Tour des clubs
Hataru soupira, en mordant dans son anpan. La douce pâte sucrée se répandait dans sa bouche avec douceur, et une douce chaleur en émanait en cette froide après midi d'octobre. La jeune fille s'était habillée comme pour un date. Après tout, c'en était en quelque sorte un, puisqu'elle allait passer l'après midi avec Kazuto. Elle aurait simplement préféré pouvoir aller faire le tour des clubs discrètement, sans avoir le roi des troisième année et président du club de basketball avec elle. Son petit ami n'avait clairement pas le temps de s'impliquer dans un deuxième club. Le sien lui prenait déjà une grande partie de son temps libre, et Hataru craignait que ses notes ne pâtissent s'ils choisissait de la suivre malgré tout. Mais, par dessus tout, Hataru voulait trouver une activité qui lui plaise et qu'elle puisse pratiquer en paix, sans avoir à s'inquiéter de la présence de Kazuto à ses côtés, de son absence aux entrainements de basket ou à ses séances de réunion, ou tout simplement de l'aura inaccessible qu'ils auraient. Un des couples les plus en vue de l'université, rejoignant un club ensemble... tout le monde penserait que c'était un moyen pour eux de profiter du temps ensemble, pas de rencontrer de nouvelles personnes. Or, c'était exactement ce que voulait Hataru: rencontrer de nouvelles personnes. Avoir un nouveau cercle de connaissances, un cercle qu'elle aurait trouvé elle même, soudé par une passion commune. Pas un qu'elle aurait rejoint par opportunisme parce que sa meilleure amie d'enfance en était déjà le centre.
Kazuto apparut après quelques minutes d'attente. Hataru se consola, en se disant qu'il avait libéré une part de son temps pour suivre sa lubie de soudain quitter le club.
-Tout s'est bien passé? Demanda-t-elle.
-Super. Je pense qu'on est prêt pour la compétition, au moins au niveau stratégique théorique. Ne reste plus qu'à mettre en pratique à l'entrainement.
-C'est une bonne nouvelle. Répondit Hataru, qui ne savait pas quoi ajouter - elle ne voulait pas parler du club de basketball.
Elle savait déjà que Kazuto ne comprenait pas pourquoi elle avait choisi de partir. Mais comment pouvait-elle lui expliquer que, même en sa présence, elle sentait toujours un vide dans son coeur? Après tout, elle aimait réellement Kazuto, et elle savait qu'il l'aimait au moins autant qu'elle. Elle ne voulait pas le blesser. Et, à vrai dire, elle n'était pas sûre qu'il comprendrait.
-On y va? Finit par dire Kazuto devant le silence qui commençait à s'éterniser.
-Oui. Répondit Hataru. Par où commence-t-on?
-Les clubs de sports? Proposa le jeune homme. C'est ceux que je connais le mieux.
-Eh bien, commençons par ça. Approuva Hataru, pourtant presque certaine qu'elle ne souhaitait pas en rejoindre un.
"Je devrai voir tout ce qu'il y a de possible avant de me focaliser sur quoi que ce soit" Décida-t-elle en son for intérieur.
Comme il l'avait annoncé, Kazuto connaissait la majorité des clubs de sport, et, par cela, il voulait dire qu'il connaissait beaucoup de leurs membres, et que, en retour, tous les membres de ces différents clubs, quelle que soit leur année d'étude, le connaissaient également, tout comme Hataru. Du club de softball à celui de natation, la jeune fille rencontra tout un monde d'inconnus, pour la plupart plus âgés, et qui semblaient très bien la connaître, ce qui était une première expérience de sa célébrité assez déroutante. Les quelques regards en biais jetés par des femmes durant les visites ne lui échappèrent pas non plus.
-Je crois qu'on a vu tous ceux qui ont leurs activités le samedi. Conclut Kazuto après une longue discussion avec la présidente du club de football. Qu'est ce que tu en as pensé, ma belle?
-Hm... ils ont tous l'air très intéressants, et leurs membres très passionnés, mais je ne sais pas... je n'ai cliqué avec aucun. Peut être ne devrai-je pas me diriger vers les clubs de sport.
-A vrai dire, ça m'arrange aussi. Fit Kazuto, l'air un peu gêné. J'aurai bien du mal à gérer deux clubs de sport en parallèle...
-Tu n'as pas besoin de rejoindre avec moi, tu sais. Répondit Hataru, espérant que Kazuto saisirait le sous entendu.
