Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

A coeur ouvert

Lucie gara sa voiture à peine quelques minutes plus tard. Bien loin de se rapprocher de la mer, les deux femmes s'en étaient éloignées, s'enfonçant au cœur de la péninsule et longeant la rivière Kano qui la traversait et qui coulait toute proche. Cette fois-ci encore, le scooter de Rin était déjà garé, les ayant devancées malgré la puissance supérieure de la voiture de Lucie.

-Comme ça au moins, c'est pas nous qui devons attendre. Se vanta-t-elle tout en s'étirant comme elle avait l'habitude de le faire à chaque fois qu'elle quittait son volant adoré. 

Hataru resserra sa doudoune autour de son torse. Bien que le jour soit désormais bien avancé désormais, la fraicheur de la fin d'automne se faisait ressentir, malgré le soleil perçant au travers de la fine couche de nuage. L'adresse donnée par Rin détonnait au milieu des autres bâtiments de la petite ville de Makinoko. Contrairement aux vieux immeubles de béton qui le cotoyaient, le restaurant était une bâtisse circulaire en grande partie en bois, à laquelle on accédait via une petite porte sur le côté, semblable à l'entrée d'une coquille d'escargot. L'intérieur était tout aussi boisé, comme si l'architecte avec refusé que l'on fasse appel à un quelconque autre matériau - à l'exception du verre des nombreuses fenêtre. Le centre du bâtiment était occupé par un bar circulaire, entourant la cuisine. Le long des murs extérieurs, s'alignaient des tables et banquettes sur lesquelles on pouvait également déjeuner si l'on ne souhaitait pas manger au bar, face aux cuistots. Rin était déjà attablée à l'une d'entre elles, et un serveur au sourire charmeur mena les deux nouvelles venues jusqu'à elle. 

-Sympa l'ambiance. Admit Lucie avec un regard circulaire admiratif, tout en prenant place sur sa banquette. 

-C'est très réputé, dans la région. Déclara Rin. C'est un restaurant assez vieux, après tout. Presque une institution.

-J'espère que le prix n'est pas au niveau de la réputation. Gémit Hataru.

-T'en fais pas, Moe. Est-ce que je vais te laisser payer le moindre truc ce week end? Absolument pas.

-Mais-

-Tetete. Pas de discussion d'argent, c'est déjà décidé.

-C'est facile à dire si tu ne me laisse même pas protester! S'indigna Hataru.

-Tu n'as pas le droit à la parole, nous organisons, et nous payons. Trancha Lucie avec un sourire triomphant.

Hataru se renfrogna et se laissa couler contre le dossier de sa banquette, boudeuse. 

-T'en fais pas pour elle. Déclara Lucie à Rin. Dès qu'on parle argent, ya pas plus têtue.

-Pas plus têtue que toi, oui. Grogna Hataru, mais Lucie l'ignora.

-Qu'est ce qu'on mange de bon, ici? Ya une spécialité, un truc dans le genre?

-Tout à fait, chère cliente.

La voix était celle du serveur ayant mené Lucie et Hataru à leur table. Il venait d'apparaître au bord de la table, un grand sourire franc aux lèvres, dans son uniforme noir. Son regard était rivé sur Lucie, et cette dernière ne fit pas mine de ne pas le remarquer.

-Hum, très bien. Fit-elle de sa voix enjôleuse qui fit lever les yeux au ciel à Hataru. Parlez en moi donc...

-La spécialité de notre restaurant depuis plusieurs génération est le tonkatsu. Reprit l'homme avec une fierté à peine dissimulée. Il s'agit de porc pané et frit, servi avec sa sauce et son assortiment de légumes ainsi qu'avec une soupe miso. Bien évidemment, notre chef en propose plusieurs variations, que je vous laisserai découvrir sur la carte. Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas.

-Merci beaucoup pour ces clarifications. Roucoula Lucie avec un sourire lui montant jusqu'aux yeux. 

-Bon... je ne sais pas si l'explication du tonkatsu était nécessaire... admit Rin une fois le serveur parti, non sans avoir jeté plusieurs coups d'œil à Lucie.

-Tu l'as encore jamais vue à l'œuvre, mais c'est la tactique de la touriste étrangère. Soupira Hataru. Apparemment très efficace pour séduire les japonais. 

-Que veux tu... entre ma gueule et mon accent, personne ne s'imagine que j'habite ici depuis des années, et que j'ai englouti des dizaines d'assiette de tonkatsu. Déclara Lucie en haussant les épaules. Mais le rôle de la touriste un peu perdue plait beaucoup, d'après mon expérience.

-Vraiment? Demanda Rin, avec une expression peu convaincue. Je veux dire, nous sommes trois à cette table dont deux qui n'ont pas vraiment des têtes de touriste. Ça devrait pas être si difficile de supposer qu'on t'as déjà expliqué ce qu'on allait manger.

-Mais ça, il n'a pas besoin de le savoir... sourit Lucie en faisant papillonner ses cils. Les japonais sont si friands d'étrangers... et mon charme naturel fait le reste. N'y succombe pas trop, Rin.

-Aucun risque. Ricana la concernée. 

-Attends au moins qu'on ait payé avant de lui sauter dessus, s'il te plait. Soupira Hataru.

-Eh, Moe, pour qui tu me prends? C'est ton week end, je vais pas te lâcher pour un mec. Protesta Lucie. Un beau mec, cependant... 

Hataru leva une nouvelle fois les yeux au ciel, avant de se plonger dans le menu. Du tonkatsu... elle avait eu l'occasion d'en cuisiner quelques fois, et celui que faisait Aki était délicieux. Mais c'était la première fois qu'elle en commandait dans un restaurant, et un réputé pour ce plat, qui plus est. Les photos accompagnant les descriptions de chaque plat lui mettaient déjà l'eau à la bouche, ce qui ne manquait pas d'amuser Rin. Les commandes passées, et les plats apportés, elle n'hésita pas une seconde avant de se jeter sur les fines tranches de viande tendre, dont la surface panée craquait légèrement sous la dent, le tout accompagné du gout légèrement sucré du choux japonais... Hataru laissa échapper un sourire de plaisir, sous le regard attentif de Rin. Lucie, de son côté, continuer de feindre la découverte, ainsi qu'un raffinement dont elle était pourtant loin de faire preuve au quotidien - le tout faisant partie du rôle qu'elle jouait sous le regard assidu du serveur, qui revint très rapidement demander l'avis de la tablée sur le plat.

-Délichieux! S'exclama Hataru la bouche pleine.

-C'est tout simplement exquis! S'exclama Lucie jouant théâtralement la surprise. Tout simplement fameux. Vous l'avez vous même cuisiné?

-Oh, non, c'est mon oncle qui tient les cuisines, et il ne me laisse pas encore y toucher lorsqu'il s'agit de la nourriture des clients. Mais il a bien tord... si vous voulez tout savoir, c'est qu'il a peur que je lui vole trop vite sa place de chef. Ce tonkatsu est délicieux, mais le mien pourrait faire saliver les dieux.

-Vraiment? Répondit Lucie avec des yeux de chats. Ho, maintenant j'ai vraiment envie de goûter au votre... 

-Eh bien...

Un cri retentit depuis l'îlot central de la cuisine pour rappeler le jeune serveur à l'ordre, l'interrompant alors qu'il allait devoir tenter de prouver ses dires. 

-S'il est aussi bon cuisinier qu'il le dit, je doute qu'il serait cantonné au service. Ironisa Rin.

-Bien évidemment qu'il exagère. Répondit Lucie en haussant les épaules. Il cherche à m'impressionner, je fais mine de l'être, c'est tout le principe. Enfin... nous ne sommes que de passage de toute façon, alors ce n'est pas comme si c'était important.

-Tu pourrais juste manger sans faire toutes ces histoires si c'est pas important. Fit remarquer Hataru.

-Continue de penser comme ça, et ton nouveau célibat va durer longtemps. Ironisa Lucie. La séduction, c'est un savant mélange d'affut saupoudré d'un peu de mensonge. 

-Mmm pour avoir des coups d'un soir ça marche peut être, mais pour casser un célibat... protesta Hataru.

-Tu fais comme si tu t'y connaissais, mais ce n'est pas en t'empiffrant comme ça qu'un prince charmant va te tomber dessus. Taquina Lucie. 

-Et pourquoi pas? Interrompit Rin qui avait suivi l'échange en silence jusque là. Ça lui donne un côté honnête et plutôt mignon. 

Hataru sentit la chaudière de son corps monter de quelque degrés, tandis que Lucie répondait.

-Mignon? Elle mange si vite qu'on dirait un hamster avec ses joues remplies! Combien de fois je t'ai dit de prendre ton temps, Moe! Savoure un peu.

-Il faut croire que j'aime bien les hamsters. Rit Rin. 

-Oh, je les adore aussi, et j'adore ma Moe. Affirma Lucie. Mais quand il s'agit de trouver quelqu'un avec qui coucher, je préfère... ce genre de spécimen.

