C18 - Une rude confrontation (1/3)
Flore discutait avec ses amis dans le salon de Sojeyn, tandis que Tigri et Litcho jouaient ensemble. Depuis le repas, deux semaines auparavant, pendant lequel Brian lui avait offert le bracelet de compagnonnage, ils avaient pris l'habitude de se détendre chez lui en soirée. Tous appréciaient la parenthèse : une tension fébrile augmentait parmi les résistants au fur et à mesure que la date de la bataille approchait.
Même si les préparatifs se déroulent de manière satisfaisante.
Dans cinq jours, la résistance lancerait les attaques sur les doryaums dont la synchronisation demeurait primordiale afin qu'aucun ne puisse alerter le palais. L'absence des gouverneurs et la célébration de l'anniversaire de Xénon devaient aussi ralentir les communications.
— Nous devons gagner cette guerre, nous n'aurons pas d'autre occasion.
— Nous botterons les fesses de Xénon hors d'Aurora.
Le réveil de Tigri empêcha Flore de répliquer à la plaisanterie de Brian. Ses oreilles frémissaient. La pantigra feula, puis bondit vers le jardin, projetant Litcho au sol. Quand le kiriako émit des sons rocailleux de protestations, Kishor lui tendit un fruit sec.
— Tigri reste sauvage, tu devras t'y faire.
Le petit animal appâté s'installa sur lui et savoura son offrande, sa tristesse évaporée comme par enchantement.
— Ne jamais négliger les pouvoirs de l'estomac, approuva Kris.
Son ton sérieux provoqua des rires, que l'arrivée soudaine d'une silhouette encapuchonnée interrompit.
Idsou, se réjouit Flore.
Les barrières mentales, farouches, l'avaient informé de son identité. En revanche, Brian se rua vers le garçon, une électase dégainée.
— Décidément, tu aimes m'accueillir avec une arme ! railla le Kaliornais.
— Quand tu passeras la porte d'entrée comme tout le monde, j'effectuerais la plus belle des révérences.
Ils se saluèrent, amusés, et Idsou s'approcha de Sojeyn.
— J'ai réussi la mission que vous m'aviez confiée. Les Astrydiens ont installé des défenses solides au palais d'Auralia, plusieurs jours sur place n'ont pas été de trop pour en établir des plans précis.
Son ton devenu distant, en accord avec le corps droit, agaça Flore. Il partait du mauvais pied. Calé au fond de son fauteuil, Sojeyn, lui, affichait un visage impénétrable, par-dessus ses mains jointes sous son menton. Le reflet de ses cheveux avait viré au bleu métallique, il ne cherchait pas à cacher son émotion. Glaciale. La température semblait plus basse dans le salon et Litcho fixait Sojeyn, intrigué. Dans ce silence pesant, son frère déclara :
— Toute tentative d'un kiriahni a échoué. Soit la personne est décédée, soit elle a été mise sous contrôle par les Astrydiens, ce qui aboutissait à sa mort quand on essayait de récupérer les plans. Je ne donnerai pas foi aussi simplement à ce que vous nous raconterez.
— Tu ne peux pas faire cela ! se récria Flore.
— Je le peux et je le dois. L'avenir d'Aurora est en jeu, je refuse de prendre le moindre risque. J'ai d'ailleurs contacté les Imlayas de garde, afin qu'ils s'assurent qu'aucun Astrydien ne se trouve dans les parages.
Idsou ne ripostait pas et les deux hommes s'affrontaient du regard. Alors que la tension augmentait entre eux, Kris intervint avec son calme habituel.
— Fermer la porte à des informations capitales ne me semble pas l'attitude la plus sage.
— Détrompez-vous, je suis prêt à écouter Idsou... après un test psychique auquel se soumettent les Auroréens dans cette situation. Je n'accorderai aucune faveur.
— Une requête raisonnable, approuva Kris.
Il n'acceptera pas, songea Flore.
Secouer ces deux bornés la démangeaient, tant leur méfiance réciproque risquait de compromettre leurs chances de gagner. Mais un avertissement de Brian en pensée l'en dissuada. Ils devaient trouver le chemin de la raison eux-mêmes. Comme si Idsou l'avait entendu, il s'enquit avec prudence :
— En quoi consiste-t-il et qui s'en chargera ?
— Vous devrez laisser ouvert entièrement votre esprit pour qu'un kiriahni le sonde. Pas toi, Flore, je ne le permettrai pas.
— Moi non plus ! renchérit le garçon.
La surprise fit tressaillir Flore, au point qu'elle demanda :
— Tu acceptes le test ?
— J'en conçois la nécessité. Et pourquoi ne le subiriez-vous pas ? ajouta Idsou, penché vers son frère. Je parierai qu'aucun kiriahni n'a osé farfouiller sous votre crâne. Votre royale situation ne devrait pas recevoir un traitement de faveur.
Avant que Flore n'admoneste le Kaliornais, Sojeyn s'engagea dans ce duel aux paroles froides.
— Puisque nous sommes dans les civilités, la politesse exige que vous vous découvriez.
