-Alors, Moe? On vit de nouveau le grand amour? 

La voix sarcastique de Lucie accueillit la jeune femme dès qu'elle mit le pied dans son appartement, le dimanche soir. Elle soupira légèrement.

-Parfaitement. Déclara-t-elle, d'un ton assuré. Et même mieux que tu ne l'imagine. 

-Oh? Lança Lucie avec un sourire énigmatique. Je suis curieuse de voir ça. 

-Hmpf. Comme si j'allais te donner tous les détails. Rétorqua Hataru avec un air suffisant. Commence par me dire où tu étais hier soir. A moins que tu ne te sois cachée dans l'appartement pour nous épier?

Lucie eut une grimace.

-Urk, mon humour commence enfin à dépeindre sur toi, et ce n'est vraiment pas une bonne chose. Se plaint la brune. Si tu veux tout savoir, je n'avais clairement pas envie de tenir la chandelle pendant votre week end en amoureux, alors j'ai gentiment déserté l'appartement pour toi. Tu pourrai me remercier. 

Hataru sourit depuis l'entrée, bataillant pour enlever ses chaussures.

-D'accord, d'accord, merci beaucoup Lucie. 

-D'ailleurs... ajouta Lucie, avec un air malicieux. Avant d'aller dormir chez lui, on est passés au bar, avec Hanamura, et tu ne croiras jamais qui j'y ai-

-Avec qui? L'interrompit Hataru.

-Le professeur Hanamura, oui. Avait répondu fièrement Lucie. Et si tu veux mon avis, c'est plus qu'une simple touche.

-Toi? Une touche? Avec un prof? Avait répété Hataru, incrédule.  

Le professeur Hanamura était assez jeune, probablement la trentaine à peine passée. Il était assez populaire auprès des élèves, puisqu'il était réellement passionné, et savait transmettre cette passion durant ses cours - cours d'informatique qui étaient pourtant loin d'être au gout de tout le monde. Il était accessible, n'hésitait pas à sortir boire avec ses élèves, à venir aux soirées ou à s'impliquer dans la vie étudiante. Et en plus, il était assez beau.

-J'ai simplement remarqué ses regards un peu insistants quand il est venu nous aider sur le stand du club basket, durant le festival culturel. Se vanta Lucie. Un long travail de séduction après, et pof... 

-Pourquoi c'est la première fois que j'entends parler de ce coup là?

-Eh, yen a plein dont t'entends jamais parler. Protesta Lucie. Parce qu'il y en a plein qui... eh bien, ne se concluent pas. Et là, j'ai conclu, donc je t'en parle.

-T'as couché avec Hanamura... j'y crois pas. Continua de s'exclamer Hataru. J'espère au moins que vous êtes sortis loin du campus. 

-A qui tu crois parler? Sourit Lucie. Je suis pas stupide, et lui non plus, d'ailleurs. Et c'est pour ça que j'ai été d'autant plus surprise de trouver quelques têtes connues parmi les clients...

-Vous avez été reconnus, en plus. Se lamenta Hataru. Tu sais que ça peut lui poser des problèmes au niveau du comité d'éthique et d'équité?

-Eh, relax, Moe. Sourit Lucie. Cette têtes connues faisaient exactement la même chose que nous, loin du campus pour être tranquilles. Mais tu serais surprise de savoir qui en faisait partie...

Un silence passa.

-Je ne serais pas surprise tant que tu ne me dis pas de qui il s'agit. Soupira Hataru.

-Tu ne veux même pas essayer de deviner? 

-Viens en au fait, s'il te plait. Déclara Hataru en s'approchant du frigo pour décider du plat qu'elle allait cuisiner pour le duo le soir même.

-Ta chère présidente du cercle. S'exclama fièrement Lucie en se levant du canapé pour s'approcher de sa meilleure amie. En plein rencard avec une meuf, et une plutôt jolie, si tu veux mon avis. 

-Oh. Déclara simplement Hataru, dont le coeur se serra pourtant un peu. 

