Ixli dévisageait les deux jeunes hommes avec curiosité : ils avaient protégé Flore au spatioport contre Xénon lors de l'invasion et assuré le dernier vol des exilés auroréens. Le roi de Dalghar, blond à l'allure sage, contrastait avec son cadet, turbulent jusque dans ses cheveux noirs en bataille. Pourtant, un lien fraternel puissant les unissait.

Tout comme Flore et Sojeyn.

D'ailleurs, Brian ressemblait à son intrépide neveu avec son regard effronté que lui seul osait poser sur elle.

Ils s'entendront à merveille ces deux-là.

Le prince de Dalghar avait lu sa désapprobation sur son visage, il hochait la tête en signe d'excuse. Ixli redevint impassible et se connecta à Flore, puis au Cercle. Dès que leurs perles virèrent au corail, les silhouettes des hommes s'estompèrent avant de disparaître. Ils se matérialisèrent à l'extrémité du camp de base, près de la tente des kiriahnis.

Quatre combattants entourèrent les deux Dalghariens, électases dégainées, flammes rouges activées.

Nous avons oublié de les prévenir !

— Ce sont nos alliés, les Dalghariens, clama-t-elle. Baissez vos armes.

Les Imlayas ne l'écoutèrent pas ni Flore qui avait renchéri. La colère grondait, les corps se tendaient, ils étaient prêts à tuer leur « ennemi » au moindre faux pas.

— Quel accueil ! s'exclama le prince cadet, goguenard. Tout cela à cause de tes cheveux blonds et ta peau claire, comme au spatioport d'Aurora. À moi d'intervenir.

— Prends garde à toi, rétorqua son aîné.

Les mains levées en signe de paix, Brian s'avança. Peine perdue. Quand les quatre Imlayas le menacèrent, il extirpa un pistolet laser, puis s'intercala entre son frère et leurs assaillants. La scène se figea sur ces adversaires déterminés, tandis que Flore tentait de raisonner les Auroréens. Sa nièce échouait, la princesse rebelle échouait.

Des boules d'énergie se formèrent alors sur ses paumes.

— Flore, non ! protesta Ixli.

— Il vaut mieux les assommer plutôt que de voir le sang couler.

— Ne les utilise qu'en dernier recours.

Les lèvres de Flore se crispèrent, puis sa nièce céda. La voix de Lorina retentit au même moment :

  — Initiés, rengainez vos électases !

Les combattants obéirent enfin et se tournèrent vers leur gardienne, accompagnée d'Akeno et d'un groupe d'Imlayas. Quand le maître d'armes s'approcha, une main tendue, les quatre coupables rendirent leurs électases.

— Les Astrydiens ont détruit vos familles et vous rêvez les éliminer, déclara Lorina. Si la tribu comprend votre souffrance, elle désapprouve votre comportement. Agir ainsi c'est devenir comme ces monstres. Ce chemin nous ramènera vers les siècles de la Décadence.

— Nous les avons confondus avec l'envahisseur, se défendit l'un d'eux.

— Vos émotions ont guidé vos actes, réfuta Akeno. Vérifiez les différences. Ensuite, nous vous emmènerons au village.

Les initiés détaillèrent le physique des deux frères, ainsi que leur tenue marron. L'emblème de Dalghar se distinguait sur la manche droite de leur veste courte : une comète dorée sur fond bleu roi. Rien ne rapprochait les deux jeunes hommes de près ou de loin aux Astrydiens.

Sitôt qu'ils quittèrent les lieux, sous bonne garde, Lorina présenta Akeno, elle-même, puis enchaîna :

— Je suis enchantée de rencontrer les alliés d'Aurora. Cet incident vous montre la détresse des Auroréens, mais soyez assurés que nous vous accueillerons chaleureusement. Nous demeurons pacifiques avant tout.

— Jamais mon frère et moi ne vous reprocherons ces attitudes isolées, répliqua Kris. La résistance vient de prouver son sens de la discipline et de la dignité. Dalghar se tiendra volontiers à votre côté pour vaincre l'envahisseur. J'aurais aimé apporter mon secours plus tôt, mais de tristes circonstances nous en ont empêchés.

Le discours protocolaire de Kris amena un bref sourire à Ixli, tant il semblait si peu approprié dans ce camp en pleine forêt où le chant des oiseaux régalait plus les oreilles. Elle les invita à rejoindre le foyer central.

Linlin et Yeldo, qui s'y reposaient avec Merioni, leur proposèrent des boissons et des fruits secs. Le soleil déclinait sur la cime des arbres et un feu chassait la température qui se rafraîchissait. Au milieu des crépitements, un « bip » résonna : il provenait de la montre de Kris.

— Notre chère générale s'enquiert de ta santé, se moqua Brian.

Plutôt que de rétorquer, son aîné s'adressa à Lorina :

— Si j'ai bien compris, en soirée, nous rencontrerons Sojeyn, le chef de la résistance pour tout Aurora et nous repartirions demain dans les hautes montagnes de Monti.

— Pas tout à fait, nous avons établi un lieu plus pratique pour contacter les doryaums, et il a son propre uriah. Nous avons beaucoup de choses à vous raconter.

— Flore aussi, intervint Linlin. Tu pourrais commencer par ton aventure ici avec cet étranger aux pouvoirs plus puissants que les brouilleurs ?

Avant que Lorina ne calme le Tourbillon, Brian renchérit :

— Excellente idée, nous t'écoutons.

Le ton sarcastique surprit Ixli. Les yeux du jeune homme jetaient des éclairs noirs, son corps en proie à une forte tension.

— Oui, je suis curieux de ce plan que « la princesse rebelle » a daigné mettre en place sans m'informer, avec ton appui Kris d'ailleurs.

— Brian ! Ce n'est ni le lieu ni le moment...

— Il n'y a jamais de lieu ni de moment propice. Qu'as-tu à répondre, Flore ?

— Pourquoi aurais-je dû t'expliquer quoi que ce soit ? objecta cette dernière.

Son attitude reflétait celle de l'impétueux prince, et ses cheveux brillaient comme de l'argent en fusion. Ixli ne reconnaissait pas sa nièce. Ses amis la scrutaient médusés.

Est-ce ton séjour sur Dalghar qui t'a rendue ainsi ?

La perle sur la tête de Flore devint laiteuse. L'instant fut si bref qu'Ixli douta. Elle ouvrit son esprit en grand et des images incontrôlées la pénétrèrent : un sauvetage en montagne, une grotte, les deux jeunes gens et... un éclair blanc.

Le Lien ! Voilà la cause.

La journée offrait bien des découvertes intéressantes.

— Tu m'ignores pendant des mois sans raison et maintenant tu me demandes des comptes ? poursuivit Flore. Tu oses railler le surnom que m'a donné la résistance. De quel droit ?

— Tu dépends de nous, justifia Brian.

— Depuis ma majorité, je dirige ma vie selon mon bon vouloir, libre de tout tuteur !

Un silence pesant s'abattit. Les deux jeunes gens campaient sur leur position, hypnotisés l'un par l'autre. Kris de Dalghar se plaça entre eux et interpella son cadet :

— Flore ne te doit rien et j'ai donné mon accord à son plan. Entrer en contact avec la résistance était capital, ne le nie pas. Elle seule pouvait y parvenir, avec le soutien d'Idsou. Tu t'es isolé un long moment pour pleurer la disparition d'Iliane, j'ai respecté ton souhait et pris ma décision sans te consulter.

— Ce plan était dangereux.

L'intervention de Kris portait ses fruits, la protestation de Brian s'avérait moins virulente. Flore rétorqua d'une voix calme :

— Je suis une Imlaya, entraînée au combat, et maître kiriahni. Plus d'une fois, tu as vanté mes compétences lors de notre enquête, et Idsou a démontré ses capacités. Sans lui, Kris ne se tiendrait pas ici à nos côtés.

Le jeune Dalgharien se passa la main dans sa chevelure en bataille, avant de regarder Flore un long moment, le visage impénétrable. Puis, il s'inclina légèrement.

— Princesse rebelle. Je ne voulais pas me montrer insultant ni condescendant. Je suis le premier à reconnaître ta valeur ainsi que celle de notre mystérieux ami. Mais devant les Astrydiens et leurs clones sans état d'âme, je craignais le pire. Ton absence prolongée a accentué cette inquiétude.

L'incrédulité se lisait sur le visage de Flore comme si Kilyan arrivait du monde des Morts et lui offrait sa propre perle. Lorsque Brian se redressa, elle posa la main droite sur son cœur.

— Ton inquiétude était justifiée. Malgré nos forces, Idsou a été blessé et j'ai été kidnappée. La résistance nous a sauvés.

— Maintenant que vous vous êtes expliqués, pourrions-nous écouter leur périple, Brian ? se moqua Kris.

Son cadet et Flore acquiescèrent en chœur. Alors que des couvertures volèrent jusqu'au groupe et que chacun s'installait confortablement sur les rondins, plusieurs Auroréens se rapprochèrent. Personne ne voulait manquer le récit de la princesse rebelle d'Aurora.