C21 - Minuscules grains de sable (4/4)
Bladiu accueillit la garde du château de Melaki dans la salle de téléportation et l'emmena au terrain des navettes. Lorsque les derniers renforts eurent embarqué, il ordonna un copieux repas à un membre de son escorte : sa tâche principale était terminée. Seuls les rapports réguliers à Xiom restaient.
Il en effectua un nouveau à son bureau avant de prendre la direction de son salon particulier en se frottant les mains. Qu'avait pu lui préparer le cuisinier du camp ? Si Bladiu reprochait un certain laxisme chez le gouverneur et Xiom envers les Auroréens, il leur reconnaissait une volonté de traiter correctement les clones. Mieux que dans d'autres doryaums.
Xénon finira par l'apprendre, il les remettra dans le droit chemin !
Ses épaules se haussèrent. Les divergences entre les originels ne le concernaient pas. Son envie de déguster une ribambelle de volailles accaparait plus son esprit. Aussi, ses sourcils se froncèrent quand il parvint à destination : aucun plat ne garnissait sa table, aucune boisson ne l'attendait.
— Pourquoi mon repas n'est-il pas encore servi ? cria-t-il au communicateur de sa montre.
Personne ne lui répondit.
Qu'est-ce que cela signifie ? Cette bande d'incapables va m'entendre !
Ses bottes claquèrent son énervement sur le carrelage, alors qu'il se dirigeait vers le réfectoire de ses hommes. Il ne se gêna pas pour en frapper violemment à la porte.
— Qu'attendez-vous pour m'apporter à manger !
Les mots se répercutèrent contre les murs en pierre et semblèrent se répéter en écho dans le silence de la salle.
Le silence ? Dans une cantine ?
Ses yeux écarquillés balayèrent la pièce vide. Vide ? Vide ! Une boule se forma dans sa gorge et sa main se crispa sur la poignée de son pistolet laser. Sur la vingtaine de gardes au camp, certains devraient se trouver attablés.
Ou y aurait-il un problème chez les Auroréens ?
Au point de nécessiter toute sa troupe ? Et pourquoi ne l'avaient-ils pas averti ? Un coup d'œil par la fenêtre le fit froncer les sourcils : une navette était posée au milieu de la cour. Lui seul l'autorisait. Trop de choses clochaient.
Bladiu dégaina un pistolet psychique et sortit du bâtiment sans se couvrir. Une fine pluie commençait à céder le terrain à un soleil timide. Alors qu'il avançait vers l'aéronef, une dizaine de silhouettes enveloppées d'une cape en descendirent et s'immobilisèrent face à lui.
— Qui que vous soyez, Auroréens, vous avez eu tort de vous rebeller ! aboya-t-il.
Sans attendre de réponse, Bladiu tira. En vain. Personne ne s'écroula au sol. Quant à son arme, elle s'éleva dans les airs où elle explosa sous un rayon magenta.
Ces maudits ont détruit les brouilleurs ! Comment y sont-ils parvenus ? Comment ont-ils obtenu des pistolets laser ?
— Parce que des alliés aident la résistance, déclara une Auroréenne.
Lorsqu'elle abaissa sa capuche, ses compagnons l'imitèrent. La mâchoire de Bladiu se décrocha. Des hommes et des femmes à la peau bleue, claire ou sombre l'encerclaient.
— Qui... qui êtes-vous ?
— Des Dalghariens, répliqua son interlocutrice. Et je suis Lorina, la gardienne des Imlayas, une tribu cachée dans les hautes montagnes hors d'atteinte de vos brouilleurs.
Le sang se retira des joues de Bladiu. Ce groupe n'était pas isolé, d'autres se déployaient certainement partout sur Aurora. Il lui fallait gagner du temps, retarder leur projet pour que les Astrydiens organisent la riposte. Ses mains dans son dos se déplacèrent lentement, elles activeraient sa montre.
— Comment espérez-vous nous vaincre ? railla-t-il. Le régisseur alertera le château d'Agriki dès qu'il constatera qu'aucune aide ne lui arrive.
Et le palais de Xénon.
— La résistance a vaincu vos équipes sur les barrages. Elle accueillera comme il se doit les renforts. En fait, nous attaquons tous les doryaums en ce moment.
Ça je l'avais compris, bande d'imbéciles.
Ses doigts atteignaient enfin l'écran de sa montre, Bladiu appuya de toutes ses forces dessus. Toute pression anormale déclenchait une alarme.
— Impossible ! objecta-t-il. Nous aurions détecté vos déplacements sur la planète.
— Les Astrydiens ne sont pas les seuls à disposer de la technologie de la téléportation, contredit un homme à la peau noire.
— Votre plan repose sur la surprise, mais je viens d'alerter Xiom qui préviendra Xénon. Vous avez perdu ! Le Chef suprême vous concoctera des supplices dont nous nous régalerons en public.
Sa tentative d'effrayer ses ennemis échoua. Auroréens et Dalghariens le fixaient sans ciller, un air ironique ou méprisant sur leur visage. Pris d'un doute, Bladiu consulta sa montre : aucune information ne s'affichait à l'écran. Il eut beau pianoter, rien ne se passa.
— Nos kiriahnis bloquent les communications, votre appel n'a pas abouti, déclara la dénommée Lorina. Quant au château, des résistants le cernent en ce moment.
— Vous avez tout prévu !
Sauf l'intelligence et l'instinct de Xiom.
Il l'avait souvent constaté, l'ami du gouverneur n'avait sûrement pas abattu toutes ses cartes. Lui-même ne devait pas trahir la dernière chance de contrer cette rébellion. Bladiu s'approcha de l'Auroréenne et lança :
— Où sont mes hommes ? Comment et quand les avez-vous capturés ?
— Pendant que vous guidiez les gardes du château à bord des navettes. Des résistants se sont mêlés parmi les Auroréens pour les attirer, d'autres ont envahi leurs logements. Nous les avons tous éliminés. Rendez-vous si vous ne voulez pas subir le même sort.
— Parfait, c'est ainsi que doivent se sacrifier les clones pour la gloire de l'empereur Xolinar et le prince impérial Xénon !
Bladiu se rua vers le cou de son ennemie, alors que des cris enchantaient ses oreilles. Peut-être réussirait-il à tuer la chef et semer la confusion ? En dernier acte de bravoure. Malheureusement, un horrible courant électrique le parcourut dès qu'il effleura sa peau, si violent qu'un hurlement de douleur explosa dans sa poitrine. Les ténèbres l'engloutirent avant que son corps ne touchât le sol.
Il avait oublié la défense naturelle des Auroréens, que les brouilleurs ne bloquaient plus.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro