Chapitre 14 : Faites entrer l'accusé
Le réveil d'Alexandre ne fut pas l'un des plus agréables de sa vie. Il avait un mal de tête pas possible, l'impression que le sol tanguait sous ses pieds et sa vision se réduisait à quelques tâches floues. Une vraie gueule de bois, après l'orgie de sang qu'il avait faite la veille.
Cette sensation ne lui était pas tout à fait inconnue. Pour la première fois depuis la Tempête, il éprouva ce sentiment qu'il détestait plus que tout. Une vague de panique le traversa, il en eut brusquement la nausée, et l'impression que tout son corps était brûlant. Il se força immédiatement à se calmer, à garder les idées claires, s'il voulait conserver la moindre chance de s'en tirer. La panique se dissipa aussi vite qu'elle était venue, lui laissant à nouveau le contrôle de lui-même.
La vision lui revint totalement alors qu'il se forçait à remettre ses idées en place. Il eut alors tout loisir d'admirer plus en détail la situation dans laquelle il s'était fourré.
Il était debout -étonnant pour quelqu'un qui se réveille- maintenu par des chaînes qui avait été agencées de façon amatrice autour de ses bras, un peu en-dessous des aisselles, et fixées au mur. Ce qui expliquait les courbatures. Il doutait que ce genre de cellule ait existé au temps où la Semîle n'était encore qu'un petit village de l'Ancien-Monde, elle avait plus vraisemblablement été aménagée dans une cave à la création de la communauté de Pan, pour prévenir cette éventualité. La lumière qui filtrait d'un soupirail en haut du mur, en face de lui, lui indiquait deux choses : qu'il était en sous-sol, puisque l'ouverture donnait au ras du sol de la rue, et que l'on était en journée. En début d'après-midi, supposa-t-il. Il n'y avait pas grand-chose d'autre de remarquable, la construction était en pierre, une porte sur le côté, au-dessus d'un petit escalier de cinq marches.
La vue ne lui apporterait pas d'autres indications, il ferma donc les yeux pour se concentrer et tenter d'entendre quelque chose. La douleur dans tout son corps s'imposa une nouvelle fois à lui l'espace d'un instant, mais il se contenta de la laisser de côté, de même que le goût du sang dans sa bouche.
Il écouta, la respiration lente pour ne pas le troubler, mais n'entendit rien d'autre que le silence. Cela l'étonna un peu, il aurait dût entendre les bruits de la rue, ou des pas dans le bâtiment au-dessus de lui qu'il avait supposé être une maison, mais visiblement les environs étaient déserts.
Il tenta de se dégager, remuant ses bras, jouant de ses muscles endoloris, mais ne parvint pas à faire glisser les chaînes qui l'entravaient. Trop serrées.
Il déduisit qu'il ne pouvait rien faire pour le moment. Il referma les yeux et attendit. Il tentait d'envisager mentalement différentes manières de se tirer de là, mais il revenait toujours à la même conclusion. Ce n'était pas possible, pas pour le moment.
Au bout d'un temps indéfini qui s'écoula, il perçut des pas à dessus de lui. La porte s'ouvrit, et Bens entra. Il descendit les cinq marches et s'approcha d'Alexandre avec un sourire narquois. Il lui lança d'un air provocateur : "Alors, le balafré, tu fais moins le héros maintenant ! Si tu savais comme ça fait plaisir de te voir dans cet état..."
Alexandre ne répondit pas, se contentant de lui envoyer un regard meurtrier. Bens le fixa dans les yeux, comme pour répondre au défi. La confrontation s'étira de longues secondes. Bens avait l'impression de sentir la pression de l'air augmenter autour de lui, mais il ne pouvait pas lâcher. Furieux, il finit par baisser les yeux, mais aussitôt sortit de sa poche un couteau dont il déplia la lame. Cette lâcheté de sa part avait gâché un instant son triomphe et ravivé sa colère. Il reprit en tentant de garder son calme: " Alors, sale bâtard, tu disais quoi déjà ? Tu voulais me péter les dents c'est ça ? J'me demande si t'en es
toujours capable..."
Il approcha la lame de son couteau tout près du visage de son ennemi, et la passa très délicatement sur la fine cicatrice qui barrait son œil.
« Je ne sais pas qui a fait ça, glissa Bens avec un plaisir sadique, en passant sa langue avec délice sur le métal froid et argenté, mais je me propose de finir la besogne... Et si je t'arrachais l'œil ? Qu'en penses-tu ? »
De nouveau, Alexandre ressentit en lui une montée de panique qu'il eut du mal à réprimer. Se faire arracher l'œil par ce morveux sans pouvoir se défendre ? Hors de question ! Hors de question ! Il avait cru que Bens n'aurait pas le courage de se salir les mains lui-même, mais sa haine semblait l'emporter...
Non... Il ne ferait pas ça. Il était trop intelligent pour se le permettre. Il y avait beaucoup trop de témoins la veille pour confirmer que lorsqu'il avait été capturé, il ne lui manquait aucun membre et ses yeux étaient intacts. Ce connard bluffait pour lui mettre un coup de pression, voilà tout. Rien de bien méchant. Il pouvait lui tenir tête.
Alexandre eut un petit rire de provocation et lâcha : "De tous les connards que j'ai rencontré, crois-moi, t'es de loin le plus pitoyable, et j'en ai vu beaucoup. Qu'est-ce que tu vas faire avec ton coupe-papier ? Me poignarder ? »
Il n'avait pas pu retenir cette petite pique, pour bien lui faire comprendre qu'en aucun cas il ne se laisserait intimider.
Cette nouvelle attaque à son ego mit Bens véritablement hors de lui. Il balança son genou dans le ventre d'Alexandre, et lâcha le couteau pour lui coller un coup de poing en plein visage de toutes ses forces. Son poing était tellement serré que ses ongles s'enfonçaient dans sa propre peau.
La douleur éclata violemment dans la mâchoire d'Alexandre, mais il mit un point d'honneur à ne rien en laisser voir. A la place de la grimace de douleur attendue par Bens, ses lèvres se tordirent en un sourire inquiétant, presque carnassier. Un filet de sang s'écoulait du coin de sa bouche, il n'y fit pas attention et se contenta d'un regard narquois à l'adresse de son ennemi.
"T'es foutu, lui cria celui-ci, fou de rage. T'es mort, t'as pas compris, ça ?! Game over, échec et mat !
- Je ne suis pas en échec tant que je suis pas mort, rétorqua l'autre d'un ton provocateur.
- Ce qui ne saurait tarder, répondit Bens, fulminant, en quittant la pièce à grandes enjambés. Il sortit, et claqua violemment la porte derrière lui.
Alexandre, de nouveau seul, referma les yeux impassiblement.
***
Alexandre ouvrit les yeux une seconde fois lorsqu'il entendit des pas au-dessus de lui, cette fois-ci plus nombreux. Si il ne se trompait pas, ils étaient quatre.
Effectivement, la porte s'ouvrit et quatre adolescents entrèrent. Sans un mot, ils le détachèrent tout en le gardant immobilisé, tandis que l'un d'entre eux lui posait un couteau de chasse sous la gorge pour réprimer toute velléité de se sauver. Ils lui lièrent les mains dans le dos -avec une corde, ce qui était un bon point, nota Alexandre- et l'un d'entre eux, celui qui le tenait en respect avec le couteau, lui ordonna simplement de marcher et de ne pas tenter de se sauver, parce qu'il n'hésiterait pas un instant à le tuer.
Il se laissa donc conduire sans décrocher un mot hors de la cellule, puis dans des rues d'ordinaire peu fréquentées qui étaient actuellement désertes. Le groupe l'emmena jusqu'à la porte de derrière de la salle communale. Ils entrèrent, et le firent mettre à genoux en face de la scène, à quelques mètres de celle-ci. Il put voir qu'une quinzaine de sièges occupés par des Pans étaient disposés selon une répartition précise, et que sur celui du milieu trônait, Bens, le regardant de haut, d'un air moqueur et triomphant. Une fois dans cette position, celui qui avait le couteau le rangea dans sa poche, et un Pan apporta les deux épées, la courte et la longue, qui appartenaient à Alexandre.
Être traité comme un prisonnier, être humilié par le responsable de sa chute, être obligé de se soumettre aux subalternes de ce même responsable, être forcé même de se mettre à genoux devant toute une assemblée qui allait se livrer à un simulacre de procès, c'était très difficile, mais en prenant sur lui il parvenait à l'accepter, du moins, à réprimer ses pulsions meurtrières. En revanche, que quelqu'un ose toucher, ose s'approprier ses lames, à lui, celles que lui seul pouvait manier, pour les retourner contre leur propre propriétaire, c'était quelque chose qu'il ne pouvait pas supporter. Ca le faisait voir rouge, ça le remplissait d'une telle rage que ses gardes le sentirent et se dépêchèrent de croiser les lames juste devant lui, comme prêt à l'exécuter.
"Prévenu Alexandre ! déclara Bens d'une voix forte et théâtrale. Vous êtes accusé du meurtre de Will Soram, le 5 juillet 2020, auquel s'ajoute une tentative de fuite après votre crime, au cours de laquelle vous avez blessé de nombreux Pans. Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?"
La dernière chose dont Alexandre avait envie était de se défendre dans ce simulacre de procès déjà réglé, de leur donner la satisfaction de le voir tenter de sauver sa vie, il se respectait trop pour ça. De toute façon, s'il devait se battre pour sa vie, ce ne serait certainement pas dans ce tribunal improvisé qu'il le ferait.
"La cour vous a posé une question ! Répondez !
- Je n'ai rien à te dire. Pas la peine de t'expliquer ce que tu sais déjà.»
Bens, sans tenir compte du refus d'Alexandre, qui au fond lui rendait la tâche plus facile, continua : " Vous avez délibérément assassiné Will en lui tranchant la nuque par derrière. Reconnaissez-vous ce fait ?"
Alexandre, qui s'était pourtant résolu à vivre le procès le plus ridicule de l'Histoire, resta abasourdi devant cette dernière affirmation. Il ne s'agissait même plus d'arranger la réalité à son avantage, il mentait carrément à la face de toute la communauté !
"Non, je ne le reconnais pas. Will m'a agressé, je me suis défendu.
- Impossible. La nuit du meurtre, Will était avec moi ainsi que plusieurs autres Pans. Ils peuvent tous attester qu'à 23 heure, Will est sorti de ma maison pour rentrer chez lui sans aucune intention belliqueuse, à l'égard de qui que ce soit."
Les adolescents qui étaient présents à la soirée de Bens acquiescèrent, ne pouvant admettre n'avoir aucun souvenir du fait à cause de l'alcool.
"Leur parole vaut quelque chose, à tes bouffons ?" ne put s'empêcher de repartir Alexandre avec mépris.
Un brouhaha énervé parcourut la salle, tandis que la majorité s'offusquait contre l'audace provocante de l'accusé et que les moins sérieux se retenaient de sourire à la vue de l'air suffoqué des quatre témoins visés. Bens y mit un terme en se levant et en claquant dans ses mains avec autorité après avoir laissé perdurer quelques instants la colère qu'il trouvait de bon ton dans son procès. "Silence ! Silence ! ordonna-il. Et pour quelle motif Will t'aurait-il attaqué, puisque c'est ce que tu soutiens ? demanda Ben en abandonnant son vouvoiement formel."
La question prit quelque peu Alexandre au dépourvu. "Tu le lui as ordonné, répondit-il comme si c'était l'évidence. » Il en oubliait le reste de l'assemblé, et même sa résolution de ne pas desserrer les dents tout du long, tant il trouvait ce procès mené par une bande de gamins absurde. S'il n'avait pas été dans le rôle principal, toute cette comédie l'aurait presque fait rire.
« Oh, vraiment ? Et quel motif aurais-je de vouloir la mort du plus grand guerrier de la Semîle, celui qui assure notre protection ? " contra Bens d'un ton quasi mielleux.
Le brouhaha reprit. Tous ceux qui avaient en tête la vision effrayante d'Alexandre, le visage maculé de sang, dans la lumière vacillante des bougies, plaidaient pour qu'on l'exécute sans tarder, mais les autres avaient encore en mémoire les brillants exploits de celui que quelques jours plus tôt chacun voyait comme un héros. La balance de son innocence ou de sa culpabilité pencha définitivement lorsque Bens asséna son dernier argument : "Et pourquoi Will aurait-il attaqué consciemment la bête sauvage de la Semîle, sachant qu'il n'avait aucune chance de l'emporter ?"
Alexandre ne put répondre, n'ayant aucune idée de la façon dont son ennemi s'y était pris pour retourner le cerveau de son acolyte. Dès lors, Alexandre était condamné dans l'esprit de tous, il fallait le tuer avant qu'il ne les assassine dans leur sommeil. C'était un démon, un sanguinaire, qui avait tué de sang-froid l'un des leurs et qui ne montrait même pas signe de repentance. Bens se tourna vers sa cour, et leur ordonna : "Ceux qui pensent qu'Alexandre est coupable, à droite ! Les autres, à gauche."
Une large majorité se rangea du côté droit. Alexandre fut étonné cependant de reconnaître Axelle du côté gauche, qui semblait vouloir se faire toute petite. Ça ne lui ressemblait pas, elle avait probablement été appelée à juger en tant que notable de la Semîle, mais il était évident que décider de la vie de quelqu'un sur la base d'un affrontement verbal n'entrait pas dans son domaine de compétence. Alors elle se fiait à ses affinités, ne suivant pas les autres, ni même le choix le plus logique. « Décidément, cette excitée aura été idiote jusqu'au bout », ne put-il s'empêcher de penser, ressentant malgré tout une vague reconnaissance à l'égard de la rouquine.
"Alexandre est donc déclaré coupable par la cour Pan, les jurés vont maintenant délibérer afin de décider de sa condamnation.
- Pas la peine, lança l'intéressé, qui ne parvenait plus à se contenir. De toute façon, on se doute bien de ce que vous allez décider, inutile de faire durer le suspense ! Toute cette mise en scène, c'est simplement pour montrer à quel point Bens est un chef puissant et juste, contre lequel on ne peut rien.
- La ferme ! Lui ordonna rageusement l'un des deux ados qui tenaient les épées.
- Tu le sais très bien aussi, vous le savez tous mais vous ne voulez juste pas le voir. Vous voulez croire en un sauveur, un héros, pas de chance le précédent vient d'assassiner quelqu'un sous vos yeux. Alors vous en prenez un autre, le premier connard qui se présente, parce que ça vous fait peur de ne pas avoir de meneur et de vivre par vous-même ! Parce que vous êtes des putains de lâches !"
Alexandre n'était pas en train de tenter le tout pour le tout, ni même d'entrainer Bens dans sa chute. Il ne pouvait simplement plus se taire, ça craquait, il jetait tout, sans raison, parce qu'il avait envie de dire leurs quatre vérités à cette bande de gamins immatures qui ne semblaient pas avoir bien conscience du monde dans lequel ils vivaient. Et tant pis s'il trahissait son engagement, ça n'avait aucun sens de toute façon, et tant pis si ce coup de sang était ridicule, en l'absence de possibilités d'user de ses poings il se rabattait sur les mots qu'il jetait avec fureur.
"Ta gueule, je te dis ! Sinon j'hésiterai pas à te faire taire moi-même avec ça ! dit l'adolescent en agitant l'épée longue devant lui avant de la plaquer contre son cou. Toute l'attention était revenue sur Alexandre, quand il les avait interrompus, les jurés avaient cessé de parler.
- Ah oui ? demanda l'accusé d'un air sarcastique. Je suis sûr que tu ne le ferais pas. Ton chef t'a ordonné de me garder vivant à tout prix, je dois être exécuté devant tous pour servir d'exemple qui illustrera sa puissance. J'ai bon ?"
L'autre ne répondit pas, la main crispée sur la poignée de l'épée, les traits déformés par la crispation. Un très mince filet de sang coulait à l'endroit où il appliquait la lame.
"Vu ta tête je crois que j'ai visé juste...
- Assez ! cria Bens. Sur décision de la cour Pan, l'accusé Alexandre est déclaré coupable et condamné à mort ! L'exécution a lieu séance tenante ! Conduisez-le à l'échafaud !"
Les Pans n'avaient même pas encore débattu, mais, surpris par la brusque décision de Bens, aucun ne pensa à s'y opposer. Au fond, personne n'en avait envie. Alexandre, les mains toujours attachées dans le dos, se releva et tourna le dos à la cour en jetant un dernier regard orageux à Bens. Celui-ci, qui avait failli perdre son sang-froid, était encore rouge, partagé entre sa soudaine panique de perdre son emprise sur la cour, et sa colère.
Alexandre, lui, était conduit hors de la salle puis dans le couloir menant à la sortie, qui donnait sur l'endroit dégagé dont les Pans avait fait leur place publique. Il réfléchissait à toute allure. Il savait qu'il pourrait se défaire de la corde très facilement, néanmoins cela lui prendrait quand même quelques précieuses secondes. Cela nécessiterait un effort qui ne pourrait pas passer inaperçu, et les gardes pourraient réagir avant qu'il ne soit en pleine possession de ses moyens. Il pourrait agir quelques secondes avant l'exécution, mais c'était un pari risqué car il suffisait qu'il lui manque une seconde pour que sa tête vole avant d'avoir pu agir. Et quand bien même il réussirait et parviendrait à récupérer ses lames, il devrait faire face à toute la communauté qui chercherait à le tuer. Il pouvait essayer de se dégager maintenant, mais il faudrait mettre en état de nuire ses quatre gardes avec seulement son jeu de jambes. Autant ç'aurait été facile avec un seul, voire deux à la limite, autant quatre types armés c'était plus difficile, d'autant qu'il n'aurait pas d'équilibre. En tout cas, il n'aurait qu'une seule chance. S'il la manquait, sa vie s'achèverait sans qu'il ait pu lui trouver un sens, ou au moins sans qu'il ait pu choisir lui-même sa mort. Une mort au combat, comme il l'avait toujours imaginé, pour mourir de la même façon qu'il avait vécu.
Il était sur le point de risquer le tout pour le tout dans cette deuxième option, quand il vit la silhouette d'une personne se diriger vers le groupe. C'était Swann, la long-marcheuse. Elle passa à côté d'eux sans même s'arrêter. Mais il eut le temps de voir qu'elle le fixait droit dans les yeux, de ses yeux bleu clair, et elle dit en passant : "C'est dommage. Je ne pense pas que tu aurais voulu finir comme ça, sans rien pouvoir faire."
L'intensité de son regard et les mots qu'elle avait prononcés, avec cette intonation un peu particulière, ne pouvaient signifier qu'une chose, qu'Alexandre traduisit par : "Ne fais rien, contente toi de me faire confiance, je m'en charge."
Il n'avait plus que quelques secondes pour se décider, il arrivait au bout du couloir. Soit il croyait cette fille qu'il connaissait à peine, soit il se fiait à sa propre force. Dans un cas comme dans l'autre, le risque était insensé. Déjà parce qu'il ne voyait pas comment cette fille comptait agir, mais aussi parce qu'elle pouvait très bien être missionnée par Bens pour lui dire ceci, s'assurant ainsi sa passivité alors qu'elle n'allait rien faire du tout. Oui, c'était tordu, mais il pouvait très bien avoir eu cette idée.
Pourtant, quand il pesait les deux options qui s'offraient à lui, les deux avaient largement le risque d'échouer mais faire confiance à cette fille lui parut statistiquement moins risqué.
Il choisit donc, pour la première fois de sa vie si il s'en souvenait bien, de donner toute sa confiance à quelqu'un d'autre que lui-même pour remettre sa vie entre ses mains.
Il arriva au bout du couloir, et découvrit la foule nombreuse et compacte qui s'étendait devant la salle communale. Un assemblement de planche avait été ménagé un peu à la va vite, faisant office d'estrade. Ou plutôt d'échafaud. Evidemment, puisque son sort était décidé depuis le début. Ce n'était pas la première fois qu'il approchait la Mort, il avait plutôt passé sa vie à la côtoyer, mais c'était la première fois qu'elle revêtait cette forme. Il avança, encadré par les quatre adolescents, ignorant le brouhaha qui se faisait autour de lui. Il se planta au milieu de l'estrade, et défia la foule du regard, fier jusque sur l'échafaud.
***
Swann, perchée sur le rebord de la fenêtre de l'étage de la salle communale, retenait son souffle. De là où elle était, elle surplombait la scène, dans un angle de vue parfait. Elle voyait Alexandre de dos, et la foule qui lui faisait face. Parfait.
Swann prit son arc d'une main un peu tremblante, mais dès que ses doigts se refermèrent dessus elle cessa de trembler. Elle ne pouvait plus reculer désormais. Elle saisit une flèche de son carquois et l'encocha. Elle banda son arc, visa. Alexandre était toujours debout au milieu de l'estrade.
Elle fit le vide dans sa tête, prit une grande inspiration.
Et tira.
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