Il a fallu que je le perde aujourd'hui

        Cela fait vingt bonnes minutes que je retourne mon appartement sous les yeux ébahis de mon chat à la recherche de ce fichu pendentif et cinq minutes que j'aurais dû partir. Je lance rageusement un paquet de mouchoirs dans mon sac, continuant à fouiller du regard tous les recoins de ce minuscule studio dans lequel je vis depuis mes seize ans sans jamais trouver ce que je cherche.  Après une ultime vérification – accompagné d'un dernier regard désespéré à l'horloge de la cuisine, je décide d'abandonner les recherches au risque d'arriver vraiment trop en retard au boulot.

        Il me faut encore trente interminables secondes avant d'arriver à insérer la clé dans la serrure et de verrouiller. Je finis par me tourner vers les escaliers, fourrant mon trousseau dans mon sac puis je les dévale rapidement, misant tout sur mon équilibre, bien que précaire en ce moment.

      Lorsqu'enfin je sors, le froid s'insinue dans mon manteau encore ouvert, un frisson me parcourt et je me hâte de le fermer. Je reprends ma course, mon souffle formant un nuage de buée autour de mon visage et je manque de tomber en passant la dernière marche de l'entrée.

Comme d'habitude

      Je suis mon trajet quotidien jusqu'à arriver chez Gardenia house. Je pousse la large porte vitrée et une bouffée d'air chaud m'accueille. 

-Un peu plus et je lançais un avis de recherche !

Le rouge me monte au joue face à la remarque pleine d'humour de la gérante.

-Je suis vraiment désolée Elody, je n'arrivais pas à mettre la main sur mon pendentif...

Elody me lance un regard empli de compassion :

-Je plaisantais Willow, tu n'as que dix minutes de retard Mais c'est tellement rare de ta part que je n'ai pas pu m'empêcher de te taquiner !

Elle baisse les yeux sur mon cou aujourd'hui nu et une étincelle de compréhension traverse ses yeux :

-Ah, je vois, LE pendentif.

-Oui...

Une vague d'amertume m'envahit. Je ne sors jamais sans ce collier, le dernier élément qu'il me reste de mon passé.

      Mes premiers souvenirs débutent à L'Orphelinat Hope.  J'étais arrivée avec seulement quelques vieux habits tout abimés et ce pendentif. Mes débuts dans cet institut avaient été assez compliqués. J'étais victime de violentes terreurs nocturnes et de ce fait, mes heures de sommeils avaient considérablement diminuées. Elody avait été la première personne à venir me parler, les autres orphelins ayant trop peur de mon teint blafard et de mes cernes creusés pour m'approcher. On s'était tout de suite entendues et nous nous étions beaucoup rapprochées lors de mes dix ans passés dans cet établissement. Il m'avait donc paru naturel d'accepter lorsqu'elle m'avait proposé de l'aider à ouvrir sa propre Boutique florale.

-Bon, vas te préparer, les clients ne devraient pas tarder et je doute qu'ils comprennent pourquoi tu as une grosse trace de dentifrice sur la joue

Je porte automatiquement la main à mon visage, cachant la preuve de mon étourdissement.

-Bien essayé, sauf que c'est l'autre joue !

Je blêmis et me précipite dans les vestiaires avant de me ridiculiser une nouvelle fois, entendant le rire de ma patronne résonner au loin.

-Et dépêche-toi petite retardataire ! continue-t-elle en riant de plus belle.

      Une fois arrivée, je me dirige vers le lavabo pour me débarbouiller. En relevant la tête, j'aperçois mon reflet dans le miroir. Et, désespérée, je remarque que jai fait couler mon mascara. Je pose mon sac sur le tabouret à côté de l'évier et rattrape le coup en repoussant mes longues mèches bordeaux qui me bloquent la vue.

      Une fois mes yeux noisettes remaquillés, je ne peux m'empêcher de soupirer en constatant à quel point mon teint est pâle Je range mon matériel et mets mes affaires dans mon casier. J'enfile alors mon tablier. Mon regard se pose sur la tâche de naissance en croissant de lune qui orne mon poignet.

      La clochette retentit de l'autre côté de la boutique, nous signalant l'arrivée dun client. Je porte une main à mon cou dun geste habituel et me rappelant que mon pendentif reste manquant, je soupire puis, sors de la pièce après avoir lancé un dernier regard au miroir, contemplant ma magnifique silhouette chétive.

Je dirais même quasi-anorexique

Je m'arme de détermination et accueille le nouvel arrivant avec un sourire chaleureux.

-Bienvenue à Gardenia House !