Chapitre 18 : La Meute
Désormais, cela faisait deux semaines que Swann et Alexandre avaient quitté la colonie d'Alice et Edward. Ils avaient eu la chance de croiser un long-marcheur avec lequel ils avaient partagé d'inquiétantes nouvelles concernant l'avancée des Cyniks. Ils se faisaient de plus en plus nombreux et de nouvelles attaques avaient visé des colonies. Les longs-marcheurs devraient redoubler de vigilance même si les Cyniks, se déplaçant par cohorte, n'étaient pas difficiles à éviter. Le long-marcheur qu'ils avaient rencontré leur avait parlé de lui-même du grand projet de fonder une capitale panesque et que même si on ignorait encore si c'était vrai, une rumeur se répandait selon laquelle elle serait située un peu plus au nord, sur la côte Est. Swann et Alexandre avaient échangé un coup d'œil complice sans rien ajouter. Le long-marcheur avait griffonné sur la carte de Swann l'emplacement de colonies qu'il avait recensées, puis était reparti de son côté colporter ses propres nouvelles.
Swann et Alexandre étaient entrés dans une vaste forêt -la région était plus boisée à mesure qu'ils avançaient- et cheminaient côte à côte sur leurs fidèles montures. Avec le temps, leurs rapports s'étaient améliorés et ils se sentaient désormais réellement compagnons de route, et même s'ils n'étaient pas toujours très démonstratifs ils étaient attachés l'un à l'autre. Les voyages resserrent les liens, d'autant plus s'ils se font en tête à tête en pleine nature.
Sentant leurs chevaux fatigués, ils firent une petite halte. Swann sortit pour tenter de chasser un peu de gibier, art dans lequel elle s'était révélée assez douée, tandis qu'Alexandre veillait sur les chevaux et le matériel. Swann ressentait un petit orgueil bon enfant à cette supériorité qu'elle avait au tir à l'arc, d'autant plus qu'Alexandre ne cédait pas beaucoup de terrain par ailleurs.
Swann marcha un certain temps, il lui semblait avoir aperçu une mare sur le chemin. Elle savait que les points d'eau étaient des endroits très fréquentés par les animaux qui venaient y étancher leur soif. Elle choisit donc de s'y embusquer en espérant qu'un animal y passe.
Dissimulée sous un buisson surplombé par un rocher, elle tenait fermement son arc. Elle avait mis un moment avant de pouvoir s'en servir à nouveau, chaque fois qu'elle encochait une flèche sa main se mettait à trembler au souvenir du Cynik tué et elle n'était plus capable de viser correctement. Avec le temps, elle avait fini par considérer cet épisode tragique comme une chose qu'il fallait accepter, elle s'était forcée à se convaincre qu'Alexandre avait raison, qu'elle n'aurait pas pu faire autrement pour préserver les Pans qui l'avaient accueillie.
Swann attendait donc depuis un long moment avec patience quand enfin une biche sortit du couvert des arbres et se dirigea vers la mare boueuse de sa démarche gracile. Elle avait une tête étonnamment grosse, sûrement à cause d'une mutation. Swann encocha la flèche, pinça la corde entre ses doigts et recula son avant-bras de façon à la tendre le plus possible... quand elle heurta malencontreusement une brindille qui cassa avec bruit.
Quelle erreur stupide ! Elle pouvait dire adieu à sa viande fraîche, alors qu'ils avaient pourtant vraiment besoin d'économiser leurs réserves !
Cependant, la biche, au lieu de s'enfuir comme Swann l'avait prévu, tourna sa grosse tête dans sa direction. Dévoilant une rangée de crocs épais et pointus.
Ça, Swann ne l'avait pas prévu.
La biche fit un pas dans sa direction, puis se mit à courir en faisant de grandes enjambées, tous crocs dehors. Swann tira, mais dans la panique, la manqua. Elle n'était plus qu'à quelques mètres quand elle fut brusquement stoppée dans son élan par une forme qui la percuta et la renversa sur le côté. La biche monstrueuse laissa échapper un gémissement pitoyable tandis que la créature la mettait en pièce.
Swann, qui était sortie du couvert du buisson pour échapper à la biche, était désormais assise par terre, stupéfaite regardant un lion déchiqueter une biche mutante. Celui-ci dût se rendre compte de la présence de la jeune fille, car il leva brusquement la tête, un lambeau de chair sanguinolant pendant de la gueule, et toisa Swann en proférant un grondement. C'est à ce moment-là que Swann comprit le sens de l'expression "tomber de Charybde en Scylla".
Alors que le lion, toujours grondant, s'approchait d'elle d'une démarche chaloupée, une voix forte et autoritaire s'éleva de nulle part : "Assez, Zadaï !"
Le lion laissa échapper un grondement plaintif, semblable à une protestation. "Je t'ai dit non !" reprit la voix. C'était celle d'une fille.