-Je n'en ai pas besoin, mais j'en ai envie. Déclara l'étudiant, passant totalement à côté du message caché de sa petite amie. Avoir du temps rien que pour nous deux... c'est une bonne idée aussi.
Hataru soupira discrètement. Elle aimait Kazuto. Vraiment. Mais à cet instant précis, elle aurait aimé avoir le caractère incisif de sa sœur Nami pour l'envoyer balader. Le couple se dirigea ainsi vers les bâtiments accueillant les salles des clubs culturels, également assez nombreux. Kazuto sembla tout de suite bien moins à l'aise dans ce milieu qui lui était si étranger, au contraire d'Hataru qui s'émerveilla un peu plus à chaque salle qu'elle visitait, et dont les occupant lui proposaient de prendre part à leurs activité pour s'en faire une idée. Elle but ainsi le thé avec le club cérémonie du thé, disputa une partie à sens unique avec un membre du club d'échec, écouta attentivement les déclamations de plusieurs membres du club d'arts dramatiques, mis la main dans l'argile avec le club d'arts plastiques. Mais aucun des clubs ne lui fit autant plaisir que le club cuisine. La simple odeur des délicieux plats qu'ils préparaient lui mis l'eau à la bouche, ce qui lui attira un regard amusé de Kazuto. Elle fit exemple de ses propres talents culinaires aux membres, qui en furent eux même impressionnés. La présidente, Mayuri, se montra très accueillante, et fit elle aussi goûter à son katsudon personnel, que Hataru dévora avec une appétit vorace. Elle fut presque tentée de signer, ici et là, pour rejoindre le club, et il semblait que Mayuri n'attendait que cela. Le regard pétillant de la quatrième année laissait voir son désir de renforcer sa flotte de cuistots en herbe. Mais Hataru n'oubliait pas la présence de Kazuto. Et ce dernier semblait tout à fait prêt à suivre sa petite amie dans l'aventure du club cuisine sans même une arrière pensée.
Hataru décida donc de reporter à plus tard son choix, et remercia chaudement les membres du club cuisine. Mayuri lui glissa discrètement qu'elle était libre de revenir voir le club autant qu'elle désirait, et ce même si elle décidait de ne pas rejoindre ses rangs, et Hataru la remercia chaudement. Elle remercia intérieurement les longues heures passées à cuisiner avec sa grande sœur Aki, qui semblaient enfin payer. Après tout, si Hataru aimait une chose en particulier, c'était bel et bien le fait de manger, et il n'y avait pas grand chose de meilleur dans la vie que de savourer un plat qu'on avait soi même préparé.
-Merci pour aujourd'hui. Remercia Hataru au moment de quitter Kazuto. C'était gentil de ta part de m'accompagner.
-Tu sais bien que ce n'est rien. C'est pour nous deux que je le fais, après tout. Et le club cuisine m'a l'air d'un excellent choix. Mayuri est une super senpai, les horaires sont assez flexibles, et tu sembles l'avoir préféré à n'importe quel autre club. Même si, je l'avoue, te voir patauger dans l'argile du club art plastique était assez drôle.
-L'idée de te voir t'y coller ne m'a pas déplu non plus. Rétorqua Hataru avec un sourire malicieux. Mais je vais y réfléchir, et je te tiendrai au courant.
-Super. A lundi, ma belle.
-A lundi.
Et, sur un baiser, Kazuto s'éloigna en petite foulée pour rejoindre son dortoir. Hataru le regarda s'éloigner un long moment. Peut être que rejoindre un club avec Kazuto n'était pas une si mauvaise idée que cela, finalement. Peut être qu'elle s'était juste trop focalisée sur son premier objectif, sans prendre en compte tout le plaisir qu'elle aurait à partager une activité rien qu'avec lui, en seul à seule, sans les autres membres du club basketball pour interférer. Hataru décida tout de même qu'elle y réfléchirait la nuit durant, et commença à rebrousser chemin vers son propre appartement. Elle devait pour cela traverser la moitié du campus, puisqu'il se trouvait à l'opposé du dortoir dans lequel logeait Kazuto, mais c'est le coeur léger qu'elle marcha au milieu des arbres dont les feuilles aux milles couleurs créaient une fresque d'une beauté indescriptible.
