C2 - Prison psychique (2/3)
Une voix douce traversa les brumes de son esprit. Le doyen. Depuis quand tentait-il de la ramener à lui ? Les marchands retournaient à leur travail, peut-être sur son ordre.
— Je suis désolé que tu l'apprennes ainsi, chuchota-t-il. Nous ne pouvons pas t'aider... mais tu ne dois pas abandonner ta quête.
— Ma quête ? répéta-t-elle, encore hébétée.
— Celle de libérer Aurora. À toi de prendre la place de ton frère et de chasser l'ennemi.
Le souffle coupé comme si elle avait reçu un coup de poing dans le ventre, Flore inspira une large goulée d'air.
— Vous savez qui...
— J'ai assisté à la dernière fête de la Moisson au palais, Maître Kiriahni, l'interrompit-il. Le Conseil n'a pas cru en ta vision et tu t'es battue pour nous. Je me réjouis de rencontrer la princesse rebelle, je me réjouis de découvrir ton retour sur notre planète. Le soleil me réchauffe enfin après des années de froid. Je prierai Kilyan de vous soutenir, toi et tes alliés.
— Comment le savez-vous ?
— Les Auroréens qui ont assisté à ton départ au spatioport ont raconté ton histoire. Elle nous aide à survivre.
Le doyen la salua d'une brève inclination et s'éloigna, sans que Flore essaye de le retenir. Pourtant, elle aurait tant aimé lui poser des milliers de questions sur la vie du peuple, sur les Astrydiens, sur les défenses potentielles.
Rester plus longtemps ensemble amènerait des curieux.
Flore récupéra sa cape, s'en enveloppa et traversa la ville en direction du doryaum de Monti, au nord-ouest. Lorsqu'elle pénétra dans la forêt, elle abaissa sa capuche et repoussa les pans de son habit. Un jeu de lumière et d'ombres à travers le feuillage doré d'un arbre agrémenta sa tunique cuivrée. Elle se remplit les poumons de l'odeur puissante, mélange d'humus et de plantes, que l'averse avait mis en exergue.
Le calme après la tempête fut de courte durée : trois Astrydiens à dos d'okydas apparurent au détour du chemin, à la tenue semblable à celle du garde au palais. Flore distingua cette fois le disque doré sur le front, au travers des mèches blonde et rouge.
Des clones.
L'un d'eux l'apostropha :
— Quelle chance ! Nous rentrions bredouilles de notre chasse, et te voilà.
— Votre chasse ?
— Oui, railla le même homme, le chef a priori. Nous sommes autorisés à capturer les Auroréens qui enfreignent les règles. Comme toi.
Les brouilleurs de l'ennemi bloquaient toujours les kiriahs, Flore ne tenta pas de fuir.
— Je vous attends, les provoqua-t-elle, au contraire.
Elle se débarrassa de sa cape et activa son électase, choisissant la flamme jaune de la paralysie. Tuer la répugnait. Les adversaires se regardèrent, étonnés de son audace ; puis un sourire éclaira leurs visages.
— Tu aggraves ton cas, femme, persifla le chef. Tu subiras une première punition ici avant de rejoindre un manoir.
Flore ne se laissa pas distraire par ces mots incompréhensibles ni par les rires gras, elle scrutait chacun de leurs gestes. Le chef hocha la tête en direction de ses compagnons, lesquels descendirent de leur monture et attachèrent à un arbre, avec un plaisir évident.
Après avoir déclenché la flamme jaune de leur électase, ils l'attaquèrent chacun à leur tour. Flore virevolta sur elle-même, sauta pour éviter les lames au niveau des jambes et riposta à la moindre occasion. Elle parvenait à les garder à distance. Quand ses ennemis tentèrent de la prendre en tenaille, elle s'adossa à un tronc, et les deux Astrydiens jetèrent un coup d'œil à leur chef. Celui-ci fronçait les sourcils.
Surpris de mes capacités !
Profitant de leur indécision, Flore lança une série de mouvements qui repoussèrent ses adversaires entre les arbres. Les gestes des Astrydiens se gênèrent l'un l'autre. Alors qu'ils réagissaient avec plus de violence, une voix railleuse dans les branches au-dessus d'eux interrompit le combat.
