Linlin pénétra dans la buanderie, un doigt sur les lèvres. Peine perdue. Les serviteurs lâchèrent les draps qu'ils étaient en train de pendre aux fils avec un cri de terreur et se regroupèrent dans un coin. Leurs regards qui fixaient les trois traits verts sur ses joues s'agrandirent quand trois Dalghariens et la générale Goffin se faufilèrent dans la vaste salle, située à l'extrémité du château d'Agriki.

— N'ayez pas peur, murmura Linlin. Nos amis nous aident à chasser l'envahisseur, ceux qui vous font souffrir depuis des années. Observez-les !

L'angoisse s'éteignit dans les yeux des serviteurs au fur et à mesure qu'ils décodaient les mots et les allures différentes de celles de l'ennemi. Une lueur timide la remplaça. Ils n'osaient croire en une libération prochaine. Cependant, l'un d'eux souffla :

— Qu'attendez-vous de nous ?

— Combien de gardes astrydiens demeurent au château ?

— Ils sont tous aux entrepôts qui ont pris feu, sauf quatre. Ils assurent la sécurité de Xaniro, le frère du gouverneur, et son secrétaire.

— Irresponsables ! commenta la générale Goffin. On n'envoie jamais toutes ses troupes, quelle que soit la situation, mais je ne me plaindrai pas. Ils nous facilitent la tâche.

— La peur d'être puni par Xénon a dû être plus puissante qu'une attaque improbable par des serviteurs et des nobles dociles ! argua Yeldo, amer. Si le pacifisme des Auroréens n'a pas permis de nous libérer plus tôt, aujourd'hui il devient notre atout. Jamais, je n'aurais imaginé tenir de tels propos.

Devant les traits crispés de son compagnon, Linlin lui lança en pensée :

— La guerre ne doit pas t'aveugler, le pacifisme demeure la meilleure des attitudes. C'est l'arrogance qui est à l'origine de l'invasion.

Yeldo acquiesça avec un faible sourire qu'elle lui rendit. Puis ils écoutèrent la générale qui poursuivait ses questions :

— Nous savons que le gouverneur assiste à l'anniversaire de Xénon d'Astrydie au palais. Où se trouvent son frère et les gardes ?

— Dans les appartements des femmes, répliqua le serviteur sans hésiter. Nous avons apporté leur repas il y a peu. Xaniro a prévu d'y passer la journée, ses gardes surveillent à l'extérieur.

— Et le secrétaire ?

— Il travaille dans son bureau, à côté de la salle de téléportation. Je peux vous y amener.

— Inutile, nous avons les plans. Continuez vos tâches, comme si de rien n'était.

Alors que nous les libérons ? s'étonna Linlin.

Pourtant, après un échange visuel hésitant entre eux, les serviteurs s'activèrent. Yeldo ne se fourvoyait pas sur la docilité de leur peuple, mais Linlin refusa de s'en attrister. Une bataille les attendait.

Un avenir sans prison psychologique les attendait !

La générale Goffin ordonna l'exécution du plan : un premier groupe sans résistants auroréens se chargeait de détruire le brouilleur principal et un second la salle de téléportation. Yeldo se joignait à ces derniers avec des kiriahnis qui réinstalleraient les sphères de transportation.

Linlin suivit le troisième, dirigé par la générale, en direction des appartements des femmes. Sa main droite se crispa sur la poignée de son pistolet laser. Un ancien serviteur du château avait relaté l'existence de ce lieu, sans pouvoir donner plus de précisions, mais elle se doutait que les Astrydiens n'y dorlotaient pas les Auroréennes.

Comme dans les manoirs !

Les rares malheureuses qui avaient rejoint l'uriah de la résistance demeuraient traumatisées et certaines avaient péri, malgré tous les soins. Ixli refusait de s'étendre sur les actes de violence, les guérisseurs lui obéissaient, et Linlin ne cherchait pas à savoir. Les conséquences suffisaient à la convaincre de la barbarie des Astrydiens.

D'ailleurs, la générale avait décidé d'emmener plus de combattantes dans son groupe. Ils parvinrent sans encombre dans le couloir au second étage, se positionnèrent à chacune des extrémités et... patientèrent dans les recoins qu'offraient des piliers ou des armoires.

Un moment difficile, Linlin pesta.

Plus les minutes s'écoulaient, plus son cœur s'accélérait, au point que tous devaient l'entendre. Elle s'inquiétait surtout pour Yeldo. Des gardes imprévus surgissaient de nulle part dans la salle de téléportation, les résistants se jetaient derrière les machines astrydiennes, un feu nourri se déclenchait. Mais le nombre d'ennemis augmentait, augmentait, jusqu'à ce que...

Suffit, le Tourbillon ! Tout va bien pour lui.

Un hurlement manqua pourtant de franchir ses lèvres : un Dalghariens lui passait un message. Le brouilleur était détruit ! Elle se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas cette fois crier de joie. Tandis que son rythme cardiaque s'apaisait, Linlin projeta son esprit vers Yeldo. Le sentir la rassura complètement, même s'il demeurait fermé.

Sa tâche l'occupe. La mienne arrive.

Au même moment, la main tendue en l'air de la générale Goffin s'abattit. Le groupe se précipita à découvert. Les gardes les regardèrent avec stupeur avant de dégainer. Deux secondes trop tard. Les rayons violets des pistolets laser les éliminèrent.

Trois kiriahnis se positionnèrent aussitôt devant la porte blindée. Les perles irisées virèrent au rouge vif lorsqu'ils activèrent le pouvoir de l'électromagnétisme. Cette vue amena un sourire sarcastique à Linlin.

Nous vaincrons les Astrydiens avec leur couleur préférée !

Quel que soit le matériau utilisé, un trou béant surgit et Linlin franchit le seuil derrière la générale Goffin.

Un horrible spectacle la figea.