-Comment ça, "Oh"? C'est tout ce que ça te fait de savoir que Rin a eu un rencard?

-Oui, j'étais déjà au courant. Rétorqua Hataru, en jouant la carte du calme, malgré la tristesse qui envahissait son coeur. 

-Tu étais au- eh, Moe, tu... vous... ah, c'est pas possible.

Lucie semblait sincèrement déçue que son annonce n'ait pas eut l'effet escompté. Mais son sourire espiègle revint très vite. 

-Mais t'inquiète pas, ma petite... j'ai... eh, c'est quoi ça?

-Hm? Ça quoi? Demanda Hataru. 

-Ça, à ton doigt? C'est... une bague???

-Tu l'aimes bien, hein?

Hataru se détacha de la contemplation de sa bague pour lever la tête vers Miwa. 

-Oooh, oui... Laissa-t-elle échapper. Je crois commencer à comprendre un peu mieux à quel point tous tes projets d'avenir pouvaient te sembler importants.

Miwa se laissa reculer dans son siège. Le professeur n'était toujours pas arrivé, et la plupart des élèves de l'amphithéâtre discutaient posément, chacun de leur côté. 

-Oui... c'était vraiment bien, de construire des projets d'avenir, et tout... Se remémora la jeune femme. Mais bon... j'ai appris de la manière dure que ce ne sont pas les projets du long terme qui font tenir un couple. 

-Miwa...

-Eh, ne me lance pas ce regard apitoyé. Grogna la jeune femme. Je vais très bien, même si j'ai l'impression qu'il n'y a pas un seul homme de valeur célibataire sur ce fichu campus. Je veux juste que tu prennes conscience de toutes les implications de cette bague, ma belle. Je veux dire... vous sortez d'une grosse dispute il y a à peine plus de deux semaines, et il t'offre une bague et un paquet de promesses... 

-Je pense qu'il est sincère. Assura Hataru.

-J'espère pour lui qu'il l'est, ou il aurait affaire à moi. Grogna Miwa. C'est juste... un peu tôt, je trouve. On dirait qu'il veut un peu forcer les choses, et... enfin, je trouve ça un peu risqué. Enfin, c'est que mon avis...

Hataru soupira.

-Oui, Lucie en a eu un similaire, quand elle a vu la bague, avec un peu plus de... paroles acides, on va dire. Surtout vu que Kazuto ne vient probablement plus à Ilica avec nous.

Miwa se remit droite sur son siège, soudain intriguée par le tournant de la conversation.

-Pourquoi? Demanda-t-elle. Lucie l'en a empêché à cause de la bague?

-Lucie? Non, rien à voir avec Lucie. Protesta Hataru. Enfin, si, un peu, vu que c'est elle qui l'a invité en premier lieu sans lui demander s'il avait quoi que ce soit de prévu. 

-Et... il avait quelque chose de prévu?

-Réveillon en famille, évidemment. Expliqua Hataru avec un haussement d'épaule. C'était évident, je ne sais même pas pourquoi Lucie n'y a pas pensé. 

-Il aurait simplement pu annuler pour venir avec toi. Fit remarquer Miwa.

-Evidemment que non. Répondit Hataru, un peu sèchement. Bien sûr qu'il va aller voir sa famille. Ils m'avaient même invitées, mais... dommage. Ce sera pour une prochaine occasion.

Prudente, Miwa ne s'aventura cette fois-ci pas sur ce terrain là, se rappelant des sages conseils de Lucie. Sa discussion avec la brune la semaine précédente lui rappela cependant quelque chose.

-Et il n'aurait pas pu le dire... avant? Osa-t-elle. Je veux dire... il a dit oui, Lucie a déjà prit les billets... 

-C'est le seul point sur lequel je lui en veux un peu. Admis Hataru. Je veux dire, certes, c'était évident qu'il allait choisir de le passer avec sa famille, mais... enfin, on est pas à sa place. Il aurait simplement pu nous dire qu'il pouvait pas, ça aurait évité que je prépare tout ça pour rien, ou que Lucie prenne ses billets. En plus, elle les a choisi en non remboursable! Mais comme ils ne sont pas nominatifs, j'imagine qu'elle va tenter d'amener quelqu'un d'autre... je me demande bien qui.

Miwa ne dit rien, mais elle n'en pensait pas moins. Elle était presque persuadée que Lucie savait que les choses allaient se passer ainsi. Comment, au juste? Elle n'en était pas sûre... elle avait même préparé le coup, avec des billets non nominatifs. Cependant, la jeune femme aux cheveux courts se posa tout de même une question. Si elle savait que Kazuto ne viendrait finalement pas, pourquoi un billet non nominatif? Pourquoi pas plutôt un billet remboursable? S'agissait-il réellement d'un simple oubli de la part de leur senpai?

-En tout cas, Lucie s'est bien énervée vis à vis de ce billet. Soupira Hataru. Quand j'y pense, c'est probablement pour ça que Kazuto n'a pas osé dire non immédiatement. 

-Ça, je peux comprendre. Admit Miwa. C'est difficile de dire non quand on nous propose quelque chose aussi directement, mais alors en plus face à une Lucie...

-Une Lucie qui lui en veut à mort par ailleurs, et auprès de laquelle il veut se racheter... commenta Hataru. Apparemment, l'ambiance au club est assez... hm... comment dire?

-Délétère?

-Euh... sûrement, oui. Valida Hataru, qui semblait ne pas avoir compris le mot. Mais il aurait peut être dut être honnête dès le début, parce que cette histoire ne fait qu'empirer son cas... Lucie ne peut même plus l'encadrer. 

-Parce qu'elle l'encadrait avant? Fit remarquer Miwa avec une moue peu convaincue.

-Pas vraiment. Admit Hataru avec un rire. 

-Bon, il arrive quand ce prof? Râla Miwa. Je sais que les examens sont passés et que les vacances arrivent, mais quand même... yen a qui vont devoir passer des rattrapages, ici.

-Ils t'ont dit quand tu allais devoir les passer? Demanda Hataru. 

-Mi-janvier, oui. Soupira la jeune femme. Apparemment, je ne suis pas la seule, mais... bon. Tant qu'ils n'ont pas rendu les résultats, je suis presque la seule à savoir que j'y suis.

-Peut être que je vais t'y accompagner. Rit Hataru. Vu mes performances pendant la première semaine...

-Mais non. Je suis sûre que tu es passée. 

-Je sais pas trop. Par contre, Lucie a dit qu'il y aurait probablement beaucoup de troisième année. Il y en a beaucoup chaque année, d'après elle, vu que cette année est plus dure que les précédentes. 

-Oh... peut être que ton prince charmant y finira aussi.

-Ça serait pas impossible. Admit Hataru. D'après ce qu'il a dit, il a pas l'air de s'en être beaucoup mieux sorti que moi... mais durant les deux semaines.

-Alors mon retour durant la deuxième va peut être vous empêcher de passer vos rattrapages ensembles. Fit remarquer ironiquement Miwa. Alors que moi, je suis forcée d'y aller. Enfin... je peux m'en prendre qu'à moi, j'imagine. 

-Bonjour, excusez moi du retard.

La voix du professeur résonna dans tout l'amphithéâtre, et quelques soupires déçus se firent entendre. Miwa, cependant, se concentra immédiatement sur le cours.

