V - Une relation solide
Le samedi matin, Marinette accompagna Adrien au marché qui se trouvait quelques rues plus loin.
— C'est toujours toi qui payes ? questionna-t-elle alors qu'ils naviguaient entre les étals.
— Tu contribues aussi aux dépenses. Tes parents te donnent une sorte de pension tous les mois et tu as travaillé pendant les vacances pour gagner ton propre argent.
Ils firent ensuite le ménage dans l'appartement avant de s'atteler à l'épluchage des légumes.
— Quand on a le courage, on cuisine le samedi et le dimanche, comme ça, on n'a plus qu'à réchauffer en semaine, lui expliqua Adrien. En pratique, j'épluche et tu es aux fourneaux.
— Ça me paraît une bonne organisation, évalua Marinette.
— Ça ne m'étonne pas, c'est une idée à toi, lui apprit Adrien d'une voix amusée.
— Oh, d'accord.
Alors qu'ils commençaient à éplucher et émincer, Marinette demanda à Adrien de parler de lui. Elle voulait connaître ses plats préférés, ce qu'il n'aimait pas, ce qu'il lisait, comment se passaient ses études, s'il s'était fait de nouveaux amis depuis la fin du collège.
— On se dispute parfois ? demanda-t-elle ensuite, en commençant à faire revenir des légumes dans une cocotte.
— Oui, bien sûr.
— À propos de quoi ?
— Rien d'important.
— Comme quoi ? insista-t-elle.
— Ok, je sors l'artillerie, sourit Adrien. J'aime bien quand l'appartement est rangé. Ou plutôt, je n'aime pas quand il y a des choses qui traînent partout. Donc quand tu disperses un peu trop tes affaires, je te le fais remarquer. Et je dois dire que tu ne le prends pas toujours très bien.
— Tu trouves que j'ai mauvais caractère ?
— Je n'irais pas jusque-là. Je dirais plutôt que tu peux avoir la répartie cinglante. Et quand tu as décidé que tu as raison, ce n'est même pas la peine d'essayer de discuter.
— Bon, je suis prévenue, fit Marinette d'un ton contrarié.
— T'en fais pas, moi aussi j'ai des défauts.
— Lesquels ?
— Ça, je te laisse les découvrir par toi-même. Je ne voudrais pas te priver du plaisir de la découverte.
— D'accord, quand je les aurais trouvés, je ne manquerais pas de t'en faire part.
— Je n'en doute pas. Note que ta répartie n'est pas toujours un défaut. Ceux qui t'importunent laissent assez vite tomber, d'après ce que j'ai compris.
— Tant que je ne me fâche pas avec mes amis...
— Ne t'en fais pas pour ça. Tu es une amie fidèle et toujours prête à aider. On te pardonne volontiers tes petits travers.
— Tant mieux. Bon, sujet suivant ! Mhum... quel est ton meilleur souvenir ?
Adrien leva les yeux de son épluchage de pomme de terre et répondit en souriant :
— J'en ai deux que j'aurais du mal à départager.
— Raconte.
— Le premier, c'est quand j'ai reçu la bague de Chat Noir et que j'ai réalisé que je pouvais sortir de ma chambre en douce quand je voulais. Je n'avais pas le droit de sortir seul dans la rue à ce moment et je n'étais même pas certain de pouvoir aller au collège. Tu imagines ce que cela représentait pour moi.
— Je pense que oui, Chaton. Et le second ?
— C'est quand je t'ai embrassée pour la première fois, bien entendu.
Marinette ne relança pas tout de suite la conversation. Elle se concentra sur les aliments qu'elle remuait pour qu'ils n'attachent pas, ne sachant quoi faire de la confidence. Adrien dit d'une voix contrite :
— Désolé, j'aurais dû garder ça pour moi. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise.
Marinette secoua la tête et dit :
— Cela fait partie de notre histoire, ce n'est pas un tabou. Ça..., ça t'ennuierait de me raconter comment ça s'est passé ? J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé entre nous.
— Tu es sûre ?
— Oui.
