C15 - Un cadeau empoisonné (3/3)
Si le froid régnait dans la salle de réception, un plus glacial s'infiltrait dans les veines de Sojeyn. Leur plan était découvert ! Il projeta son esprit. En vain. Le brouilleur bloquait encore les pouvoirs psychiques. Soudain, sa situation lui parut comme un atout, il donnerait le temps nécessaire à la résistance.
Quand le bon moment se présentera !
Pour l'instant, tous les regards fixaient l'Astrydien, agenouillé. Xénon retrouva son aplomb en premier :
— Que me chantes-tu là, Xiom ? Comment les Auroréens parviendraient-ils à nous vaincre ?
— Ils ont envahi les doryaums, aidés des Dalghariens. Ils ont détruit nos brouilleurs, se sont battus contre mes clones avec leurs pouvoirs psychiques. J'ai tué leur chef et me suis téléporté dans ma résidence d'Auralia. Ensuite, j'ai accouru au palais pour t'alerter, mais tes gardes refusaient de me laisser passer.
Un brouhaha s'empara de la salle, les gouverneurs commentaient l'annonce avec stupéfaction. Ils se turent dès que Xénon leva sa main.
— Les gardes respectent mes ordres. Comment as-tu réussi à venir jusqu'ici ?
— J'ai exigé la présence du chef de la sécurité, et ai pris sur moi toute désobéissance de sa part. Il attend derrière cette porte ta décision.
— Tu as bien agi. Heureusement, la surveillance du palais est renforcée en ce jour spécial, la résistance ne parviendra pas à franchir le seuil. Xian va avec Xiom pour parler au chef de la sécurité. Contactez le spatioport, qu'il demeure prêt à se défendre et rendez-vous ensuite au centre de clonage. Il faut augmenter la production en urgence.
— Penses-tu que nous viendrons à bout de cette résistance ? questionna un des gouverneurs.
— Tant que nous contrôlons le brouilleur, seuls les Dalghariens représentent un danger, intervint Xian. Ils ne peuvent être nombreux et nous avons la capacité de tenir un siège.
N'en sois pas aussi convaincu.
— Merci, mon ami, reprit Xénon. Tu sais ce qu'il reste à faire.
Maintenant !
— Nous réussirons à vous chasser d'Aurora, proclama-t-il d'une voix forte.
Les Astrydiens se tournèrent vers lui, y compris Xian et Xiom sur le point de quitter la salle. Tous semblaient redécouvrir sa présence avec leur regard interloqué.
— Vraiment, ricana Xénon après quelques secondes. Tu comptes t'y prendre comment ? Te battre seul contre une multitude de guerriers ? Décimer mes hommes et ouvrir la porte en grand à tes amis ?
Des rires parcoururent le rang des gouverneurs.
— Depuis six ans, je rêve de me venger. Tu as tué mes parents, obligé ma sœur à s'exiler, imposé un combat singulier à un adolescent incapable de se défendre. Le temps est venu pour toi de payer. Je te défie en duel, Xénon d'Astrydie !
******
Quand Flore pénétra dans son ancien salon du palais, elle se figea. La décoration de la pièce, avec ses murs gris et safran, et ses meubles en bois cérusé, n'avait pas ou peu été modifiée. Des milliers de souvenirs l'assaillirent : ses rires d'enfant avec ses parents, sa joie à l'arrivée de Sojeyn, leurs chamailleries, sa découverte de ses premiers pouvoirs psychiques. Sans oublier les discussions animées sur l'avenir d'Aurora avec Tojian.
Une boule bloqua sa gorge au nom de son cousin qui avait sacrifié sa vie pour elle. Il avait fallu une guerre pour révéler son dévouement à la planète et au peuple, pour que Tojian se réconcilie avec son frère. Il était mort trop tôt.
Assassiné par ce maudit Xénon !
Sa dernière rencontre avec le Chef suprême avait eu lieu aussi dans cette pièce. Elle se souvenait de son regard prédateur alors qu'il déboutonnait sa chemise. Elle se souvenait de son sourire carnassier pendant qu'il s'approchait d'elle. Elle se souvenait de ses paroles : « Mes hommes m'ont rapporté l'innocence des Auroréens. J'ai encore de la peine à y croire. S'ils ne se sont pas trompés, comment... vivez-vous sur Aurora ? Je meurs d'envie d'étudier cela de plus près. »
À l'époque, elle n'en comprenait pas le sens. Son séjour sur Dalghar et sa relation avec Brian le lui avaient ensuite expliqué.
Il voulait me violer !
Un tremblement d'horreur la parcourut. Comment aurait-elle réagi si elle avait su ses intentions ? Serait-elle parvenue à repousser ce monstre ?
— Oui, car tu es une combattante dans l'âme et pas juste formée par les Imlayas, souffla Brian dans son esprit. Excuse-moi, tu m'as transmis ton choc.
Flore ne s'offusqua pas. Tous les deux s'habituaient à cette plus grande proximité depuis qu'ils avaient accepté le Lien.
— Je tordrais le cou à ce prince de pacotille volontiers, ajouta son compagnon, mais occupons-nous d'abord des enfants.
Ce rappel la secoua et son regard se posa sur Esperane, accompagnée de Daliohn. Ils se tenaient debout, des livres ouverts à leurs pieds. Si le garçon affichait un visage inquiet, la petite fille les toisait.
— Vous êtes sourds ou quoi ? Pourquoi vous débarquez chez moi sans ma permission ? Ni mon père ni Xénon seront enchantés de l'apprendre !
— Justement, les Auroréens nous attaquent, et le Chef suprême nous envoie pour vous mettre à l'abri, répliqua Brian. Nous allons vous y téléporter.
