C4 - Le manoir (2/4)
Trois jours plus tôt, Roobos atteignait une vaste clairière avec ses chasseurs. Il étudia l'endroit sous le soleil qui auréolait la cime des arbres émeraude, ambre et mauve. Trois d'entre eux se détachaient aux abords de l'orée.
— Nous ferons notre dernière halte ici, ordonna-t-il.
Ses hommes opinèrent sans commenter. Ils descendirent de leur monture et installèrent le campement : foyer, brouilleurs autour des troncs que Roobos avait désignés, couvertures épaisses au sol. Par cette nuit sans pluie, les tentes resteraient dans les bagages.
Deux des chasseurs dégainèrent leur électase et activèrent la flamme jaune de la paralysie, tandis que le troisième desserrait les liens des premiers prisonniers, un couple de menuisiers. Dociles, ils sautèrent à terre et s'assirent sur une des couvertures au milieu des brouilleurs.
Quant à la dernière proie, une fleuriste, elle était allongée comme un vulgaire sac sur la monture du quatrième homme. Celui-ci la fit tomber au sol. La jeune fille entravée se remit debout d'un mouvement de reins.
— Si tu promets de ne pas essayer de t'échapper à nouveau, je te détache les pieds, l'informa Roobos. Sinon, débrouille-toi pour rejoindre ton couchage au plus vite.
— Relâchez-nous, siffla-t-elle. Vous n'avez aucun droit de nous garder captifs.
Le reflet orangé des longs cheveux blancs vira au corail intense, tout comme les prunelles qui lui jetaient des éclairs assassins. Elle lui donnait du fil à retordre depuis sa capture, cinq jours auparavant, mais il prenait garde à ne pas la blesser.
La fille valait une fortune.
Ses quatre chasseurs le confortaient dans son idée : ils se passaient la langue sur les lèvres à chaque fois qu'ils la regardaient. Cependant, ils ne la brutaliseraient pas. Aucun d'eux, lui compris, n'avait les moyens de s'offrir cette créature magnifique surtout pour sa première fois.
Roobos ne le regrettait pas. Sa seule tentative l'avait déçu, une Auroréenne soumise lui plaisait plus. Il se secoua sous les yeux brûlants de la jeune fille.
Dommage que le manoir brise une telle volonté.
Les prisonniers n'y réchappaient pas, mais ce n'était pas mon problème. Le sien consistait à amener ce diamant brut à bon port.
— Tu connais la loi, répliqua-t-il glacial. Les Auroréens ont interdiction d'aller en forêt. Estime-toi heureuse d'être tombée sur nous. Les gardes du doryaum t'auraient tuée.
— N'est-ce pas votre intention ? riposta-t-elle avec hargne.
— Nous sommes des chasseurs. Comme notre nom l'indique, nous attrapons ceux qui enfreignent les règles et les emmenons dans leur nouveau lieu de vie. Vous serez bien traités, tant que vous effectuerez les tâches demandées.
— Lesquelles ?
— C'est au régisseur du manoir de te l'expliquer.
— Tu auras le plaisir de le rencontrer bientôt, gloussa un des hommes, et lui en aura à t'apprendre ton travail.
Ses trois compagnons éclatèrent de rire sous le regard perplexe de la jeune fille.
Comment pourrais-tu comprendre ?
Les Auroréens ne pratiquaient pas ce genre de loisir. La valeur des purs, comme cette fille, en devenait indécente. Elle représentait une marchandise rare pour les clones, dont le marché se cloisonnait à la forêt ou aux cadeaux des originels. Ces derniers se servaient dans la population des villes sans restriction, forts de leur devoir. La descendance des Astrydiens.
La jeune femme n'avait pas promis de se tenir tranquille, elle sautilla pour rejoindre le couple de prisonniers, sous les quolibets des chasseurs. L'un d'eux jouait même de sa lame, sa flamme jaune de la paralysie éclairait les premières ombres du crépuscule. L'homme frôlait le corps de sa proie à quelques centimètres à peine devant ou derrière elle. Il cherchait juste à l'effrayer.
Quoiqu'il déplorât l'attitude, Roobos n'intervint pas. Les chasseurs ne le comprendraient pas, remettraient son autorité en cause.
L'Auroréenne, menton levé, ignora la menace et n'accéléra pas. Elle connaissait pourtant la terrible douleur de la paralysie. Si Roobos admira le courage de la jeune fille, ses gardes la bousculèrent d'une main pour la faire tomber.
Alors qu'il s'apprêtait à les tancer, le bruissement de feuilles sur sa gauche attira son attention. Ses paupières se plissèrent, il s'approcha des arbres. Le cri d'un oiseau nocturne l'accueillit, et plusieurs silhouettes s'envolèrent à tire-d'aile.
Les provocations verbales de ses hommes lui rappelèrent ses priorités. Il revint auprès du groupe. Sa présence suffit à calmer leur ardeur et l'Auroréenne s'assit enfin à côté du couple. Elle n'oublia pas de toiser son tortionnaire qui maugréa.
Le repas se déroula sans incident, et les Auroréens dormaient quand Roobos instaura un tour de garde. Il craignait plus l'assaut d'une autre troupe de chasseurs, dans cette compétition sans pitié, que l'agression de pacifiques habitants d'un village quelconque.
Bientôt, seules les braises éclairèrent les ténèbres.
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