Elle tourna la tête et le regarda :
— Je dois remplir les trous. À défaut de m'en souvenir, je dois me les faire raconter. C'est important pour notre relation, non ?
— Bon, d'accord. Alors... je t'ai déjà dit qu'on s'est, un jour, détransformés l'un devant l'autre et qu'on a su qui on était. On s'est rapprochés petit à petit en tant qu'amis. Nous étions amoureux l'un de l'autre, mais aucun de nous n'osait faire le premier pas. Je ne savais pas que je t'intéressais en tant qu'Adrien et tu étais persuadée que je ne pouvais pas t'aimer sous les traits de Marinette. Quand finalement Nino m'a enfin fait comprendre que j'avais une chance avec toi, je t'ai invitée à venir chez moi. À un moment, je t'ai trouvée tellement craquante que ça a dû se voir sur mon visage. Tu m'as regardé et ton regard a changé. J'y ai vu... une invite. Alors on s'est embrassés. Voilà. Je dirais que, vu le temps que ça a pris, ça s'est fait finalement très simplement.
Il y eut un moment de silence, alors qu'ils continuaient chacun leur occupation.
— Pourquoi ton père s'est-il opposé à ce qu'on sorte ensemble ? demanda ensuite Marinette.
— Je suppose que c'était une question de contrôle, avança Adrien. Je ne pouvais pas faire grand-chose en dehors de ce qu'il avait décidé. À savoir mes études, mes cours particuliers et mes séances de pose. Tout le reste était du temps gâché de son point de vue.
— S'était-il opposé à ta relation avec Kagami également ? questionna Marinette.
— Non, mais c'était différent. Il est très ami avec la mère de Kagami. Il ne pouvait pas se permettre de rejeter sa fille. En tout état de cause, il a toujours pensé que Kagami, tout comme Chloé, était une relation souhaitable.
— Mais pas moi.
— Mon père n'est pas quelqu'un de simple à comprendre. L'important, c'est que, depuis trois ans, il accepte que je fasse des choix en ce qui concerne ma vie.
— Ça a été dur à obtenir ?
Adrien parut hésiter et indiqua :
— Il a... il a fait un infarctus l'été qui a précédé notre entrée en terminale. Cela a changé beaucoup de choses entre nous. Je ne dis pas qu'il est devenu permissif, mais j'avais pratiquement dix-sept ans et il a réalisé qu'un an plus tard, je pouvais partir et vivre ma vie loin de lui, s'il me contraignait trop. J'ai veillé à ne pas dépasser les bornes, bien entendu, mais depuis de temps là, je sors quand je veux, je vois qui je veux et il n'a pas remis en cause mes choix d'études, ni ne m'a mis la pression dessus. C'est pour ça que je suis finalement resté au manoir, même après ma majorité. Mais j'avais trop envie de passer encore plus de temps avec toi, c'est pour ça qu'on a pris l'appartement dès que ma charge de travail me l'a permis. Pour tout te dire, il appartient à mon père et il ne me fait pas payer de loyer.
— Et il sait que je vis ici ?
— Oui, tout à fait, je ne l'ai jamais caché.
— Et maintenant, il me prend en stage, constata Marinette.
— J'avoue que je suis assez heureux de voir que les choses évoluent dans le bon sens.
— Et on se voit, parfois, avec ton père ?
— Vous ne vous êtes pas croisés depuis... longtemps. Mais je vais régulièrement le voir. Je ne sais pas si je t'ai dit, réalisa soudain Adrien, mon père s'est remarié il y a deux ans avec Nathalie, son assistante.
— Je me souviens de Nathalie, assura-t-elle.
Elle lui lança un regard en biais.
— Cela ne t'a pas dérangé ?
— C'est une bonne chose pour mon père et je pense que Nathalie le souhaitait depuis longtemps.
— Nathalie est-elle pour quelque chose dans le fait que ton père se soit assoupli ?
— Mhum..., je pense plutôt que c'est parce qu'il s'est assoupli et a enfin pu commencer à faire le deuil de ma mère qu'il a pu l'épouser.
— Quand a-t-il commencé ce deuil ?
— Au moment de son infarctus.
Quelque chose dans la voix d'Adrien amena Marinette à le dévisager. Il évita son regard.
— On change de sujet ? demanda-t-elle.
— Oui, s'il te plaît.
— Juste une chose, insista Marinette. Est-ce que j'étais au courant avant ?
— Oui. On en reparlera un jour, mais pas maintenant.
— D'accord.
Elle revint à sa casserole et se creusa la tête pour trouver une autre question :
— Quelle est la chose que je dois absolument savoir sur toi ?
— Que je suis Chat Noir.
Adrien avait prononcé ces mots de manière si définitive, que Marinette se retourna de nouveau.
— Je sais que ce n'est pas rien, remarqua-t-elle, mais cela compte-t-il à ce point pour toi, maintenant que nous ne sommes plus rien, ni l'un ni l'autre ?
— Oui, parce que ce que j'étais en Chat Noir représente ce que je veux être, quand je peux faire ce que je veux, énonça Adrien d'une voix grave. Je ne suis pas ce garçon docile et sans caractère que je m'efforçais de paraître à l'époque. Si tu n'es pas consciente de ça, ce n'est pas vraiment moi que tu aimes. Ou plus exactement, je ne pourrais pas me conformer à ce que tu attends de moi. Je ne reviendrai pas en arrière.
L'expression de Marinette se fit pensive. Elle soupesa ce qu'Adrien avait déclaré avant de dire :
— Je ne suis pas tombée amoureuse de toi parce que tu étais docile. Je le suis parce que tu es profondément gentil et bienveillant pour les autres. Ces derniers jours ne me donnent pas l'impression de m'être trompée sur ta personnalité.
Elle sentit qu'Adrien était touché par cet aveu. Il opposa cependant :
— Mais mon côté Chat Noir t'exaspérait.
— Et toi, tu me trouvais trop sérieuse en Ladybug, non ?
— Je t'aimais comme ça.
— Si tu n'as pas été rebuté par mes maladresses et balbutiements, je pense que je peux supporter ton sens de l'humour douteux, jugea Marinette.
— On ne peut pas dire que tu me caresses dans le sens du poil, remarqua Adrien d'un ton malicieux.
La mâchoire de Marinette se décrocha devant le jeu de mots si malvenu, avant qu'elle n'éclate de rire.
— Oh, Adrien ! fut tout ce qu'elle arriva à protester.
Il sourit, ravi de son effet.
— Tu es toujours comme ça ? finit-elle par arriver à demander.
— J'essaie de ne pas m'ennuyer.
— Tu prends ta revanche sur les années passées ?
— Oui, exactement.
— Tu fais tout ce que tu veux, maintenant ?
— Dans la mesure du possible, oui. Cela ne veut pas dire que je n'accepte pas les contraintes, mais seulement que je ne me limite pas si je ne suis pas convaincu qu'il y a une bonne raison pour ça. J'ai travaillé dur ces dernières années, parce que c'était indispensable pour faire ce que je voulais comme carrière. Mais j'ai toujours pensé que cela ne valait pas le coup de se couper de ses amis ou de risquer de te perdre.
Plus tard, alors qu'ils prenaient un repos bien mérité en regardant une série – Adrien avait insisté pour qu'ils reprennent du début celle qui était la préférée de Marinette –, Alya appela.
— Marinette, j'ai tout organisé. On fait ta soirée rattrapage des copines samedi prochain.
— Oh, super, merci, Alya.
— On va s'éclater, tu verras. Ah, au fait, ce sera une soirée pyjama, comme quand on avait 16 ans. Tout le monde restera dormir chez moi.
Marinette jeta un regard interrogatif en direction d'Adrien qui entendait tout.
— Tu passes la nuit où tu veux, tu es majeure, répondit-il en souriant.
— Quelle réponse exemplaire, s'esclaffa Alya. Bon, on se voit dans une semaine !
— C'est noté, Alya. À bientôt. Et merci.
Marinette coupa la communication et Adrien demanda :
— Ça te va si j'invite Nino pour un de ces soirs ?
