Rumeur Insidieuse
La voiture autonome de Kazuto se gara au bord du trottoir, en double file, et Hataru se hâta d'en sortir avant de se retourner vers son petit ami, qui l'observait depuis la place conducteur. Elle lui sourit.
-Merci pour le week end. Le remercia-t-elle. C'était... magique.
-Merci à toi. Répondit le jeune homme. J'aimerai que chaque week end soit comme celui-là.
-Tu sais que ce n'est pas possible. Sourit Hataru. Tu as tes entrainements, et j'ai mes sorties avec le cercle.
-Avec Rin, tu veux dire.
-Ça revient au même. Fit remarquer Hataru, et les deux amoureux eurent un léger rire.
-Tu y vas samedi prochain, c'est ça?
-Oui. Mais on reste à côté de Shizuoka, cette fois-ci.
-Ça veut dire que je ne vais pas te voir quand même. Gémit le jeune homme, avec un regard de chien battu. Dis, tu viens jeudi soir, cette fois-ci?
-Kazuto... je ne sais pas si je serai en état, tu sais.
-Allez, tu peux bien faire ça pour moi... en plus, avec le festival culturel qui approche, je vais être super occupé les deux semaines d'après, alors...
Hataru eut un soupire qui se voulait ennuyé, mais le léger sourire qui planait sur ses lèvres cachait mal l'amour qu'elle ressentait à cet instant précis.
-D'accord, d'accord... je vais voir ce que je peux faire, ok? Mais ne préviens pas tout le monde que je serai là! J'en sais encore rien, pour le moment!
La jeune femme s'amusa de voir Kazuto faire une petite danse de la joie, avant de lui envoyer un baiser et de rentrer l'adresse de son internat. La petite voiture démarra, tourna au bout de la rue et disparut. Il faisait déjà sombre, bien qu'il ne soit pourtant pas si tard. Les arbres étaient maintenant en grande partie dénudés. Octobre approchait de sa fin, et, comme l'avait fait remarquer Kazuto, novembre signifiait préparation du festival culturel de l'université. Hataru doutait que Rin prévoie grand chose de la part du cercle. C'était cependant la première participation de la jeune femme, et elle voulait faire quelque chose. Elle lui en parlerait probablement... à une occasion qui restait à définir, car elle craignait que la semaine à venir soit, une nouvelle fois, particulièrement éreintante. Il allait lui falloir adapter son rythme au plus vite, si elle tenait à continuer à travailler au bar.
Hataru glissa la clef dans la serrure, et entrouvrit la porte de leur petit appartement, dans lequel elle fut accueillie par un rot magistral de Lucie.
-Si les gens te côtoyaient tous les jours, tu serai très certainement moins populaire auprès des hommes. Interpella Hataru.
-Rho, ça va... grinça Lucie. Moi j'ai pas passé mon week end à roucouler avec mon date, alors je peux bien me détendre un peu chez moi quand même.
-C'est toi qui vois...
-Alors... c'était bien?
-Ouais... vraiment bien. Malgré les quelques spoils de visites, bien sûr.
-Toutes mes excuses. Railla Lucie.
-La ville est vraiment cool, et Rin m'a refilé quelques tuyaux de coins sympas à visiter et de lieux pour manger.
-Rin? Fit Lucie, soudain intéressée.
-Pas de vanne sur le sujet. Menaça Hataru.
Son amie leva les mains en signe d'innocence.
-Je n'oserai pas. Tu ne l'as quand même pas emmenée dans ton sac, pas vrai?
-Qu'est ce que je viens de dire?
Lucie éclata de rire, et Hataru laissa passer un cours silence en ouvrant le réfrigérateur, pour décider de ce qu'elle allait préparer le soir même.
-Et c'est tout? Finit par demander Lucie.
-Quoi, c'est tout?
-Ben, je sais pas, tu viens de rentrer alors fais moi au moins résumé un peu plus complet et enthousiaste. Je vais finir par croire que tu étais déçue que Rin ne soit pas réellement dans ton sac.
-Rin était à Izu les deux jours. Rétorqua Hataru, visiblement agacée par les insinuations incessantes de sa meilleure amie.
-Vous avez discuté?
-On a échangé des photos, oui. Elle a fait pas mal de repérage pour de potentiels prochaines sorties, et elle a visité pas mal de trucs.
-Jpeux voir?
-Est-ce que tu le mérites?
