C3 - La clairière des Imlayas (2/4)
En fin d'après-midi, ils atteignirent Conimont, descendirent de leur monture et se dissimulèrent sous l'orée. La maison à un étage, constituée de rondins et de pierre claire à sa base, se dressait intacte dans la clairière avec la table en bois, et le foyer extérieur semblait attendre ses hôtes, Maya et Matoli, le couple d'amis de son père.
Comme à leur première rencontre, avec un sourire, ils l'inviteraient à s'asseoir à côté d'eux pendant qu'ils prépareraient les potions médicinales commandées par les uriahs. Un bol de friandises grillées aux effluves sucrés atterrirait dans ses mains ; une sphère bleue plongerait dans une bassine et l'eau tournoierait ; des serviettes voleraient jusqu'au récipient ; des flacons se déplaceraient entre la table et le foyer.
Avec un soupir, Flore chassa le doux souvenir, et projeta son esprit. Si aucun brouilleur ne l'arrêta, elle ne découvrit pas âme qui vive à l'intérieur ni dans les parages. L'instinct la poussa à déclencher son kiriah de communication à longue distance, qui partit loin dans la forêt, loin dans les montagnes, à la recherche d'un contact avec Sojeyn ou sa tante Ixli.
En vain.
Personne ne lui répondit.
Le halo violet de sa perle s'éteignit, et Flore serra les poings. Elle ne devait pas abandonner, les brouilleurs pouvaient empêcher d'atteindre sa famille ou ses amis imlayas. Heureusement, Idsou n'avait pas remarqué sa tentative. Il avançait à pas de loups vers la maison, une de ses deux petites électases activée.
Flore l'appela par la pensée, mais elle ne rencontra que le vide.
Je ne m'y habitue pas. Comment peut-il avoir des pouvoirs psychiques et être incapable de communiquer mentalement ?
Sur Aurora, tous les habitants avaient ce talent, les Kiriahs s'ajoutaient chez quelques-uns. Elle s'exprima à haute voix :
— Idsou, tu peux ranger ton arme. Il n'y a rien à craindre.
— Parfait, rétorqua-t-il après une hésitation. Tu t'occupes des okydas, pendant que je pêcherai notre repas.
— Avec un peu de chance, je trouverai de quoi améliorer notre menu dans la maison.
Flore s'approcha de l'habitation et s'immobilisa, le souffle coupé.
— Id.. sou, couina-t-elle.
Aucune réponse ne lui parvint. Était-il déjà parti, en l'abandonnant face au prédateur, qui la tuerait d'un coup de patte ?
Ne montre pas ta peur !
— Cou... couchée, ma belle. Tu... tu restes sage.
Sa voix tremblante la fit grimacer, elle avait échoué. L'animal perçut sa frayeur. Il grogna, sa queue rubis battit l'air et des points sombres se déployèrent le long de son échine. À petits pas, Flore recula, le corps courbé, ses doigts accrochés à son électase, prête à défendre sa vie chèrement. Plus la distance s'agrandissait, plus son rythme cardiaque augmentait, tant qu'elle faillit hurler lorsqu'une main la tira d'un coup en arrière.
Idsou se glissait entre elle et la pantigra.
Flore maudit son compagnon de voyage, puis s'admonesta. Ne possédait-elle pas le pouvoir de se téléporter ? Son esprit qui conservait en mémoire la première agression, avait paralysé sa capacité d'analyse.
Akeno te passerait un sacré savon ! Ne te laisse plus impressionner ainsi.
Sur cette promesse, Flore observa son ami. Il avait abaissé sa capuche, et ses oreilles rousses frémissaient, semblables à celles du félin en plus petit. Quand il s'accroupit, la pantigra feula, mais ne se leva pas. Idsou parlait d'une voix douce et s'approchait sans gestes brusques. Soudain, les oreilles du garçon et du prédateur bougèrent en rythme, comme si tous les deux étaient connectés.