— Trois contre un, quelle bravoure ! Permettez-moi de me ranger du côté du plus faible.
Les clones levèrent la tête. Mal leur en prit. Une large cape s'écroula sur eux, accompagnée d'un éclat de rire. Une ombre suivit, elle assomma un premier ennemi en atterrissant sur son dos, puis le second avec un coup sur la nuque.
Quant au chef, il avait mis pied à terre et s'était approché en traître jusqu'au moment où l'agression de ses acolytes l'avait figé. Ses yeux étonnés revinrent sur Flore, sa proie.
Deux secondes trop tard.
Elle transperça son bras. Il s'effondra au sol, le corps parcouru de soubresauts, avant de s'immobiliser. Une vérification du bout de sa botte confirma qu'il ne représentait plus une menace. Tandis qu'elle essuyait la sueur sur son front, Flore apostropha Idsou, visiblement enchanté de son petit tour :
— Tu en as mis du temps !
Je suis arrivé à notre point de rendez-vous, bien avant toi. Pourquoi aurais-je interrompu un combat de qualité ? se moqua-t-il. Tes entraînements sur Dalghar t'ont été profitables, maintenir ton niveau par un vrai duel est essentiel.
— On croirait entendre Brian !
— J'accepte le compliment.
Lorsque le garçon se releva, ses épais cheveux roux, dont les mèches recouvraient un bandeau vert comme sa tunique, étincelèrent au soleil. La vision disparut. Idsou qui avait récupéré sa cape remontait sa capuche sur la tête. Garde du corps secret de la princesse Eïreen de Kaliorn, il dissimulait sa silhouette à son habitude, empruntait les chemins de l'ombre, et maquillait même les arabesques dorées de sa peau. Elles trahiraient son identité.
— Nous devons les éliminer, assena-t-il. Sinon, ils alerteront Xénon.
— Si nous n'étions pas aussi prêts des brouilleurs de la capitale, j'aurais pu lire leurs pensées. Et peut-être récupérer des renseignements sur la résistance, soupira-t-elle.
— Tu n'as rien entendu en ville ?
— Rien de tangible.
Elle ne voulait ni croire aux terribles paroles du gardien ni les partager. La colère l'envahit, ainsi que la culpabilité.
— Ma planète est devenue une prison psychique pour ses habitants. Ils sont aveugles, leurs yeux vides me déchirent. Que craint ce monstre d'un peuple pacifique ?
— Tu lui as privé la possibilité de légitimer sa position avec ta fuite sur Dalghar ; et les Astrydiens, en parfaits guerriers, ne prennent aucun risque.
— Je ne l'ai pas voulu, se désola Flore. Pendant six ans, ma vie a été meilleure que la leur. Aurais-je dû accepter la proposition de m'unir à Xénon ?
— Ne te trompe pas de cible, seul l'ennemi est à blâmer.
Et rien ne garantissait qu'un compagnonnage avec le Chef Suprême aurait amélioré la situation de son peuple. Quelque peu rassérénée, Flore imita Idsou. Il exécutait les clones sans état d'âme, lesquels se désintégraient en une fine poussière que la brise emportait.
— Dépêchons-nous, une longue route nous attend jusqu'à la clairière des Imlayas, rappela-t-elle.
— Les Astrydiens nous ont fait cadeau de leur monture, profitons-en. C'est quand même étrange qu'ils ne portent pas de pistolet laser sur eux, ni ton garde au palais. Ils nous auraient capturés facilement.
— Nous n'en n'avons pas non plus, argua-t-elle.
— Pour ne pas attirer l'attention sur nous, et ton peuple n'en possède pas, au contraire des épées.
— Peut-être Xénon veut s'assurer que ces armes ne tombent pas entre les mains de la résistance.
Idsou se garda de rétorquer. Sitôt qu'il eut récupéré leurs affaires, abandonnées dans les arbres le temps du combat, ils les rangèrent dans les fontes des trois okydas et se mirent en route. Flore se guidait d'après ses souvenirs quand elle cherchait la tribu légendaire. Ils atteindraient leur but dans deux semaines... si leur aventure se déroulait mieux que la sienne à l'époque.
Ô Kilyan, mène-moi à Sojeyn, je t'en supplie !
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