Tout arranger
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Paige
Mes yeux concentrés sur le reflet que me renvoie mon miroir mural, j'inspecte minutueusement les deux vêtements que j'ai sorti du fond de mon placard ce matin juste pour une stupide envie de changer.
Ce haut fait trop ressortir mon ventre. Et mes seins. Cette jupe me colle et montre un peu trop mes cuisses. Et mes vergetures.
J'essaie de sourire mais mes commissures retombent instantanement.
Dans un soupir tranchant, je troque la jupe en cuir à l'une des saloppettes qui peuplent mon armoire, trop ample mais qui enveloppe mes imperfections et pose un semblant de réconfort pour sortir dehors sans avoir l'impression que le monde entier à les yeux rivés sur moi, et le top à mon pull à l'effigie du campus. Voilà la vraie moi, celle qui se cache derrière une montagne.
Je relâche tout l'air que contenait mes poumons et même si je ne suis pas fière de ce que je vois, je me sens prête à braver toutes mes terreurs.
De là, je peux entendre le rire de mes colocataires qui s'agitent comme des folles dans la cuisine. Et, rassemblant mes dernières affaires pour les cours, je ne tarde pas à les rejoindre. Lorsque je rentre dans la pièce éclairée par les rayons du soleil filtrés par les volets, les rires cèssent et une tête blonde vient me prendre dans ses bras.
C'est Leigh.
Il n'y a qu'elle qui sait ce qui peut vraiment m'aider dans mes moments sombres; un câlin fort et réconfortant. Les filles l'ont surement mise au courant de la situation vu qu'elle n'est rentrée que hier soir d'une visite de deux semaines chez ses parents.
_ Je suis désolée.
Je renifle doucement, réprimandant les larmes qui menaçaient de couler. La blonde, surement la plus sage d'entre nous, me tapote doucement le dos et rompt l'étreinte au bout de quelques minutes sans enlever ses mains de mes épaules.
Ses câlins m'ont toujours fait du bien. Et ils me reboostent à fond.
_ Jace était un salaud de toute façon.
Dans l'inhabitude de l'entendre prononcer de tel propos, je ris doucement mais ça sort plutôt comme un plainte étouffée au fond de ma gorge et les filles n'ont rien remarqué.
_ Bah quoi?
Lys' ramène sa tasse remplie de café noir vers elle, les coudes posés sur le comptoir qui trône au milieu de la cuisine.
_ On est juste choquée que de tels propos sortent de la bouche de notre bonne et sainte Leigh.
Bonne. Surement.
Leigh est la fille la plus sage que j'ai rencontrée. Ses conseils sont de l'or. Belle, gracieuse et remplie de surprise. Leigh a tout pour plaire mais cette fille n'arrête pas de repousser quelque soit le garçon qui l'approche. Je n'ai jamais su pourquoi et je ne pense pas le savoir de sitôt: elle est bien trop mystérieuse.
Leigh est le genre de fille à qui il est facile de s'ouvrir et parler pendant des heures entières. Mais sa vie, elle, reste dans l'ombre. Une vraie boule de mystère enroulée dans une fille au visage chaleureux.
Mais sainte. Je ne pense pas.
Il n'y a qu'à voir la page instagram qu'elle a dédiée à ses poèmes érotiques.
Une vraie boule de mystère et de contradiction.
Et elle semble être d'un même avis que moi puisque se place à côté de moi, les bras désormais croisés sur sa poitrine.
_ Tu es sûr du choix de tes mots?
Sydney rigole doucement tout en me tendant mon mug rempli de chocolat. J'avais besoin de ça. Il n'y a qu'à voir mon visage qui a perdu son teint naturel et mes cernes que je n'arrive plus à cacher. Oh oui, j'en avais besoin.
La journée d'hier a été longue. Longue et très surprenante.
Je touille mon chocolat où une faible lignée de fumée s'échappe.
_ Je voulais vous prévenir; ne soyez pas surprises si ma mère débarque ici comme une folle furieuse, nous annonce Lysbeth, la bouche à moitié remplie de tartine.
Sydney s'assoit sur la chaise en face de moi tout en replaçant l'une de ses mèches blanches derrière ses oreilles.
_ Pourquoi? Tu l'as encore poussée à bout?
_ Elle a encore appelé sur vidéo hier soir et j'étais dans le studio, elle a piqué une crise lorsqu'elle a vu mes tableaux.
_ Tu devrais lui parler, Lys'.
Il y a une petite cabine sur le toit du loft, suffisamment petite pour acceuillir seulement un canapé à deux places et un téléviseur. Lysbeth l'a aménagée pour ses peintures et ses tableaux sur qui elle travaille dans ses temps libres lorsqu'elle n'est pas dans sa chambre à jouer sur sa console et à crier derrière ses partenaires virtuels.
Et sa mère; une trentenaire qui, aux premiers abords à l'air d'être une femme bienveillante mais qui, derrière les propos de sa fille, à l'air d'être la pire des garces qui ait pu exister, ne veut rien entendre de ses tableaux qu'elle classe de perte de temps. Et pourtant, l'étudiante a sacrifié ses rêves pour la satisfaire. Au lieu de poursuivre en arts, elle s'est vue contrainte de commencer des études en droits.
_ Cette femme est une vraie tête de mule.
_ Et en suivant son exemple, tu seras la victime de l'histoire, réplique Sydney.
Je lui lance un petit regard dépité alors qu'elle passe une main nerveuse dans ses cheveux bruns courts. Je partage sa peine. Ce n'est jamais facile de contredire une mère qui a une confiance aveugle.
_ Je ne pense pas lui parler de sitôt.
_ Pourtant tu devrais, je lâche. C'est ta mère.
_ Oui, je sais mais...
Lysbeth reprend une autre gorgée du contenu de sa tasse et un instant, je vois l'ombre de la tristesse voilée ses yeux avant qu'elle ne cligne les yeux, comme pour se départir du sentiment qu'elle ne voulait ressentir, et de relever les yeux sur nous.
_ Mais du coup, je suis bien dans ma double-vie; étudiante le jour et peintre la nuit.
Si tu le dis, Lys', si tu le dis.
Leigh et Lysbeth finissent par monter dans leurs chambres respectives. Sydney repose sa tasse dans l'évier et dès l'instant où elle s'adosse contre celui-ci pour me faire face, je sais alors que je vais encore passer l'un de ses questionnaires sans fin et que ça n'allait pas être une partie de plaisir.
_ Alors, tu étais où hier? Je veux dire...vraiment.
Depuis qu'elle a plissé les yeux lorsque je leur ai dit que j'étais partie prendre l'air hier, je voyais que ça ne la suffisait pas. Sydney est comme ça, rien ne la satisfait. Elle a ce besoin de tout controler.
_ Tu devrais faire attention Paige. Avec cet histoire de bandits en caval et...Jace.
Je soupire bruyamment.
_ J'ai l'impression que tout le monde me parle que de ça. Tu sais, je vais bien, je ne suis pas fait de sucre.
Mon agacement et mon irritation se font sentir plus que je ne voulais mais ça ne semble pas la démonter. Elle s'approche du comptoir et s'y accoude.
_ Ce n'est pas de la pitié.
J'ai l'impression d'être une fillette qui doit toujours être sous protection. Mais je ne le suis pas. Ok, j'ai une peur bleue de prendre mes responsabilités en main et de les fuir. Mais je ne le suis pas.
_ Je sais que ça n'a pas été facile pour toi mais écoute, je ne m'inquiète pas pour toi. Bien au contraire, je sais que tu vas gérer mais j'ai peur pour ton bébé. Jace est peut-être déterminé à tout faire pour sauver sa peau mais est-ce que tu sais où pourrait aller son père pour étouffer cet histoire?
D'un coup, je sens ma peau se recouvrir d'une couche de chair de poule. Où est-ce que la tête des Rhoman serait prêt à aller pour garder sa réputation?
_ Il incendie ses employés pour des banalités et puis, il s'arrange pour qu'ils soient radiés, siffle t'elle comme si c'était quelque chose de particulièrement monstrueux.
J'ai déjà côtoyé le paternel de mon ex et oui, c'est un vrai salopard avec des airs machosiste et de bourgeois égoïste. À l'époque, je ne le supportais pas et il a été la source de nombreuses disputes dans mon couple.
_ Je peux aller en toucher deux mots à Jace, si tu veux.
Les yeux rivés dans le vide et la gorge asséchée, je m'efforce de répondre à mon amie toujours devant moi.
_ Non. Non, ne fais rien. Je vais tout arranger. Tout.
_ Je sais. Et sache que je serai toujours là, Paige. Toujours.
Elle presse ma main, fort. Et ça me fait vraiment du bien qu'elle me témoigne autant de soutien. Je lui souris faiblement quand elle me lâche pour sortir de la pièce.
Et seulement là, je laisse couler la larme solitaire que me démangeait depuis tout à l'heure, enfouissant ma tête entre mes mains en coupe.
Je vais tout arranger...
~~~
Nous revoilà après presque un mois d'absence.
Croyez moi, j'avais besoin de ce mois pour repenser et reposer mon cerveau qui a tant accumulé pendant la période scolaire. Et me voilà avec un nouveau chapitre et des idées plein la tête.
Alors, des théories pour la suite?
Avant de vous quitter, j'aimerais remercier ceux qui lisent cette histoire, qui commentent et qui votent. Merci mes chers lecteurs. Mille fois.
Sur ce, je vous dit à bientôt pour la suite.
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