Swann leva la tête et la vit, juste derrière elle. Debout sur le rocher, elle surplombait la scène d'un air royal. Elle portait une cape faite de fourrure blanche, avec une capuche qui dissimulait son visage, et tenait une grande lance à la hampe rouge. Sans descendre de son piédestal, elle lança à Swann avec une superbe majesté : "Et toi, qui es-tu, étrangère ?
- Je... je m'appelle Swann, je suis long-marcheuse...
- Long-marcheuse ? C'est quoi encore cette invention ? D'où viens-tu ? Que fais-tu sur le territoire de la Meute ? Parle !
- Je viens de New York, mais depuis la Tempête je traverse le pays à la recherche des groupes de Pans, et d'autres choses ici... Je ne savais pas que cette forêt appartenait à quelqu'un...
- De Pans, dis-tu ? Tu veux parler des survivants ?
- Oui, c'est ça, mais..."
La mystérieuse jeune fille l'arrêta en sautant d'un geste souple et en atterrissant devant elle. Malgré ce rapprochement, Swann ne parvint toujours pas à discerner son visage sous la capuche de fourrure.
"Hum, reprit la fille. Tu as l'air de savoir des choses que j'aimerais apprendre. Suis-moi. Et toi, Zadaï, lança-t-elle à l'adresse du lion, continue ta chasse. J'enverrai quelqu'un chercher le gibier tout à l'heure." Le lion répondit à cet ordre par un grognement amical, tira par une patte le cadavre de la biche pour la déplacer sous un buisson, et s'en fut dans la forêt, sans doute à la recherche d'une autre proie.
Pendant ce temps, Swann, mal à l'aise, marchait devant la jeune fille qui restait derrière elle, à quelques pas. A la manière dont celle-ci tenait sa lance, elle s'apprêtait à réagir à quelque tentative de fuite que ce soit.
Swann, de son côté, pensait à Alexandre. S'il ne la voyait pas revenir, il risquerait de s'inquiéter. Et puis, si les choses tournaient mal, il serait bon de l'avoir à ses côtés. En même temps, pouvait-elle volontairement risquer de le mettre dans une situation dangereuse ? Après tout, cette jeune fille n'avait pas l'air si hostile que ça, elle n'avait pas émis la menace de la tuer... Swann finit par se décider : "Hé ! Tu sais, je ne voyageais pas seule... Il y avait un garçon avec moi, qui est là, il doit attendre que je revienne...
- Un garçon ? demanda la jeune fille d'un ton goguenard, avant de se reprendre. Très bien, mène-moi à lui. Je ne peux tolérer que des voyageurs puissent passer sur le territoire de la Meute, et même y chasser, sans le moindre contrôle."
Swann n'ajouta rien, et conduisit la mystérieuse jeune fille jusque-là où elle et Alexandre s'étaient établis en arrivant, en tentant de se souvenir du chemin. Lorsque les deux filles parvinrent au campement des longs-marcheurs, elles trouvèrent Alexandre en train d'affuter sa longue épée que les semaines remplies de dangers avaient émoussée. Lorsqu'il entendit le bruit de deux pas au lieu d'un seul, il se retourna immédiatement, l'arme au poing. Sa surprise se mua en rage quand il vit une étrange personne armée d'une lance qui tenait Swann en respect. Mais avant qu'il n'ait pu agir, Swann lui lança : "C'est bon, Alexandre ! Tout va bien. Elle veut juste qu'on la suive, pour... parler. Elle veut savoir ce qui s'est passé après la Tempête, elle ne connaît pas l'existence des Pans..."
Alexandre, un peu rasséréné, mais l'air toujours méfiant, acquiesça. Mais il noua les deux fourreaux de ses épées dans son dos, mis la courte dans l'un et garda la longue à la main. Durant le trajet, aucun d'eux ne parla. Ils ignoraient comment faisait la jeune fille pour se repérer aussi aisément dans cette gigantesque forêt. Puis ils parvinrent à un campement niché dans une minuscule clairière circulaire. Quelques personnes y faisaient le guet, allaient et venaient les bras chargés de fruits, ou s'entrainaient au tir à l'arc. Un adolescent s'exerçait à monter un cerf à la robe noire de jais.
Chacun saluait la jeune fille respectueusement, ne manquant pas de lancer des regards étonnés à Swann et Alexandre.
La surprise de Swann et Alexandre, quant à elle, augmenta encore lorsqu'en levant la tête, ils virent tout un village suspendu dans les arbres, formé de cabanes reliées par des passerelles, des nacelles et des ponts de cordes, et toute une vie bien plus importante que celle de la clairière qui se développait là-haut. De nouveau, quelques enfants perchés dans les arbres les gratifièrent de regards surpris. Voyant leur jeune chef revenue, on fit descendre une grande plateforme sur laquelle les trois adolescents prirent place, et on la remonta à l'aide d'un ingénieux système de poulies. Une fois en haut, leur guide fut assaillie de questions, bien que chacun conservât à son égard un grand respect, auxquelles elle coupa court d'un geste de main. Elle amena ses hôtes jusqu'à une vaste cabane en forme de dôme, qui reposait sur une plateforme circulaire entourant un arbre. L'entrée n'avait pas de porte, mais était voilée par un rideau d'un rouge passé arborant un lion et une lance d'un ocre terne.
L'intérieur était assez sombre, mais la jeune fille alluma une bougie dans un petit récipient en terre, révélant une pièce au milieu de laquelle trônait une table basse, entourée de coussins. Le sol était recouvert d'un tapis épais d'un vert tendre, dont la couleur s'effaçait également. Un buffet de bois sombre était poussé dans un renfoncement comme pour se faire oublier. La jeune fille posa la bougie sur la table basse, appuya sa lance contre un mur et s'assit sur les coussins en face de la table basse. Sur la paroi derrière elle se trouvait un tissu en toile qui montrait une peinture assez grossière, le même emblème du lion et de la lance qu'à l'entrée de la cabane.
La jeune fille releva sa capuche, puis ôta sa cape de fourrure. Elle révéla à ses interlocuteurs un visage à mi-chemin entre l'enfance et l'âge adulte, dont les traits commençaient seulement à perdre leurs rondeurs juvéniles. Ses longs cheveux d'un rouge-auburn étaient attachés en une queue-de-cheval basse, qui prenait naissance au-dessus de sa nuque et retombait dans son dos. Elle portait une simple tunique rouge, réhaussée par un collier d'inspiration primitive, formé de quatre crocs provenant d'un animal, longs, aigus et grisâtres. Elle posa sa main droite sur la table, et retira une sorte de gantelet qui accrochait à chacun de ses doigts hormis le pouce de solides griffes aiguisées, semblables aux dents du collier. Elle leva vers Swann et Alexandre ses yeux d'un brun presque rouge, leur adressa un regard teinté de sévérité et les invita à s'asseoir.
"Je suis Astrid, chef de la Meute qui regroupe les survivants de la Tempête, et à qui appartient cette forêt."
Swann et Alexandre se jetèrent un regard fugace, puis, comprenant qu'ils devaient se présenter à leur tour, Swann répondit : " Je suis Swann, je viens d'une colonie au sud-ouest d'ici, que j'ai quittée pour devenir long-marcheuse.
- Moi, c'est Alexandre, j'accompagne simplement Swann.
- Tout d'abord, j'aimerais définir un certain nombre de choses avec vous. En premier lieu, les colonies dont vous parlez. Que sont les Pans ? C'est votre équivalent de notre Meute ?
- Pas tout à fait. Après la Tempête, les Pans, enfin, les enfants, ont d'abord cru être les seuls survivants. Ils ont formé des petits groupes sédentaires qu'ils ont nommé "colonies". Puis, certains de ces enfants ont décidé de quitter leur colonie pour aller voir comment ça se passait ailleurs, et on les a appelés "longs-marcheurs". Ce sont des aventuriers dont le rôle principal est de faire la liaison entre les diverses colonies. C'est ce qui nous a permis de communiquer, d'établir un langage pour désigner tout ce qui a changé après la Tempête, comme le terme "Pan" par exemple, qui désigne tous les enfants survivants de la Tempête. Ou en tout cas, tous ceux qui font partie de cette communauté.
- Tu ne parles que des enfants depuis tout à l'heure. Dans la Meute non plus, il n'y a pas d'adulte. Aucun d'entre eux n'a survécu ?
- Si, et c'est bien ça le problème...
- Le problème ?
- En fait, durant la Tempête, il s'est produit un phénomène avec les éclairs qui ont opéré des... mutations. Sur la faune et la flore, mais aussi sur les humains. Pour les humains, ça se scinde en quatre groupes, peut-être cinq. D'abord, il y a les enfants. Nous n'avons pas changé, simplement nous développons des pouvoirs, que l'on nomme altérations. Ensuite, il y a ceux qui ont disparu, purement et simplement. On ne sait pas où ils sont passés, ils se sont simplement... volatilisés. On n'a retrouvé d'eux que leurs vêtements. Il y a aussi les Gloutons, des adultes qui ont muté pour devenir des créatures horribles, comme des zombies, avec la peau toute plissée et qui semblent se nourrir de tout, y compris de nous.
- On n'en a jamais rencontré jusqu'à maintenant, fit remarquer Alexandre.
- Effectivement. Mais il faut se méfier d'eux. On dit qu'ils ne sont pas doués d'intelligence, pourtant certains prétendent qu'ils se développent comme les premiers hommes, mais en accéléré. Qu'ils se regroupent, et apprennent même à fabriquer des armes !
- Je vois, fit Astride, la voix un peu altérée. J'en ai croisé quelques-uns juste après la Tempête... mais Zadaï s'est occupé d'eux.
- Après, repris Swann, il y a le groupe le plus dangereux. Les Cyniks. Ce sont les adultes survivants, qui n'ont pas été effacés et ne sont pas devenus des Gloutons ou autre chose, mais il semble qu'ils aient perdu la mémoire de l'Ancien-Monde. On ne sait pas ce qu'ils nous veulent, mais certainement pas du bien...
- Ce sera l'ennemi le plus coriace, parce qu'ils ont gardé toute leur intelligence malgré leur probable perte de mémoire. Si on doit les affronter, ça sera automatiquement une guerre sanglante, qui se soldera sans doute par la défaite des Pans, ajouta Alexandre.
- Toujours aussi pessimiste ! pesta Swann d'un ton faussement agacé. Tu peux pas changer de registre ?
- Je suis réaliste, c'est tout.
- Dans ce cas, ta réalité, on va la changer avant qu'elle se concrétise !
- Tu as parlé d'un cinquième groupe, interrompit Astrid en réprimant un sourire en coin.
- Ah oui, fit Swann, revenant tout de suite à la conversation. Ce n'est pas certain, mais il se peut que certains humains, dans de rares cas, aient été victimes d'autres transformations que celles citées. Par exemple, on pense que les Rodeurs nocturnes en sont peut-être, et il peut y en avoir d'autres, mais ce n'est que conjectures.
- Je vois. Elle se tut un instant. Donc, reprit-elle, les Pans sont actuellement menacés par les Cyniks et craignent de plonger dans la guerre."
Astrid se leva, prit dans le buffet une gourde et trois petites coupelles de bois qu'elle disposa sur la table. Elle versa de l'eau dans chacune d'elles. Swann but d'une traite et Astrid plus lentement. Alexandre, lui, garda les mains posées sur les genoux et n'y toucha pas.
"Vous nous avez apporté beaucoup d'éclaircissements concernant la situation du monde. Par conséquent, je passe l'éponge sur le fait que je vous ai pris en train de chasser sur nos terres."
Swann, qui ne pensait plus à l'incident, ne rétorqua rien et se contenta de penser qu'elle n'avait aucun moyen de savoir que ces bois appartenaient à une bande de gamins revenus à la vie sauvage gouvernés par une jeune fille lunatique dont on pouvait difficilement décider si elle ressemblait plus à une reine ou à une sauvageonne.
Soudain, un vacarme se rapprocha et une tornade massive déboula dans la pièce. Zadaï se rua sur sa maîtresse en ronronnant comme un gros chat, marque d'affection à laquelle elle répondit en caressant affectueusement son épaisse crinière en le gratifiant de compliments. "Tu es rentré, Zadaï ! Tu as bien chassé aujourd'hui ? C'est bien, tu es un bon chasseur, tu es un gentil lion Zadaï ! C'est bien, c'est bien..."
Un jeune homme entra à la suite du lion, d'un pas précipité. "Désolé, chef, il est venu directement vous voir dès qu'on l'a remonté ! Il était tout excité cette fois-ci...
- C'est bon, Oswald, tu sais qu'il n'y a aucun problème. Il a ramené beaucoup de choses ?
- Une biche dentue, trois toxigrues et un sanglier.
- Un sanglier ?
- Un agressif, avec le dos rayé de rouge.
- Parfait."
Elle se remit à câliner le lion en le félicitant pour ses prouesses, ce à quoi il répondait par des grognements de satisfactions. Il leva la tête vers sa maîtresse, lui donna un petit coup de museau comme pour attirer son attention et pencha la tête en direction de Swann et Alexandre.
"C'est, bon, Zadaï. Ils sont avec nous. Pas la peine de les mettre en pièce.
- Chef ? demanda le grand adolescent aux cheveux châtain et à la physionomie quelconque, je m'occupe de la répartition de la nourriture sur les jours à venir ?
- Pas encore, Oswald. Attends que tous nos chasseurs soient rentrés, on fera ça à ce moment-là.
- Bien, chef. J'y vais."
Oswald s'en fut aussi vite qu'il était entré. Lui aussi s'interrogeait sur la présence de Swann et Alexandre, mais il était trop professionnel pour se permettre de poser la question à sa chef.
"Ah, ce cher Oswald... fit Astrid une fois celui-ci parti. C'est mon bras droit, il m'est parfaitement dévoué... Je me demande ce que je ferais sans lui.
- Vous semblez être très organisés, dans la Meute... commença Swann.
- Effectivement. Vois-tu, après la Tempête, il se trouve qu'aucun de nous ne voulait reproduire la société d'avant. On a tout réimprovisé avec nos propres règles, et désormais, aucun chasseur de la Meute ne voudrait revenir à l'ancien temps. Ici, tout le monde a trouvé sa place.
- Comment... Comment se fait-il que ton lion soit aussi docile ? C'est ton altération ?
- Docile ? releva Astrid. Zadaï n'est pas "docile". Certes, il m'obéit, mais il le fait en tant que chasseur de la Meute et non pas en tant qu'animal. Quant à mon... altération, comme tu dis, oui, c'est cela. Je possède la capacité de communiquer avec les animaux, dans une moindre mesure. Je ne comprends pas ce qu'ils "disent" mais je peux discerner ce qu'ils veulent exprimer dans l'ensemble, et eux me comprennent. Notre Meute possède un rapport très proche aux animaux. Ils ne sont pas nos serviteurs, comme dans l'Ancien Monde, mais des camarades que nous traitons tous avec respect !"
Swann et Alexandre se jetèrent un regard en coin. A aucun d'eux n'avait échappé la cape de fourrure, le collier de dents et les griffes d'Astrid.
"C'est en raison même de ces règles, reprit-elle en captant un regard peu discret de Swann sur son collier, que nous ne voyons aucun problème à chasser nos prédateurs. Ce n'est pas que nous leur voulions foncièrement du mal, simplement, ils tuent certains d'entre nous comme nous tuons certains d'entre eux. Ce sont les lois de la nature. Mais nous ne nous attaquons qu'à eux seuls, et refusons de chasser le faible et l'herbivore.
La bougie vacilla un peu, et Astrid se leva. "je vais m'occuper de la répartition de nourriture, il va se faire tard. Je vous offre l'hospitalité ce soir, vous pourrez repartir demain.
Alexandre fit remarquer : "On a laissé notre matériel et nos chevaux seuls dans les bois. On doit les récupérer."
Swann, qui avait à vrai dire totalement oublié tout le reste, se mit à s'inquiéter. Est-ce qu'Eru allait bien ? Pourvu qu'aucune créature ne se soit approché de lui ! Elle faisait confiance à sa monture pour rester là où elle l'avait laissée, mais serait-il capable d'échapper à un prédateur ? Astrid proposa d'envoyer quelqu'un pour les aider à ramener leurs bêtes et le matériel. Alexandre proposa à Swann : "Reste ici, profites-en pour faire ton travail de long-marcheuse, le temps qu'il nous reste, moi j'y vais et je ramène tout ici."
Swann acquiesça avec reconnaissance. Elle devait bien avouer qu'elle préférait en découvrir plus sur ces étranges adolescents que de se lancer dans plusieurs kilomètres de marche en forêt. Les trois jeunes sortirent de la hutte d'Astrid, et descendirent au sol en empruntant un long réseau de passerelles. Sur le chemin, elle ordonna à un ado désœuvré de les suivre, lui expliqua en chemin en quelques points sa mission d'accompagner Alexandre, et une fois à terre les deux garçons partirent sans attendre. Swann, elle, continua de suivre Astrid, qui partait devant, très droite, sans déjà plus faire attention à elle. La jeune chef était visiblement très respectée, sans s'imposer par la peur. Elle dégageait une autorité et une majesté, un charisme naturel.
Swann finit par détacher ses pas de ceux d'Astrid, et remonta dans les branches abritant les nombreux abris. C'était une idée très astucieuse d'avoir bâti en hauteur, pour se préserver des bêtes sauvages, pensa Swann. Au cours de la soirée, elle repéra divers endroits qu'elle se promit de croquer dès qu'elle serait en possession de son matériel. Au cours de ses déambulations au travers des branches, elle découvrit, dans un endroit peu fréquenté, une échelle de corde qui montait si haut qu'elle se perdait dans le feuillage. Intriguée, Swann se décida à y monter. La tâche était peu aisée, car de nombreuses branches obstruaient le trajet. De longues minutes, Swann s'agrippa à la corde, manquant par deux fois de tomber, ne voyant au-dessus d'elle rien qu'un abondant feuillage. Enfin, une trouée, derrière laquelle elle devinait une plateforme de bois accrochée solidement au tronc de l'arbre. L'échelle de corde laissa place à un tout petit escalier de bois, à peine cinq marches. Il y avait une personne sur la plateforme.
Swann, épuisée par l'effort de la montée, se hissa sur la plateforme en s'accrochant au garde-fou. Enfin, elle put voir. Elle était en haut. Tout en haut. Elle dominait la forêt, la cime des autres arbres. Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle se trouvait si loin du sol. La vue était à couper le souffle. Une mer de forêt s'étendait en dessous d'elle, et, plus loin, elle laissait place à des vallées, des grandes étendues qui prenaient un vert d'émeraude dans la lumière du soir. Des montagnes violettes, aux contours effacés, se dressaient contre le ciel. Elles semblaient tracées à l'aquarelle sur l'horizon lointain. Et ce monde, ce monde si immense, si sauvage et si beau, et elle, minuscule petite Swann, tout était dominé par un ciel de soir infini. Un ciel incroyable, peut-être le plus beau qu'elle ait jamais vu, un ciel déclinant, superbe comme le chant d'un cygne, un ciel qui semblait d'un orange à la fois doux et embrasé, auquel se mêlait des nuances de mauves annonçant la nuit. Quelques nuages cotonneux et diffus prenaient des teintes d'un rose éblouissant. C'était un ciel profondément rassurant, empreint de douceur et de mélancolie, et d'une profondeur intense.
Swann, en le contemplant, fut prise d'une telle bouffée de nostalgie qu'elle en eut le cœur serré.
C'était beau. Tout semblait suspendu, silencieux, seul un souffle de vent indiquait que cette scène n'était pas un tableau de maître, mais bien réelle.
Le garçon accoudé à la rambarde se retourna. Swann ne vit pas tout de suite son visage, dans l'ombre à cause du contre-jour formé par le soleil mourant derrière lui. Puis il se décala un peu, et Swann vit ses traits.
Sans trop savoir pourquoi, elle se dit qu'elle aurait aimé, à cet instant, que le garçon fut Alexandre. Alors, elle serait venue vers lui, aurait pris sa main, et l'aurait embrassé. Et elle l'aurait aimé, elle le savait, dans cet infime instant d'éternité. Tout cela aurait été à la fois si bref, si intense, cela aurait été le vrai, il n'y aurait plus eu rien d'autre au monde de vrai que cette passerelle, cet amour et ce ciel flamboyant qui signait la fin de quelque chose, elle ne savait quoi, la fin d'un jour ou la fin du monde.
Ce n'était pas Alexandre. C'était un garçon qu'elle ne connaissait pas, quoique ses traits lui disaient quelque chose. Il posait sur elle des yeux gris un peu tristes, lui aussi absorbant l'ambiance particulière du soir.
Sans un mot, Swann se rapprocha de la barrière, à environ deux mètres de distance du garçon, et s'y accouda. Celui-ci détourna les yeux d'elle, et se replongea dans sa muette contemplation du soir. Ils restèrent ainsi figés, côte à côte, leurs respirations identiques, silencieux, pour écouter le lointain frémissement du feuillage de la forêt en contrebas et sentir le vent sur leur visage.
Juste respirer.
Ressentir.
Être vivant.
Swann se demanda si elle avait déjà été « vivante » comme cela auparavant, dans l'Ancien-Monde. Une seule fois, avait-elle une seule fois pris le temps, dans sa vie précédente de s'arrêter pour, simplement, ressentir le fait qu'elle soit vivante ?
"Tu es cette survivante qu'on a découverte aujourd'hui avec l'autre garçon, c'est cela ?"
Ça y est, le charme était brisé. Swann sentit au fond d'elle qu'elle venait de perdre, de laisser partir, un moment précieux. Mais elle n'en voulut pas au garçon. Ce qu'elle avait ressenti, cette sorte de plénitude, de conscience si intense qu'elle en était presque douloureuse, était à la fois trop puissante et trop fragile pour durer.
"Oui, c'est cela. Je suis Swann.
- Je sais. On ne parle que de vous, depuis votre arrivée. Il se tut un instant, puis reprit. Je n'imaginais pas que d'autres personnes avaient survécu en dehors des chasseurs de la Meute. A vrai dire, je n'y avais pas réfléchi, admit-il."
Swann se taisait toujours. Elle sentait qu'il voulait parler, se déverser. Elle le laissait faire.
"Je ne sais pas ce que je serais devenu sans la Meute. Je serais mort, probablement. Voir toute ma famille évaporée, disparue, ça m'avait dévasté. Je ne sais pas combien de temps je suis resté inerte, probablement des jours. Je ne me souviens même plus où j'étais pendant cette période. Et puis, je me souviens qu'elle est arrivée. Quand elle m'est apparue, j'étais par terre, à moitié mort, parce que je m'étais laissé dépérir. Elle, elle était debout, devant moi, majestueuse. La présence de son lion ne m'a même pas étonné, sur le coup. Elle m'a regardé, elle m'a regardé de haut, mais sans mépris. Elle m'a tendu la main, et m'a dit "Lève-toi, et marche à mes côtés."
Swann frémit. Elle se souvint avoir prononcé les mêmes mots à l'adresse d'Alexandre.
"J'ai pris sa main et je me suis relevé. Je suis devenu son premier compagnon, son premier chasseur. Enfin, en dehors de Zadaï, mais lui, elle le connaissait déjà avant la Tempête."
Il se tut. Swann comprit enfin pourquoi ses traits lui était familier. C'était Oswald, le "bras-droit" d'Astrid. Il y avait une sorte de dévotion dans sa voix quand il parlait d'elle.
"Je ne sais pas pourquoi je te raconte tout ça alors que je ne te connais même pas, fit-il en levant la tête vers le ciel avec une sorte sourire de pitié et de mépris envers lui-même. Enfin, peut-être que je te dis tout ça justement parce que je ne te connais pas. Je ne peux pas en parler à un autre chasseur. J'aurais honte."
Un silence.
"Je ne suis qu'un faible. J'étais brisé, j'ai voulu mourir, là où des milliers d'autres avaient le courage de continuer à avancer. Mais Astrid, elle, m'a relevé ! Elle m'a convaincu de me battre, de ne pas me laisser couler. Et je l'ai fait ! Elle m'a sauvé ! Et le pire, c'est qu'elle ne le sait même pas. Elle ne s'en doute même pas. Je suis pathétique. Mais la seule chose que je sais, c'est que je la suivrai où qu'elle aille. Où qu'elle aille, je l'accompagnerai, désormais.
- Tu l'aimes, dit Swann. Ce n'était pas une question, mais un simple constat.
- Oui je l'aime. Je l'aime », répéta Oswald, cette fois-ci, en tournant la tête vers Swann. Celle-ci put voir que ses yeux gris étaient humides. « Même si elle ne m'aime pas, même si elle ne le remarque jamais, cela ne change rien. C'est comme ça. Quand j'ai pris sa main, elle, a pris mon cœur. »
Swann ne répondit rien, se contenta de regarder le grand garçon qui paraissait fragile avec ses yeux mouillés, ses lèvres un peu frémissantes, comme dans l'attente. "Et toi, tu aimes quelqu'un ? demanda Oswald.
-Non, répondit Swann simplement."
Un silence, encore. C'était une drôle de conversation, qui semblait se faire par à-coup. Il le rompit à nouveau, soudain plus emporté.
"Penses-tu que je doive lui dire ? Penses-tu qu'il vaut mieux qu'elle ne sache jamais ?
- Je ne sais pas, dit Swann en regardant au loin. Toi seul peut décider de la bonne réponse. Mais, reprit-elle après une pause, si tu lui fais ta demande... Fais-la lui ici. A la même heure que ce soir."
Tous deux se replongèrent dans leur contemplation quelques instants. Les teintes oranges du ciel étaient progressivement absorbées par le mauve qui était devenu un violet plus sombre. Le crépuscule était fini, laissant place à la nuit. Quelques étoiles pâles apparaissaient ici et là. Dans quelques heures, la voie lactée se révélerait dans toute sa splendeur, comme le ciel que Swann avait contemplé aux côtés de May, durant sa dernière nuit à la Colonie, sa Colonie, celle dont elle parlait avec une majuscule dans la voix car c'était la première et la seule dont elle avait fait partie. Désormais, elle était sans point d'attache, libre, comme elle avait voulu l'être. Dire "adieu" à chaque départ, sans plus jamais en ressentir la même douleur.
Enfin, ce n'était pas tout à fait vrai. Désormais, il y avait Alexandre. Lui, ç'aurait été douloureux de lui dire "adieu". Il était son compagnon de route, les semaines passées à voyager ensemble avaient tissé le début d'un lien très solide. Elle ne doutait pas que leur relation, leur histoire n'en soit qu'au commencement, mais ce commencement était déjà suffisamment engagé pour qu'elle sache qu'elle irait jusqu'au bout. Que trouverait-elle à la fin de ce voyage d'un genre nouveau ? Elle l'ignorait, mais se sentait confiante, savait qu'elle saurait un jour.
Elle finit par s'arracher à sa contemplation. Elle traversa la plateforme de planches en quelques pas, et descendit l'échelle de corde sans même s'en rendre compte, l'esprit comme embrumé par le moment si particulier qu'elle venait de vivre.
Sous le feuillage dense, tout n'était qu'ombre, c'était déjà la pleine nuit. Partout, dans la ville bâtie dans les branches, des bougies dans des bougeoirs de terre avait été allumées, comme autant d'étoiles. Cette vision était féérique, comme une illustration de conte pour enfant.
Swann traversa les divers étages - assez mal définis d'ailleurs- pour retrouver la terre ferme. Alexandre et le chasseur étaient visiblement rentrés depuis un moment. Le brun s'occupait de décharger les chevaux. Swann vint directement à sa rencontre.
"Tu es rentré depuis longtemps ?
- Quelques minutes. Apparemment, Astrid met à notre disposition une hutte pour ce soir. On va pouvoir y caser toutes nos affaires. Les chevaux dormiront avec les animaux de la Meute.
- C'est gentil de la part d'Astrid. Je vais prendre quelques images du campement dans mon carnet, marquer l'endroit sur la carte et tenter de collecter quelques autres renseignements avant de me coucher.
- Pas sûr qu'elle accepte.
- Hein, pourquoi ?
- Quand on l'a informée de l'existence des Pans, elle s'est montrée intéressée, mais sans plus. Quand on lui a parlé de la guerre contre les Cyniks, elle n'a à aucun moment manifesté son envie de nous aider. C'est normal. Elle n'appartient pas au peuple Pan, mais à la Meute. Elle n'a pas forcément envie que le reste du monde découvre son existence, surtout si ça risque de lui mettre une guerre sur les bras.
-Mouis... je vais au moins dessiner un peu. On lui demandera ce soir, avant de se coucher, si elle veut rester dans le secret ou pas.
- J'ai vu qu'ils se préparaient tous pour dîner... Je suppose qu'ils mangent en commun. On pourra la voir à ce moment-là.
- C'est dans pas longtemps, alors ! Vite, si je veux faire mes croquis je dois me dépêcher avant le repas !"
Elle fouilla dans les sacs à la recherche de son carnet et de son crayon, et partit en courant se poster aux endroits stratégiques qu'elle avait repérés.
***
Un feu brûlait au milieu de la clairière. Tous les chasseurs étaient assis autour, la plupart du temps en petit groupe, et mangeaient avidement des morceaux de viande grillée, avec des fruits, et un petit peu d'une purée orangée qui s'apparentait de la patate douce. Ils buvaient dans des petits verres une sorte de thé tiède très herbeux que Swann ne jugeait pas mauvais, bien qu'assez spécial.
Elle, Alexandre, Astrid et Oswald étaient assis en tailleur, côte à côte, sur une natte déroulée au sol. Ils buvaient leur thé en silence, Astrid passait la main dans la crinière épaisse de Zadaï endormi en contemplant le feu. Swann jetait parfois un petit regard en direction d'Oswald, qui avait retrouvé un air presque professionnel et ne semblait éprouver aucune gêne à son égard, comme s'il ne s'était rien passé.
"Comme convenu, nous partons demain matin, déclara Alexandre.
- C'est bien cela, répondit Astrid. Grace à vous, nous en savons un peu plus sur l'état du monde. Mais... je ne sais pas si c'est une bonne chose, reprit-elle à la grande surprise des deux longs-marcheurs. Désormais, il se peut qu'ils veuillent tous quitter la Meute, pour rejoindre les Colonies dont vous parlez, plus confortables, plus civilisées... Avant, ils pensaient que notre mode de vie était le seul que l'on puisse appliquer pour survivre. Et ils étaient heureux. Maintenant, ils se demanderont toujours "Ai-je fait le bon choix ? Ne devrais-je pas plutôt rejoindre une colonie de Pans, où l'on vit encore un peu comme dans l'Ancien Monde ?"
- Mais non, commença Swann, ils... elle s'arrêta. Elle ne pouvait pas répliquer, tenter de rassurer Astrid. La jeune meneuse avait parfaitement raison.
- Je croyais avoir réussi à construire quelque chose, quelque chose de mieux que l'Ancien Monde. Je voulais créer une communauté où chacun serait nécessaire, où chacun aurait sa place. Quelle naïveté...
- Rien ne dit que tes chasseurs déserteront, opposa Alexandre. Et puis, ils ne connaissent quasiment rien des colonies et des Pans. Tu n'aurais qu'à leur mentir, leur dire que la vie y est plus difficile et plus précaire qu'ici. Il avait dit cela avec détachement, comme si c'était une idée parfaitement valable.
- Hors de question ! s'exclama vivement la jeune fille. Moi, mentir à mes chasseurs ? Jamais !
- Alors tu as répondu à ta question, non ? Tu es franche avec eux, ils le seront avec toi. On ne maintient pas les gens contre leur gré. S'ils préfèrent une vie de Pan, tu ne peux pas les en empêcher. C'est qu'au fond d'eux, ils étaient encore attachés à leur vie d'avant. De toute façon, tu ne pourras rien construire avec des gens qui ne vont pas dans ton sens.
- Dans ce cas... Même si seuls dix me suivent, je continuerai d'avancer pour ces dix-là. Ils vaudront pour la Meute autant que tous les autres réunis.
- Astrid, faut-il que l'on parle de la Meute au reste du monde ? demanda Swann en changeant de sujet.
- Non. Je ne veux pas avoir à me conformer aux décisions de votre peuple. Je garderai mon indépendance. Et puis, je ne veux pas que des Pans - ou des Cyniks - puissent venir dans cet endroit comme bon leur semble. Ceci est le campement de la Meute, nul n'y pénètrera sans notre accord. Nous sommes libres. Et pour vivre comme nous l'entendons, nous devons rester cachés.
- C'est inutile de vous demander si vous participerez à la guerre, fit Alexandre.
- C'est votre guerre. Pas la nôtre. Si toutefois les Cyniks venaient à nous menacer, je n'exclue pas que nous participions à l'effort.
- On ne peut pas vous blâmer de cette décision", convint Alexandre.
Ils finirent leur thé en regardant la voûte étoilée, lointaine au-dessus des cimes, atténuée par l'éclat du brasier.
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