— Quand je serai chez Alya ?
— Non, avec toi. Il aimerait bien te revoir.
— Oh, bien entendu, quand tu veux.
oOo
Durant leur dîner, Marinette demanda :
— Tu n'es plus mannequin ?
— Je n'ai pas défilé ou posé depuis deux ans. Mais j'ai accepté de faire quelques apparitions à l'avenir pour mon père.
— Qu'en a dit ton fan-club ?
— J'ai expliqué que je voulais me consacrer à mes études. Il paraît que j'ai reçu plein de lettres d'encouragement, mais ce n'est pas moi qui traite ça.
— On te demande toujours des autographes dans la rue, je suppose.
— J'ai appris à les refuser, en disant que j'ai pris ma retraite. Sinon, c'était invivable, vis-à-vis de mes camarades de prépa.
— Ils se sont remis d'avoir une star, même à la retraite, avec eux ?
— Oui, comme ceux qui ont été dans ma classe au lycée. Mais je ne me suis pas fait de copains aussi chouettes qu'en troisième. La popularité rend les choses compliquées.
— Tu n'es pas trop poursuivi par les magazines people ?
— Ça va. Quand j'étais plus jeune, mon père a eu une politique assez efficace avec la presse : d'une part, il leur donne des photos officielles, à charge de respecter ma vie privée. De l'autre, il a attaqué systématiquement ceux qui ont violé les termes de l'accord. Dans l'ensemble, on me laisse donc tranquille. Évidemment, c'est plus compliqué de maîtriser les réseaux sociaux. Il y a donc des images qui se baladent où on est ensemble, mais on a toujours fait attention de ne pas se tenir la main ou de s'embrasser en public. Du coup, ça limite l'impact. Je sais qu'à ton école, quand on te demandait la nature de tes relations avec moi, tu répondais toujours qu'on était juste amis. Pour le moment, personne n'a encore réalisé qu'on a emménagé ici.
— Ce serait ennuyeux qu'on sache ? demanda Marinette.
— Pas trop pour moi, mais tu ne veux pas commencer ta carrière comme « la belle-fille de Gabriel Agreste ».
— Ah, je vois. Et toi, cela ne t'ennuie pas que je ne veuille pas m'afficher comme ta petite amie ?
— Je ne vois pas pourquoi tu subirais une réputation qui ne t'apporte par ailleurs aucun avantage. Et puis j'ai assez vécu la célébrité pour savoir que je ne te la souhaite pas spécialement.
oOo
Le dimanche, ils traînèrent dans l'appartement. Encouragée par la perspective du stage qui commençait le lendemain, Marinette s'était replongée dans ses cours. Elle avait repris ceux de première année et tentait de les déchiffrer, faisant des recherches sur internet pour compléter les notions. Adrien, qui avait grandi dans le milieu, lui donnait également des indications.
En fin d'après-midi, Marinette indiqua son intention de préparer un crumble aux pommes, qu'Adrien lui avait indiqué la veille comme étant son dessert préféré.
— Merci ma libellule, remercia-t-il ravi avant de profiter qu'elle passait près de lui pour poser la main sur son épaule et se pencher pour déposer un baiser sur sa joue.
Marinette eut un mouvement de recul instinctif. Adrien blêmit, blessé par la défiance que cela trahissait. Marinette s'en aperçut et se mit à balbutier :
— Oh, Adrien, je... je suis désolée ! Je... je voudrais... mais je ne peux pas... Je sais que tu... je ne peux pas te donner ce dont tu as besoin... Je suis trop... c'est de ma faute...
— Attends, l'interrompit Adrien. À ton avis, de quoi ai-je besoin ?
Marinette détourna le regard en rosissant.
— Marinette, ce dont j'ai réellement besoin, c'est que tu nous donnes une chance de bâtir une relation solide et de confiance, affirma-t-il avec force. Une relation d'amitié avant tout. Sentimentale éventuellement. Et je sais qu'on ne peut pas faire ça à la va-vite. Ça nous a pris des années pour devenir amis, puis amoureux et finalement amants. Et le plus important dans tout ça, c'est qu'on ne s'est jamais précipités ni forcés à faire quoi que ce soit.