— D'accord, mais je prends des affaires.
Flore se crispa, tandis qu'Esperane se dirigeait vers une commode. Elle désirait quitter cette suite au plus vite. Toutefois, la coopération de l'enfant valait mieux pour ne pas la traumatiser et Brian l'avait compris. La petite fille fouilla dans un tiroir avant d'extirper un boîtier qu'elle braqua soudain vers eux.
— S'il y avait vraiment un danger, le compagnon de mon père serait venu me récupérer. Et je ne vous connais pas. Xénon m'a toujours dit de me méfier des étrangers. Vérifions donc votre identité.
Avec un juron, Brian se précipita pour l'attraper. Les mots balbutiés par Esperane l'arrêtèrent net dans son élan :
— La princesse d'Aurora... ma... mère.
Un seau de neige se renversa sur la tête de Flore, alors que tous les yeux se braquaient sur elle. Que racontait cette petite fille ? Sa mère ? Impossible !
— Impossible, répéta Daliohn sans le savoir. La princesse s'est exilée sur Dalghar dès l'invasion, et c'est un garde devant toi.
Le garçon tentait de rattraper la situation, de leur éviter d'être dévoilés. Flore ne parvenait pas à réagir, Brian continuait à la fixer, interloqué.
— Nous, les Astrydiens, possédons une technologie plus avancée que la vôtre, persifla Esperane. Cet appareil ne se trompe pas. Ce clone est une femme déguisée, et c'est ma mère. La capturer rendra heureux Xénon.
Aussitôt, un cri de Brian jaillit dans la tête de Flore.
— AU SOL !
Elle obéit à l'ordre instinctivement, alors que son pouls grimpait en flèche. Esperane avait appelé des gardes à la rescousse. Brian mitraillait les assaillants invisibles, pour qu'elle puisse se mettre à l'abri du canapé. Lui-même s'était caché contre une armoire, et les enfants derrière une seconde.
Rassurée, Flore se joignit aux tirs de son compagnon. Au bout d'un moment, sans qu'aucun camp ne domine l'autre, Brian la contacta :
— D'après toi, combien sont-ils ?
— Deux dans le couloir, trois partent dans la chambre pour nous prendre à revers.
Flore sursauta à l'information qu'elle avait donnée. Si elle avait pu les compter et même déterminer leurs déplacements, cela signifiait qu'elle avait employé son kiriah de monitorage. Cela signifiait que...
— Le brouilleur a été détruit ! s'exclama Brian. Par les gonades des Ancêtres, allons-y !
Il tira de plus belle, avec une joie que partageait Flore. Elle se téléporta dans la chambre et élimina les clones avec une boule d'énergie. La seconde suivante, les deux du couloir subirent un sort identique.
Flore retourna dans le salon, où Esperane brandissait ses poings contre Brian, malgré son visage pâle et les yeux agrandis par la peur.
— Je défendrai ma vie jusqu'au bout ! cria-t-elle.
— Les Auroréens ne sont pas des assassins, murmura Flore en s'accroupissant, au contraire des Astrydiens. Voilà pourquoi nous vous emmenons.
— Mensonge ! Je suis une des leurs, ils ne me feront rien. Ni Xénon ni mon papa. Laissez-moi avec eux.
En effet, ils tiennent trop à toi pour leur descendance, mais ton avenir ne sera pas joyeux. Ces monstres t'ont certainement manipulée.
Cette pensée lui remémora Mioca et sa volonté de devenir la compagne de Sojeyn, poussée par Hadil. Tenter de raisonner l'enfant maintenant ne se concevait pas. Le temps pressait. Alors que Flore répugnait à emmener de force Esperane, Daliohn intervint :
— Tu es aussi une des nôtres, je te l'ai dit. Viens avec nous pour voir comment on vit. Après, tu pourras choisir où tu veux habiter et avec qui. T'as pas envie de découvrir nos pouvoirs psychiques toi-même ? Peut-être en auras-tu quand tu seras testé ?
Esperane hésita. Elle regardait le sourire confiant du garçon, puis Flore, tour à tour. Perdue dans ses pensées, déstabilisée par les évènements. Toutefois, Brian rappela la réalité :
— Qu'elle se dépêche à se décider, je ne prendrai pas le risque d'un nouveau combat !
— Donne-nous une minute ! Je ne veux pas qu'elle se braque dès le départ.
Seul un grognement lui répondit, mais son compagnon ne bougea pas. Flore revint à Esperane.
— Daliohn, ne se trompe pas. Tu resteras libre de choisir ton futur et tu auras l'occasion de découvrir d'autres peuples au sein de la Confédération. Et si tu développes des kiriahs, nous te formerons.
Des étoiles remplacèrent le doute dans les yeux de la petite fille.
— Vous me le promettez ? Vous ne tuerez pas mon papa, non plus ? Je pourrais le voir ?
— Si ton père ne cherche pas à nous combattre, alors il sera sauf. Quant à le rencontrer, ce droit ne dépend pas de moi.
Flore préférait ne pas mentir à l'enfant, surtout si elle ne se trompait pas sur leur lien familial.
— Viens, insista Daliohn, fais-nous confiance. Je te défendrai si on te veut du mal.
Un sourire amusé étira les lèvres d'Esperane face au garçon qui gonflait sa poitrine. Avait-elle réalisé sa volonté de la rassurer ? Peu importait la méthode, son accord primait. Quand elle le donna enfin, Brian distribua les bracelets de téléportation, qu'il activa.
Jamais Flore n'avaitautant aimé sentir son corps s'alléger et sa vue se brouiller.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro