C16 - Une requête mortelle (1/4)
Je l'ai envoyé à une mort certaine, se morigéna Sojeyn, les lèvres crispées.
S'il acceptait son propre sacrifice, il la refusait chez les résistants. Sa culpabilité força les barrières de son esprit et se rua, tel un okyda au galop, vers son cœur et l'enserra de ses griffes acérées. Le flux de la souffrance s'épancha dans son corps, mais il lutta contre.
Loin sont les années où je cédais sans combattre.
Une vague soudaine, douce et forte à la fois, s'associa à la sienne. Elle provenait de Litcho assis sur son épaule. Quand le flot douloureux s'estompa, Sojeyn remercia le kiriako d'une caresse, puis observa le reflet de ses amis dans la baie vitrée.
Si Kishor, Brian, Flore affichaient des visages atterrés ou choqués, Merioni et Kris plissaient le front. Tous digéraient son annonce sans le lâcher des yeux, au milieu d'un silence lourd. Un silence que rompit la voix inquiète de Kishor.
— Réalises-tu la conséquence pour toi, si tu ne te trompes pas ?
— Que veux-tu dire ? s'étonna Flore face à lui.
Mal à l'aise, l'Imlaya ne répliqua pas, tandis que Sojeyn grimaçait. Son secret allait être éventé. Il ne blâma pas son ami pour autant.
Il cherche à me protéger et je ne pouvais pas cacher ce point indéfiniment.
Flore, qui continuait à fixer Kishor, murmura :
— Sojeyn a le Lien avec Idsou.
Une réflexion à voix haute, une question, une affirmation ? Quel que fût le qualificatif, il importait peu : Kishor détourna la tête, et Flore poussa une exclamation de surprise. L'intervention de Brian l'empêcha de commenter.
— De quel Lien parlez-vous ? Pouvez-vous nous éclairer ?
Sojeyn tressaillit et se retint de faire volte-face.
— Tu ne lui as pas expliqué ? jeta-t-il à Flore en pensée.
— Je n'ai pas eu vraiment l'occasion.
— Je ne suis pas le seul à jouer les cachottiers. Mais toi, grande sœur, si respectueuse des coutumes, tu me surprends.
Un regard noir répondit à sa taquinerie, et il n'insista pas. Face à l'inconnu, Flore gérait sa situation comme lui dictait sa conscience, comme lui-même se conduisait avec Idsou et Mioca. Ils n'éprouvaient pas non plus l'envie de s'expliquer. Merioni s'en chargea :
— La civilisation d'Aurora est basée sur les pouvoirs psychiques. Tous les habitants possèdent l'échange mental et le déplacement de petits objets, à partir de l'adolescence. Certains en développent d'autres, plus puissants, que nous nommons kiriahs. Flore influence les nuages, Sojeyn se rend invisible, et je manipule la végétation. Nous sommes des kiriahnis, reconnaissables à notre perle. Celle-ci revêt la couleur spécifique liée au pouvoir.
— Un catalyseur ? suggéra Brian.
— Plutôt un déclencheur et un amplificateur. Il suffit d'imaginer la perle se teinter pour activer le kiriah correspondant. Par exemple l'ocre pour la végétation, ou le rouge pour l'électromagnétisme.
Un halo de cette nuance envahit le salon, et une boule de feu se forma dans la paume de Merioni.
— Une fréquence unique pour une couleur, une fréquence pour chaque pouvoir. Nous avions déjà compris le principe physique sur Dalghar avec Flore. Vous en possédez combien ?
— Trois à quatre, mais un maître expérimenté et un uriahmi réussiront à déclencher les autres, à une puissance nettement plus faible. Personne ne les contrôle tous.
— Une bonne chose ! Sinon, vous vivriez dans un chaos continuel.
— Ce fut le cas pendant les siècles de la Décadence, intervint Flore.
— Oui... vous avez réduit les Dalghariens, qui venaient en paix, en esclavage à cette époque.
Son regard triste étonna Sojeyn, avant qu'il ne se souvienne du récit de Brian et Kris. Leur sœur, endoctrinée par les Néofeles, se servait des années noires d'Aurora pour pousser au rejet des exilés.
Ces siècles d'horreur nous atteignent encore. Si Iliane n'avait pas écouté cette rébellion insensée, elle vivrait auprès de son jumeau, aujourd'hui.
Le cours de Merioni se poursuivit.
— Un pouvoir psychique très particulier existe parmi notre peuple. Le Lien. Il se manifeste chez n'importe qui, à n'importe quel moment, à n'importe quel âge à partir de l'émancipation, vers vingt et un ans.
— Pas plus jeune ? s'enquit Kris, un sourcil arqué.
Étrange question, songea Sojeyn. Pourquoi la pose-t-il ?
Merioni, lui, ne s'en étonna pas et répliqua :
— Rien ne l'empêche en principe, mais je n'en ai jamais entendu parler. Le Lien se déclenche de lui-même lors d'un regard. Ensuite, les compagnons l'activent quand ils le désirent. Il peut se manifester contre leur volonté sous une émotion forte, et un kiriahni en sera plus embarrassé à cause de sa perle.
— Qui devient blanche, compléta Kris.
Merioni hocha la tête tandis que Flore sursautait.
Tu vas bientôt comprendre pourquoi il le sait, maugréa Sojeyn.
Que ne donnerait-il pas pour se trouver ailleurs que dans son propre salon ! Heureusement, la voix troublée de Brian le détourna de ses pensées agacées.
— Ainsi nous avons le Lien ! Pourquoi ne pas me l'avoir expliqué ?
— Je... je ne savais pas trop comment tu allais réagir.
— Comme tu le constates, très bien.
— Tu ne connais pas encore tout sur le Lien !
— Flore a raison, déclara Merioni. Vous devez apprendre tous les aspects du Lien, d'autant que vous êtes un non-Auroréen. Les uriahs observeront cette nouveauté avec intérêt.
— Je refuse de servir de cobaye ! grogna Brian.
— Un cobaye ? Qu'est-ce que c'est ?
— Un mammifère utilisé pour les expériences en laboratoire, les éclaira Kris.
— Par Kilyan, ces procédés n'existent plus depuis les siècles de la Décadence ! Nous évitons même de nous toucher.
Face aux regards outrés de Merioni et Kishor, le roi de Dalghar leva une main en signe de paix.
— C'est une expression, qui date de l'époque terrienne. Nous avons abandonné cette approche archaïque, depuis des millénaires. Nos modes de vie ne sont pas identiques, mais les évolutions sont comparables. Peut-être que cela explique la possibilité du Lien ?
Sojeyn approuva la réaction de Kris, elle ramenait Merioni dans une conversation rationnelle. Moins sa nouvelle question.
— Est-ce aussi valable pour Kaliorn, puisqu'Idsou et Sojeyn ont le Lien ?
— Petit frère, c'est vrai ?
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