VI - Soirée Pyjama
Adrien accompagna Marinette le lundi matin, comme il le lui avait promis. C'était bien Nathalie, ainsi qu'Adrien l'avait pressenti, qui les accueillit dans le hall quand ils s'y présentèrent.
— Bonjour, Marinette, comment allez-vous ?
— Bien, je vous remercie.
— Adrien nous a dit ce qui vous était arrivé. J'en suis navrée. Nous avons réfléchi à la meilleure manière de vous présenter à la première d'atelier qui sera responsable de vous. Nous lui avons dit que vous aviez manqué plusieurs mois d'école, car vous aviez une mononucléose, mais que vous avez suivi des cours par correspondance. Votre stage devra servir à la fois à évaluer votre niveau et mesurer vos capacités d'apprentissage.
— Je... oui, merci. Merci infiniment de me donner cette chance, fit Marinette d'une voix saccadée, visiblement très intimidée.
Nathalie se tourna vers Adrien.
— Vous avez cours, je crois.
Adrien aurait bien accompagné son amie jusqu'à l'atelier, mais il venait d'être congédié, et Nathalie lui avait fait savoir la condition pour que son père accède à sa demande : ses études ne devaient pas pâtir de l'attention qu'il accordait à Marinette.
— Loin de moi l'idée de me montrer inattentif à mes études, répondit-il un peu ironique. Marinette, je te laisse dans de bonnes mains. On se retrouve ce soir.
Elle lui lança un regard éperdu, mais elle sembla comprendre qu'il n'avait pas le choix. Il tenta de lui insuffler du courage par son sourire, puis repartit.
oOo
Adrien revint dans l'après-midi à leur appartement, bien avant Marinette. Il eut du mal à se concentrer sur ses devoirs, inquiet de la manière dont se passait la journée pour elle. Il était en train de préparer le dîner quand il entendit la porte d'entrée. Il l'interrogea du regard quand elle pénétra dans le salon.
— C'était vraiment bien ! le rassura-t-elle tout de suite. La première d'atelier a été très gentille.
— Tant mieux, fit-il soulagé. Qu'as-tu fait aujourd'hui ?
— On a commencé par un tour d'atelier. J'étais très impressionnée, au début, et je ne pense pas avoir fait très bonne impression. Heureusement, au bout d'un moment, comme c'étaient des notions qui me sont familières, dans les grandes lignes, du moins, j'ai réussi à montrer que j'étais intéressée et que je savais de quoi on me parlait. Ensuite, elle m'a dit qu'elle allait me faire tourner d'un poste à l'autre, et que chaque responsable m'expliquerait le détail et verrait s'il peut me donner quelque chose à faire. J'ai commencé par les finitions. Ce n'est pas trop compliqué. J'ai surtout fait du repassage et coupé les petits fils qui restaient des modèles qui venaient d'être terminés. On m'a dit qu'ensuite, on me donnera des petites pièces à assembler. C'est tellement excitant !
Adrien sourit de la voir avec des étoiles dans les yeux. Il retrouvait la Marinette à laquelle il était habitué. Il était heureux d'avoir pu lui apporter cela.
— Ça m'a l'air génial, approuva-t-il.
— Ça l'est. Merci d'avoir eu cette idée et d'en avoir été obtenu l'autorisation.
Marinette s'avança vers Adrien et l'embrassa sur la joue. Celui-ci se figea, luttant contre son réflexe de l'enlacer. Elle lui lança un regard rapide, puis battit en retraite.
— Je me suis dit hier qu'il était temps de faire une machine de linge, lança-t-elle en sortant de la cuisine. Je vais m'en occuper.
— Bien, arriva-t-il à répondre, le cœur battant.
Il avait repris son calme quand elle revint à la cuisine. Ils s'installèrent pour dîner.
— Je vais envoyer un mot à ton père pour le remercier, indiqua Marinette.
Adrien se figea, tentant de se représenter Gabriel recevant un message de son amie.
— Tu ne penses pas que je devrais ? s'étonna Marinette.
— Je n'ai pas dit ça, se reprit Adrien. Oui, je suppose que c'est logique que tu le fasses.
— Cela me semble être la politesse de base. Je sais que c'est une faveur qu'il me fait, je ne suis pas passée par le canal habituel.
— Oui, bien sûr, tu as raison.
— Adrien, c'est quoi le problème ? demanda-t-elle en lui lançant un regard perçant.
Évidemment, elle n'était pas stupide et elle sentait bien qu'il lui cachait quelque chose.
— Eh bien, commença-t-il lentement, mon père est un peu spécial et nos relations sont... comment dire... Eh bien, ce n'est pas quelqu'un de facile à contenter. Et il n'est pas du genre à encourager les autres non plus. Enfin, tout ça pour dire, c'est qu'il n'a jamais voulu prendre en compte le fait qu'on sortait ensemble. Il ne s'y oppose pas, mais ne cherche pas à te connaître non plus.
— Mais pourquoi a-t-il accepté de me prendre en stage, alors ?
— Parce que je le lui ai demandé. Je suppose qu'il ne veut pas non plus que je prenne trop de temps pour m'occuper de toi et que je néglige mes études. L'allusion de Nathalie à mes cours, ce matin, n'était pas tout à fait innocente.
Adrien vit l'expression consternée de Marinette.
— Ne t'en fais pas pour ça, tenta-t-il de la rassurer. Tu n'es pas en cause, ça a toujours été compliqué avec lui. Et je trouve que cela s'est vraiment amélioré ces dernières années. Qu'il t'ait acceptée en stage en est la preuve. Et tu as raison, l'usage et les bonnes manières imposent que tu le remercies. Fais-le.
— Mais s'il ne veut pas avoir de contact avec moi, je ne veux pas l'importuner, hésita-t-elle.
— Toute sa correspondance passe par Nathalie. C'est elle qui décidera si elle le lui montre ou non. Et autant que tu fasses preuve de tes bonnes manières. Elle intercède souvent en ma faveur.
— D'accord, fit Marinette, visiblement troublée.
— Je ne veux pas que cela gâche ton stage. Les relations entre mon père et moi me regardent. Toi, tu dois te concentrer sur tout ce que tu peux apprendre là-bas.
oOo
Les jours suivants, Marinette se lança à corps perdu dans la réappropriation de ses connaissances en stylisme et en couture. Elle posait le maximum de questions à l'atelier et accomplissait de son mieux les petites tâches qu'on lui confiait. Ensuite, elle retravaillait le soir pour retrouver dans ses cours les notions qu'elle avait croisées dans la journée et s'entraînait manuellement sur ses patrons, tissus et machine à coudre pour mettre en pratique ce qu'on lui avait montré les heures précédentes. Adrien et elle continuaient à partager le même lit, chacun de leur côté. Ils se faisaient la bise aussi, quand l'un d'entre eux partait ou quand ils se retrouvaient le soir.
— Marinette, tu as besoin de sommeil, va te coucher, lui conseilla Adrien le mercredi soir, alors que minuit sonnait.
— Tu peux aller dormir, répondit-elle distraitement. Je ferai attention de ne pas te réveiller en me couchant.
— Pas question, opposa-t-il. Tu serais capable de faire une nuit blanche, si je te laissais faire. Je resterai avec toi et, si je suis fatigué demain, ce sera de ta faute.
— C'est pas un peu déloyal, comme méthode ? interrogea Marinette.
— Je ne vois pas pourquoi je serais toujours fair-play, répliqua-t-il.
Elle le contempla un moment, puis sourit :
— C'est bon, tu as gagné. Je vais prendre mon bain.
Elle rangea ses affaires, se leva et se dirigea vers la porte. En passant, elle s'arrêta devant Adrien, se pencha pour l'embrasser sur la joue et reprit sa route.
— Marinette !
— Oui ?
— Qu'est-ce que tu as sous le bras ?
— Mes cours, pourquoi ?
Elle lui dédia un sourire malicieux et alla s'enfermer dans la salle de bains.
oOo
Le mercredi soir, Adrien et Marinette ne dérogèrent pas à leur habitude et allèrent dîner avec Tom et Sabine. Les parents de Marinette étaient déçus de constater qu'aucun progrès n'avait été enregistré du côté de la mémoire de leur fille. Ils insistèrent encore pour qu'elle consulte un psychologue ou un psychiatre, ce qu'elle refusa catégoriquement. Ils tentèrent de rallier Adrien à leur cause, mais le jeune homme proclama sa neutralité. Heureusement, les boulangers acceptèrent leur défaite et demandèrent à leur fille comment se passait son stage. Les trois jours passés à l'atelier Agreste avaient enchanté Marinette, qui ne se priva pas de l'exprimer, à la grande joie de ses parents, qui remercièrent chaleureusement Adrien pour son initiative.
Le vendredi soir, Nino vint dîner avec eux. Quand il arriva, Marinette le contempla éberluée. Il était devenu un jeune homme très séduisant et les photos qu'elle avait de lui sur son téléphone ne lui rendaient pas justice.
— Tu... tu as changé, parvint-elle à balbutier.
— Ouais, je me suis dit qu'il n'y avait pas de raison qu'Adrien soit le seul à jouer au beau gosse ! répondit-il.
— T'as raison, il faut bien que j'en laisse un peu aux autres, plaisanta Marinette.
Les deux garçons éclatèrent de rire et Marinette s'étonna de sa répartie. Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle s'était à ce point approprié Adrien. Ce dernier d'ailleurs ne s'y trompa pas et lui fit un clin d'œil. Elle lui sourit, un peu gênée.
— Raconte-moi ce que tu deviens, demanda-t-elle à Nino.
Celui-ci lui parla de ses études d'ingénieur du son et des soirées qu'il animait en tant que disc-jockey.
— Nino a des connaissances partout, commenta Adrien. On ne peut pas aller dans un bar ou une boîte de nuit sans qu'il doive dire bonjour à tout le monde. C'est trop bien, personne ne me remarque, du coup !
oOo
Le samedi matin, le couple s'attela aux courses et au ménage. À l'initiative d'Adrien, ils changèrent les draps de leur lit et nettoyèrent le réfrigérateur. Marinette se dit que si son ami n'avait sans doute jamais tenu un balai avant de partir de chez son père, il avait été habitué à une maison impeccablement tenue et entendait vivre dans un endroit propre et soigneusement rangé.
Il ne demanda rien, mais le soin maniaque avec lequel il rangea ses propres affaires incita Marinette à rassembler ses cours qui traînaient sur la table du salon et ses affaires de toilettes semées entre la chambre et la salle de bains. Elle se demanda si elle en faisait autant avant. Quoi qu'il en soit, elle n'était pas familière des lieux, et l'appartement était pour elle celui d'Adrien, et non le sien. Elle ne s'était pas encore habituée à considérer l'endroit comme son propre foyer et ne se sentait pas légitime à en discuter les règles.
En préparant le déjeuner, elle songea qu'il était heureux que son père lui ait solidement inculqué des règles strictes d'hygiène et de rangement pour tout ce qui touchait à la nourriture. Si l'ordre parfait ne lui était pas naturel, elle ne pouvait faire autrement que de laisser une cuisine nette et propre derrière elle. Cela limitait sans doute les points de friction avec son petit ami.
Le soir, elle embrassa Adrien sur la joue avant de se rendre à la soirée pyjama organisée par Alya. Cela devait se passer chez leur amie Alix. Les parents de celle-ci avaient loué un confortable studio à leur fille dans la banlieue proche de Paris. Marinette s'y rendit en métro. Quand elle arriva, seule Alya l'avait précédée.
— On a pensé que ce serait plus facile pour toi si on arrivait petit à petit pour te laisser le temps de t'habituer à nos nouvelles apparences, expliqua sa meilleure amie.
Marinette lui sourit, reconnaissante, avant d'examiner Alix. Parmi ses amies, c'était celle dont l'apparence l'avait la moins surprise. Elle se souvenait de la Bunny qu'elle avait rencontrée et s'était préparée à sa taille adulte.
— J'ai grandi, hein ? s'enorgueillit son ancienne camarade de classe. J'ai retrouvé des photos de notre 3e, j'étais minuscule à l'époque.
— C'était compensé par ta forte personnalité, remarqua Marinette.
— Oh, cool, tu es un témoin de notre jeunesse, s'exclama Alix. Nous, on a déjà oublié.
L'angle sous lequel Alix présentait la situation fit sourire Marinette.
— Allez, va te mettre en pyjama, s'écria Alya. C'est le dress code de la soirée.
À peine Marinette fut-elle en tenue que Sabrina arriva. Puis toutes les autres se présentèrent peu à peu, à intervalle régulier, ce qui permit à Marinette d'assimiler ce qu'elles étaient devenues. Elle accueillit tour à tour Mylène, Kagami, Juleka et Rose.
Celle qui lui donna le plus de mal fut Kagami. Non que son apparence ou son attitude ait changé, mais parce que le dernier souvenir que Marinette avait d'elle était le moment où elle tentait de séduire Adrien. Savoir que cette relation était terminée et qu'elle-même était sortie peu après avec un autre garçon n'atténua pas la jalousie rétrospective qu'elle ressentait. Elle fit cependant de son mieux pour dissimuler ses sentiments, sachant qu'ils étaient hors de propos et injustes pour Kagami.
Quand Rose arriva, Alix déclara :
— Parfait, on est au complet.
— Excusez-moi si je fais une bourde, dit Marinette, mais vous n'avez pas invité Chloé ?
— Adrien ne t'a pas dit ? s'étonna Alya. Elle fait ses études aux États-Unis.
— Oh, d'accord. Donc elle serait là si elle était à Paris.
— Effectivement. Comme vous avez Adrien en commun, vous avez plus ou moins enterré la hache de guerre. Mais vous n'êtes pas très proches.
— Je tenterai de m'en souvenir la prochaine fois que je la verrai.
— Tu ne t'inquiètes pas de l'absence de Lila ? s'enquit alors Alya avec un sourire malicieux.
A l'idée qu'elle puisse venir, Marinette ne put retenir une grimace.
— T'en fais pas, la rassura Alix. Adrien et toi avez été très clairs sur le fait que c'était elle ou vous. On ne l'a pas revue depuis le lycée.
— C'est sûr qu'elle n'a pas été sympa quand vous aviez dû rompre, rappela Mylène.
— Qu'est-ce qu'elle a fait ? s'enquit Marinette.
— Elle vous espionnait pour le compte du père d'Adrien. C'est ce que tu nous as dit à l'époque, en tout cas.
— C'est cohérent avec son caractère, remarqua Marinette.
— Elle a une maladie qui lui fait dire des choses qu'elle regrette, rappela Rose.
— Non, Rose, cette maladie, c'était du flan, comme tout ce qu'elle disait, précisa Marinette d'une voix acide.
— Oui, oui, fit Rose, d'un ton qui laissait entendre que la discussion avait été menée à de nombreuses reprises, mais sans la convaincre totalement.
— Adrien et moi avons rompu pendant longtemps ? questionna Marinette, qui ne se souvenait plus de ce qu'Adrien lui avait dit à ce sujet.
— Au moins trois mois, répondit Mylène.
— Vous n'avez jamais rompu, en réalité, corrigea Alya. Vous avez seulement fait semblant. Et comme le téléphone d'Adrien était surveillé, vous nous demandiez parfois, à Nino et moi, de vous faire passer des messages codés.
— Oh, fit Marinette qui découvrait cette période de sa vie.
— Je suis certaine que vous arriviez à communiquer directement tous les deux et sans doute à vous voir, précisa Alya. Tu as une idée de la manière dont vous vous y preniez ? demanda-t-elle.
Marinette en avait une idée assez précise, mais n'avait pas l'intention de la dévoiler.
— Si je ne t'en ai pas parlé à l'époque, ce n'est pas pour le faire maintenant, répliqua-t-elle. Pas sûr que je m'en souvienne d'ailleurs, ajouta-t-elle pour faire bonne mesure.
— Au moins, j'aurai essayé, fit Alya avec bonhomie.
— Et ensuite, que s'est-il passé ? s'intéressa Marinette.
— Monsieur Agreste a eu des ennuis de santé et ça l'a fait réfléchir, répondit Alya. Adrien est devenu beaucoup plus libre qu'auparavant et vous avez de nouveau pu vous voir. Mais jamais chez lui.
— Adrien ne t'a pas déjà raconté tout ça ? s'étonna Sabrina.
— Pas en détail. On a énormément de choses à rattraper. Je ne me souvenais même pas que j'étais sa petite amie, justifia Marinette.
— Tu ne te souviens pas de votre premier baiser ? réalisa Rose d'une voix consternée.
— Non, pas du tout.
— Trop bizarre, jugea Alix. En fait, t'es redevenue vierge ! ajouta-t-elle d'une voix cocasse, arrachant des rires nerveux aux autres filles.
— Hum, en quelque sorte oui, admit Marinette en rougissant.
— Et comment Adrien gère ça ? demanda Alix.
— Eh bien... il me dit ce que je dois savoir pour ne pas être totalement perdue dans ma nouvelle vie, confia Marinette en répondant volontairement à côté de la question. Et il m'aide pour que je puisse reprendre mes études alors que je n'ai aucun souvenir du lycée et de mes années d'école.
Cela refroidit l'atmosphère.
— Tu fais comment ? Tu arrives à suivre en cours ? s'enquirent-elles.
— Je n'y suis pas encore retournée. Pour que je réapprenne les bases, Adrien a demandé à son père de me prendre en stage dans son atelier.
— Tu travailles pour le groupe Agreste ? s'étonna Mylène.
— Je fais des petits travaux et je me familiarise avec les termes du métier, minimisa Marinette
— Je n'aurais jamais cru que Monsieur Agreste ferait ça pour toi, avoua Sabrina. Chloé m'a toujours dit qu'il tolérait cette relation uniquement parce qu'il ne pouvait pas faire autrement. Mais qu'il ne voulait pas avoir affaire avec toi.
— Je pense qu'Adrien a beaucoup insisté, tenta d'expliquer Marinette.
— Et ça se passe bien ce stage ? s'enquit Juleka.
— Oh oui. J'adore ce que je fais là-bas ! s'exclama Marinette.
Ses amies sourirent de la voir s'illuminer ainsi.
— Ah, on retrouve notre Marinette, s'exclama gaiement Rose.
— Dites, c'est pas tout ça, mais on a un programme ! rappela Alya.
Elle sortit des petits papiers de son sac et les posa sur la moquette, au centre du cercle que les filles avaient formé, assises sur des coussins ou sur des poufs. Chacune, hormis Marinette, tira ainsi un numéro qui donnait l'ordre dans lequel elles allaient raconter leur souvenir le plus marquant à leur amie. Alix insista cependant pour qu'elles commencent à manger avant le début des récits. La moitié d'entre elles se levèrent pour chercher à la cuisine les plats qu'elles avaient apportés. On fit tourner les assiettes et les couverts – elles avaient déjà leurs verres où Alix leur avait servi du punch – et elle commencèrent à manger.
Rose raconta comment Marinette l'avait protégée d'un garçon qui la harcelait. Elle était allée le voir, lui avait parlé et il l'avait ensuite laissée en paix.
— Je ne sais pas ce que tu lui as dit mais, après, il m'évitait, conclut Rose.
Marinette se souvint de ce que lui avait révélé Adrien : elle pouvait avoir la répartie cinglante. Visiblement, cela pouvait rendre des services.
Ensuite Alix lui parla d'une promenade épique qu'elles avaient faite toutes les deux en roller. La connaissance pointue des recoins de Paris par Marinette l'avait impressionnée. Elle avait découvert des cours, des fontaines et des éléments urbains, dont elle n'aurait jamais soupçonné la présence, malgré les virées qu'elle faisait régulièrement dans la capitale.
Alya prit la relève et narra comment Marinette l'avait accompagnée pour un rendez-vous qu'elle avait décroché avec une personne assez célèbre. Elles avaient eu une panne de voiture, puis des déboires avec le matériel de seconde main qu'Alya avait acquis pour faire les enregistrements. Marinette avait réussi à les faire arriver à bon port en sollicitant des personnes de bonne volonté, puis avait réparé un micro cassé avec un de ses élastiques à cheveux et un trombone.
— Et c'est cette interview qui a le plus de vues sur ma chaîne Youtube, lui apprit Alya en conclusion.
Juleka conta brièvement l'entretien qu'elle avait dû passer pour être acceptée à un stage de webmaster. Elle était tétanisée à l'idée de devoir se présenter devant un comité. Marinette était venue pour l'aider à répéter sa présentation puis, comprenant qu'elle n'arriverait jamais à la redire devant des inconnus, l'avait accompagnée à l'audition. C'est la styliste qui avait parlé pour son amie, soulignant que le fait que ne pas aimer parler en public n'était pas un frein pour le travail demandé. « Et si elle doit parler avec un client, comment va-t-elle faire ? » avait demandé le potentiel maître de stage. « Alors je reviendrai », avait tranquillement répondu Marinette. La verve de l'accompagnante et le dossier technique de Juleka avaient finalement convaincu, et la candidature avait été retenue. Juleka avait été ravie de son stage, mais surtout y avait trouvé un employeur pour la poursuite de ses études en alternance.
— Maintenant, quand je dois présenter ce que j'ai fait, ils plaisantent en me demandant s'ils doivent t'inviter. Mais c'est dit gentiment, car, maintenant que je les connais, je n'ai pas de problème de communication.
Sabrina raconta à Marinette qu'elles œuvraient toutes les deux pour la Croix-Rouge depuis deux ans.
— Adrien m'en a parlé, se souvint Marinette. J'aimerais bien reprendre, mais j'ai oublié toute ma formation et mon expérience.
— Les formations ne sont pas très compliquées, la rassura Sabrina. Je suis certaine que tu peux les repasser et avoir de nouveau la capacité de patrouiller. Je peux t'organiser ça, si tu veux, proposa Sabrina.
— Oh oui, j'aimerais bien, merci.
Kagami raconta brièvement comment Marinette lui avait servi d'alibi, auprès de sa mère, pour une fête à la campagne organisée par des élèves de son université. C'est là qu'elle avait rencontré son petit ami actuel.
Mylène révéla ensuite à Marinette qu'elle lui devait une grande partie de sa garde-robe, car elle avait du mal à trouver des vêtements qui mettent en valeur ses formes rondes.
— Je ne dis pas que je n'en trouve jamais mais, quand je porte ce que tu as spécialement fait pour moi, le regard des autres n'est pas le même. Grâce à toi, je me vois belle, même si je fais du 48.
— Bien sûr que tu es belle ! s'offusqua Rose.
— Toi aussi, tu m'as bien aidée, en me montrant comment me maquiller au mieux, reconnut Mylène.
— Tu as une peau superbe, c'est un plaisir de prendre soin de toi, assura l'esthéticienne. Dis, Marinette, tu as aussi oublié tout ce que je t'ai montré pour te mettre en valeur ?
— Je crains bien que oui. Tu m'apprendras de nouveau ?
— Avec plaisir ! Je viens quand tu veux.
— À ce propos, les filles, demanda Marinette. Vous pouvez me dire ce qui m'a pris de me couper les cheveux si courts ? Ça me fait drôle à chaque fois que je me vois dans la glace.
— C'est moi qui t'ai emmenée chez le coiffeur, révéla Alya.
— Laisse-moi deviner... Tu as tenté de me convaincre de me faire des mèches comme les tiennes, mais j'ai refusé. Je m'en suis tirée de justesse après avoir perdu la moitié de ma chevelure.
— Tu t'en souviens ? s'étonna Alya.
— Non, mais je te connais.
Entre chaque intervention, il y avait des interruptions permettant qu'on fasse le service et, pour celles qui en avaient besoin, un tour dans la salle de bains. Durant ces intermèdes, des conversations plus privées avaient pu avoir lieu. C'est ainsi que Marinette se trouva seule avec Juleka dans la cuisine, l'une lavant un plat, l'autre venue chercher de la glace dans le congélateur.
— Je suppose que tu ne te souviens pas de mon frère, dit Juleka en ouvrant les pots glacés.
— Si, bien entendu, répondit Marinette. Mais pas d'être sortie avec lui.
La sœur de Luka ne répondit pas, mais Marinette la connaissait bien et pouvait voir à quel point son amie était contrariée par sa réponse.
— Je sais que c'est injuste, dit-elle doucement. Je suis vraiment désolée pour lui. Je sais qu'il ne le mérite pas. Tous ceux qui m'en ont parlé m'ont dit à quel point j'ai apprécié les moments qu'on a passés ensemble. Cela ne m'étonne pas. J'ai peut-être oublié cette relation, mais je comprends bien ce qui m'a décidée à l'envisager.
— Tu voudrais le revoir ? demanda Juleka.
— Un jour, sans doute, mais pas tout de suite. C'est assez embrouillé dans ma tête et ce ne serait juste, ni pour lui ni pour Adrien. Mais plus tard, oui, c'est sûr.
Une demi-heure plus tard, c'est à côté de Kagami que Marinette se trouva à se laver les mains dans la salle de bains.
— Tu aimes toujours Adrien ? s'enquit l'escrimeuse.
Marinette reconnaissait bien là l'habituelle franchise de Kagami. Cependant, elle trouva la question plutôt directe et indiscrète. Elle ne savait pas si le fait que la jeune fille soit antérieurement sortie avec Adrien était une circonstance atténuante ou aggravante. Quoiqu'il en soit, la jeune styliste dut se mordre la langue pour ne pas lui répondre vertement de se mêler de ses affaires.
— Tu t'inquiètes pour lui ? finit-elle par demander en retour.
— Cela t'étonne ? répliqua Kagami. Il t'aime comme un fou et est prêt à tout faire pour toi. De ton côté, tu parles de lui comme d'un simple ami qui t'aide à passer un moment difficile. Il ne mérite pas d'être traité comme ça.
Il n'y avait aucune agressivité dans la voix de Kagami. Elle énonçait un fait. Elle posait une question. Marinette s'enjoignit de se calmer et de répondre de la manière la plus neutre :
— Je ne peux pas l'aimer comme avant, alors que j'ai oublié une grande partie de ce qui fait notre histoire. Mais chaque jour que je passe avec lui me fait comprendre pourquoi je l'ai choisi.
— Ce n'est pas juste un gentil garçon, insista Kagami.
— Ça, je le sais. Il est courageux, loyal, drôle et il a besoin qu'on lui laisse un espace de liberté. Il doit se sentir entouré aussi. Tu penses que je ne serai pas à la hauteur ?
Kagami la fixa un moment avant de concéder :
— Tu l'étais.
Alix passa à ce moment la tête dans la pièce pour les faire revenir dans la pièce principale.
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Le chapitre suivant s'appellera "Devenir plus consistante". Je ne peux pas tout montrer d'un coup, mais on aura dans la suite de l'hitoire plusieurs chapitres dédiés au stage de Marinette à l'atelier Agreste (je sais que ce sujet vous intéresse).
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