-Et du coup Kazuto te fait la gueule? Demanda Lucie.

-En gros, c'est ça. Il est vexé que j'ai choisi le cercle avant de lui en parler, ce qui est probablement un bon point... mais je lui ai dit dès le départ que je cherchais un truc pour moi, et il s'est mis en tête que ça devait être un truc pour nous.

-Si t'avais essayé d'être directe avec lui depuis le début, t'en serai peut être pas là. Fit remarquer Lucie.

-Mais comment je peux lui dire que je quitte le club de basket parce qu'il me rend pas heureuse? Que je cherche un truc pour combler ce vide? Ça voudrait juste dire que, lui non plus, ne peut pas le remplir. Et je sais vraiment pas comment il va le prendre.

-Mais maintenant tu sais qu'il apprécie pas que tu fasses des choses sans lui.

-Ça je le savais déjà. Grogna Hataru. J'ai pas fait une seule soirée sans qu'il soit présent depuis qu'on est ensemble.

-Je trouve ça mignon, perso.

-Moi aussi, mais dans une certaine mesure. Soupira Hataru. Me péter un cable en plein campus comme ça? Heureusement que Rin était déjà partie. Le fait que Mayuri lui ait pas dit où j'étais allée a pas du aider. Il a pensé que je lui avais demandé de me couvrir.

-Ouais bon là, j'avoue, il abuse un peu.

-Oui, quand même.

Hataru soupira en s'effondrant sur une des chaises de la petite cuisine de leur appartement.

-Et jme faisais déjà une telle joie de partir avec Rin... tu parles d'un ascenseur émotionnel.

-Eh, eh, Moe. Interpella Lucie, en utilisant le surnom qui collait à la peau d'Hataru depuis son enfance. Tu vas pas tout annuler juste parce que ton mec te fais un caca nerveux, quand même?

-N-Non? Enfin, je sais pas... si je vais juste au club cuisine, il pourra coller ça dans son emploi du temps, Rin pourra continuer son camping en solo sans être dérangée, et ça m'ira plutôt bien.

-Et c'est justement mon problème. Asséna Lucie en enfonçant son doigt dans la poitrine d'Hataru. Qui est venue se plaindre qu'elle voulait pas que son mec la suive dans son nouveau club, après que j'ai fait la boulette de parler de visiter les clubs devant lui? Et maintenant, tu vas laisser passer ton choix numéro un pour te satisfaire du deuxième juste pour lui? J'aime bien Kazuto, mais à un moment, c'est ta vie Moe. Tu veux aller camper avec cette asociale chronique? Laisse personne t'en empêcher.

Hataru se sentit légèrement mieux, après le petit discours de Lucie. Elle se doutait que le problème reviendrait la hanter plus tard dans la soirée, mais, pour le moment, elle arrivait à s'en détacher.

-Aller, et pour fêter ça, je t'emmène à l'italien ce soir. Ça fait longtemps.

L'esprit de la jeune femme passa immédiatement en mode nourriture, et toute idée de la dispute avec Kazuto s'évapora immédiatement.

-Oh, oui, pitié, je meurs de faim. Supplia-t-elle.

-Comme toujours. Railla Lucie avec un sourire amusé. Allez, tu vas aller dormir une nuit dans le froid de canard de Yamanashi et nous revenir toute ressourcée et en pleine forme.

-Merci de bien vouloir m'amener, d'ailleurs.

-Tout pour ma petite Moe. Ricana Lucie en saisissant son amie par le cou et en ébouriffant ses cheveux rose pâle.

-Ah, et aussi. Parvint à articuler Hataru après s'être échappée de l'emprise de Lucie. Sois pas aussi méchante avec Rin. Elle est un peu rude, mais elle est cool.

-Je devrais la couvrir de cadeau, c'est elle qui va devoir te babysitter deux jours et une nuit après tour.

-Me babysitter? Rappelle moi qui doit te réveiller un jour sur deux parce que tu ne sais pas configurer correctement une alarme?

-Oulah, on va être en retard pour notre réservation, on devrait se dépêcher.

-On a pas réservé! Et arrête d'essayer de fuir le sujet!

Le sujet fut pourtant rapidement fui dès qu'Hataru se retrouva face à face avec une pizza dégoulinante de fromage.