Elle pointait du regard le jeune serveur qui, tout en se faisant enguirlander, n'oubliait pas de jeter des regards en coin à Lucie. Hataru, elle, ne voyait pas vraiment ce qu'elle lui trouvait. Il était beau, peut être... une grande taille, des pommettes saillantes et un regard soutenu. Mais la beauté n'avait jamais suffit à déclencher des sentiments chez Hataru. Elle avait développé ses sentiments pour Kazuto au cours de nombreuses séances de basket et de longues heures de discussion. Il en allait de même pour Rin. Dans aucun des deux cas, ne les avait-elle approchés avec leur apparence en tête, ou l'intention d'avoir des sentiments à leur égard. C'était une des raisons qui rendait la communication sur le sujet amoureux difficile avec Lucie, pour qui l'apparence était le facteur primordial - après tout, elle ne s'attachait pas vraiment de sentiments, alors le caractère lui était bien égal. Leurs visions de l'amour étaient trop différentes pour pouvoir être comparées, et les deux en étaient bien conscientes. Malgré les légères moqueries de Lucie sur ses méthodes de drague, elle savait qu'elles fonctionnaient juste différemment, et ne pousserait jamais sa meilleure amie sur la même voie qu'elle. 

Mais Rin... Hataru restait écarlate suite aux compliments à peine voilés prononcés par son amie. Mignonne... et honnête. Ce n'était pas comme s'il s'agissait de compliments nouveaux aux oreilles de la jeune femme. Après tout, Kazuto avait exprimé que son attirance pour elle prenait source aux mêmes endroits. Et c'était peut être pour cela que cela déstabilisait autant Hataru. Rin laissait-elle entendre qu'elle était attirée par elle? Mais Rin n'était pas Kazuto... peut être tentait-elle simplement de lui tendre des perches, si elle connaissait les sentiments de Hataru. Peut être tentait-elle simplement de lui dire que cela se passerait bien, sans pour autant confesser un sentiment amoureux. Mais Hataru aimait Kazuto. Hataru était en couple avec Kazuto. Hataru venait de passer la nuit avec Kazuto. Si elle gardait ses sentiments pour elle, ce n'était pas par timidité. C'était parce qu'ils ne devaient pas éclore. 

Le retour du serveur permit à Hataru de cacher sa gêne un peu mieux. 

-Je m'excuse, chères clientes. Mon oncle me tient toujours très occupé, et je dois prendre garde à ne pas rester trop longtemps à une seule table, ou bien il me tanne les oreilles comme si j'avais encore dix ans.

-Oh, comme c'est malheureux. Soupira théâtralement Lucie. Et nous ne sommes que de passage, alors... je crains que notre discussion ne puisse durer. 

Le jeune homme sembla sincèrement déçu, et l'empathie de Hataru lui jouait des tours. 

-Au pire, nous pouvons rester un peu dans le coin pendant que vous passez un peu de temps ensemble. Tenta-t-elle. 

Lucie tourna le regard vers elle, l'air de lui demander ce qu'elle faisait.

-Je t'ai dit que c'est ton week end. Dit-elle entre ses dents en Ilicien, pour que seule elles deux le comprenne. Je ne vais pas te gâcher l'aprem.

-Personne ne gâche l'aprem de personne. Protesta Hataru. Tu ne campes pas avec nous ce soir, rien ne t'empêche de juste nous déposer et de te détendre un peu aussi. Je suis pas la seule à sortir de deux semaines d'examens.

-C'est pas juste une question d'examens, Moe. Déclara Lucie, l'air plus sérieux. C'est clairement pas pour te changer l'idée des examens que j'ai organisé tout ça.

-Je sais, Lucie. La rassura Hataru. Et je sais que tu t'inquiètes pour moi. Mais je vais bien, vraiment. Et t'as passé deux semaines entre réviser et t'inquiéter pour moi. T'as le droit de profiter un peu de ton voyage, sans... juste voir des grenouilles ou payer des coupes file inutiles.

-Mais-

-Et je ne suis pas seule, Rin est aussi là. Alors t'en fais pas. En plus ça fait un moment qu'on a pas campé ensemble, ça nous permettra de rattraper un peu. 

Lucie sembla hésiter, tiraillée entre sa promesse et ses instincts primaires. Une après midi avec un beau mec qui ne soit pas un des habituels sex friends du club de basket ou de l'université... 

-Je peux toujours changer nos plans pour dormir ce soir, c'est assez loin si tu dois nous y amener et revenir. Déclara Rin qui, sans avoir pu suivre la conversation qui venait d'avoir lieu, devait en comprendre la nature.

-Non. Trancha Lucie. Je ne vous ferai pas changer vos plans pour mes histoires. Je-

Cette fois-ci, le cri du patron parvint de plus près. Le jeune serveur sursauta, tout autant que Lucie.

-Kenzo, au boulot! Ton service est pas encore fini, et arrête de fricoter avec les clientes! S'exclama un vieil homme aux nombreuses rides et au crâne dégarni. 

-Oh, je vous assure que nous discutions juste. Le défendit Lucie. 

-Pas la peine de le défendre, chère cliente, il connait son travail. S'il veut fricoter, c'est après son service. Le repas vous a plut?

-C'était délicieux! S'exclama Hataru.

-Exquis. Enchérit Lucie.

-Très bon, en effet. Ajouta Rin. 

Le vieil homme fixa cette dernière un moment, puis s'éloigna en souhaitant au trio une bonne fin de repas. 

-Je peux pas vous abandonner comme ça, les filles. Grogna Lucie. En plus, la prochaine activité devait être géniale. 

-Tu sais que tu peux juste nous déposer au camping et passer à l'onsen avec ton beau mec. Fit remarquer Rin.

-Rin! Spoile pas tout! S'égosilla Lucie. Et si je vous emmène pas à l'onsen, vous en profiterez pas! Je-

Lucie s'interrompit, en voyant le vieux chef cuistot revenir. Ce dernier se plaça en bout de table, fixa une nouvelle fois Rin, avant de lui demander.

-Pardonnez mon indiscrétion, chère cliente, mais ce n'est pas la première fois que vous venez manger chez nous, n'est-ce pas?

Rin eut l'air un peu surprise.

-N-non, en effet, mais cela remonte à très longtemps, je ne pense pas que vous vous souveniez de moi...

-Au contraire, au contraire... Assura le vieil homme. Vous êtes la petite fille de Akio, c'est cela? Akio Outsuka. Vous êtiez venue manger avec lui. 

-J-je suis sincèrement surprise que vous vous en souveniez. Avoua Rin. Je devais avoir... 8 ans, maximum. 

-J'ai bonne mémoire des visages. Sourit le vieil homme. Et vous avez bien changé, mais vous avez les yeux d'Akio. C'était un habitué, après tout. Et un bon ami... mais cela fait bien longtemps qu'il n'est pas passé dans le coin.

-Hm... il est... décédé. Il y a quelques années. Avoua Rin.

Le visage du vieil homme se décomposa légèrement.

-Ah... je ne peux pas dire que je ne m'en doutais pas. Cette tête de mûle aurait continué à monter sur sa bécane même avec un cathéter planté dans le bras. Toutes mes condoléances. 

-Merci. Répondit Rin. Il... il aimait beaucoup Izu, et ce restaurant, alors... j'essaie de lui rendre hommage en visitant à mon tour. 

-Aaah... et vous êtes aussi mordue de camping que lui?

-En quelque sorte. Admit Rin. 

-Ah, ce vieil Akio... il a dut faire tous les campings du coin, à l'époque. Il y en avait plus, il faut dire. Que de souvenirs... Vous avez prévu d'aller où? 

Rin ouvrit la bouche, sembla se raviser, avant de dire.

-En réalité, nous avons un petit changement de plan. Vous connaitriez un terrain de camping proche d'un onsen ou d'une source chaude? Le genre où l'on puisse se rendre à pied de l'un à l'autre? 

-Oh oh, vous avez aussi gardé son goût pour les bains chauds. Sourit l'homme. Eh bien... il y en a plusieurs, mais le meilleur que je connaisse, c'est le camping Hennamura. C'est bien plus au sud, à environ une heure d'ici, à Matsuzaki. Mais ils ont des bains en extérieur ma foi très plaisants. Enfin... je n'y suis pas allé depuis très longtemps, ça a peut être changé. 

Mais Rin était déjà en train de chercher sur son téléphone.

-Je vois. Je vais appeler pour voir s'il leur reste de la place. Merci beaucoup, Kirigiyama-san. 

-De rien, jeune fille. Profitez bien de votre séjour à Izu!

Il s'éloigna, et Lucie prit immédiatement Rin à parti.

-J'ai dit qu'on ne changeait pas les plans, pourtant.

-Pas besoin de t'en prendre à Rin. Protesta Hataru. Je t'ai dit que tu pouvais toi aussi profiter du voyage, et elle est d'accord avec moi. Tu as juste à nous déposer là bas, on aura accès à l'onsen, et tu pourras faire ta vie de ton côté pour la fin de journée. C'est ce qu'on aurait fait de toute manière, tu n'allais pas camper avec nous quand même?

-Non merci. Grimaça Lucie. Mais... arf... je culpabilise de vous lâcher comme ça.

-Et moi je culpabilise de te faire conduire aussi loin juste pour la déposer. Commenta Rin. Comme ça, on égalise la culpabilité.

Lucie eut un léger sourire.

-Je ne savais pas que ça marchait comme ça, la culpabilité...

-On a qu'à dire que c'est le cas. Répondit Rin. 


Lorsque Lucie gara sa voiture sur le parking proche du camping, pour la première fois de la journée, Rin ne l'avait pas devancée. Peut être parce que, pour une fois, la jeune femme avait des considérations autrement plus importantes que d'admirer le paysage et de profiter de sa conduite, à savoir être de retour à Makinoko avant que son beau Kenzo ne doive commencer son service du soir au restaurant de son oncle. Cela ne l'empêcha pas de sortir, comme à son habitude, pour faire quelques pas et s'étirer longuement.

-Le coin a l'air sympa. Commenta-t-elle.

-Tu veux rester? Ironisa Hataru.

-Même si j'avais passé l'aprem avec vous, pour rien au monde vous ne me ferez dormir dehors dans une tente en plein mois de novembre. 

-Ça je le sais bien.

-Et puis, je n'ai pas super envie de tenir la chandelle lorsque vous passerez inévitablement aux choses plus... intimes.

-Très drôle. Soupira Hataru.

-Pour une fois, je rigole qu'à moitié. Avoua Lucie. Vous êtes toutes les deux célibs, vous vous entendez parfaitement, vous passez littéralement vos week end ensemble... tu sais de quel côté elle penche...

-Et que je ne penche pas de ce côté. Asséna Hataru avec volonté, quand bien même elle n'était plus tout à fait sûre de dire la vérité.

-Eh, c'est comme je t'ai dit l'autre jour. Rétorqua Lucie en haussant les épaules. Le meilleur moyen de savoir, c'est de tester. Et vu nos divergences en terme de vision de l'amour et de la séduction, je me doute bien que ta méthode pour tester ne va pas être de coucher bourrée avec une pote. 

-Je t'arrête la, Lucie. Je n'ai pas de désir de "tester", et encore moins avec Rin. C'est une amie, pas un cobaye.

-Tester est juste une manière de dire les choses. Râla Lucie. Ce n'est pas comme si t'allais sortir avec elle un soir et lui dire le lendemain que finalement c'est pas ton truc, je sais que tu fonctionnes pas comme ça. Jveux juste... je sais que c'est pas quelque chose de facile de se découvrir, et je veux juste que tu saches que, malgré tout ce que je peux dire, que tu sois hétéro, lesb, bi ou célibataire à vie, je te soutiendrai. Ok?

Les mots si sérieux de Lucie étaient tout aussi rassurants que déroutants. Hataru avait craint que Rin ait compris ses sentiments, mais était-ce également le cas de Lucie? Si elle était aussi mauvaise pour le cacher, comment pouvait-elle espérer un jour pouvoir les enterrer? Elle ne pensais pas un seul instant qu'un ménage à trois puisse être envisageable, et elle ne pouvait pas dire qu'elle en avait envie non plus. Elle avait fait un choix, fait un croix sur Rin, choisi de renoncer à ces sentiments, alors pourquoi avait-elle l'impression que le monde entier se liguait pour s'opposer à cette décision? 

-Bref... finit par dire Lucie. Tout ça pour te dire de pas te prendre la tête. Rin est un peu zarb sur les bords, et on fait pas plus asociale, mais c'est une meuf bien. Et que ce soit en amie ou plus, jpense qu'après t'être coltiné cet imbécile fini à la pisse, elle est ce qu'il te faut. Après tout, c'est elle qui t'en a sauvé sans le faire exprès, finalement!

Hataru fit semblant de rire à cette plaisanterie qui, compte tenu de l'état réel de sa relation avec Kazuto, n'était franchement pas du meilleur gout. C'est le moment que choisit le petit scooter de Rin pour apparaître. 

-On se laisse semer? Lança Lucie une fois que la nouvelle venue eut coupé le moteur et ôté son casque.

-Petit détour pour faire le plein. Expliqua laconiquement Rin. Tu n'es pas encore repartie.

-J'allais le faire! Rha, j'ai presque l'impression de me faire chasser! A demain, mes tourterelles. Et au moindre hic, vous m'appelez, et je débarque.

Bientôt, un léger nuage de poussière s'éleva derrière les roues de la voiture de Lucie, qui disparut dans la direction par laquelle elle était arrivée. Hataru, laissée seule avec son sac, se sentit soudain bien seule, malgré la présence toute proche de Rin qui observait les environs d'un oeil connaisseur.

-Qu'est ce que tu fais? Demanda Hataru après quelques instants.

-J'inspecte les lieux.

Hataru eut un souffle amusé.

-Et qu'est ce que ton inspection t'apprend?

Rin se retourna, un air triomphant sur le visage.

-Que le terrain a l'air tout a fait correct. Grand père avait décidément les meilleures adresses. 

La présidente n'entra pas dans plus de détails sur les raisons pour lesquelles elle considérait le terrain bon, tandis qu'elle détachait ses affaires du support de son scooter, dont l'unique tente que les deux jeunes femmes allaient partager le soir venu - épreuve à laquelle Hataru n'était pas sûre de survivre. Elles se dirigèrent vers l'accueil où le gérant, une fois l'emplacement payé, leur offrit de choisir où elles souhaitaient s'installer, la saison basse laissant la plus grande partie du terrain inoccupée. 

Le lieu était probablement le plus reculé parmi ceux que Hataru avait pu essayer avec Rin. Dans une petite vallée au creux de trois montagnes, au sein d'une clairière entourée d'une forêt dense, on aurait réellement pu croire que la civilisation était perdue, loin, très loin, quand bien même la petite route bétonnée menait à une départementale toute proche, mais invisible depuis le lieux. La même route longeait le champs en perdant son revêtement en béton pour s'enfoncer dans les bois, menant, si Hataru avait bien compris, à l'onsen tout proche. Ou, tout du moins, les bains en plein air, car il n'était pas sûr qu'il y ait la moindre infrastructure pour accueillir des clients ici. 

-C'est vraiment sympa, en effet. Admit Hataru, tandis que Rin commençait à dérouler les différents composants de sa petite tente ronde. 

-Hm. 

-Mais c'est complétement perdu. Gémit la jeune femme. Heureusement que j'ai acheté de quoi bien manger ce soir en chemin. 

-Hm. On finit de monter ça, et on va directement aux sources? Proposa Rin. 

-D-D'accord. 

Hataru n'en menait pas large, et encore moins quand elle vit la vitesse à laquelle Rin montait le puzzle complexe que représentait sa tente - bien moins facile que celle de son grand père, que la jeune femme aux cheveux rose s'était amusée à monter et démonter en boucle avec que le vent ne la déchire. Ce n'était pas la première fois qu'elle allait se retrouver nue dans un bain avec Rin. Après tout, elle s'étaient déjà baignées ensemble lors de leur première sortie, en chemin vers Yamanashi. Cela semblait si lointain à Hataru, désormais... elle avait tenté à tout pris de préserver Rin de son regard et de celui de Lucie, à l'époque, craignant de gêner celle dont elle n'arrivait pas encore totalement à cerner le caractère. Tant de choses avaient changé, désormais. Hataru comprenait mieux la présidente, ses modes de fonctionnement, et le fait que son mutisme n'était pas autant lié à de la timidité autant qu'à son caractère très solitaire. Mais elle comprenait également mieux ses propres sentiments. 

Cette fois-ci, il n'y avait qu'elles. Pas de Lucie pour alléger l'ambiance. Pas d'employés du bain. Pas de vestiaires où se cacher. Le chemin de terre sinuant au coeur des bois menait à un regroupement de bassins naturels creusés à même la roche, dont les seuls ajouts humains étaient une terrasse en bois au travers de laquelle des herbes sauvages pointaient le bout de leur tige, et des échelles pour descendre à l'intérieur des chaudrons dont la chaleur réchauffait l'air ambiant. Il n'y avait pas un chat ici, pas plus que sur le terrain de camping. Un petit banc de bois semblait destiné à recevoir les habits des baigneurs. 

Sans une hésitation, Rin fit passer son épais poncho de laine par dessus sa tête, le plia négligemment, et le posa sur ledit banc, accompagné de son écharpe. Puis, elle retira ses chaussures et chaussettes, ses mitaines et sa veste. Ne restait que son jean et son t-shirt, affichant le motif d'un parc régional dont Hataru ignorait la localisation. Ceux la finirent tout aussi vite sur la pile de vêtement. La jeune femme déglutit. 

Hataru, bien que novice peu de temps auparavant, avait pu s'habituer au sexe avec Kazuto, et à tout ce qui l'entourait. Une des choses qu'elle affectionnait particulièrement, c'était la façon dont son petit ami pouvait retirer ses vêtements, de manière sexy et lente, ce qui faisait toujours monter la tension et l'envie de la jeune femme. C'était évidemment toujours une mise en scène lors de leurs ébats. Lorsqu'il se déshabillait simplement, Hataru ne ressentait pas ce petit frisson. Alors, il était difficile pour elle d'expliquer l'apparition de ce picotement si familier au bas du ventre lorsque les sous vêtements de Rin se dessinèrent devant ses yeux. La présidente ne jouait pas comme Kazuto lors de leurs ébats. Elle n'avait pas de mouvements travaillés, volontairement aguicheurs. Au contraire, elle semblait vouloir aller le plus vite possible pour pouvoir trouver au plus rapidement la chaleur des sources. Et pourtant, le spectacle hypnotisait purement et simplement Hataru. Son coeur battit si violemment dans sa poitrine lorsque Rin laissa tomber son soutient gorge qu'elle en eut mal à la poitrine. 

