Sojeyn demeura mutique, soulagé que la pénombre l'entoure, tant l'interprétation du phénomène le stupéfiait. Toutefois, il décida de ne pas détromper le garçon aux iris émeraude emplis de défiance. Son silence dut ressembler à un aveu, car Idsou enchaîna.

— Votre garde n'arrivera pas tout de suite, puisque nous sommes dans vos quartiers personnels, les leurs se trouvant loin d'ici. Un point faible à ce magnifique palais. Vous n'aviez pas imaginé que quelqu'un débarquerait pour vous menacer.

— En effet, répliqua Sojeyn d'un ton neutre.

L'attitude du Kaliornais l'intriguait. Il n'entretenait pas cette discussion pour rien, n'avait pas pris le risque de faire face à des résistants pour rien, d'après son raisonnement. Que lui voulait-il ? Comme s'il avait entendu sa question, Idsou apporta un début de réponse.

— Tenant compte de votre habilité au combat, j'ai préféré vous rencontrer à un moment où je serai sûr de votre incapacité à vous battre. Sauf si vous retrouvez dans une tenue peu adéquate, ne vous dérange pas.

La pointe de l'électase glissa de sa poitrine vers la ceinture de son habit. D'un geste précis, elle dévoilerait sa nudité. Sojeyn écarta la lame de sa main. Sa réaction instinctive lui valut une remarque ironique.

— Est-ce que « l'innocence » chez Flore serait en réalité un trait naturel des Auroréens ? Vous vous comportez telle une vierge effarouchée... intéressant.

— Auriez-vous oublié ce qui s'est passé au camp ? Vous ai-je paru si effarouché ?

Il riva son regard à celui d'Idsou, qui recula de quelques pas.

Le coup d'œil de Brian qui signifiait un « bien joué » mit Sojeyn mal à l'aise. Il aurait préféré ne pas partager cette partie de sa mémoire, mais un saut dans le récit aurait amené plus de questions. Heureusement, seul le prince de Dalghar avait commenté à sa façon et Idsou entrait dans le vif du sujet. Enfin.

— Expliquez-moi les points principaux de la bataille finale.

Malgré ses capacités psychiques, Idsou n'avait pas réussi à obtenir ces informations. Sojeyn s'en réjouit. La sécurité renforcée autour de cette réunion s'était avérée efficace. Maintenant, il connaissait la raison de cette visite. Restait encore à découvrir le but.

— Et si, vous, vous étiez sous le contrôle des Astrydiens ? Pendant dix jours de solitude, tout est possible.

Un éclair admiratif traversa les yeux d'Idsou.

— Un point pour vous. Je suis venu sur Aurora pour aider à sa libération, je l'ai promis à Flore. Comment puis-je y contribuer ?

Sojeyn réfléchit un moment à la requête. Il ne désirait rien dévoiler au Kaliornais, pour l'instant, mais se priver de ses pouvoirs psychiques serait une erreur. Jusqu'où irait le courage de ce jeune sauvage ? S'il se comportait comme un pleutre face à toute une garnison, il mettrait en péril le succès de la bataille. Se battre contre quelques Astrydiens dans une clairière ne se comparait pas.

Pourquoi ne testerait-il pas sa réaction face à l'impossible ?

— Les Astrydiens ont établi une unité de clonage sous le palais royal, et nous n'avons aucune information à son sujet. Ni le lieu exact ni son niveau de sécurité. Il nous faudrait les plans dans un mois au plus tard, et se rendre dans la capitale nécessite dix jours de marche.

— Le challenge me plaît, je vous les rapporterai, rétorqua aussitôt Idsou d'un air déterminé.

— Vous n'avez aucune chance d'y arriver !

Le cadavre noirci de Limoso avait surgi devant ses yeux, et Sojeyn se maudit : le Kaliornais le prenait à son propre piège sans le savoir. La voix d'Idsou à son oreille le fit sursauter. Il s'était déplacé dans son dos à l'aide de son pouvoir d'invisibilité.

— Laissez-moi juger par moi-même une fois sur place.

— Abandonnez ! Aucun résistant n'y est parvenu, je voulais juste vous tester.

— Alors, menons le jeu jusqu'au bout.

Une douleur explosa dans la tête de Sojeyn, puis le froid de l'Entre-Deux monde l'accueillit les bras ouverts.

Lorsqu'il reprit connaissance, la nuit régnait dans le jardin et il était couché sur le canapé. Une couverture le protégeait de la fraîcheur, Tigri allongée contre ses jambes. Idsou avait intimé à la pantigra de demeurer lui pour ne pas être gêné dans sa mission.

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Dès que le comurion s'éteignit, Sojeyn murmura avec tristesse :

— Je désirais juste le tester. Je ne pensais pas qu'il prendrait ma demande au pied de la lettre.

— L'idée n'en reste pas moins bonne, argumenta Kris. S'il nous ramène les plans du palais, les chances de vaincre Xénon dans sa forteresse augmenteraient considérablement.

Le côté rationnel du roi de Dalghar, cachant une tentative de le réconforter, arracha un faible sourire à Sojeyn.

— Pourriez-vous le localiser ? intervint Kishor.

— Idsou connaît les risques, il n'a certainement pas emporté son téléholo, et essayer une telle communication le mettrait en danger. Souvenez-vous de l'attaque au camp !

— Si les Astrydiens découvrent notre présence, renchérit Brian, tout notre plan tombera à l'eau. L'effet de surprise compte beaucoup.

Comme l'a fait Xénon au palais.

Son humiliation devant le Conseil le marquait, elle avait participé à sa dépression. A son tunnel. Il s'interdit d'y songer.

— Nous devons espérer qu'Idsou revienne vivant.

— Tu pourrais nous dire où il se trouve, avec le Lien, objecta Flore. Il a retrouvé le palais de la résistance grâce à lui, puisque nous nous sommes tous téléportés.

Le nœud de la culpabilité dans son ventre se rappela à lui, au moment où sa bouche s'ouvrit pour refuser. Qu'il survive ou non comptait moins, Sojeyn avait envoyé ce garçon bêtement. Sa responsabilité l'obligeait à l'aider. Il baissa les paupières, se décontracta, puis activa sa perle. Son esprit partit loin, loin... à la rechercher du jeune rebelle. En vain. Un vide psychique lui répondait.

— Je ne perçois pas sa présence. Il peut être mort ou vivant, ou le Lien n'existe pas.

— S'il se trouve déjà au palais, les brouilleurs bloquent ta tentative, contredit Merioni. Les kiriahs d'Idsou ne subissent pas l'influence de la technologie astrydienne, mais ce n'est pas ton cas.

— Idsou s'en sortira, rassura Brian. Il a démontré plus d'une fois ses capacités.

Malheureusement, son sourire ne parvenait pas à réchauffer Sojeyn.