Cependant, alors qu'elle était à la moitié du chemin, quelque chose attira l'attention de la jeune fille, et la détourna de son chemin. Une odeur, plus précisément. Une délicieuse odeur de viande grillée, accompagnée de légumes - carottes, panait, si son odorat ne la trompait pas - et de délicieuse coriandre. Cette odeur lui rappelait douloureusement la maison, et les barbecue d'été que Aki réalisait dans le minuscule jardin de leur petite demeure. Comme guidée par son instinct primaire - et par la faim qui avait resurgi dès l'apparition de l'odeur - Hataru se dirigea vers l'origine de cette délicieuse senteur qui embaumait le campus presque vide, en ce début de soirée. Elle traversa la pelouse, une haie, puis un terrain de volley-ball inutilisé, avant de parvenir sur la grande esplanade de terre battue et de gravier servant aux grands rassemblements. Il n'y avait pas un chat. C'était presque comme si le monde entier avait disparu, et que le campus n'était plus qu'une immense ville fantôme dans laquelle Hataru déambulait, guidée par quelque mirage issus de son esprit. Les feuilles mortes virevoltaient dans la brise apportée par la mer toute proche, dansant dans un savant ballet. L'odeur était forte. Elle provenait de tout proche, Hataru en était sûre.
La jeune ilicienne remarqua alors une silhouette solitaire, au beau milieu de la grande esplanade. C'était une fille, assise sur une petite chaise longue pliable, et qui remuait, devant elle, le contenu d'un plat que Hataru ne pouvait bien distinguer. Cependant, le délicieux fumet ainsi que la fumée qui s'élevait et se répandait avec le vent, ne laissaient que peu de doute à la jeune femme. Il s'agissait bien d'un barbecue, ou, du moins, d'un feu, sur lequel l'inconnue faisait revenir de la viande accompagnée de légumes. Hataru resta un moment immobile, stupéfaite par la scène qui se déroulait sous ses yeux. Mais rapidement, son estomac pris le dessus. Elle ne s'approcha pas en ayant en tête de discuter avec l'inconnue, ou alors de lui faire part des risques d'allumer un feu ainsi, ni même de lui demander si elle avait une autorisation de le faire. Tout ce qui l'intéressait, c'était la délicieuse odeur de grillé, de beurre, de sauce, de viande et de légume, qui la faisaient saliver.
-Tu cuisines quoi?
L'inconnue sur sa chaise sursauta violemment. C'était dans ces instants là qu'il était possible de réaliser que, malgré ses traits typiquement japonais, Hataru n'était pas née sur l'archipel. Les notions de politesse, de ne pas s'impliquer dans les affaires des autres, ou tout simplement de se présenter avant d'engager une conversation, ne lui venaient pas à l'esprit. L'inconnue à la chaise fixa un long moment Hataru, son expression de surprise d'évanouissant peu à peu pour laisser apparaître une expression quelque peu blasée.
-Un nabe.
-Waw! Au barbecue? J'en avais jamais vu cuisiné comme ça. S'extasia Hataru. Et ça sent tellement bon...
-Hum... merci. Répondit simplement la jeune fille, visiblement un peu gênée, même si elle tentait de le cacher.
Hataru s'agenouilla pour observer de plus près le plat. Il n'était pas posé sur un vrai barbecue, ni suspendu au dessus d'un feu de camp, comme elle l'avait supposé au premier abord, mais plutôt en train de cuire sur un petit réchaud au feu de bois qui semblait être un jouet pour enfant, avec toutes ses rigoles et fentes pour insérer des pièces. Il devait probablement être aussi pliable que la chaise sur laquelle la jeune fille était assise. Celle-ci était vêtue d'une sorte de poncho en laine décoré de motifs, d'une large écharpe rose pâle, ainsi que de mitaines qui tenaient au chaud ses mains, tout en lui permettant de manipuler ses outils et de remuer la préparation. Ses longs cheveux noirs étaient coiffés en un large chignon tenu par une pince, et étaient parcourus de plusieurs mèches teintes en bleu foncé. Son visage en forme de coeur semblait n'exprimer aucune émotion, et ses sourcils légèrement froncés lui donnaient un air sévère, tout comme sa bouche naturellement incurvée vers le bas, qui lui donnait l'impression de faire la tête. Hataru ne l'avait jamais vue.
-Tu viens souvent cuisiner comme ça, en plein air, au milieu du campus et en plein automne? Demanda Hataru.
L'inconnue sembla prendre la remarque personnellement.
-Quoi? Si tu trouves ça étrange, rien ne t'empêche de passer ton chemin.
-Étrange? Au contraire, je trouve ça super! S'excita Hataru. Chez moi, on faisait des barbecue que durant l'été, mais un bon nabe préparé soi même dans le froid, et qui vient ensuite nous réchauffer les entrailles... ce doit être le bonheur.
L'inconnue observa Hataru quelques instants, semblant considérer si elle se moquait d'elle ou était sérieuse, mais cette dernière était trop occupée à regarder la sauce bouillir dans la petite marmite, ayant du mal à cacher la salive qui envahissait sa bouche à demi ouverte.
-Tu en veux? Demanda l'inconnue.
Les yeux d'Hataru lancèrent des étoiles.
-Je peux vraiment en avoir? Demanda-t-elle. Ca sent tellement booon...
-Tu peux en avoir. Assura la jeune fille avec un sourire si léger qu'il était à peine perceptible. J'en ai trop fait pour finir toute seule de toute manière.
-Merci merci! S'exclama Hataru. Oh, mais je n'ai pas de couverts.
-J'ai deux cuillères. La rassura la jeune fille aux mèches bleues. Je vais manger dans ma popote, et tu n'auras qu'à manger directement dans le plat. Désolée de ne pas avoir mieux à proposer, je n'ai qu'une seule popote.
-C'est déjà super gentil de ta part de partager ta nourriture avec une inco... Oh.
Hataru sembla seulement réaliser qu'elle s'était comportée de manière particulièrement impolie.
-J-je ne me suis même pas présentée! S'excusa-t-elle. Je m'excuse, je suis...
-Tsukino Hataru, en première année. L'interrompit la fille au chignon.
-Tu me connais? Nous... nous sommes déjà rencontrées?
-Non. Répondit la jeune femme avec un petit rire. Mais il n'y a pas grand monde à l'université qui ne sache pas qui tu es.
-Ouais... la petite amie de Suzuya Kazuto, j'imagine...
-Ca aussi, mais surtout... enfin... non rien.
-Non, dis moi! Tu as commencé, tu peux pas juste t'arrêter comme ça.
L'inconnue soupira, et un léger nuage de buée se forma devant ses lèvres. Le soir était déjà bien tombé, et l'obscurité était désormais profonde, percée seulement par les rares éclairages du campus et par la lumière échappant du petit réchaud.
-Certains t'appellent la petite princesse des premières années. Avoua-t-elle en rougissant un peu. Mais ne t'en prends pas à moi, je n'en suis pas à l'origine.
-La...
Hataru resta muette un court instant, avant d'éclater d'un rire sonore, suivie par le rire plus léger de l'inconnue.
-C'est la première fois que j'en entends parler. Parvint à articuler Hataru, en séchant une larme de rire. Qui a eut l'idée d'un tel surnom?
-Il faut croire que tu as un certain succès auprès de la gente masculine. Répondit simplement l'inconnue en haussant les épaules.
-Impossible. Rétorqua catégoriquement Hataru. Je n'ai reçu qu'une seule confession en six mois, et je n'étais jamais sortie avec personne avant ça.
-Écoute, peu m'importe, pour tout te dire. Avoua l'inconnue. Je ne m'intéresse pas à toutes ces histoires. Je sais juste que j'ai déjà entendu ton nom accompagné de ce sobriquet.
-Il faudra que tu me donnes le nom de la personne qui te l'a dit, parce que je veux comprendre. Insista Hataru. Au fait... tu ne t'es pas présentée.
La fille au chignon eut un souffle qui s'apparentait à un léger rire.
- Aoi Rin, en deuxième année.
-Enchantée Rin! J'aimerai te dire que je te connaissais déjà de nom, mais...
-C'est normal. Je ne m'implique pas vraiment dans la vie sociale de l'université.
-Ca m'arrange, en un sens. Répondit Hataru avec un grand sourire. Ca veut dire que je n'aurai pas à partager ma part de nabe. D'ailleurs, je crois que c'est prêt.
-En effet. Acquiesça Rin.
Avec adresse, elle se saisit d'une petite popote métallique qu'elle remplit de sauce, viande et légumes à l'aide de la cuillère qui lui avait servi à cuisiner. Puis, cela fait, elle tendit ladite cuillère de service à Hataru.
-Tiens. C'est ça, ma deuxième cuillère.
-Je mange directement dans le plat, avec la cuillère de service. Commenta Hataru. C'est n'est pas le summum de la politesse, mais ça m'a l'air si bon...
-Il n'y a personne autour de toute manière, ton secret sera bien gardé.
-Merci, Rin! S'exclama Hataru avec un grand sourire, avant d'entamer le plat de nabe avec un appétit féroce.
Sous les étoiles commençant à apparaître, et mettant en valeur la cime visible du mont Fuji au dessus des arbres aux ramures multicolores, le plat de nabe disparut à grande vitesse.
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