C14 - Catastrophe naturelle (3/3)
Xiolo ouvrit d'un geste vif la porte du bureau, aux murs indigo et meubles en bois clair. Le gouverneur Xaronir de Monti, son paternel, plissait le front, concentré sur un rapport qu'affichait un hologramme coloré. Ses sourcils se relevèrent, tandis que l'image s'effaçait.
— Que t'arrive-t-il ? D'habitude, tu frappes et tu attends que je te réponde.
— D'habitude, tu te préoccupes du sort des Auroréens ! Même s'ils servent de main-d'œuvre, nous les traitons avec dignité... sauf à la mine de coltan.
Au lieu de se défendre, son père courba la tête. Le sang bouillonna plus dans les veines de Xiolo. Il avait espéré se tromper. Il avait espéré une répartie cinglante, une réaction de fierté de la part d'un homme non coupable de ce terrible drame. Xaronir ne s'était jamais montré violent envers les habitants et s'assurait que chacun ait une vie décente. Il ne comprenait pas.
— Comment as-tu pu te comporter comme le gouverneur d'Agriki ? Je te faisais confiance, je suivais tes consignes et tu me servais de modèle. Quel imbécile ! De malheureux enfants ont été exploités pour extraire ce satané minerai. J'ai moi-même participé à cette hécatombe en localisant ce lieu ! Leur mort marquera ma conscience. Mais toi ? Tu restes là sans rien dire, à continuer à gérer le doryaum...
— Ça suffit, Xiolo, ne mélange pas tout et écoute-moi !
Son père s'était levé, et sa stature corpulente, renforcée par sa tenue d'officier jaune et rouge, remplissait tout l'espace du bureau. Pourtant, Xiolo ne céda pas à la tentative d'intimidation. Il s'approcha de Xaronir et planta ses yeux dans les siens.
— Pour me raconter des excuses ? Ton attitude t'a trahi. Maintenant que le mal est fait, dis-moi plutôt comment tu vas te racheter.
— Mon attitude ?
— Tu as courbé l'échine à mon accusation, et tu essayes de t'imposer à moi.
Xaronir se rassit avec un soupir, avant de souffler :
— Tu te méprends. J'étudiais le rapport sur ce drame quand tu as débarqué sans prévenir et m'as agressé. Je ne savais pas ce qu'il se passait, je te le jure.
La tristesse dans le murmure calma un peu Xiolo. Il scruta son père afin de lire son langage corporel, et détecter une faille en contradiction avec les paroles. En vain. Les traits marqués, les yeux cernés, les épaules affaissées et les cheveux clairsemés en désordre démontraient l'affliction du gouverneur.
Je le connais, il ne triche pas... et pourquoi traiterait-il mal ce groupe d'Auroréens en particulier ?
Xiolo s'installa de l'autre côté du bureau en s'excusant. Un sourire le remercia, puis son père expliqua :
— Plusieurs fois, j'ai demandé au responsable du camp des rapports sur sa gestion et sur l'état des Auroréens. Il refusait de m'en fournir, ou plutôt me garantissait que tout se passait bien, que les travailleurs remplissaient les quotas. Puis il me rappelait qu'il ne dépendait que de Xénon. Alors, je me suis focalisé sur les marchands et ordonné qu'on facilite leurs allers et retours, qu'ils apportent tout ce dont avaient besoin les Auroréens. Eux-mêmes, à mes questions, me disaient n'avoir pas de contact avec elle.
— Que comptes-tu faire ?
— Aider les survivants à réintégrer leur village, et ajouter dans leur dossier qu'ils ne devront plus être employés à des tâches difficiles. Enfants compris.
— J'approuve ! Et Xénon ? Qu'en pense-t-il ?
— Justement, j'ai un rendez-vous avec lui. Tu peux rester si tu le souhaites.
Xiolo acquiesça volontiers, touché par le désir de transparence de son père, et se chargea de contacter le chef suprême avec l'appareil de communication posé sur le bureau. Dès que l'hologramme de Xénon se matérialisa, il croisa les poignets en guise de salutation.
— Je te remercie pour le rapport, Xaronir. Très clair. Le responsable du camp a outrepassé ses droits sur le sort des travailleurs, sans m'avertir.
— Vous ne saviez pas ? s'étonna Xiolo. Avec tous ces innocents morts pour rien ?
Xénon fronça les sourcils face à l'interruption impertinente, mais répliqua d'un ton neutre :
— Mes directives n'ont jamais changé : traiter correctement les Auroréens, cette main-d'œuvre précieuse et difficile à renouveler. Leur refus d'employer les pouvoirs psychiques n'arrange rien.
Xiolo hocha la tête, les lèvres pincées de Xénon lui indiquaient combien ce point le chagrinait.
Tout comme la survie de notre espèce. Peut-être devrions-nous imaginer un autre moyen de créer une descendance... plus pacifique ?
Troublé par cette idée, il conserva le silence. L'exprimer serait un impair, si ce n'était un suicide, et il venait déjà d'agacer le chef suprême. Heureusement, son père intervint :
— Qu'attends-tu de moi, Xénon ?
— Continue à gérer les Auroréens comme tu le fais, je n'ai jamais eu à m'en plaindre. De mon côté, je vais lancer une enquête approfondie sur ce drame et en tirer les conséquences. Il ne doit plus y en avoir.... Cela te convient-il, Xiolo ?
Il tressaillit d'être ainsi interpellé. Ses mains devinrent moites, alors qu'il répondait humblement :
— Oui, Chef suprême. Vous régnez avec sagesse.
Un bref rictus étira les lèvres de Xénon.
— J'ai appris que tu vivais depuis plusieurs années avec une jolie Auroréenne, la fille de l'ancien doryaumi de Monti. Peut-être parviendras-tu à avoir un enfant avec elle ?
— Je l'espère aussi.
— C'est parfait. Toutefois, n'oublie pas qu'elle doit obéir à nos lois. Tuer trois clones mériterait une punition.
Le cœur de Xiolo s'affola dans sa poitrine : le chef suprême, fidèle à sa réputation, se renseignait sur tous les originels sous ses ordres. Il se raccrocha au rapport qu'il avait transmis.
— Les chasseurs l'avaient agressée sans raison, et c'est moi qui les ai exécutés.
Avait-il convaincu l'homme le plus puissant d'Aurora ? Sa voix ne l'avait pas trahi, il n'avait pas cillé. Plusieurs secondes s'écoulèrent, pendant lesquelles Xiolo transpira sous sa chemise, puis Xénon déclara :
— En effet, tu asbien agi, mais reste sur tes gardes. Ta belle Auroréenne serait bien en peinesi elle se retrouvait seule... quoique je l'accueillerais au palais avec plaisir.
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