Comme avec l'aigle sur Dalghar, qui a défendu la princesse Eïreen contre les Astrydiens.
Le félin conquis miaula et reposa la tête au sol, tandis qu'Idsou caressait sa fourrure. Malgré leur lien psychique, Flore retint son souffle. L'animal sauvage pouvait rejeter le contact, blesser son ami ou l'envoyer dans le monde des Morts. Quant à Idsou, impassible, il glissait une main au fur et à mesure vers la cuisse musclée, puis vers la patte. Une fine branche était plantée dans cette dernière. Le garçon l'arracha d'un geste vif.
La pantigra bondit aussitôt, babines retroussées, et recula de plusieurs pas. Elle dépassait Idsou, à genoux, d'une tête. Son ami n'avait pas la capacité de se téléporter.
Ne prends pas de risque inconsidéré !
Le temps ralentit soudain quand le félin s'élança dans une attaque fluide. Le temps manquait à Flore pour activer son pouvoir. L'animal allait déchiqueter Idsou ! Une atroce douleur résonnait en elle, anticipant la souffrance d'Idsou.
Elle se trompait.
Le saut du félin se termina derrière Idsou
Ils se retournèrent l'un vers l'autre, puis, après un ultime feulement, la pantigra s'enfuit dans la forêt.
Flore s'appuya à un tronc, une main crispée sur son cœur aux coups désordonnés. Plusieurs respirations profondes l'apaisèrent... avant un dernier soubresaut : les pupilles d'Idsou formaient un trait vertical au milieu d'un iris émeraude qui mangeait le blanc de l'œil. Son ami se détourna vivement et camoufla ses appendices dans l'épaisseur des cheveux qui recouvraient le bandeau.
— Tu n'es pas obligé de les cacher.
— Mon allure t'a effrayée, cingla-t-il.
— Plutôt surprise, et tu peux vérifier avec ton pouvoir d'empathie... Et cela renforce ton côté mystérieux.
Les yeux d'Idsou avaient perdu leur côté « félin » quand il la regarda à nouveau,
— Vraiment ? Sur ma planète, les personnes comme moi sont honnies...
— Car ils représentent des attributs de votre envahisseur, les Fouxians, interrompit Flore avec un sourire chaleureux. Mais tu es sur Aurora, personne ne connaît ce peuple.
Un instant d'hésitation, et Idsou déploya ses oreilles.
— Je perçois mieux les bruits de la forêt ainsi.
Il partit ensuite pêcher.
Flore emmena leurs montures dans l'écurie attenante à la maison, où elle les étrilla de bon cœur, après les avoir débarrassés de leurs fardeaux. Les trois okydas abusèrent de ses services, sans qu'elle rechigne. Quand ils se concentrèrent enfin sur le reste de grain déniché dans un coffre, elle se rendit dans la cuisine.
Des sphères d'éclairage s'alignaient sur une étagère contre la porte d'entrée. Dès qu'elle les activa en pensée, une lumière tamisée envahit la pièce. Il lui fut facile de poursuivre ses recherches. Dans une armoire, finement ouvragée, Flore découvrit des boîtes remplies de fleurs confites, qu'elle disposa sur deux assiettes. Puis elle récupéra des branches sèches et des bûches à l'extérieur et alluma un feu dans la cheminée à l'aide des sphères rouges, rangées sur le manteau. L'odeur de bois brûlé et les crépitements apportèrent une note joyeuse à la cuisine.
J'espère que Maya et Matoli vivent à l'abri des Astrydiens, peut-être chez les Imlayas.
L'idée se concevait, puisqu'un troc de plantes et potions existait entre eux. Le couple l'avait formée un minimum pour se débrouiller seule en forêt, comme il avait œuvré à sa réconciliation avec ses parents. Une larme glissa sur sa joue, elle avait peu revu ces derniers avant leur mort tragique sous les coups de Xénon devant le Conseil réuni.
Combien d'autres destins brisés ?
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