-Ça va? Demanda la concernée, désormais nue comme un ver, et se tenant les bras dans un espoir très vainc de se tenir plus chaud. Tu fais une drôle de tête.

-J-juste une crampe. Mentit Hataru en prétendant clopiner.

Elle devait vraiment donner l'impression d'avoir mal, car cette fois ci, son mensonge ne fut pas immédiatement percé à jour.

-Dépêche toi. La hâta Rin. Ça caille.

-V-vas y, rentre dans l'eau, j'arrive tout de suite.

Rin se contenta de hocher la tête avant de se saisir de la rambarde d'une échelle pour grimper, puis se laisser glisser dans l'une des cuves naturelle. Hataru, elle, reprit sa respiration, et tenta de calmer son coeur. Ce n'était pas la première fois qu'elle voyait une femme nue. Elle avait grandi au milieu de quatre soeurs, prit des bains avec Lucie toute sa vie... elle avait même surpris Aki et Jade au cours de leurs ébats, à plusieurs reprises. Elle était donc aussi familière à l'idée du corps des femmes qu'à celle de l'amour qui pouvait en lier deux. Alors pourquoi... pourquoi son coeur refusait-il de ralentir? Pourquoi ses yeux avaient-ils dévoré avec tant d'avidité les formes pourtant peu proéminentes de Rin? Et surtout... Hataru avait craint pour la nuit dans une unique tente, mais désormais, elle craignait de passer l'arme à gauche bien plus tôt. Rien qu'en cet instant précis, une envie la démangeait de simplement jeter un nouveau coup d'oeil à la courbe délicate de la poitrine de la présidente. 

Hataru déglutit. Les mains légèrement tremblantes, elle se déshabilla à son tour. La morsure du froid vint jeter un voile temporaire sur ses craintes, et la força à se hâter jusqu'à l'eau. Elle était chaude... non, brûlante même. Si chaude qu'elle poussa un petit cri en y glissant son pied au premier abord.

-Ah, oui, ici il n'y a pas de système pour contrôler la température. Fit remarquer Rin, qui se prélassait déjà dans le bassin. Tu veux un peu d'aide pour rentrer dans l'eau?

-Si par aide tu veux dire m'éclabousser jusqu'à ce que je sois si trempée que rentrer ne change plus rien, non merci.

Rin lui lança un regard un peu surpris.

-Je pensais plutôt à t'aider à descendre à tout rythme puisque les barreaux de l'échelle ne vont pas jusqu'au fond.

-Oh...

Hataru se sentit encore plus stupide, en espéra qu'elle pouvait justifier son terrible rougissement par la chaleur des sources lorsque, après avoir hoché la tête, Rin vint lui prendre les mains pour l'aider à entrer plus lentement dans l'eau brûlante. Lorsqu'elle fut immergée jusqu'aux épaules, elle lui fit un grand sourire, et retourna se prélasser. Le regard de Hataru, comme elle l'avait craint, nous pouvait cesser de faire des allez retour sur la poitrine de Rin, au point où cela en devint même gênant pour elle même.

"Bordel, contrôle toi, Hataru. Se sermonna-t-elle intérieurement. T'es plus une ado en chaleur, non?"

Elle en doutait un peu. Et la chaleur qui embrouillait son esprit ne l'aidait pas vraiment.

-Il fait tellement chaud là dedans... murmura-t-elle.

-On ne va pas rester trop longtemps. La rassura Rin. Ce serait dommage de faire un malaise alors qu'on est tranquilles.

-Un malaise? Gémit Hataru. T'es bien détendue pourtant. 

-J'ai déjà profité de ce genre de piscine naturelle, mais c'est rare qu'il y ait personne comme ici. C'est vraiment le paradis... 

Il n'y avait en effet personne... et cette solitude rendait la proximité entre les deux femmes encore plus palpable. Elles étaient seules au monde.

-Désolée. Dit finalement Rin, de but en blanc.

Evidemment, cela suffit à faire paniquer Hataru, mais son amie y coupa court.

-Pour le changement de plan. J'avais prévu un terrain avec vue sur la mer, à la base. Tu... avais dit que tu voulais essayer, un jour.

-T-tu te souviens de ça...

-Evidemment. Enfin... non c'est pas évident, mais... je me souviens pas forcément de tout, mais... c'est juste que... 

Rin sembla avoir un peu de mal à trouver les mots à mettre sur ses pensées. 

-C'est... la première fois que je partage ça... tout ça... avec quelqu'un, depuis que mon grand père n'est plus là.

-Il y avait le cercle, pourtant. Avança prudemment Hataru.

-C'était... arh... comment dire... différent? Ce n'était pas moi qui organisait... c'était toujours des activités de groupe, et ça a... pas duré très longtemps... trois sorties, avant que Mayuri-san ne parte et que les rares qui restaient cessent de venir. Alors... pouvoir... partager tout ça...

Rin s'arrêta une nouvelle fois pour réfléchir. Hataru, elle, était suspendue à ses lèvres.

-J'ai presque toujours pensé que si c'était sans mon grand père, je préférais en profiter seule. Déclara finalement Rin. Le cercle avait commencé à changé mon opinion... avant de me laisser entendre que j'avais raison, finalement. Je pensais pas... prendre autant de plaisir à partager ma passion avec quelqu'un d'autre que lui. Alors forcément, quand tu dis que tu as envie d'essayer quelque chose... j'ai envie de te le faire tester. Donc je retiens. 

Hataru sourit un peu. Rin avait toujours autant de mal à s'exprimer sincèrement sur ce qu'elle ressentait, mais le simple fait qu'elle le fasse avec elle, et que cela lui vienne désormais tellement plus naturellement était un signe indiscutable d'à quel point elles s'étaient rapprochées.

-On ira à la mer une autre fois. Rassura Hataru. Cet endroit est très bien. Et... Lucie méritait bien un peu de tranquillité, après s'être fait un sang d'encre à mon sujet pendant presque trois semaines. 

Rin fixa Hataru avec une certaine intensité. 

-C'est vrai que tu... enfin... tu n'avais pas l'air... tu n'étais pas au top. Déclara-t-elle finalement. Mais tu as l'air d'aller mieux.

-C'est le cas. Admit Hataru. J'ai l'impression d'avoir réglé presque tous mes problèmes récents, et... ça enlève un sacré poids. 

-Presque tous tes problèmes, hein...

Le ton était un peu plus amusé. Hataru déglutit. Après tout, le seul problème qu'elle n'arrivait pas à résoudre était celui de ses sentiments pour Rin. Laissait-elle sous entendre une nouvelle fois qu'elle était au courant? 

-Tu... hm... tu n'avais pas vraiment besoin de ce week end, pas vrai? Déclara Rin.

Hataru fronça les sourcils.

-Tu... ne voulais pas venir? Demanda-t-elle.

-Non, non, c'est pas ce que je veux dire. S'exclama Rin. Erf... ce que je veux dire, c'est... tu n'avais aucun voeu particulier à écrire sur l'Ema du sanctuaire des amants. Lucie a l'air d'être persuadée du contraire, mais... ça se passe plutôt bien entre Kazuto et toi, non?

Hataru resta muette face à cette demi affirmation. Rin ne la regardait pas, comme si elle était elle même incertaine de la réponse qu'elle allait recevoir. Mais la jeune femme ne pouvait pas bien mentir, et ne voulait de toute façon pas le faire. Les avertissements de Miwa étaient après tout essentiellement dirigés vers Lucie, pas Rin.

-O-oui. On a... recollé les morceaux.

-Quand ça?

-Hier soir.

-Je vois. 

-Désolée...

-Pourquoi tu t'excuse?

-Tu m'as quand même dit que je méritais mieux que lui. 

-Et je le pense. Sans vouloir être... désobligeante. Admit Rin. Mais c'est... ta vie. Votre vie. J'espère juste qu'il... ne te rendra pas de nouveau triste.

-Au vu des dernières semaines, je dirai que c'est peu probable. Admit Hataru. Mais... on va faire tous les deux des efforts. Comme... tu me l'as dit. 

Rin hocha silencieusement la tête, le regard perdu dans l'eau légèrement trouble. Hataru déglutit, avant de demander.

-C-comment tu l'as su? 

Elle sourit légèrement.

-Tu ne sais pas mentir, je te l'ai déjà dit, non? Tu es arrivée en prétendant avoir passé la nuit chez Miwa, et je n'y ai pas cru une seconde. A partir de là... ce n'était pas trop compliqué de déduire chez qui tu avais dormi... et pourquoi tu avais l'air autant en forme, alors que... enfin... l'autre soir...

-A la librairie où tu travailles? L'aida Hataru.

-Voila. Conclut Rin sans s'attarder sur l'épisode où Hataru avait fondu en larme dans ses bras. Tu avais l'air mieux. Donc les choses devaient s'être arrangées d'une manière ou d'une autre. Et... heu... nan, rien.

-Riiiiin... insista Hataru.

-Il vaut mieux que je ne dise pas ce qui m'a permis de tout confirmer. Assura la présidente.

-Non, je veux savoir. Continua Hataru. J'en ai besoin.

-Pourquoi?

-Pour mieux mentir!

-Pourquoi tu voudrais mieux mentir?

-Hm...

-Tu ne veux pas le dire, et je ne veux pas te dire mon dernier indice, nous sommes quittes. Sourit Rin.

-Parce qu'il vaudrait mieux que Lucie ne soit pas au courant pour un certain temps. Céda Hataru. Entre elle et Kazuto, c'est plus que de la simple électricité, c'est un véritable orage. Je préfère... amener les choses plus lentement. 

Rin fixa Hataru, avant de soupirer.

-Tu tiens vraiment à savoir, hein...

-Oui. Tout moyen de m'assurer que Lucie ne découvre pas le pot aux roses trop tôt est bon à prendre.

-Hm... ça ne t'aidera pas vraiment à mieux mentir... avoua Rin avec un sourire un peu gêné, avant de pointer le dessus de son sein droit. 

Bêtement, Hataru fixa le doigt et le sein en question, une énième bouffée de chaleur envahissant mon ventre.

-Pas le miens, le tiens. Soupira Rin en rougissant un peu.

Hataru baissa la tête. Et remarque une marque rouge bien apparente sur le dessus de sa poitrine. Elle sentit le rouge lui monter aux joues en se rappelant des baisers de Kazuto de la veille, qui en avaient été à l'origine. Et encore plus en réalisant que Rin savait donc exactement ce qu'elle avait fait la veille avec son petit ami.

-Tuez moi... gémit Hataru. 

-Certainement pas. Rit Rin. Et puis... il... enfin... non, laisse tomb-

Le regard appuyé de Hataru interrompit la présidente avant même qu'elle ne finisse sa phrase, et elle rendit les armes.

-Il n'y a pas de honte à laisser savoir au monde qu'il existe une personne qui tient autant à toi. Avoua-t-elle, avec un regard légèrement mélancolique. C'est une sensation qui doit être magnifique. N'en ai pas honte. Ne le cache pas. 

Un léger silence plana sur les deux femmes. 

-On devrait sortir. Déclara Rin. Le rouge commence à te monter aux joues, et on est dedans depuis un peu trop longtemps. 


Hataru reposait la tête contre le tissu de son sac de couchage, à l'intérieur de la tente de Rin. La chaleur du bain l'avait épuisée, et elle s'y était effondrée et s'était endormie à peine s'en était-elle approché. Maintenant, un léger courant d'air froid venait caresser ses jambes, et la luminosité semblait avoir beaucoup diminué. Combien de temps avait-elle dormi, au juste? Elle ne s'était pas beaucoup reposée la veille, mais avait tout de même espéré tenir jusqu'au soir. Il semblait que la baignade et les émotions de la journée avaient eu raison de cette résolution.

Hataru s'accroupit sur son sac de couchage. A l'extérieur, il faisait déjà noir, mais la nuit tombait tôt, particulièrement dans les montagnes dont les pics cachaient le soleil. La jeune femme enfila son blouson, et sortit dans le froid. Un silence absolu régnait sur le lieu de camping, à l'exception du léger bruissement du vent dans les rares feuilles encore attachées à leur branches. Il n'y avait pas la moindre lumière à l'horizon, pas de lueurs de la ville, pas de flamme de feu, rien d'autre que l'obscurité noire de la montagne et de sa forêt, surplombées par une voute d'où provenait l'unique éclairage de l'endroit. C'était une nuit sans lune, et les étoiles seules ne permettaient pas d'y voir très loin. Cependant, les yeux s'habituant peu à peu à l'obscurité de Hataru comprirent très vite quelque chose: Rin ne semblait être nulle part. 

-Rin? Interpella-t-elle, d'une voix peu assurée, comme par crainte de réveiller la noirceur qui l'entourait, de briser ce profond silence. 

Face au manque de réponse, Hataru insista, un peu plus fort.

-Rin! Tu es où?

Aucune réponse, une nouvelle fois. Elle semblait ne plus être sur le lieu de camping. Peut être était-elle simplement retournée se baigner un peu dans les sources chaudes? Ce devait être ça. Rin ne l'aurait jamais abandonnée. Ou alors... avait-elle été vexée? Si elle avait bel et bien compris ses sentiments pour elle, était-il possible que comprendre qu'elle était restée avec Kazuto l'ai déçue? Frustrée? Vexée? Peut être... 

"Non! Se reprit Hataru. Même si c'était le cas, elle ne m'aurait jamais laissée seule. Arrête de paniquer".

Et en effet, un simple regard autour de la tente suffit à rassurer un peu Hataru. Le réchaud à hydrogène de Rin était bien là, ainsi que sa petite chaise de camp favorite. Elle ne serait jamais partie sans elle. Cela ne rassura que temporairement le tempérament naturellement anxieux de Hataru. Et si... elle n'était pas partie de son plein gré? Y... Y avait-il des ours, à Izu? 

Un léger vrombissement vint interrompre le silence qui commençait à peser de plus en plus sur la poitrine de Hataru. Une légère lueur perça la nuit au nord, le long de la route, et la jeune femme réalisa très vite qu'il s'agissait d'un... 

-Scooter? Murmura Hataru. 

Le véhicule en question s'arrêta sur le parking tout proche, et son phare s'éteignit, faisant disparaître l'éphémère source de lumière. Hataru pouvait cependant distinguer la silhouette de Rin en train de retirer son casque, avant de se diriger vers elle. 

-Tiens, notre petite marmotte est réveillée. Lança-t-elle en s'approchant. 

Hataru réalisa qu'elle n'arrivait pas à répondre. Elle était obligée de l'avouer. Elle avait eu très peur. Peur qu'il soit arrivé quelque chose à Rin, peur qu'elle l'ait abandonnée, peur de se retrouver seule au milieu de cette montagne pour passer la nuit. Mais lorsque Rin laissa retomber un petit sac sur le sol, dont le clinquement distinctif laissa apparaître la nature de son contenu - des bouteilles en verre, probablement de bière - Hataru se sentit particulièrement stupide d'avoir, une nouvelle fois, laissé l'anxiété prendre le dessus. Elle tenta de calmer les battements frénétiques de son coeurs et les sueurs froides qui semblaient encore glisser le long de son dos, espérant que Rin ne remarquerait pas son état. Mais...

-Eh, ça va? 

La voix de Rin perçait d'inquiétude. Heureusement, dans le noir, il était plus difficile à Hataru de se cacher le temps que sa respiration reprenne. Du moins, jusqu'à ce qu'une soudaine lueur déchire l'obscurité. La présidente tenait une sorte de lanterne à la main. Son visage était marqué d'une légère inquiétude. Et celui de Hataru, révélé par cette soudaine source de lumière, était pâle comme un linge.

-Hataru, qu'est-ce qu'il y a? Tu trembles comme une feuilles morte. Tu as froid? Tu es malade? On peut appeler Lucie, et-

-Non, non, je... je vais bien, ne t'en fais pas.

Rin hésita un instant.

-Tu sais très bien que tu ne sais pas mentir. Rétorqua-t-elle finalement. On aura d'autres occasions de camper, mais si tu te sens mal-

-NON! S'exclama Hataru. Non, ce... J'ai juste cru que tu avais disparu, et... j... j'ai un peu paniqué, rien de plus.

-Vraiment?

Hataru hocha la tête, tout en tentant de reprendre contenance au plus vite. Une chaleur commença à se transmettre au travers de sa paume glacée. Rin avait prit une de ses mains dans les siennes. 

-Je vais pas te laisser, t'en fais pas. Lui dit-elle avec un sourire. Je t'avais laissé un message au cas où tu te réveillerai... J'aurai dû te réveiller pour te dire que je partais. Désolée.

-N-non, c'est rien. C'est ma faute, je suis juste... stupide.

-T'as rien de stupide, Hataru. Tu... sautes juste un peu vite aux conclusions, parfois. Mais je suis au courant, et j'aurai dû savoir que ça aurait pu te faire paniquer. Pardon. 

Rin n'avait aucune raison de s'excuser, mais Hataru n'avait pas les mots pour la contredire. La chaleur qui réchauffait sa main commençait à se répandre dans son bras et tout son corps. Elle sentait son corps s'apaiser, se relâcher. 

-Bon, t'as quand même les mains glacées. Grimaça Rin. Attends, je vais allumer le feu.

-Je vais t'ai-

-Non, tu restes bien tranquillement assise là. Tiens, prends mon plaid. 

Rin saisit sa lanterne et l'accrocha à une sorte de poterne dépliable qu'elle planta dans le sol. Placée ainsi en hauteur, elle éclairait bien les environs, révélant également le petit tas de bois sur le côté de la tente que Hataru n'avait pas remarqué.

-Tu aurais dû me réveiller pour aller chercher le bois... murmura Hataru.

-Tu dormais comme un bébé. J'ai un cœur, tu sais. Et puis, ça ne me gêne pas de le faire. 