Marinette, rouge d'embarras et de confusion, semblait incapable de soutenir son regard. Adrien vit ses yeux se remplir de larmes. Résistant à l'envie de la prendre dans ses bras pour la consoler, il se détourna et s'éloigna pour sortir de la pièce. Elle avait sans doute besoin d'être seule pour reprendre contenance.
Alors qu'il atteignait la porte du salon, elle souffla : « Adrien ». Il s'arrêta et, derrière lui, il l'entendit approcher. Il la sentit coller son buste et sa joue contre son dos et elle l'enlaça, croisant ses bras au niveau de ses abdominaux. Il se sentit souffler de soulagement. Doucement, il posa ses mains sur celles de Marinette, à défaut de pouvoir la serrer contre lui en retour.
Ils restèrent un moment ainsi, puisant le réconfort dans leur étreinte, exprimant par ce contact ce qu'ils n'arrivaient pas à dire de vive voix.
Finalement, Marinette se détacha doucement d'Adrien.
— Je vais commencer à éplucher les pommes, sinon, ce ne sera pas prêt pour le dîner.
— Là, pour le coup, je serais très déçu, répondit Adrien avec autant de légèreté qu'il le put.
Marinette eut un sourire fragile avant de le contourner pour se rendre dans la cuisine.
oOo
Ils se retrouvèrent pour le dîner. Adrien meubla la conversation en lui parlant de leurs amis et de ce qu'ils avaient fait ces dernières années, leurs études et les sorties ou fêtes qu'ils avaient partagées.
Quand ils eurent terminé, Adrien lui dit :
— Je vais ranger la cuisine. Va donc te coucher, tu commences tôt, demain.
Elle le regarda, s'apprêta à dire quelque chose puis se ravisa. Elle partit docilement vers la salle de bains. Quand Adrien eut terminé de son côté, il alla dans la chambre pour prendre ses vêtements du lendemain, avant qu'elle ne revienne se coucher. Il était en train de fouiller dans la boîte de chaussettes quand Marinette arriva, les cheveux encore un peu humides de sa douche, en pyjama.
— J'en ai pour une seconde et la chambre est à toi, annonça Adrien.
Elle s'appuya contre le chambranle, le regarda récupérer ce qu'il lui manquait encore et fermer les portes du placard. Quand il voulut sortir de la pièce, il réalisa qu'il ne pouvait pas passer sans la frôler. Il attendit qu'elle libère le passage. Ils restèrent un instant face à face. Au moment où Adrien allait réaffirmer son intention de quitter la chambre, elle lança :
— Ça doit être inconfortable de dormir sur le canapé. Tu ne veux pas revenir dans le lit ?
Adrien resta muet une seconde sous le coup de la surprise avant de répondre :
— Je ne veux pas te déranger.
— Si tu restes de ton côté, ça ira, assura-t-elle. Cela m'ennuie de te chasser de ta chambre. Si tu ne veux pas, c'est moi qui vais dans le salon, revendiqua-t-elle d'un ton décidé.
Trois ans dans le costume de Chat Noir avaient appris à Adrien à ne pas discuter quand sa partenaire avait pris une décision. Il sourit :
— Te laisser avec ta machine pour que tu travailles toute la nuit ? plaisanta-t-il. Pas question. C'est bon, je me dévoue, je reviens dans la chambre.
Elle leva les yeux au ciel puis passa devant lui pour aller de son côté du lit. Adrien alla poser ses habits dans la salle de bains pour les avoir sous la main le lendemain quand il prendrait sa douche. Il se lava les dents, se mit en pyjama et retourna dans la chambre.
Marinette avait éteint la grande lumière et s'était couchée en chien de fusil, lui tournant le dos. Elle avait laissé la lampe de chevet allumée de son côté à lui, pour confirmer qu'il était attendu. Il se coucha en restant soigneusement près du bord du matelas et éteignit.
