Brian, débarrassé de sa combinaison et soigné à la va-vite, se tenait assis au côté de Kris dans la salle des officiers. Personne n'avait heureusement noté les coupures sur ses mains, qu'il avait soignées rapidement ; tous scrutaient l'hologramme d'Aurora et discutaient du plan d'attaque. Son aîné s'adresse à la générale Goffin :

— Je veux le moins de morts possible chez les Auroréens, exigea Kris. Même si nous n'avons pas de nouvelles de la princesse Flore et d'Idsou, nous devons les considérer en vie.

— Sans savoir où ils sont, je ne promets rien ! Quelle que soit notre stratégie, prendre le palais royal en pleine ville et faire face à un ennemi aux moyens aussi puissants impliquera des dommages collatéraux.

— Patientons encore deux jours, intervint Brian. Le contact avec la résistance épargnerait tous ces morts.

— Nous avons déjà dépassé la date butoir de trois. Si l'un ou l'autre se trouve entre les mains des Astrydiens, notre offensive risque d'être compromise.

La femme à la peau sombre et les cheveux de paille coiffés courts plongea ses yeux couleur de glace dans les siens. Quoique plus petite que lui d'une bonne tête, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. Toutefois, la générale avoua :

— Je comprends votre requête et je suis la première à préférer fonctionner avec une résistance si elle existait. Certains choix ne m'enchantent pas, mais la vie des troupes guide ceux-ci.

— Pourriez-vous néanmoins tenir compte de la demande de mon frère, intercéda Kris.

— BRIAN !

L'appel de Flore plus puissant que le premier pendant sa lutte contre les piramors le déchira tant qu'il porta une main à sa tempe et gémit. Il ne l'avait donc pas imaginé. Brian ouvrit son esprit aussitôt. Pendant que la jeune femme lui transmettait son message, des regards inquisiteurs pesaient sur lui. Il les ignora avant de relever la tête.

— Que t'arrive-t-il ? s'enquit Kris, le front plissé.

— Flore a retrouvé la résistance ! Nous avons rendez-vous dans la clairière des Imlayas, où elle et sa tante nous téléporteront vers leur camp.

— Es-tu sûr que ce soit Flore ?

Brian écarquilla les yeux avant d'éclater de rire. Un rire de soulagement, après tous ces jours à s'inquiéter. Un rire de joie, le temps de l'inaction se terminait.

— Oh oui, fais-moi confiance.

— Justement, je te connais trop bien. Un vrai casse-cou !

— Quelle piètre opinion a le roi de Dalghar vis-à-vis de son propre frère !

— Brian, ce n'est guère le moment de plaisanter ! Pourquoi ne nous a-t-elle pas contactés avec son bracelet de communication ?

Devant la voix courroucée de Kris, il leva les mains en signe d'apaisement.

— Je connais le toucher mental de Flore. Et pour répondre à ta question, légitime, la puissance d'un Cercle vaut notre technologie et évite d'être détecté par les Astrydiens. Nous pouvons suivre ses directives. D'ailleurs, j'aurais quelques mots à lui dire sur ce plan monté derrière mon dos.

— Tu ne vas pas recommencer !

— Avec toi, non. Mais avec elle, c'est une autre histoire.

Kris n'insista pas, se contentant de lever les yeux au ciel.

— Majesté, combien d'hommes souhaitez-vous ? s'enquit la générale Goffin.

Elle va nous imposer tout un contingent, maugréa Brian, et les Auroréens pourraient refuser le contact.

Kris partageait son avis, car il rétorqua :

— Brian et moi irons seuls. Ce peuple est très farouche, je dois d'abord les convaincre.

— Un saut dans l'inconnu pour le roi de Dalghar. Inacceptable.

— J'ai confiance en mon frère, mais je vous propose d'utiliser une navette avec une équipe. Elle assurera notre défense jusqu'à notre téléportation par la résistance.

La générale hésita, le plan lui déplaisait, son visage exprimait son désaccord. Néanmoins, l'attitude décidée de Kris la força à se plier aux ordres, à moins que ce fût la logique de la situation.

Afin d'échapper à la vigilance des Astrydiens, un voyage commercial avait été déclaré à la toile d'araignée, frontière d'Aequalis. Il avait atteint Aurora par la face non habitée, sans rechercher le village des Imlayas parmi les montagnes de Monti. De leur cachette, une navette avait déposé Flore et Idsou à proximité d'un bourg isolé à cinq jours à cheval de la capitale, où ils se renseigneraient.

Car rien ne garantissait à cet instant que la tribu légendaire eût survécu.

Et rien ne garantit qu'elle a forgé une résistance digne de ce nom.

L'impatience et la curiosité le démangeaient, pendant qu'il suivait son frère vers la plateforme des navettes. Que trouveraient-ils sur place ? Comment réussiraient-ils à concocter un plan ensemble pour libérer la planète ?

Les courbes abruptes de l'aéronef l'arrachèrent de ses multiples questions.

Il se faufilait entre les obstacles de la nature, effectuait piqué, chandelle, vague, tonneau. Même si la navette bénéficiait des meilleures techniques de furtivité, la pilote avait préféré raser le sol. Si Brian s'en réjouissait, Kris maugréa plus d'une fois.

— Cela te change des trajets confortables sur Dalghar, lui lança-t-il en pensée.

Un grognement lui répondit, et Brian reporta son attention sur l'extérieur. Les montagnes grises aux arbres dénudés firent place à une forêt vert pourpre, puis les couleurs de la canopée s'éclaircirent vers le mauve avec des tâches d'ambre. Puis une vaste clairière apparut avec en son centre un imposant arbre aux feuilles rouge vif. Leur point de rendez-vous. Brian l'avait reconnu avant que la pilote le mentionne, grâce aux descriptions de Flore sur sa planète durant le voyage du vaisseau spatial.

Très belle pour le peu que j'en ai vu.

Sitôt que la navette se posa, Brian en descendit avec Kris. Après toutes ces semaines à rester enfermé ou à côtoyer la poussière, il respira à pleins poumons les odeurs boisées et écouta le chant des oiseaux.

La matérialisation de Flore et d'une Auroréenne bien plus âgée interrompit sa contemplation.