-Promis, j'arrête les vannes pour ce soir.
Hataru hésita, puis, ayant refermé la portière du réfrigérateur, vint s'affaler sur le petit canapé au côté de sa meilleure amie. Pendant de longues minutes, elles échangèrent avec enthousiasme vis à vis des photos partagées par les deux jeunes femmes durant le week end.
-La manière dont elle écrit ses message ne lui ressemble tellement pas... s'amusa Lucie.
-Pas vrai? S'enthousiasma Hataru. Elle met tellement de smiley que j'ai cru qu'elle se forçait, mais même pas.
-En tout cas, tout ça m'a bien donné envie de passer un coup du côté d'Izu...
-Je pourrai te refiler ses différentes étapes, si tu veux te faire une petite sortie en solo.
-Ouais, en solo ou bien toutes les deux... fit remarquer Lucie. Ça fait un moment qu'on ne s'est pas faite un road trip juste à nous.
-Hmm... c'est vrai. Admit Hataru.
-Tu campe le week end prochain, alors pourquoi pas le suivant?
-Lucie, c'est le festival culturel.
-Ah... merde... j'avais zappé que c'était si proche.
Lucie se laissa retomber au fond du canapé dans un grognement.
-Ces deux prochaines semaines vont être un enfer, je le sens venir à des kilomètre à la ronde...
-Vous allez faire un truc avec le club?
-Et pas qu'un peu, crois moi. Le coach va pas nous laisser respirer. Je me demande si je vais pas tout simplement rejoindre votre petit cercle... ça sera plus simple.
-Hey, tu es titulaire de l'équipe, je te rappelle. La rabroua Hataru en ébouriffant ses cheveux châtain. Les autres comptent sur toi.
-Mais personne ne me demande si je ne veux pas juste dormir. Gémit Lucie.
Hataru eut un soupire amusé.
-Bon... soirée pizza pour bien te lancer dans ces deux semaines infernales? J'ai tout ce qu'il faut.
Il n'en fallait pas plus pour que le visage de Lucie s'éclaire.
***
-He, Hataru, essaie de faire au moins semblant de suivre. Tenta Miwa.
Mercredi matin, comme la semaine précédente, et Hataru ne semblait pas être dans un meilleur état tant sa tête chutait régulièrement, la réveillant in extremis d'un début de sommeil qui pointait le bout de son nez.
-J'essaie, j'essaie... marmonna la jeune femme en posant son coude sur la table, son menton sur sa main, et en tentant de faire la mise au point sur le diaporama présenté par son professeur. Mais si c'était au moins un cours intéressant je pourrai me motiver...
-Si on était notés que sur nos cours intéressant, la fac serait le paradis. Soupira Miwa sans cesser de prendre des notes. Toujours aussi épuisée?
-Moins que la semaine dernière, mais j'accuse quand même le coup. Grogna Hataru. Mais pour demain soir... urk... j'ai promis à Kazuto, alors je ne peux pas me débiner cette fois, mais il va me falloir du courage... tu m'accompagneras?
-Je ne suis pas très soirées, désolée. S'excusa Miwa, un peu gênée.
-Tu bois pas?
-Si, mais... enfin, il finit toujours par y avoir un mec lourd qui vient me parler, et j'ai déjà assez de difficultés de couple en ce moment pour donner plus de raisons à mon mec de faire la gueule.
-Ça pourrait être l'occasion de lacher un peu prise, non? Fit remarquer avec justesse Hataru. Il le saura pas, et on sera là pour éviter les relous.
-Tu seras avec ton petit ami, je n'ai pas envie de gêner toute la soirée parce que j'ai pas envie de me faire draguer. C'est plus simple de sécher...
-Mais il y aura pas que moi... insista Hataru. Il y aura Lucie, aussi...
-Tu ne m'as pas dit qu'elle finissait la majorité de ses soirées avec un mec, en général jamais le même?
-Ok peut être pas Lucie, mais... euh... et si j'invite Rin, tu voudras venir?
Miwa dévisagea Hataru un instant.
-La fatigue fait vraiment des ravages, à ce que je vois. Tu arrives à l'imaginer à une soirée étudiante, toi?
La jeune femme haussa les épaules.
-On sait jamais, elle m'a déjà surprise à plusieurs reprises alors...
-Je pense que je passerai plus de temps à être mal à l'aise qu'à profiter si je devais passer la soirée avec elle. Fit remarquer Miwa. Je la connais à peine, et elle a pas l'air très sociable... vu comme elle est partie comme une flèche quand tu l'as invitée à manger, ça ne me donne pas grand espoir.
-Rho, mais tu parles comme si j'allais vous abandonner toute la soirée. Grogna Hataru. Vous êtes mes amies, évidemment que je vais trainer avec vous! Kazuto m'a eue pour tout le week end, il va bien pouvoir se retenir.
-Ok, mais seulement si tu parviens à convaincre Rin de venir. Déclara Miwa.
-Heeeein? Mais je croyais que tu le connaissais à peine, pourquoi ce soudain attachement?
-Oh, il y a aucun attachement, je fais juste le pari qu'elle refusera de venir et donc que j'aurai mon jeudi soir tranquille.
-Tu es maléfique... prétendit de sangloter Hataru.
La jeune femme sortit son portable, et scrolla, les yeux dans le vague. Le début de semaine avait été éprouvant, comme la précédente, mais elle avait un peu mieux tenu le coup - du moins, c'est l'impression qu'elle avait. Elle avait continué d'échanger de nombreux messages avec Rin, ce qui l'avait confortée dans le fait que, malgré leur week end passé séparément, elles s'étaient beaucoup rapprochées. Néanmoins, toujours à cause de son travail, elle savait qu'elles ne se verraient probablement pas avant le samedi suivant, ce qui l'attristait. Elle avait en réalité très envie de revoir son amie, et la soirée n'était qu'un prétexte. Cependant, l'invitation qu'elle lui envoya ne se conclut que par un refus catégorique, comme Miwa l'avait prévu.
Hataru ne se considéra pas vaincue pour autant.
"Vraiment? 。゚(TヮT)゚。 Tu ne veux pas venir même pour moi?"
"L'invitation est tentante mais je ne peux pas aller contre les préconisations de mon médecins vis à vis de mon allergie aux gens のへの"
"Aaaah elle est facile celle là... mais si tu ne viens pas Miwa ne viendra pas non plus et je vais m'ennuyer... siouplé...❀◕ ‿ ◕❀"
"Je ne suis donc qu'un deuxième choix? ( ;'Д`)"
"Non, mais c'est ma dernière carte et j'ai envie qu'on se voit un peu avant samedi"
Hataru avait elle même du mal à croire qu'elle venait d'envoyer ce message. Il lui semblait terriblement osé, et en même temps, c'était ce dont elle avait envie, et elle voulait l'exprimer de manière franche - même si cela la gênait terriblement. D'autant que la réponse de Rin mit du temps à arriver.
"Pourquoi? Te suis-je donc à ce point indispensable? ≖‿≖"
"Ça fait une semaine qu'on s'est pas vues alors une pitite sortie de rien du tout... allez... steuplé steuplé steuplé..."
"Urk... ( ̄ー ̄)"
Hataru attendit quelques instants, et un second message de Rin lui parvint.
"Ok, mais à la condition que tu fasse la bouffe avant qu'on y aille (¬‿¬)"
"Et si tu me lâches d'une semelle pendant la soirée, c'est toi qui montera et démontera les deux tentes ce week end (╯✧▽✧)╯" Ajouta-t-elle immédiatement après.
Hataru eut un souffle amusé, et un sourire se dessina sur ses lèvres.
-Houla... fit Miwa. Ton expression me fait soudain très peur.
-Dors bien ce soir Miwa parce que demain soir, on sort!
La concernée sembla abasourdie quelques secondes et demanda à vérifier elle même les messages pour s'assurer de la véracité de cette information.
-Pas possible... maugréa-t-elle. Tu lui as jeté un sort ou quoi?
-Peut être la connais-je juste plus que tu ne l'imagines, ma chère. Se vanta Hataru.
Miwa soupira.
-Bien, bien, je viendrai... à la condition que moi aussi, je puisse goûter à ta bouffe.
-Eh beh ça va faire du monde à nourrir, tout ça.
-Tu tiendras le coup?
-Largement. J'ai l'habitude. Assura Hataru.
***
-C'est ce qu'elle a dit, en tout cas. Déclara Miwa.
-C'était prévisible, clairement. Railla Lucie en poquant la joue d'une Hataru effondrée sur la table de son petit salon, profondément endormie.
-On devrait peut être juste rentrer. Proposa une Rin, visiblement peu à l'aise dans l'environnement non familier du petit appartement partagé par Lucie et Hataru.
-Hors de question. Martella Lucie. On m'a promis un repas dantesque ce soir avant la soirée, et par ma barbe, je l'aurai, ce repas!
-Elle n'a pas précisé ce qu'elle allait faire?
Un sourire malicieux apparut sur le visage de Lucie.
-Non, elle n'a rien dit... mais j'ai vu ce qu'elle a acheté hier soir, et j'ai ma petite idée.
-Dont tu ne vas pas nous faire part j'imagine, senpai? Soupira Miwa.
-Eh, mon enthousiasme devrait vous motiver. Protesta Lucie. La cuisine de Moe, j'y goûte tous les jours, alors pour que quelque chose me motive à ce point...
-Qu'est-ce qu'on fait alors, en attendant? Demanda Rin.
Nouveau sourire de Lucie.
-Vous savez que j'ai grandi avec Hataru, pas vrai...
Les paupières de Hataru papillonnèrent quelques instant, avant qu'elle ne prenne conscience de l'endroit où elle s'était endormie. Un brouhaha l'avait tirée des affres du sommeil qui l'avait rattrapée, après une longue semaine dont elle n'était pas sûre de survivre au dernier jour, le lendemain. La jeune femme se rappela soudain de la mission qui était la sienne, et que sa brusque chute dans les bras de morphée l'avait empêchée d'accomplir.
-LE REPAS! S'exclama-t-elle en bondissant de sa position quelque peu inconfortable, affalée sur la table.
-Tiens, qui est revenue du royaume des morts? Railla Lucie.
Hataru regarda sa meilleure amie, assise sur le canapé, et surtout Rin et Miwa qui flanquaient chacun de ses côtés, tout en fixant l'écran de son téléphone avec un intérêt bien trop important pour que la jeune femme puisse l'ignorer.
-Qu'est ce que tu leur montres, au juste?
-Moi? Oh, trois fois rien, juste quelques photos compromettantes de tes jeunes années.
Hataru devint livide, avant de pousser un long soupire.
-Je te hais, tu le sais ça...
-Ne dis pas ça, Hataru. La rassura Miwa. T'étais vraiment toute choupie quand t'étais petite.
-Rin a semblé surprise de voir tes... formes arrondies au collège. Ajouta Lucie.
-Quoi? Fit la concernée, interloquée. Moi? J'ai rien dit, moi.
-En tout cas, tu t'es bien affinée. Constata Miwa.
-On peut passer au repas? Grimaça Hataru, non sans jeter un regard assassin à sa meilleure amie. Je ne savais pas trop quoi faire, et vu qu'on est quand même quatre, je me suis dit qu'une petite soirée fajitas végétariens vous tenterait...
-Ouah, Hataru, tu régales mais je ne sais pas si je pourrai me lever après ça. Déclara Miwa.
-Aaaah, non, une promesse est une promesse, ce soir tu viens. Prévint la jeune femme en brandissant une louche, l'air malicieux.
Quittant le confort du canapé et des souvenirs d'enfance les moins d'Hataru, Rin s'approcha du plan de travail.
-Tu as besoin d'aide?
-Oh! Euh... eh bien, pourquoi pas.
Rin haussa un sourcil, l'air de demander pourquoi son amie semblait aussi prise par surprise.
-Disons que dans cet appartement il est rare que je reçoive la moindre aide en terme de cuisine. Ironisa-t-elle alors. Les dossiers sur Lucie sont plus gustatifs que photographiques.
Rin eut un souffle amusé.
-Tu peux couper les poivrons sur cette planche, pendant que je fais les oignons.
Face au regard intéressé de Rin, Hataru se sentit pousser des ailes et continua.
-Ensuite, on les fait revenir avec les haricots rouges, le tout agrémenté d'un mélange d'épice de ma composition. J'ai déjà préparé du guacamole et de la salsa pour accompagner, ça nous fait déjà ça de moins à faire.
-Quand à tu trouvé le temps de faire tout ça, alors que tu es débordée? Demanda une Rin dont la voix perçait d'une légère inquiétude.
-Oh... ça et là. J'en ai souvent préparé chez moi, je fais ça très vite.
-On vous regarde, nous. Lança Lucie en se laissant encore plus glisser dans le canapé.
Hataru leva les yeux au ciel, mais ne releva pas. La préparation alla très vite, Rin se montrant efficace et agile, faisant se demander à son amie si elle avait appris en travaillant au restaurant familial. Bientôt, la garniture frémissait dans la poêle, sur la plaque à induction, tandis que les crêpes de maïs achetée à la supérette la veille chauffaient lentement dans le four. Si Hataru avait eut plus de temps, elle se serait probablement tentée à les faire elle même, ne l'ayant jamais tenté auparavant; ce serait une expérience pour une autre fois, probablement.
Finalement, la table fut mise mais, entre couverts, assiettes, garnitures aussi diverses que salade, tomates, fromage rapé et cornichons, et garniture dans son grand récipient, on se retrouva bien vite serré. Cependant, la chaleur autant que la faim et la délicieuse odeur faisaient bien vite oublier l'inconfort et les coudes qui s'entrechoquent. Lucie apporta évidemment quelques bières; on n'était pas à quelques minutes près pour commencer à boire, après tout. Hataru et Miwa burent sans modération. Rin, elle semblait avoir un peu plus de difficultés à apprécier la boisson amère, ce qu'elle compensait en dévorant avec un appétit vorace les crêpes garnies. Ces dernières, tout autant que les différentes garnitures, disparurent à vitesse grand V, et il ne resta bientôt plus rien que des plats vides et des ventres rebondit.
-Toujours aussi délicieux... soupira Lucie avec aise.
-C'est la première fois que j'en mangeais. Avoua Miwa.
-Vraiment? S'étonna Hataru. Chez nous, c'est un grand classique.
Elle tourna ensuite naturellement son regard vers Rin, qui semblait déjà être en train de somnoler. Cette dernière sembla tout de même réaliser qu'on lui demandait son avis, et sortit de sa torpeur.
-J'en ai déjà mangé, mais toujours à la viande. Donc, autant dire, pas trop souvent... mais je crois que je préfère les tiens, Hataru.
Rin ne pouvait pas faire plus plaisir à la concernée, donc le visage s'illumina d'un grand sourire fier.
-Bon... il est quand même bientôt vingt et une heure, fit remarquer Lucie. On décolle?
Et c'est ainsi, l'estomac bien rempli et l'esprit déjà légèrement embrumé, que les quatre jeunes femmes s'habillèrent pour ressortir dans le grand froid, en direction de la salle polyvalente qui était réquisitionnée par les étudiants tous les jeudi soirs. La nuit était déjà noire et profonde, et la morsure glacée de cet automne allant vers sa fin ne parvint pas à altérer la bonne humeur des quatre étudiantes. Le cognement sourd des basses, accompagné du brouhaha étouffé d'une foule confinée, commença à se faire entendre. Elles croisèrent en chemin plusieurs autres groupes d'étudiants se dirigeant dans la même direction qu'elles, et dont la plupart n'étaient pas inconnus à Lucie qui les saluait joyeusement. Après ces quelques minutes de marche, elles arrivèrent à destination et se retrouvèrent noyées dans une foule excitée et alcoolisée, dansant frénétiquement sous les enceintes, ou buvant tranquillement tout en discutant.
Lucie et Hataru semblaient de toute évidence bien plus à l'aise que leur deux compagnes, particulièrement Rin, qui avançaient d'un pas peu assuré à la suite des deux premières, faisant de leur mieux pour ne pas se perdre. Lorsqu'une légère bousculade vint projeter Rin au sol, Hataru réagit cependant immédiatement, venant aider son amie à se relever pendant que Lucie incendiait les trois étudiants complètement torchés responsable de l'accident. La présidente du cercle semblait quelque peu livide.
-J'aurai pas dû venir. Marmonna-t-elle, tandis que Hataru l'aidait à se relever.
-Aaah, pas de ça. Protesta cette dernière. Une promesse est une promesse, pas vrai? Et puis, on va juste se prendre à boire au bar et se trouver un petit coin tranquille pour se poser. D'accord?
Rin soupira, mais acquiesça, tout en s'appuyant sur l'épaule de son amie pour se relever. L'incident passé, les quatre jeunes femmes commandèrent rapidement leur boisson, et se glissèrent à l'écart de la foule et de la piste de dance pour continuer à discuter tranquillement. Les verres se vidèrent peu à peu, tandis que les voix, elles, devenaient de plus en plus fortes, et les rires de plus en plus fréquents. Après un certain temps, cependant, Hataru s'inquiéta de ne toujours pas avoir vu arriver Kazuto.
-Tu vas où? Demanda Miwa lorsqu'elle se leva.
-Restez là, je vais juste voir si je peux trouver Kazuto.
-Ces deux là, jvous jure... toujours collés l'un à l'autre, et pourtant prêt à ne pas se parler pour les raisons les plus stupides.
-Clapet, Lucie. Grinça Hataru en s'éloignant.
La jeune femme se glissa au milieu de la foule, et scruta la forêt de chevelures noires comme le jais à la recherche de celle de son petit ami. Elle erra pendant un long moment, regardant régulièrement son téléphone en espérant une réponse au message qu'elle avait envoyé pour signifier son arrivée, sans succès. Lorsqu'elle le repéra finalement, en train de discuter au milieu d'un groupe proche de la piste de danse, Hataru se figea. Le souvenir était encore trop frais et cuisant pour qu'elle puisse ne pas reconnaître parmi les nombreux visages féminins qui entouraient son petit ami, ceux des femmes qui s'en étaient prises à elle quelque temps auparavant, allant jusqu'à la pousser dans une flaque. La jeune femme n'en avait parlé à personne, pas même à Rin qui se trouvait sur place, espérant que le tout n'était qu'une bêtise passagère, et que les pouffes étaient parties s'en prendre à quelqu'un d'autre. Mais revoir les expressions souriantes et enjôleuses de ces hypocrites, en train de tranquillement parler avec Kazuto alors qu'elle l'attendait depuis son arrivée, emplissait Hataru d'un profond malaise. Son cœur s'accéléra, et une désagréable sensation d'amertume se répandit dans sa bouche. Elle hésita à faire demi-tour. Puisque Kazuto semblait prendre tant de plaisir à parler avec d'autres filles, tant pis pour lui! Mais la jeune femme repensa au week end passé ensemble, à la douceur de leurs embrassades et, surtout, au poids émotionnel de leurs récentes disputes.
La communication. C'était elle même qui l'avait dit. Elle n'allait tout de même pas se laisser marcher dessus parce que quelques pouffes discutaient avec son homme. Elle n'allait pas faire demi-tour et ronger son frein en silence après qu'elles lui aient jetées au visage qu'elle ne méritait pas un parti comme lui. Hataru expira, et tenta de calmer le léger tremblement de son angoisse qui avait commencé à tenter de reprendre le dessus.
-Courage. Se motiva-t-elle. C'est ton mec, jusqu'à nouvel ordre.
Mais ses jambes refusèrent d'avancer. Elle continua de fixer du regard le petit groupe, à distance, tandis que Kazuto éclatait de rire, accompagné des gloussements de toute sa charmante compagnie. Hataru avait beau tenter de se jeter en avant, son angoisse gagnait. Elle avait repris le dessus, et la serrait à la gorge, l'assaillant de centaines de questions insensées et de doutes stupides. Et si Kazuto l'envoyait bouler? Et si les filles la rabaissaient devant lui, et qu'il ne la défendait pas? Ou prenait les choses à la rigolades? Hataru avait la sensation que tous les yeux étaient tournés vers elles, et que tous ne faisaient que la toiser avec mépris. Elle avait du mal à respirer, soudain. Elle eut envie de sortir. Elle ne voulait plus voir ce spectacle.
-Ah, t'es là.
La main qui se posa sur son épaule, et la voix légèrement trainante qui l'accompagnait, la firent sursauter. Un simple mouvement de tête fit apparaitre Rin dans son champs de vision. La présidente du cercle la fixait, de son regard impénétrable, et, immédiatement, sous la pression de cette main sur la manche de sa chemise, Hataru sentit sa respiration retomber, et sa panique s'évanouir. C'était comme si Rin venait de frapper son angoisse à l'estomac, rien qu'en apparaissant à ses côtés. Et, comme à son habitude, elle ne demanda aucune explication. Elle ne porta aucun jugement. Elle se contenta de dire:
-Bon, tu l'as trouvé. On va le chercher?
Hataru écarquilla les yeux, avant de soupirer, amusée de ses propres faiblesses et de la facilité avec laquelle Rin semblait réussir à les percer.
-Oui. Allons-y.
Accompagnée par le toucher rassurant de son amie sur son épaule, la jeune femme aux cheveux rose bonbon s'avança, son habituel immense sourire revenu.
-Kazuto! Interpella-t-elle.
Tous les regards se tournèrent vers les deux arrivantes, et Hataru fit de son mieux pour tous les ignorer à l'exception du seul qui l'intéressait.
-Hataru!
-Ça fait une heure, que je t'ai envoyé un message. Grommela-t-elle en s'approchant. Ne me dis pas que ton plan était de me laisser poireauter toute la soirée.
-N-non, excuse moi. J'ai juste pas du tout fait gaffe, et perdu trace de l'heure. S'excusa le jeune homme, avec une expression contrite.
-Hmpf. Je te pardonne, mais c'est bien parce que je t'ai fait le coup la semaine dernière. Rétorqua Hataru avec un grand sourire.
-Vous vous entendez encore particulièrement bien, pour des ex. Cingla une voix à l'aspect bien trop innocent pour les mots qu'elle venait de prononcer.
Hataru, Kazuto et Rin tournèrent leur regard d'un seul mouvement vers la source, et la première déglutit. C'était la fille qui l'avait bousculée. Elle aurait préféré oublier son nom, mais détestait se rappeler qu'une de ses amies l'avait appelée Kanako. La gorge de la jeune femme se serra, au point de ne pas être capable d'émettre le moindre son lorsqu'elle ouvrit la bouche pour répondre. Heureusement, Kazuto s'en chargea.
-Comment ça, des "ex"? Interrogea-t-il, l'air moins conciliant qu'à l'accoutumée. Je ne suis pas vraiment fan des blagues de ce genre.
-Oh, pardon! S'excusa immédiatement Kanako, en affichant un grand sourire contrit. C'est juste que j'ai cru que les rumeurs étaient correctes, et, comme elles sont arrivées ensemble et que tu n'avais pas l'air de vouloir la rejoindre...
-Comment ça, quelles rumeurs? S'agaça Kazuto.
-Ben... euh... hésita Kanako. Si elles sont fausses de toute manière, c'est pas important, senpai.
-Non, non, au contraire ça m'intéresse beaucoup. Asséna Kazuto. Surtout si à cause de ça, Hataru peut avoir des problèmes.
-Q-qu'est ce que tu racontes, je n'ai pas de problèmes. Rit la concernée, sans pour autant avoir le cœur à cela.
De quoi parlait cette hypocrite? Du fait qu'elle avait elle même cru que Kazuto et Hataru avait rompu? Elle continuait d'y croire, aussi longtemps après? Ou bien était-ce une de ces manœuvres fourbes et cruelles que certaines femmes jalouses sont si promptes à utiliser?
-Alors, Kanako? Pressa Kazuto.
-Eh bien... comme elle est beaucoup avec Rin... et que tu étais seul à la soirée jeudi dernier...
-Quel est le rapport avec Rin? S'impatienta Kazuto, avant que Hataru ne puisse réagir.
-Ah, c'est toi qui m'a poussé à le dire, senpai, alors ne t'en prends pas à moi. Soupira-t-elle théâtralement. A cause de toutes les rumeurs comme quoi Rin serait lesbienne. Du coup... les gens disent que tu as été cocu par une fille.
Un silence lourd s'abattit suite à cette explication, que Kanako tenta de compenser.
-Enfin, c'est juste des gens qui ont été avec Rin au lycée qui ont fait part de cette rumeur, hein, et du coup j'ai pensé qu'elle était vraie! Mais visiblement ce n'est pas le cas, n'est ce pas?
La jeune femme ne regardait plus Kazuto en terminant sa phrase, mais bel et bien Hataru.
-Non, ce n'est pas le cas. Souffla le jeune homme. Et franchement, je te pensais assez intelligente pour ne pas succomber à des rumeurs aussi stupides.
Sur ces mots, Kazuto passa son bras à la taille de sa petite amie, et s'éloigna.
-Stupides gamineries... grogna-t-il. On est où, au lycée?
-C'était particulièrement... inattendu, en effet. Avoua Hataru, elle même encore sous le choc de la théorie que Kanako venait d'émettre. Tu en avais déjà entendu parler?
-Les rumeurs n'apportent de toute manière que des mensonges et des mauvais moments. Déclara le jeune homme. Si qui que ce soit vient t'ennuyer à ce sujet, n'hésite absolument pas à m'en parler. Pareil pour toi, Rin. Même si... on ne se connait pas beaucoup. J'aimerai pas que tu te retrouves mêlée à ces histoires juste parce que Hataru campe avec toi.
-Hm. Merci. Répondit laconiquement Rin, tandis que le trio retournait voir Lucie et Miwa.
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