Au bout de quelques secondes, la voix de Marinette s'éleva :
— Je suis désolée pour cet après-midi. Je n'ai pas eu peur de toi, j'ai été surprise parce que je ne m'y attendais pas.
— Ce n'est pas grave.
— Je t'ai blessé, je le sais. J'en suis désolée.
— Je t'ai pardonné dès la première bouchée de crumble, assura-t-il.
— Adrien, je suis sérieuse !
— Moi aussi. Je ne t'en veux pas du tout. Et puis je sais que c'est en partie de ma faute, si tu n'as pas entièrement confiance en moi.
— Pourquoi tu dis ça ? s'étonna-t-elle.
— Quand on avait quatorze ans, je ne me suis pas conduit correctement avec toi.
— De quoi parles-tu ?
— De mon comportement en tant que Chat Noir. J'étais jeune et bourrin. Et puis l'anonymat de mon costume me donnait de l'audace. Je ne t'ai pas écoutée quand tu m'as dit que tu ne voulais pas sortir avec moi parce que tu étais intéressée par quelqu'un d'autre. J'ai insisté alors que tu avais été très claire. Si tu es revenue à ce moment de ta vie, pas étonnant que tu sentes obligée de me tenir à distance.
Marinette resta un moment silencieuse, puis reconnut :
— Ce que tu dis est vrai mais il n'est pas question de ça. Ton attitude depuis une semaine me dit que je peux te faire confiance. Je n'aurais pas dû réagir de cette manière à un geste amical.
— On n'était pas spécialement proches quand tu es devenue gardienne, rappela Adrien d'un ton factuel. On était en train de renoncer l'un à l'autre. Ce n'est pas le moment le plus propice pour recommencer notre relation.
— Mais je sais qu'ensuite on s'est retrouvés et qu'on a choisi de vivre ensemble, opposa Marinette en se tournant vers lui. Je ne remets pas ce choix en question. Parce que je sais que, même si je reprenais mes distances, je reviendrai finalement vers toi. Je n'ai pas l'intention de nous infliger ça.
— Peut-être que tu devrais voir Luka, quand même, avança Adrien.
— Non, pas question ! dit-elle fermement. Pas maintenant. Vraiment, Adrien, ne nous fais pas ça. C'est la dernière chose dont j'ai besoin.
— D'accord, d'accord. Je voulais juste être certain que tu n'aies pas de regrets.
— J'aurais sans doute des moments compliqués, des frustrations, je me sentirai fragilisée quand je comprendrai que je manque d'éléments pour comprendre les situations, soupira Marinette. Mais s'il y a une chose que j'apprécie dans ma nouvelle vie, c'est de savoir que tu m'aimes, et ce, depuis au moins aussi longtemps que, moi, je t'ai aimé. J'ai peur de te décevoir, de te blesser de nouveau, de ne pas réussir à redevenir celle que tu attends, mais je suis contente d'être avec toi.
Adrien se tourna à son tour pour lui faire face, profondément ému et heureux des sentiments qu'elle avouait. Ils étaient désormais couchés face à face, à une quarantaine de centimètres l'un de l'autre.
— Que tu redeviennes comme avant n'est pas ma priorité, assura-t-il. Ce que j'espère de tout mon cœur, c'est que tu sois aussi heureuse, aussi épanouie et satisfaite de ta vie que tu l'as été. Tu avais enfin pris confiance en toi et en tes capacités. J'aimerais tellement être capable de te redonner tout ça.
— C'est ce que tu es en train de faire et on commence demain matin. C'est vrai que j'ai la trouille, mais je sais que tu m'as donné une opportunité formidable et je ferai mon possible pour ne pas la gâcher.
— Alors on va dormir, pour que tu sois bien en forme, d'accord ?
— D'accord. Bonne nuit, Chaton.
— Bonne nuit, ma Libellule.
================
Comme vous le voyez, c'est encore compliqué entre nos deux tourtereaux. Le prochain chapitre s'appelle "Soirée pyjama" et on retrouvera la plupart des filles de la classe de collège.
Pour info, la couverture que j'ai mise à l'histoire représente une scène issue de ce chapitre.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro