mignonne car il la reconnaissait dès le réveil.
« Quatorze. Je te conseille de te lever avant que tout tes desserts soient graillés. ». Tarik s'était assis à côté d'elle. En réalité, il se faisait violence de ne pas se caller auprès de son corps.
« Vas-y, je suis là dans dix minutes. ». Même si Tarik savait qu'elle était toujours ponctuelle, il se dirigea avec petit regret vers l'extérieur. Lorsqu'elle n'était pas à ses côtés, il se sentait...
La lumière du soleil l'éblouit et les cris du groupe se firent entendre. Tout le monde était autour de la table, bien que le S-Crew affichait une mine plus fatiguée que les autres. Or, ses membres étaient présents, car Ken somnolait sur sa chaise pendant que Théo s'était accaparé l'assiette de crêpes et que les frères Akrour gardaient bien jalousement la cafetière auprès d'eux.
Comme d'habitude, Tarik dit d'abord bonjour à son frère en l'enlaçant longuement. Puis, il fit un geste au reste du groupe, qui lui répondirent tous par leur bonne humeur quotidienne.
« Les gars, merci de ouf, c'est une tuerie toutes ces pâtisseries ! ». Comme la plupart d'entre eux, Deen s'était réservé un plat spécifique, celui de la tarte au citron meringuée.
« Tu devrais plutôt la remercier. Les préparations que tu vois, c'est elle qui les a suivis à la lettre. ». Sauf qu'à peine Tarik eut expliqué cela qu'il le regretta : il n'était pas sensé le savoir. Pourtant, il était fier, et non pas de lui mais d'elle. Tarik lui avait découvert une résistance qu'il ne lui connaissait pas ; et de toute façon, personne ne se permettait de lui demander des comptes.
« Ah ! T'es là ! Ma sœur, parce que désormais je te considère comme telle, merci pour tout ce que tu as fait ! C'est l'un des meilleurs cadeaux que tu pouvais nous faire ! ». Lorsque Tarik entendit la voix d'Alpha derrière lui, il se retourna. Elle venait de faire son apparition.
Habillée d'une longue robe bleue, les cheveux détachés, pieds nus... Et le collier bien caché : « Bonjour !!! Je t'en prie Alpha, c'est la moindre des choses. Bon anniversaire ! ».
Elle se mit donc à saluer les autres avant Tarik. « Le meilleur pour la fin. », se surprit-il même de penser.
Enfin, elle arriva à la hauteur de Tarik, le regarda dans les yeux et grâce aux longs tissus de sa robe qui étaient parfois avantageux - dont celui de cacher un geste -, elle effleura du bout de ses doigts les siens. Pour reprendre au plus vite ses esprits, Tarik s'assit et prit soin de garder libre la chaise à sa droite.
« Tarik, tu veux quoi ? ». Sa voix avait changé mais seul Tarik pouvait le remarquer. Puisque de tous, il était celui qui passait le plus de son temps avec elle. Notamment parce que sa présence - toujours douce, rassurante et cette fois-ci presque câline -, le rassurait et surtout l'apaisait. Il était vraiment en train de perdre la tête.
« Ce que tu prends. ». Alors, elle lui tendit une assiette avec les dernières crêpes qu'elle avait courageusement récupérées à Théo. Elle venait de les recouvrir de sirop d'érable et pour les gaufres, elle avait choisi de la ganache au chocolat et de la chantilly vanille. « Cimer. ».
Lorsque croqua enfin dans la gaufre moelleuse, mais aussi à la fois craquante ayant un arrière-goût de rhum, il ne put s'empêcher de fermer les yeux. Bordel, cette femme était une déesse. Cette fois-ci, ce fut son estomac qui s'exprima pour lui : « Sartek comme c'est bon ! ».
« Au fait, y'avait pas un match de l'Algérie aujourd'hui ? ». Quand elle prononça le nom de son pays, Tarik, son frère, Jason, Fabrice et Mikael relevèrent si brutalement la tête qu'elle éclata de rire face à leur réaction.
Ainsi, Nabil se leva et prit la direction des bus. Comme toujours, Tarik savait parfaitement ce que ce dernier allait faire, à savoir récupérer les maillots. Il le remercia intérieurement car l'appel de la bouffe était trop intense. Avec elle, Tarik se régalait dans tous les sens du terme.
« Ton sport, c'est plutôt le rugby c'est ça ? ». Étrangement, Fabrice pouvait se souvenir d'un détail ultime dans une conservation.
« C'est vrai que je suis plus à l'aise pour comprendre les règles de ce jeu plutôt que celles du foot, mais dans la vie, on en apprend tous les jours ! ». Elle s'exprimait d'un parler correct et toujours franc. Tarik l'admirait pour cela.
« WAllah mais comment on va faire pour tout t'expliquer ? Tu ne connais pas les corners, coups-francs et hors-jeux ? », lui demanda Nabil alors qu'il était en train de revêtir son maillot. Quant à Tarik, il prit le drapeau algérien des mains de son frère afin de s'y envelopper dedans.
« T'inquiète, je t'expliquerai. ». Tarik ressentait surtout cette envie, cette nécessité, ce besoin viscéral de la sentir près de lui.
Les gars passèrent donc de l'extérieur au salon en moins de cinq minutes. Ils s'étaient allongés les uns à côté des autres sur la banquette dépliable. Tarik n'attendait plus qu'elle.
Le match allait bientôt commencer. Heureusement, elle toqua à temps à la porte, même si elle était attendue.
« Vas-y, rentre mais dépêche car c'est bientôt l'entrée des joueurs et surtout les hymnes ! ». Malgré une finesse peut évidente, Jason savait qu'il devait absolument travailler cette dernière.
Tarik, comme toujours, il se fit violence pour détourner ses yeux d'elle. Il voulait passer sa vie à l'observer, pour continuer à mieux la discerner.
« Tarik, je peux me mettre à côté de toi ? Enfin, surtout contre le mur car à cette place, je suis certaine d'être la plus éloignées des insultes qui vont être lancées contre l'arbitre... ». Elle fut interrompue par les grognements des gars. En réalité, elle adorait les embêter.
Tarik n'hésita pas une seule seconde. Il poussa son frère d'autant plus vers la droite qu'il ne l'était, surtout pour qu'elle ait assez de place entre lui et le mur. Ensuite, suivaient Mikael, Fabrice et enfin Jason. Elle grimpa sur le lit et il se surprit à faire un geste inconnu, celui de lui tendre la main. Enfin, elle s'installa contre lui parce qu'en réalité, elle n'avait pas d'autres choix. Ses bras touchaient ceux de Tarik et ses jambes frôlaient les siennes. Il était dans un moment de quiétude.
Les joueurs entrèrent enfin sur le terrain et les hymnes retentirent. Tous arrivaient à se débrouiller avec la langue algérienne. Puis, le match commença. Globalement, quand elle découvrait quelque chose de nouveau, elle restait silencieuse. En réalité, elle observait et demandait des explications seulement quand elle ne comprenait pas un détail.
« Tarik, c'est le moment, lance Tahia ! ». Pour les deux frères, cette phrase reflétait du vécu. En effet, c'était l'une des très grandes capacités de PNL : celle de surprendre tout le monde.
Alors, à la demande de son frère, Tarik choisit ce son sur son portable. Logiquement, vu que ce dernier était connecté aux enceintes Bluetooth de la pièce, il retentit de façon immédiate et surtout fortement.
Comme prévu, tous s'ambiancèrent dessus. Nabil le rechanta, les frères Akrour commencèrent à bouger frénétiquement leur tête et Mikael dandina ses épaules comme s'il en avait l'habitude.
Elle eut une réaction opposée, à savoir de s'allonger entièrement sur le lit et mis ses mains sur son visage.
Ce comportement inhabituel inquiéta Tarik qui fronça les sourcils et se pencha vers elle : « Ça va aps ? ».
« Tahia, tahia PNL, Tahia, tahia Djazaïr... ». L'un de ses défauts était de chanter faux, même si elle avait prononcé tous les mots presque parfaitement.
Tout à coup, Tarik eut un flash-back : « Attends, tu parles combien de langues ? ». Un soir où il était à peine minuit, Tarik s'était déjà allongé sur le lit. Avec l'autorisation des frères Andrieu, elle déballait peu à peu ses affaires de ses cartons, et rangeait ses CD sur une étagère. Elle avait gardé l'habitude d'acheter les albums physiques et surtout de les écouter grâce à son Walkman. Elle était d'ailleurs en train d'y changer les piles. Là était l'avantage de vivre avec une femme qui était née dans les années 90. Une véritable époque.
« Officiellement trois : le français qui est logiquement ma langue maternelle, l'anglais, l'allemand et j'ai des notions d'italien. Rien à voir mais ça m'a surpris que vous ne m'ayez pas plus vannée que ça par rapport au lecteur CD... ». Elle souriait. Tout le temps. Voir ce visage apaisé donnait à Tarik un sentiment de plénitude dont il profitait à chaque instant.
« Chaud... Déjà oim, je galère juste avec le français... Et je pensais que tu connaissais l'arabe, parce que t'arrives quand même bien à prononcer tous les mots algériens qu'on place. ».
« C'est uniquement grâce à vos chansons. ». En effet, elle avait tous les albums. 1995, S-Crew, L'Entourage, Sneazzy, BigFlo et Oli, Nekfeu, Deen Burbigo, Roméo Elvis, Lomepal, Eddy de Pretto, Alpha Wann, 2Zer et bien sûr PNL. A peu près 25 pochettes toutes jalousement gardées.
« Ça doit faire un bail que tu nous écoutes tous... », lui demanda-t-il alors qu'il se levait pour commencer à l'aider. En réalité, c'était juste pour la sentir toujours plus proche de lui.
« 2012 ou la fameuse prophétie de la fin du monde qui ne s'est finalement pas produite... J'étais en pleine adolescence... J'étais sage, excepté le soir dans ma chambre quand je m'éclipsais avec les textes et les voix des rappeurs que personne ne comprenait. ».
Similaire à tous les consommateurs de rap, elle écoutait aussi les classiques de la chanson française. Gainsbourg, Renaud, Piaf, Brel... Sans oublier Céline Dion et Mylène Farmer. En répétition, elle pouvait passer des heures sur la scène à chanter et danser comme si personne ne la regardait, surtout depuis qu'elle s'était trouvée un compagnon pour être dans son délire qui n'était autre que Mikael.
Ses éclats de rire les plus démonstratifs, Tarik pouvait encore jusqu'au lieu le plus profond et lointain de ses tympans. C'était surtout en répétitions, auprès de Mikael car ils adoraient imiter le duo Céline Dion - Jean-Jacques Goldman. En effet, l'avantage le moins négligeable de se faire assister des ingénieurs-son était que ces derniers savaient adapter les voix selon une demande précise. Les moments de complicité entre elle et le Burb étaient en réalité beau à voir, notamment parce que leurs imitations faisaient rire tout le monde.
Le cinquième trait de personnalité de Tarik Andrieu se résumait à son observation détaillée du monde qui l'entourait, et surtout des personnes qui le composaient.
D'habitude, Tarik ne faisait pas vraiment attention aux meufs. Puisque comme il l'avait expliqué dans ses textes, la priorité était de faire du biff pour mettre à l'abri la famille. Or, le seul moyen d'en gagner rapidement était de bicraver, même s'il savait que c'était illégal. Cependant, l'illégalité force à se cacher. Alors, comme dirait Ken : « Tout est une question de cycles en fait. ». Ainsi, les go n'étaient qu'un ralentissement dans l'ambition première de Tarik Andrieu, celle de mettre la famille à l'abri du zoo.
Sauf que de jours en jours, Tarik la considérait davantage comme un membre de son clan. Il voulait la protéger contre ce monde - semblablement à tous ceux qu'il estimait de sa famille -, notamment pour continuer à la voir, et dans le but ultime de la rendre heureuse.
« Merci de me permettre de m'installer un petit peu... Ça me fait plaisir. Comme le pass privilégié backstage... C'est ouf tout ce que vous me faites vivre, de tout cœur merci. », lui avoua-t-elle alors qu'elle commençait à fixer Tarik en pliant ce pass tant convoité.
Ainsi, Tarik eut envie que ce moment s'éternise. Tarik sentait qu'ils se rapprochaient. Entre eux, cela était électrique, sensible, inexplicable.
Pudiquement et pour la première fois, Tarik se permit de baisser son regard vers le décolleté discret qu'elle portait. Il avait envie de l'embrasser. Il devenait fou. Sentir la douceur de ses lèvres - il ne pouvait que les imaginer ainsi -, toucher du bout de ses doigts sa peau si douce, si fragile, si pâle, reconnaître son parfum, s'endormir dans sa chaleur...
« Tarik ! Ton frère te connaît vraiment bien ! T'as des absences parfois... Il y a quelque chose qui ne va pas ? ». Oui. Enfin non. Il ne savait plus. Sa voix pourtant si compatissante le fit revenir à la réalité.
Sur le lit, elle venait de s'asseoir en tailleur, et allait de nouveau finir en deux jours un de ses très nombreux livres. Tarik commençait à la connaître. Lui-même se reposait sur le fauteuil en face du lit, où elle devait croire normalement qu'il écoutait des sons sur son portable, alors qu'en réalité, il profitait de toute sa beauté. A travers l'objectif.
Pour quelle raison la pudeur était l'un des principaux caractères de Tarik Andrieu ? Lui-même trouva facilement la réponse : « J'essaie d'ouvrir mon cœur, chelou comme ça fait peur. ».
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« C'est l'amour, la famille, l'honneur... ». Tarik se réveilla à ces mots qu'elle prononça. Il connaissait ces derniers par cœur car ils constituaient le fil d'Ariane de sa vie, ses paroles et albums. Comme d'habitude, la fenêtre de leur chambre était entrebâillée. Il grogna. Elle faisait partie des rares personnes à pouvoir dormir dans une pièce toute éclairée.
Cela ne pouvait être que le lendemain. Les journées passaient à une vitesse folle. Il était effrayant de ne pas pouvoir attraper le temps et le figer. Avec Ken, elle avait pris l'habitude de traîner au petit déjeuner parce qu'ils débattaient sur la littérature, l'écriture, les phrases, leurs constructions, les rimes, les punchlines, les livres et de tous les sujets les plus inimaginables.
« Donc tu penses que Kerouac et Pagnol écrivent sur les bienfaits de l'attachement ? C'est n'importe quoi ta théorie... ». Il était vrai que Ken était définitivement l'un des rappeurs les plus cultivés de la scène française.
Alors qu'elle l'était tout court car s'intéressait à tous les sujets, et pouvait ainsi s'en construire un avis. Par exemple, elle connaissait toutes les facettes des genres musicaux, comme si elle était musicienne. Elle ne savait pas encore lire le solvège mais avait une très bonne oreille musicale. Ainsi, les frères Ordonez s'étaient promis d'être ses professeurs dans les cours de piano, de batterie et de trompette.
Tarik se faisait du mal, surtout de bon matin, à penser de ce qu'elle pouvait bien lui trouver. Puisque lui, il n'avait rien de ce que les autres lui donnaient. Il n'était pas artiste dans l'âme, encore moins poète - il se jugeait tristement à tort -, et il n'avait aucune connaissance sur la musique. Entre elle et Tarik, il y avait un lien qui les unissait.
Alors, pour éviter de se lancer à nouveau dans une réflexion intérieure, Tarik préféra se lever. Lorsqu'il sortit du bus, la lumière extérieure l'éblouit.
Elle et Ken étaient bien en train de discuter sur la grande table dépliable de camping, remplie de carnets, de feuilles, de stylos... Et bien sûr de pains aux raisins qu'elle avait cuisinés. Tarik en saisit un sans se poser la question s'il était bon ou pas puisque de toute façon, elle réussissait toujours ce qu'elle entreprenait. Il checka Ken, mais au moment de se tourner vers elle, son cœur fit un bond.
Elle venait de se recolorer les cheveux. En rouge, bordeaux. Cette teinte lui allait si bien car cette dernière faisait ressortir la pâleur de sa peau et donc ses tâches de rousseur que Tarik adorait. De plus, elle avait aussi fait accentuer leur côté ondulé.
Tarik la trouvait belle. Naturelle, splendide, unique. Il avait tellement envie de la prendre dans ses bras, de la serrer fort, de l'embrasser. Inconsciemment, elle faisait de lui un autre homme.
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