Rin vint s'asseoir sur l'herbe, déplia les morceaux qui composaient son petit foyer à bois et commença à le monter. Puis, elle plaça d'une main experte quelques petites brindilles, pommes de pain et morceaux de journal qu'elle avait amené, avait d'allumer un feu et de souffler légèrement dessus. La chaleur n'atteignait pas encore les membres frigorifiés de Hataru, mais la simple lueur du feu sur les parois intérieur du petit montage métallique rectangle suffisaient à faire naitre en elle un sentiment chaud. Encore une fois, elle s'était allée à paniquer, et encore une fois, Rin avait réussi à l'apaiser. Elle avait été stupide de croire que Rin l'avait abandonnée juste parce qu'elle était de restée avec Kazuto. Quand elle y pensait, c'était ça, le secret qu'elle avait percé. Pas ses sentiments. Cela rassurait Hataru d'un côté, et pourtant, un part d'elle aurait aimé que Rin ait perçu son amour pour elle. Peut être que si elle le comprenait d'elle même, les choses seraient plus simples. Hataru n'aurait plus à batailler pour les enterrer, à craindre qu'ils soient révélés. Si Rin pouvait juste... comprendre... elle pourrait la rejeter avec gentillesse, et tout pourrait continuer comme si rien ne s'était jamais passé. Hataru savait qu'elle n'était pas capable d'avouer ces sentiments elle même. D'une part parce que ce serait une trahison envers Kazuto. D'autre part parce que la simple idée de le faire l'emplissait de terreur. Imaginer Rin le comprendre seule était tellement plus... rassurant, en un sens. Elle savait tant lire en elle, après tout. Mais il semblait que, ce secret là, malgré ses craintes, malgré le fait qu'elle ne sache "pas mentir"... Hataru était parvenue à le cacher. Cela lui fit penser...

-Rin...

-Hm?

-A propos de... ton secret...

Rin sembla réfléchir un instant, avant de se rappeler de ses propos du matin même, et de rire légèrement.

-Oh... j'avais presque oublié ça. Admit-elle. Tu as des idées?

-Lucie pense que c'est parce que tu as peur du vide. Moi... hm... je sais pas trop. Peut être que tu voulais juste être un peu seule. 

Rin fixait son feu en train de prendre, ne répondant pas tout de suite. 

-Je suis seule à chaque fois que je suis chez moi, ou que je suis sur mon scooter. Je peux bien faire l'effort de sociabiliser pendant deux jours, ne t'en fais pas. Et... non, je n'ai pas le vertige. 

Un silence passa. Hataru fut déçue. Elle pensait que Rin allait lui expliquer si elle ne trouvait pas. Mais cette dernière finit par reprendre. 

-Quand j'étais au lycée... on avait fait une sortie scolaire, à Saitama. Commença-t-elle. J'étais... déjà en... enfin... j'étais avec Hayato et sa bande, à l'époque. C'était... difficile, tous les jours, alors... je pensais ne pas y aller, et avoir au moins... un jour tranquille. Mais... ils m'ont... "convaincue"...

-Forcée. Commenta Hataru, en fronçant légèrement les sourcils.

-Pas vraiment, j'aurai quand même pu refuser. Protesta Rin. Ils ne pouvaient pas signer le papier d'autorisation parentale à la place de ma mère, après tout. Mais j'ai bien compris que les choses n'allaient pas s'arranger si je ne venais pas.

-C'est de la coercition, Rin. Ce n'est pas parce que tu as eu l'impression d'avoir le choix que ça n'est pas moins te forcer à venri.

Rin resta muette un court instant, son visage toujours tourné vers son feu qui prenait peu à peu en force.

-Peut être. Admit-elle. Quoi qu'il en soit... j'y suis finalement allée. On a visité les environs, puis les profs avaient prévu une accrobranche. J'en avais jamais vraiment fait, mais le groupe d'Hayato était très motivé, alors... j'ai suivi. Et, au milieu du parcours, il y avait cette... longue... longue tyrolienne. C'était la première fois que j'en voyais une. Même quand tu n'as pas spécialement le vertige, ça reste quand même impressionnant, et je savais pas trop comment m'y prendre. 

Rin marqua une courte pause, avant de reprendre.

-Comme j'hésitait trop longtemps, un pote d'Hayato m'a poussée pour me forcer à partir. J'ai paniqué, j'ai essayé de me retenir en attrapant le cable, et... j'ai fini avec une énorme brûlure à la paume. C'est... un peu stupide, mais je... enfin... j'ai probablement... j'associe toujours les tyroliennes à cette douleur que j'ai ressenti à l'époque, et... peut être... plus généralement, à mon état d'esprit de l'époque, qui n'était pas des plus... positifs. C'est tout. 

-C'est pas stupide. Déclara Hataru, en s'approchant de Rin. Et maintenant, j'ai encore plus envie de mettre une raclée à Hayato et ces gens.

-Laisse. Sourit légèrement Rin. Ils appartiennent au passé. Un peu... grâce à toi, finalement.

-Et Noriko-san. Rétorqua Hataru, faisant référence à la confrontation entre les trois femmes et Hayato durant le festival culturel.

-Noriko était aussi là à l'époque. Rit Rin. Mais oui, elle a bien aidé aussi.

Hataru hocha la tête. Puis, se rappelant d'une discussion récente...

-En parlant de Noriko-san... commença-t-elle.

Rin eut un souffle amusé, et rajouta une branche au feu.

-Oui, je l'ai appelée. Rassura Rin. Et comme prévu, elle était plus choquée que rassurée.

-Je suis sûre que ça lui a fait très plaisir. Déclara Hataru avec un immense sourire. N'oublie pas ce que je t'ai dit... il faut le faire régulièrement! 

-Je ne suis pas sûre d'être préparée mentalement à ça... soupira Rin.

-Bien sûr que si! Quand on a des gens qui tiennent à nous, il faut les appeler régulièrement.

-Eh, j'ai déjà une obligation d'appeler mon père tous les soirs entre 20h et 21h... grogna Rin. C'est déjà trop pour moi. 

-Ils s'inquiètent juste pour toi... et je suis sûre que Noriko-san aussi. Assura Hataru.

-Elle s'inquiète surtout de ma vie amoureuse, on dirait. Avoua Rin en se laissant aller en arrière. 

-C'est normal, entre meilleures amies. Non? Demanda Hataru, pour qui les discussions amoureuses étaient quasi quotidiennes avec Lucie - quand bien même elles n'étaient jamais d'accord sur rien.

-Hum... j'évitais le sujet, quand j'étais plus jeune... et depuis les évènements de la fin du lycée... je crois que je l'ai juste trop évitée pour qu'on ait eu l'occasion d'avoir une quelconque discussion de ce genre.

-Sans coeur, va! S'exclama Hataru en mettant une petite pichenette au coin du front de Rin. Tu m'étonnes que Noriko-san s'inquiète. Tu as intérêt à l'appeler régulièrement désormais!

-Pour entendre ses avis plus que bancals sur les personnes avec qui elle me verrait bien? Ah... non merci...

Hataru déglutit légèrement en imaginant ce genre de discussion. Elle était terriblement curieuse de savoir qui étaient ces personnes dont Noriko pouvait parler. Elle s'imagina même en faire partie, durant un court instant, avant de se reprendre.

-Riiin... 

La concernée reprit un de ses habituels air blasés. 

-Ça va, ça va, je l'appellerai... mais certainement pas toutes les semaines. 

-Envoie lui au moins des messages, alors.

-Vraiment? Gémit Rin.

-Tu fais comme si c'était la chose la plus difficile du monde. Bouda Hataru. On s'envoie des messages quasiment tous les jours, pourtant. 

-Oui, mais... hm... oui, c'est vrai. Mais... c'est différent. 

-En quoi est-ce différent? Demanda Hataru.

-C'est... eh bien... euh...

Rin réfléchit. Il semblait qu'elle ne s'était jamais elle même posé la question. 

-C'est plus facile, c'est tout. Finit-elle par dire.

-Pourquoi? Tu connais Noriko-san depuis que vous êtes toutes petites!

-J'en sais rien! Rétorqua Rin. C'est plus facile de te parler, c'est tout! J'ai jamais beaucoup aimé parler par messages de toute façon. 

-Pourtant, on le fait bien ensemble. Insista Hataru, sincèrement curieuse. 

-Rha, tu es pénibles quand tu insiste comme ça. Soupira Rin. Je sais juste jamais comment lancer ou relancer une conversation, mais toi tu le fais tout le temps, alors c'est plus simple. C'est tout! 

-Tu vois, c'était pas si compliqué... rit légèrement Hataru. 

Rin commença à bouder, et la jeune femme décida donc de détourner la conversation.

-Tu es allée acheter des bières. 

-Hm.

-Tu voulais boire? Je ne t'ai vu boire qu'à cette soirée, et tu as quasiment rien touché...

-Hm.

-Riiiiin... 

-Rhaaa... j'ai juste vu que tu avais pris une bouteille de vin, et j'ai jamais goûté à ça et je suis pas sûre d'aimer. 

-La bouteille de vin? S'interrogea Hataru, en repensant à cette bouteille glissée dans ses affaires, qu'elle avait trouvée durant leur pause course sur le chemin du camping.

-Oui. Confirma Rin. Alors... j'ai pris autre chose. De facile à boire. Des bières. 

-Plus facile à boire que du vin?

-Eh, j'en sais rien. Protesta Rin. On a pas beaucoup de vin, par ici. Et puis, c'est des bières aromatisées.

Hataru pouffa. C'est vrai que le vin n'était pas très courant dans les rayons japonais, contrairement aux bières, sake, whisky et autres liqueurs. Il s'achetait en magasins spécialisés, était souvent d'importation, et n'était pas vraiment donné. Mais quand Lucie et elle étaient passées devant l'une de ces boutiques sur la route, la conductrice avait immédiatement eut une idée, et Hataru avait été plus que séduite.