Le lendemain soir, au Hanako, comme tous les mardi, Hataru slalomait entre les tables pour servir les clients assoiffés. C'était loin d'être le soir le plus chargé de la semaine, et pour tout dire, il était même plutôt tranquille. Le rythme était assez lent, Hataru pouvait respirer entre chaque commande, les mouvements dans la salle étaient peu nombreux ce qui signifiait moins de chance qu'un client un peu alcoolisé la percute et renverse sa précieuse cargaison. C'était ces soirs là qui poussaient Hataru à penser qu'elle avait bien fait de choisir ce travail. Et cela lui laissait également un peu de temps pour réfléchir. Après le week end qu'elle venait de passer, il y avait de quoi. Elle admira une énième fois la bague qui luisait à son doigt avec un sourire béat. Elle était triste que Kazuto ne vienne pas, certes... mais, dans l'ensemble, tout avait été parfait. Ses paroles, promesses et la nuit passée ensemble étaient parvenus à effacer, un temps du moins, Rin de l'esprit d'Hataru. Elle n'avait pas tardé à en entendre parler de nouveau, puisque Lucie l'avait apparemment croisée lors de sa sortie du samedi soir, dans un bar. Elle n'en avait pas dit plus, et, même si Hataru avait brûlé de demander des détails à sa meilleur amie, elle s'était retenue. Rin allait de l'avant, et elle devait en faire autant. Elle ne pouvait pas y arriver si elle continuait à ronger son frein de jalousie ainsi. Elle préférait ne pas penser à la présidente pour le moment, mais elle devait admettre qu'elle appréhendait un peu le moment où cette dernière la recontacterait en vue de leur sortie camping du week end à venir. Les choses seraient sûrement très gênantes, mais... c'était une étape nécessaire à passer pour revenir comme avant. Probablement.

-Oï, gamine. L'interpella la voix acre de la tenancière. Table douze, on a des clientes. 

-Je suis sur le coup. Lança la jeune femme en saisissant son plateau. 

L'avantage, quand il y avait peu de monde, c'est que cela laissait du temps à Hataru pour réfléchir. Le problème, c'est que, comme d'habitude, elle finissait par réfléchir un peur trop, et soit se déconcentrer, soit se déprimer. Il fallait des pensées joyeuses. Des pensées joyeuses, s'intima-t-elle. Pas de Kazuto ne pouvant pas venir. Pas de Rin, pas de billets non remboursable... Hataru pensa à ce que lui avait dit Lucie le dimanche soir, en rentrant. Elle et Hanamura, hm... ce n'était pas courant pour Lucie de prendre ce genre de risque. Elle aimait bien batifoler, mais en toute tranquillité. La prise de tête ne lui allait pas, et c'était probablement la raison pour laquelle elle ne se voyait pas en couple avec qui que ce soit. Mais un professeur... c'était autre chose. Peut être Lucie avait-elle finalement commencé à trouver l'amour? Quelques temps plus tôt, cela aurait semblé impossible à la jeune femme. Mais quelques temps plus tôt, elle pensait être une pure hétéro, alors elle avait fini par accepter que les choses pouvaient changer... Si Lucie commençait à avoir des pensées plus sérieuses... peut être que c'était la raison pour laquelle elle n'essayait pas de revendre le billet non nominatif? Après tout, elle aurait pu en tirer un bon prix à la revente. Mais peut être le gardait-elle pour le professeur... après tout, quoi de mieux que de l'inviter dans l'immense villa des Delbos pour lui en mettre plein la vue? Et un voyage tous frais payés, en plus. Connaissant Lucie, elle voudrait également voir le visage que ferait sa mère, Nathalie, en lui ramenant cette fois-ci un homme presque dix ans plus âgée qu'elle. Lucie aimait beaucoup faire tourner sa génitrice en bourrique. C'était un trait de famille parmi les filles de Nathalie, apparemment. Hataru ne put s'empêcher d'imaginer également la tête qu'elle ferait, et de laisser un sourire se glisser sur ses lèvres. Jusqu'à ce qu'une voix la tire de ses pensées.

-Hataru?

La jeune femme se figea. Ses pas l'avaient naturellement menée à la table douze, comme le lui avait indiqué Hanako-san. Alors... pourquoi Rin y était-elle assise? En face d'une magnifique jeune femme?

Cette dernière avait de long cheveux ondulés teint en blond clair. Elle avait de grands yeux pétillants, des pommettes saillantes et des lèvres à en tomber par terre. Son maquillage n'était pas en reste, soulignant sa beauté autant que sa tenue simple mettait en valeur ses formes. Le regard de Hataru glissa naturellement de cette belle inconnue à Rin, tandis que son esprit semblait se vider de toute substance.

-Vous vous connaissez? Demanda l'inconnue à Rin, d'un air plus curieux qu'inquisiteur.

-Oui, hm... nous sommes dans le même club. Expliqua Rin. Et nous sommes bonnes amies, aussi, je... je ne savais juste pas que c'était ici que tu travaillais, Hataru.

-Oui... euh... eh bien, c'est... ici que je travaille. Répondit robotiquement Hataru, qui n'était pas sûre d'être capable de supporter ce qui se passait face à elle.

-Ecoute, c'est... c'est une mauvaise blague de Lucie. Tenta de se justifier Rin. E-elle m'a dit que c'était un bar discret, et vu que je ne connais pas vraiment les bars...

Lucie... était-ce cela qu'elle voulait lui dire, avant qu'elle ne remarque sa bague? C'était une blague qui lui ressemblait... Mais sa meilleure amie ne pouvait sans doute pas comprendre à quel point c'était douloureux. Elle ne savait, après tout, pas tout ce qu'il s'était passé entre elles. Elle avait simplement pensé lui faire une surprise, mais voilà que Rin était venue, non pas seule, mais...

-Tu ne nous présente pas? Demanda l'inconnue, un peu insistante.

-A-ah, s-si, pardon. S'excusa Rin. Hum, Hataru, voici... Akemi. Je l'ai rencontrée... tu sais... samedi. 

-Oh. 

-Enchantée, Hataru. Sourit Akemi, et ce sourire était tout simplement éblouissant. 

-E-egalement enchantée. Répondit Hataru, toujours sous le choc. 

Un silence tomba sur le trio, et ce fut Akemi qui le brisa finalement.

-J'imagine que tu as du travail, nous n'allons pas te retenir trop longtemps. S'excusa-t-elle avec un sourire contrit. Je prendrais une asahi. Et toi, Rin?

-Euh... je...

-La même chose qu'à Izu? La coupa Hataru. On en a.

Rin resta figée un instant, avant de lui sourire avec reconnaissance.

-Oui, je prendrais ça, s'il te plait.

-Pas de problème. Lança Hataru. Je vous amène ça tout de suite. 

Le cœur de la jeune femme était lourd. Akemi était belle. Magnifique, même. Rien à voir avec elle, son visage trop banal, ses cheveux abimés par les teintures successives, les cernes sous ses yeux... Rin avait de la chance. Oui... cela faisait sens que Rin l'ai choisie, elle. Et Rin aussi était belle, en plus d'être passionnante une fois sa coquille brisée. Rien d'étonnant à ce qu'Akemi soit aussi tombée sous le charme, au point de se revoir si tôt après leur première rencontre. Hataru avait la gorge sèche. Elle n'avait pas pu s'empêcher de proposer la bière que Rin avait acheté, à Izu. Elle n'avait pas pu s'empêcher de mentionner le lieu, de rappeler le soir où tout avait basculé, comme une tentative puérile de se rappeler aux souvenirs de la présidente. C'était égoïste, et stupide. Hataru le savait. Rin allait de l'avant... oui, c'était juste ça... et elle devait le faire, elle aussi. 

En remplissant le verre de Rin, elle regretta de lui avoir proposé cette bière. Car, désormais, son goût serait peut être plus associé aux beaux yeux d'Akemi qu'à la douceur des lèvres d'Hataru.

Cette fois-ci, Rin ne tarda pas à revenir voir Hataru, et cette dernière n'eut même pas à la chercher - bien qu'elle en ait eu de toute façon très peu envie. Sa voix si distinctive retentit tandis que Hataru se séparait de Miwa pour la journée dès le lendemain de leur rencontre au bar.

-Hataru... je peux te parler deux minutes? 

-Hm... p-pas trop longtemps, alors. Répondit Hataru. Je dois aller me préparer pour aller au bar.

-Ça ne sera pas long. Promit-elle.

Hataru retint un soupire. Elle ne pouvait pas y échapper, de toute manière. Pourquoi voulait-elle y échapper, au juste, alors même qu'elle avait tant cherché Rin la semaine précédente? Peut être parce qu'une part d'elle, jalouse, possessive et un peu méchante, se disait que Rin la renfermée aurait bien du mal à parvenir à s'intégrer dans un date groupé. Et la rencontre de la veille lui avait renvoyé dans la figure ses considérations condescendantes. Hataru avait honte d'elle même. Honte d'avoir secrètement eut cet espoir, même si elle ne l'avait réalisé que tard. Honte d'être encore jalouse, quand bien même elle avait rejeté Rin. Honte de ne pas arriver à aller de l'avant comme son amie le faisait. La jeune femme dit rapidement au revoir à Miwa, avant de suivre Rin à l'écart de la foule qui sortait des derniers cours de la journée. 

-Hm... je suis vraiment désolée, pour hier. Commença Rin. J-je ne mentais pas en disant que-

-Je te crois, Rin. Soupira Hataru. Et, de toute manière, il allait bien falloir que tu me présentes ta copine un jour. Tu n'allais pas la cacher définitivement, et je ne vais pas la manger.

Hataru n'était pas sûre de cette dernière affirmation.

-Je... hm... on... ne sort pas ensemble. Déclara Rin, visiblement très gênée d'aborder le sujet.

Hataru en resta bouche bée.

-Mais... mais vous êtes ressorties ensemble hier, c'est...

-On avait juste accepté de se revoir. Expliqua Rin. Je... je devrais dire qu'on ne sort pas encore ensemble, mais c'est... un peu trop optimiste, donc...

-Eh, ne dis pas ça. La reprit Hataru. 

-Je suis juste réaliste. Contra Rin. Je veux dire... tu l'as vue. Elle est... très clairement bien au dessus de ma ligue.

-N'importe quoi. Protesta Hataru. 

-C'est vrai. Assura pourtant Rin. Je ne sais même pas comment j'ai réussi à séduire quelqu'un comme toi, alors... réussir une deuxième fois de suite...

Hataru rougit autant qu'il était possible de le faire, et, réalisant ce qu'elle venait de dire un peu tard, Rin en fit tout autant.

-P-pardon. S'excusa-t-elle. C'était... juste... vous êtes clairement toutes les deux bien au dessus de ce que je pourrai jamais espérer, et-

-Non. Martella Hataru en fixant son regard dans celui de Rin. Ce n'est pas une question de... ligue, ou ce genre de bêtise. Je... enfin... l'amour, c'est bien plus qu'une question d'apparence. C'est une question de... connexion. De rencontrer quelqu'un, d'apprécier sa personnalité, son humour, ses passions, ses petits défauts, et... c'est là qu'on tombe amoureuse. C'est tout. L'apparence, c'est... ça vient après. Mais...

Hataru fixa son regard dans celui de Rin.

-Mais tu es très belle, Rin. Je l'ai toujours pensé... et je le penserai toujours. Ne te rabaisse pas comme ça.

Ce fut au tour de Rin de ne plus savoir où se mettre. 

-Tu es trop honnête, Hataru... laissa-t-elle échapper en détournant le regard.

-Tu as fais pareil juste avant. Fit remarquer la jeune femme.

-C'est toi qui dépeint sur moi.

-Ah, donc c'est de ma faute en plus. Bouda-t-elle.

Le rire de Rin retentit, et Hataru réalisa à quel point il lui avait manqué. Tellement... tellement manqué. 

-Hum... finit par reprendre Rin, après s'être calmée. Elle... Akemi a proposé qu'on se revoie pour un cinéma, et un restau. Hum... ce samedi soir.

Les papillons dans le ventre de Hataru se fanèrent comme les fleurs à la fin du printemps. 

-Donc... pas de camping ce week end non plus, hein? Dit Hataru avec amertume.

-J-je suis désolée, Hataru. C-c'était pas prévu, et c'est le seul moment qui colle dans nos emplois du temps... O-on ira le week end d'après. J-je te le promets. J-je veux vraiment y retourner, c'est juste que-

-Les vacances. La coupa Hataru d'une voix éteinte.

-Les... vacances?

-Le week end d'après. C'est les vacances.

Hataru déglutit pour ravaler le gout de bile qui se répandait dans sa bouche.

-Je serai rentrée à Ilica.

Rin entrouvrit la bouche, puis la ferma, désemparée. Hataru, elle, souriait légèrement avec une ironie amère. Rin allait de l'avant, en effet. Mais peut être que dans l'avant, il n'y avait pas de place pour elle... Elle allait de l'avant, faisait passer Akemi avant elle, et, une fois qu'elles seraient ensemble... cela deviendrait la norme, et peu à peu... peu à peu... il n'y aurait plus de place pour Hataru auprès de Rin.

-Je peux annuler. 

La voix tranchante de Rin tira Hataru de ses sombres pensées.

-Q-quoi? Répondit Hataru d'une voix faible.

-Le rendez vous. Je peux annuler. 

-Mais... pourquoi?

-Parce que... j-je t'ai promis, alors...

-... et la vraie raison?

Rin déglutit, et le regard des deux femmes se figea l'un dans l'autre un nouvelle fois.

-... tu sais bien que je déteste te voir triste. Murmura Rin.

Hataru dut se faire violence pour ne pas s'emparer des lèvres de son amie sur le champ. Elle déglutit à son tour, et calma le battement frénétique de son cœur. Un léger sourire se fraya un passage vers son visage. Rin... pour Rin non plus, aller de l'avant n'était pas si simple. Pourquoi Hataru s'était-elle imaginée l'inverse? Pourquoi avait-elle cru que la présidente allait tout simplement tout plaquer d'un coup, et passer à autre chose comme si c'était chose aisée? Ces sentiments... toutes deux les partageaient, et toutes deux bataillaient pour tenter de passer outre. Hataru n'était pas la seule à en souffrir. Hataru n'était pas la seule à avoir du mal à s'en défaire. 

-Non. Dit-elle finalement. Vas-y. Ne t'en fais pas pour moi.

-Mais-

-Rin... la coupa Hataru. Pourquoi fait-on ça? Ce n'est pas... justement pour que l'on puisse retourner camper sans plus avoir à se soucier de rien? Pour... profiter comme avant? 

Il en coûtait à Hataru de dire tout cela, mais elle savait que c'était la décision mature à prendre. Il fallait qu'elle cesse de se comporter en enfant, bêtement jalouse, à croire souffrir plus que tout le monde. 

-Ne laisse pas passer ta chance avec Akemi. Continua-t-elle. Qui sait quand une autre se présentera? Prends juste bien le temps de la connaitre, et de tomber amoureuse d'elle, avant de d'aller plus loin. Je... tu n'aimes pas me voir, triste, mais j'aimerai vraiment te voir heureuse, pour une fois...

-Hataru... mais... et toi?

-Je vais aussi de l'avant. J'ai la chance d'avoir Kazuto à mes côtés. 

Hataru baissa les yeux vers sa bague, et Rin suivit son regard. Elle tressaillit légèrement à la vision de l'anneau autour du doigt de sa jeune amie. 

-Si nous allons trop vite... reprit Hataru. Qui nous dit que nous ne feront pas de nouveau quelque chose que nous regretterons? Prenons le temps, et... tout ira bien. J'en suis sûre.

Rin hocha la tête en silence. Hataru, elle sourit.

-Je vais te laisser. Je dois aller au bar. N'hésite pas à repasser à l'occasion, avec ou sans Akemi.

-D'accord. Répondit Rin, d'une voix peu assurée. J'y penserai. Bonne soirée.

-Bonne soirée.