La main de son frère accompagna son geste mental : la capuche d'Idsou tomba sur ses épaules, les pans de sa cape s'envolèrent dans son dos. Flore ne retint pas une exclamation. Des bleus marquaient le visage du garçon, sa tunique était déchirée en divers endroit et une longue traînée de sang séchée souillait une jambe de son pantalon.
Sojeyn perdit son attitude glaciale et sa perle vira au vert foncé, il activait son kiriah de guérison. Aussitôt, Idsou pointa une de ses petites électases vers son torse.
— Je vous interdis d'utiliser un de vos talents sur moi !
— Calme-toi ! intercéda Kris. Sojeyn veut juste te soigner, et vous êtes tous les deux dans le même camp.
— Ils ont vraiment le Lien ? entendit Flore dans son esprit.
Brian l'avait posé en même temps à Merioni et Kishor, qui confirmèrent d'un signe de tête. Elle s'en étonnait moins. N'avait-elle pas vécu cette difficulté avec le prince de Dalghar ? Et ce pendant cinq années ?
Lutter contre est une erreur, mais je ne peux les blâmer.
Pour une étrange raison, Idsou écoutait Kris. Il rangea son arme, et le frère de Brian profita de son attitude conciliante :
— Pourquoi te comportes-tu ainsi contre Sojeyn ?
— Je me répète, cela n'a rien de personnel. Vivre pendant six ans, libre au nez et à la barbe des Astrydiens, dont la technologie dépasse celle de la Confédération, me laisse songeur. Tant que la guerre ne sera pas gagnée, je me conserverai mes distances avec vous, Sojeyn d'Aurora. Néanmoins, je n'hésiterai pas à m'excuser, si les évènements me donnaient tort.
— Espérons que l'avenir vous prouvera votre erreur, même si je peux comprendre votre méfiance. De mon côté, je ne changerai pas d'avis, je vous demande de vous soumettre à ce test.
— « Fer ta dienor, alo mæento y cœro », déclara Idsou avec une révérence profonde, la main sur la poitrine.
Flore se figea, son souffle se coupa, le temps s'arrêta. L'air s'électrisait de multiples interrogations muettes, d'incompréhensions, de choc dans les regards. Si Sojeyn fixait le garçon avec intensité entre ses paupières plissées, Merioni et Kishor demeuraient interdits, comme s'ils croisaient un Geolian avec ses quatre étranges bras ou un polymorphe de Psyla pour la première fois. Brian, lui, arquait un sourcil, tandis que Kris n'affichait aucune émotion particulière.
— Com... comment connais-tu cette phrase ? murmura-t-elle enfin.
— Elle m'est venue à l'esprit sans réfléchir. Pourquoi ?
— C'est une devise Auroréenne. Elle signifie : « pour te servir avec toute mon âme et tout mon cœur ».
Idsou qui avait perçu le malaise haussa les épaules.
— J'ai dû l'entendre par hasard lors d'un voyage avec la princesse Eïreen de Kaliorn.
— Impossible ! C'est une déclaration entre futurs compagnons, à échanger en privé, d'un homme à une femme dans ce cas précis. En public, pour montrer la déférence, tu pourrais dire « Fer to dienor » à Sojeyn, « Fer to dienar » à moi.
— Oh ! Et quelqu'un d'un genre neutre.
— « Fer te dienor ou dienar ou diener » d'un genre neutre envers un homme, une femme, ou un genre neutre.
Avant que le silence ne s'installe à nouveau, Sojeyn énonça à voix basse :
— Vous êtes quelqu'un.... d'étonnant. Ceci ajoute encore un nouveau mystère à votre identité. Votre manière de vous exprimer me semble aussi décalée par rapport à un garde du corps. Qui êtes-vous vraiment ?
J'aimerais bien le savoir, petit frère.
Mais Idsou brisa l'instant particulier de ses révélations par un ton railleur.
— Vous oubliez le qualificatif de « secret », il ne vous indique pas mes tâches sur Kaliorn. Et puisque j'accepte de me soumettre à votre test, j'exige que seules les informations nécessaires à la bataille soient dévoilées.
— Je l'entendais ainsi, rétorqua Sojeyn, narquois. Notre culture auroréenne, à travers les Principes, protège la vie privée des personnes.
Les yeux de Sojeyn se troublèrent quelques minutes, alors qu'il regardait un point imaginaire, et Ixli se matérialisa dans le salon. Sans poser de questions, elle se téléporta avec Idsou.
Flore remercia son frère en pensée pour son choix, judicieux. L'uriahmi royale était respectée de tous dans la résistance et représentait la kiriahni la plus puissante pour cette mission. Toutefois, Sojeyn ajouta :
— Rejoins-les. Tu connais bien Idsou et guideras au mieux notre tante. Ne sous...
— En cas de danger, je t'alerterai sans attendre, coupa-t-elle.
Flore ne tenait pas à l'inquiéter plus que nécessaire ni ses amis. Brian agréa son départ à contrecœur, mais d'autres personnes avec des pouvoirs psychiques compliqueraient la tâche d'Ixli, puis son corps s'allégea au moment de la téléportation.
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