Le mercredi arriva vite. Trop vite, au goût d'Hataru. Les quarante huit heures s'étaient éclipsée en un clin d'oeil, et la jeune femme se retrouva devant la porte du cercle sans avoir pu régler quoi que ce soit avec Kazuto, qui ne lui avait adressé la parole depuis le lundi soir. Butée, Hataru avait alors décidé qu'elle en ferait tout autant, et ne le contacterait pas, mais cela s'était avéré bien plus difficile qu'elle ne l'avait anticipé et elle avait dû se retenir à plusieurs reprises de lui envoyer un vocal pour s'excuser. Elle avait certes mal agi sur certains points, mais cela ne changeait en rien le fait que son choix de rejoindre le cercle était acté, que cela arrange Kazuto ou non. Comme pour marquer son engagement, Hataru toqua solennellement à la porte de la salle du cercle, et attendit.

Longtemps.

Très longtemps.

Elle hésita à contacter Rin, mais avait peur de déranger. Elle ne lui avait jamais envoyé ni message ni vocal, après tout. Peut être que la présidente n'aimait pas se servir des réseaux pour communiquer. Finalement, alors que le sujet du contact de Rin était en train de se transformer en sujet d'anxiété, cette dernière apparut au coin du couloir.

-Déjà là? S'étonna-t-elle. T'es motivée, au moins.

-J'ai cru que c'était annulé, pendant un instant. Avoua Hataru en se grattant la tête.

-Je t'aurai envoyé un message si c'était le cas. J'ai juste un peu de marche depuis mon bâtiment, et mon cours a fini un peu plus tard.

La clef bipa sur la serrure électronique, et Rin poussa la porte du débarras qui servait de salle au cercle. La présidente s'étira, posa son manteau dans un casier et alla s'asseoir sur le meuble au bout du couloir avec un soupire d'aise. Hataru la rejoignit rapidement.

-Bon! De mon côté, j'ai demandé pour la tente et il devrait pas y avoir de problème. J'ai aussi appelé le camping du lac Shibire, ils ont de la place et le coin est très sympa en automne. C'est accessible facilement en voiture, donc yaura pas de problème pour te déposer.

-Cool! S'exclama Hataru.

-Et... de ton côté? Demanda Rin, face au silence de son interlocutrice.

-Oh! Oui, pardon. J'ai demandé à Lucie, elle a aucun problème pour m'amener, elle a même proposé de t'amener aussi si ça t'arrangeais.

-Ça ira, mon scooter et moi on s'entend bien. Assura Rin.

-Je lui dirai. Répondit une Hataru un peu déçue. J'ai aussi réfléchi au menu, et je pense faire des nikuman qu'on fera réchauffer avec un peu de beurre. Comme ça, moins de cuisine sur place, et en plus c'est délicieux. Puis j'ai promis à Mayuri-senpai que je lui ferai gouter la recette Tsukino.

-Tu as l'air de bien t'entendre avec Mayuri-san.

-Hm, sans plus, je dirai? Avança prudemment Hataru.

Elle ne savait pas encore quoi penser de l'interaction entre les deux femmes, le lundi précédent. Il était clair qu'elle se connaissaient, mais que l'entente n'était pas particulièrement cordiale. Qu'avait-il pu se passer entre ces deux là? Hataru avait très envie de demander, mais pensa que Rin n'aurait pas vraiment envie de répondre à ce genre de question. Et, de toute manière, ce n'était pas ses affaires.

Un éclair de lucidité traversa l'esprit d'Hataru.

-Au fait, Rin... j'ai... oublié de le préciser plus tôt, mais il est possible que Kazuto veuille aussi rejoindre le cercle. Tu sais, mon petit ami. Il...

-Vous êtes encore ensemble? S'étonna Rin.

-À ma connaissance, oui? Répondit Hataru, toute aussi confuse. C'est juste qu'il s'est mis en tête de rejoindre le même club que moi, et qu'il pensait que j'allais rejoindre le club cuisine. En plus, les sorties le week end et tout, ça colle pas trop avec son emploi du temps...

-Oh, je vois. Fit Rin en rougissant, et en tentant de cacher son visage sur lequel la gêne se lisait.

-Qu'est ce qu'il y a? Dis moi! Insista Hataru.

-Comme tu as quitté le club basket, je pensais que vous vous étiez disputés et que vous aviez rompu.

-Ah... non, j'ai juste décidé de partir parce que je n'avais pas le sentiment que c'était un lieu auquel j'appartenais vraiment. Si... ça fait sens.

-Mais tu ne penses pas que tous ceux que tu laisses derrière toi vont être terriblement triste de ton départ.

-Peut être, mais parce que je pars ne veut pas dire qu'on ne se verra plus, ou que je cesse de les apprécier. Et puis, ils ont trop de kouhai pour savoir quoi en faire. Une de plus, une de moins...

-C'est une façon de voir les choses. Admit Rin. Mais je peux comprendre le désir de Kazuto de vouloir te suivre. Partir ainsi en laissant derrière soi ceux qu'on a rencontré, ceux avec qui on a bâtit des choses... ça laisse des cicatrices.

-Mayuri-senpai m'a dit à peu près l'inverse. Gloussa Hataru.

Rin eut un rire cynique.

-Ça ne m'étonne pas d'elle, tiens.

-Pourquoi?

-Pour rien.

-Dis moiii, tu ne peux pas commencer et...

-... ne pas finir, oui, je sais. Soupira Rin.

Elle se tint la tête un moment. Puis, elle se lança.

-Mayuri-san est l'ancienne présidente du cercle d'activités en plein air.

-Vraiment? S'exclama Hataru. Remarque, ça explique pourquoi elle en savait autant à son sujet alors que le reste du monde semble ne même pas être au courant de son existence.

-Oui. Elle était déjà présidente quand je suis arrivée, l'an dernier, mais le cercle était déjà quasiment mort. Elle a bien tenté de le revitaliser, mais le cœur n'y était pas vraiment. Et, finalement, avant la fin de l'année, elle est partie au club cuisine rejoindre Suou-san. Les autres membres sont partis les uns après les autres, après ça, et il n'est resté que moi.

-Oh...

Hataru comprenait soudain beaucoup plus autant l'interaction glaciale entre les deux femmes que les conseils de Mayuri vis à vis de son départ du club, ou les réticences de Rin en la voyant quitter son club de manière si inconsidérée.

-Je ne suis pas Mayuri-senpai, cependant. Fit remarquer Hataru. Au club basket, je ne suis qu'une parmi tant d'autres, et je n'ai aucun rôle important. Mais je suis sûre que Mayuri-senpai avait de bonnes raisons de quitter le cercle.

-Oh, certainement de très bonnes. Railla Rin. Donner un semblant de groupe à une première année avant de tout plaquer en lui refilant les clefs, j'ose espérer qu'elle en avait une bonne.

-Elle ne l'a jamais expliquée?

Rin sembla hésiter un instant, avant de se braquer.

-Non, jamais. Ça fait au moins une différence entre vous deux. Et pour en revenir à ton histoire, Kazuto peut venir si ça lui fait plaisir, même s'il ne participe pas aux sorties. Je peux au moins faire ça pour lui donner un peu de paix de conscience.

-Tu parles comme si je le trompais. Grogna Hataru.

-Absolument pas. Peut-il venir dès aujourd'hui?

-Eh bien... nous sommes un peu en froid depuis que j'ai décidé de rejoindre le cercle, alors je dirai que non.

Rin soupira.

-Ça ressemble pas à un couple qui va bien, ça. Tu es sûre que tu as bien fait de quitter le club basket?

-Certaine. Parce que rien de ce que je faisais là bas ne m'a l'air seulement un quart aussi intéressant que ce qu'on va faire au cercle.

Rin fixa Hataru quelques instants.

-C'est probablement ce qu'a dû se dire Mayuri-san au moment de quitter le cercle. Dit-elle amèrement.

Hataru ne sut que répondre à cela.

-Bon! S'exclama soudain Rin. Je parles décidément beaucoup trop pour ne rien dire, aujourd'hui. Je pense qu'on a pas grand chose d'autre à se dire. On peut se revoir samedi, j'essaierai de te montrer comment faire un feu. Et si Kazuto peut passer au passage, ce sera bien. On pourra également se faire une idée de la météo le samedi suivant.

-Et si la météo annonce mauvais?

-On décale.

Hataru gémit.

-T'en fais pas, en général, je suis plutôt chanceuse là dessus. Rétorqua Rin. Tout va se passer comme sur des roulettes.

-Très bien, cheffe! S'exclama Hataru, ravie.