-Tu sais... il n'est pas vraiment pour boire. Avoua Hataru.

-Quoi, il est la pour faire joli, alors? Railla Rin.

-Non, il va servir dans la recette que j'ai prévue. Rit Hataru. Mais on ne va pas tout utiliser, alors on pourra quand même goûter à côté. 

-Une recette qui utilise du vin... 

Rin réfléchit, mais sembla ne pas vraiment avoir d'idée.

-Je ne pense pas que tu trouves si tu n'as vu que la bouteille. Commenta Hataru. Moi même, j'en ai pas souvent mangé, et seulement avec la famille de Lucie. C'est l'un des rares plats que sa mère ne rate pas, et que absolument tout le monde adore, petits comme grands.

-Avec du vin dedans? Pour les petits? Demanda Rin.

-Rho, tu sais bien que faire cuire tend à faire disparaitre l'alcool. Répondit Hataru en commençant à fouiller dans son sac pour voir l'état de ses ingrédients. Mais bon... j'imagine que c'est un plat assez représentatif des origines françaises de la famille de Lucie. 

Hataru trouva le petit sac qu'elle cherchait, le sortit fièrement et déclara:

-Une fondue savoyarde!

-Une fondue... quoi?

-Une fondue savoyarde. C'est une fondue au fromage et au vin, qu'on mange en y trempant des petits bouts de pain. C'est un plat typique... à ce qu'il parait, en tout cas.

-Au fromage fondu, donc. Commenta Rin, peu convaincue. Et rien d'autre?

-Oui, j'étais surprise aussi la première fois. Mais crois moi... tu vas être surprise. Assura Hataru en commençant à déballer les différents emballages contenant les fromages.

-Je ne suis... pas très fan de fromage. Déclara Rin. Enfin, je n'en ai jamais beaucoup mangé, mais...

-T'en fais pas, aucun fromage fort ou au gout étrange, j'y ai pris garde. Il faut faire un peu attention, avec tous ces fromages français.

Rin abandonna son feu pour s'approcher des trésors que Hataru était en train de déballer.

-Ils se ressemblent tous un peu... fit-elle remarquer.

-Mais ils ont tous des gouts très différents. 

-Hm. Répondit Rin avec une moue. Il faut faire quoi?

-Eh bien, mettre une marmite sur le feu, couper le fromage en petits cubes, mettre à fondre, ajouter un peu de vin, et... et c'est tout, je crois.

-Plutôt simple, en effet. Mais je n'ai pas de marmite.

-Moi non plus, mais Lucie a mis un plat assez gros dans mon sac, et ça devrait passer. 

Joignant le geste à la parole, Hataru dégagea une grosse casserole à nabe de son sac. Cela ne put que faire rire Rin.

-Lucie connait bien ton appétit, si elle a glissé ça sans même savoir ce que tu avais prévu de cuisiner. 

-Mieux vaut trop que pas assez. Se défendit Hataru. Tu as un couteau.

-Bien sûr.

Et, tout en continuant de discuter, les deux jeunes femmes entamèrent le découpage des trois morceaux de fromage débusqués avec la bouteille de vin dans ce magasin de spécialités françaises qu'elles avaient croisé sur la route Elle découpèrent également le pain en petit bouts, ce dernier ayant été acheté dans une superette plus classique. Rin alluma son réchaud à gaz, non sans garder un oeil sur le feu tout proche qui leur tenait chaud. Les ingrédients découpés, elles firent glisser le tout dans la casserole et mélangèrent alors que le fromage fondait peu à peu et qu'une pâte visqueuse se formait. 

-Il y en a beaucoup. Fit remarquer Rin.

-Ça part très vite. Assura Hataru, dont les papilles salivaient déjà. C'est pas dans la recette de base, mais une petite gousse d'ail et un peu de poivre feraient probablement des merveilles... 

-Et... le vin? Demanda Rin.

Hataru se saisit de la bouteille, et l'ouvrit sans trop de difficultés. Cependant, le temps venu de verser le liquide ambré, elle hésita.

-Je ne sais pas trop quelle quantité il faut mettre. Admit-elle.

-T'en as jamais fait?

-Non, c'était toujours la mère de Lucie. Avoua Hataru. Mais... bon... j'imagine qu'il faut quand même en mettre pas mal, pour que ça ait du gout.

Hataru versa donc généreusement. Le liquide alcoolisé ne se mélangea pas immédiatement à la pâte visqueuse, qui devenait de plus en plus liquide. La jeune femme mélangea donc avec plus de force, jusqu'à ce qu'elle devienne bien plus liquide et filandreuse. 

-Je pense que c'est bon. Déclara Hataru.

-Et on mange ça comment? 

-Eh bien... normalement, on a des pics spécifiques, mais là c'était un peu introuvable, alors... j'ai juste pris des pics en bois. 

Montrant l'exemple, elle se saisit d'un bout de pain, l'empala au bout d'une pique, avant de le plonger dans la casserole. Il ressortit recouvert d'un fromage fondu et fumant, dont quelques fils tentaient de le maintenir au reste du plat. Hataru le fit tourner pour briser ces fils, puis, sans une hésitation, l'amena à sa bouche. Immédiatement, elle laissa échapper un soupire de plaisir. 

-Pour un premier essai, c'est... plus que très bien. Murmura-t-elle. Bonne idée, Lucie. 

Un peu hésitante, Rin reproduit les gestes. Elle eut un peu plus d'appréhension au moment de mener le bout de pain à sa bouche, et mâcha quelques instants avec une expression suspicieuse, qui finit par se détendre. 

-Bon... dit-elle alors. J'admet que je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi bon. 

-Fais moi donc confiance. Rit Hataru. Il nous reste du vin... je vais m'en servir un verre, tiens. 

-Hm.

Hataru se pencha sur son sac et fouilla jusqu'à trouver son petit verre métallique. Elle prit la bouteille, et versa une bonne rasade. 

-Dommage qu'il ne soit plus très frais... soupira-t-elle. Malgré le froid.

Hataru releva les yeux et vit le verre de Rin, tendu en sa direction. Elle lui jeta un regard malicieux, à laquelle la présidente répondit en roulant légèrement les yeux.

-Il faut bien que je goute une fois dans ma vie. Se justifia-t-elle.

-C'est meilleur très frais. Précisa Hataru en versant une bonne quantité. Mais bon... si tu n'aimes pas, tu n'aimes pas.

Rin y trempa les lèvres, et commença par une légère grimace, avant de lever les sourcils d'un air intéressé. 

-C'est amer, mais moins que ce à quoi je m'attendais. Hm... il est même... plutôt bon, je trouve. 

-Que de découvertes, aujourd'hui!

-Il faut bien que tu me rendes la pareille, après tout ce que je te montre à chaque sortie. Railla Rin.

-Pas faux. Eclata de rire Hataru, tout en reprenant un bout de pain. 

Lentement, les morceaux de pain disparurent les uns après les autres dans les estomacs, et le niveau de fromage fondu dans la casserole, toujours posée sur le réchaud réglé sur feu doux, descendit. Ce n'était pas le seul niveau qui descendait, puisque, bientôt, la bouteille de vin se retrouva vide, moment que choisit Rin pour se saisir des bouteilles de bière qu'elle était allée chercher. Elles étaient assez sucrées, avec un léger arrière gout acidulé de fruits rouges qui plut particulièrement à Hataru. Et elles se buvaient facilement. Peut être un peu trop.

Seules, au milieu du champ désert, illuminées autant par le feu que par la petite lanterne qui les surplombaient, Rin et Hataru étaient comme seules au monde, perdues dans un océan végétal où la civilisation n'existait plus. Elles discutaient de tout, de rien, des voyages qu'elles aimeraient faire, de leurs plans pour l'avenir, des évènements des dernières semaines. De leurs goûts musicaux, des jeux de leur enfance... paisiblement, alors que la nuit s'avançait, et que le plat était vidé, le nombre de bouteilles vides s'accumulait tout autant que les langues se déliaient. 

-Je te jure! S'exclama Hataru en pouffant. 

-Mais il n'y avait quand même pas tant de fêtes de voisinage que ça, non?

-Oh, la communauté de notre quartier est assez soudée, mais... trois ou quatre fois par ans, environ?

-Et donc ce gamin ne venait te parler que lors de ces fêtes?

-Oui! 

-Pendant combien de temps?

-Des années? Je n'ai pas compté.

-Mais comment tu sais qu'il était amoureux de toi?

-C'est sa mère qui l'a dit à Aki et je les ai entendues en parler. 

-C'est mignon, dans un sens... 

-Mais aussi tellement triste. Je veux dire... on était voisins, il aurait pu juste... venir sonner, me demander de sortir jouer, je ne sais pas... 

-Vous étiez pas dans la même école?

-Si, tous les gens du quartier se retrouvaient dans la même école publique du coin. Mais on était pas dans la même classe, vu qu'il avait un an de moins que moi. Ou deux, je crois? 

-Oula. Pouffa Rin. Déjà intéressé par les femmes plus âgées en primaire...

-Eh ho, ça va, l'écart n'était pas immense. Bouda Hataru.

-Oui, oui... mais à cet âge, une classe de différence, c'est déjà énorme. Je ne sais pas si j'aurai osé aller te parler, si on avait été dans la même école.

-Mais t'aurai été une classe au dessus de moi! S'exclama Hataru.

-Et alors? J'avais déjà du mal à parler aux gens de ma classe. Soupira Rin en avalant une gorgée de bière.

-Mroo, Noriko-san représente donc l'intégralité de ta vie sociale... susurra Hataru en pinçant un peu les joues rosies par l'alcool de Rin. 

-Eh, j'ai eu d'autres amis. Grogna cette dernière. Des... mecs, en général. Yen avait beaucoup qui osaient pas trop parler aux autres, alors on s'entendait bien. 

-Rho ouiii... moi aussi, en primaire, je préférais trainer avec les garçons. Les filles étaient tellement... méchantes, parfois. Alors que les garçons vivaient juste leur vie. Bon, pas tous... mais il y avait moins de drama.

-C'est clair. Bon... mais une fois le collège venu...

-Les garçons se transforment en mecs. Soupira Hataru.

Rin pouffa dans sa bière. Son rire si sincère, la roseur de ses joues, et son expression apaisée, la changeaient complètement de ce qu'elle pouvait être le reste du temps.

-C'est une bonne façon de le dire. Admit-elle. Je suis sûre qu'il y en avait plein qui te couraient après, au collège.

-Tu parles... il étaient plus là pour me saouler qu'autre chose. J'étais un peu... enrobée, on va dire, et j'étais une cible facile pour les petits cons. 

-Mais t'avais Lucie pour te protéger, hein? Et ça critique mon amitié avec Noriko...

-Pour le coup, c'est la première fois que je suis dans la même école que Lucie. Pouffa Hataru. Elle venait du... ah, les arrondissements d'Ilica te diront rien... bref, nos familles habitent pas du tout le même coin.

-Vraiment? J'ai du mal à vous imaginer si proches sans avoir été à l'école ensemble.

-Lucie a bien tenté de faire un énorme caprice pour changer d'école, mais... bon, c'était pas à côté, et par rapport au standing des écoles à laquelle sa mère l'envoyait... c'était pas la même histoire. 

-Et tu as essayé d'aller dans la sienne?

-Oui. Avoua Hataru. J'ai même fait un cirque pas possible, mais... bon, on roulait pas sur l'or, c'était loin et cher... et surtout, Aki avait peur que je ne m'intègre pas dans... "l'écosystème", dirons nous. 

-Ça peut être compréhensible...

-Oui. Même Jade, la soeur de Lucie, a bataillé avec sa mère pour être envoyée dans un collège moins... "richou". Elle supportait pas les gens là bas, et Lucie pas plus qu'elle. Mais bon, même en allant à un collège moins cher, ça restait loin d'être accessible à nos finances. 

-Wha... je suis surprise, je pensais que tu avais vraiment collé Lucie toute ta vie au point de la suivre ici. 

-Hey! Ça va un peu, madame "j'abandonne ma meilleure amie pour étudier loin".

-Ah... je plaide coupable là dessus. Admit Rin. 

-Comment vous vous êtes rencontrées, toi et Noriko? Demanda finalement Hataru. 

Rin laissa sa tête retomber légèrement en arrière, comme si ses muscles étaient devenus trop faibles pour la retenir.

-Rien de bien étonnant... j'étais toute seule dans mon coin, elle venait d'être transférée dans notre école maternelle... elle est venue m'approcher un jour, et... eh bien, elle ne m'a plus lâchée depuis. 

La jeune femme eut un souffle un peu amusé.

-Tu sais le pire, dans toute cette histoire? Au début, c'est moi qui la défendais. 

-Vraiment?

Rin hocha la tête.

-C'était la nouvelle... elle n'était pas très douée en cours, avait souvent les pires notes... mais surtout, sa situation familiale faisait... parler, on va dire. Sa mère l'a eu très jeune. Elle se prostituait... elle s'est mal protégée... et voilà. Elle est restée quelques années là où elle vivait, avant de finalement partir à cause de toutes les rumeurs, et c'est comme ça que Noriko est arrivée à Yamanashi. Mais bon... de nos jours, les infos, ça circule. Bref, sa mère s'est trouvé un nouveau mec à Yamanashi, mais il était pas très fan de l'idée qu'elle ait déjà un enfant. Il la traitait presque comme une étrangère... Noriko dormait souvent chez nous, du coup. Elle a un demi frère, mais ils ont jamais vraiment pu s'entendre. Son beau père est un connard fini, et sa mère, eh bien... je sais pas trop. J'imagine qu'elle aime beaucoup sa fille, mais... peut être qu'elle ne le montre pas très bien, ou qu'elle se tient juste a carreau pour garder son mec. En tout cas, ça a jamais été la joie chez elle. 

-Ça explique beaucoup pourquoi tu n'as pas voulu en rajouter... 

Rin hocha la tête silencieusement. 

-Mes parents l'adorent, alors elle continuait à venir bosser chez nous... elle est serveuse à temps partiel depuis tellement longtemps dans leur restau... ça m'a permis de moins... je sais pas... culpabiliser, peut être? Vu que, même si je lui parlais plus... elle avait quand même un endroit où se sentir bien? 

La jeune femme soupira. 

-J'aurai aimé être... une meilleure amie, quand même. 

Hataru regarda son amie, puis quitta la chaise pliante pour venir s'asseoir à côté d'elle, sur le sol.

-Tu en es une super maintenant, Rin. Déclara-t-elle. Et je suis sûre qu'avant toute cette histoire, t'en étais aussi une... tu... dois pas t'en vouloir pour ce qui s'est passé. T'étais perdue... tu as fais ce que tu pensais être le mieux. Et personne pourra jamais savoir ce qui se serait passé si tu avais agi autrement. Peut être les choses se seraient mieux passées, oui... mais peut être que tout aurait été pire, aussi. 

Rin hochait la tête silencieusement. Un petit sourire en coin se dessina sur son visage.

-Tu trouves toujours les bons mots... 

-Je dis juste ce que je pense. Rétorqua Hataru avec un petit rire, en laissant tomber sa tête sur l'épaule de Rin.

-L'un n'empêche pas l'autre. Murmura Rin en avalant une autre gorgée. Depuis qu'on se connait, je... j'ai l'impression... que tout va mieux. Que j'arrive un peu à aller de l'avant...

-Qu'est ce que tu veux dire?

-Je... sais pas trop. Admit Rin. J'ai partagé ma passion alors que je pensais jamais le refaire... j'ai dit des trucs que je pensais emporter dans ma tombe... je suis sortie, j'ai rencontré des gens... j'ai avoué mes sentiments... pris ma revanche sur mes tortionnaires... 

-Mais t'as fait la plupart de ces trucs seules. Fit remarquer Hataru avec un petit rire.

-Mais je n'en aurait pas fait la moitié si tu n'avais pas été là. Rétorqua Rin. Au début, je pensais que tu allais juste être... pardonne moi... une nuisance dans mon quotidien. Je pensais que t'allais vite partir, vite te lasser, et... maintenant, je... sais pas si je pourrai me passer de toi.

Un léger rire secoua Hataru, qui se laissa aller plus proche du corps de Rin, tout en buvant une autre gorgée. 

-Tu as froid? Demanda Rin dans un murmure.

-Un peu. Admit Hataru, dont les joues étaient pourtant autant enflammées par l'alcool que cette proximité.

D'un geste, Rin se saisit du plaid, et vint le rabattre sur l'épaule de Hataru. Sa main vint ensuite se poser contre son dos. Les deux jeunes femmes fixaient le feu mourant, en silence, plus proches, autant physiquement que mentalement, qu'elles ne l'avaient jamais été. 

-Moi aussi. Murmura finalement Hataru.

-Hm? Toi aussi quoi?

La jeune femme fixa les flammes. Elle but une longue rasade de bière. C'était la dernière de sa bouteille, qu'elle laissa donc retomber. Hataru tourna alors son visage, et posa son menton sur l'épaule de Rin, tout en la fixant dans les yeux. L'alcool lui faisait légèrement tourner la tête. Elle n'avait plus les idées très claires, elle non plus. Mais son attention se cristallisa sur cette image. Le visage de Rin, adouci par l'alcool, les joues légèrement roses, les ombres projetées par les flammes dansant sur sa peau. 

-Je ne peux plus me passer de toi. Murmura-t-elle.

-C'est vrai?

Hataru eut un léger rire, un peu amer.

-A ton avis? Dit-elle. Je ne peux rien te cacher, après tout. 

-Hm. 

Un silence passa. Les deux jeunes femmes se fixaient, leur regard plongé l'un dans l'autre. Elle riait légèrement de ce contact visuel, enivrées par l'alcool. Ce fut Rin qui brisa le silence.

-Hataru?

-Hm?

Un léger silence. Puis, Rin vint poser ses lèvres contre celles de Hataru. Ce fut un contact court, éphémère, si léger que l'esprit embrumé de la jeune femme aurait pu croire qu'il s'agissait de la simple caresse de la brise. La présidente recula aussi vite qu'elle était venue. Son regard était incertain. Apeuré, également. Hataru, elle resta figée un court moment. Elle était, étrangement, particulièrement calme. Celui lui sembla si naturel de tendre le cou pour rendre à Rin le baiser qu'elle venait de lui donner. Il était tout aussi court. Tout aussi fragile. Mais également tout aussi rempli de non dits, et de promesses. 


Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro