Buisness
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Lynx
Ce soir, je n'ai vraiment pas la tête à travailler. Des millions et des milliards de souvenirs inondent les abisses sombres de ma mémoire. Je suis partagé entre un néant infernal qui me bouffe l'intérieur et un désespoir sans nom. Un putain de désespoir qui me tient au cou et lacère ma poitrine de ses crocs sanglants. Et j'ai bien peur de m'être abandonné à elle comme un lâche.
¡Un gran cobarde!
je serre mon poing durement et le ramène à mes lèvres au lieu de l'abattre sur mon bureau contre lequel je suis accoudé devant les ordinateurs superposés allumés. Une colère sourde contre moi-même bout dans mes veines et je fonds dans la lave incandescente à laquelle je m'expose. Je m'en veux. Enormement.
Et pourtant, je devais me réjouir. Et non rester enfermé ici, recroquevillé comme un pauvre type.
Mais je n'y arrive pas.
Le visage de la métisse en salopette s'immisce entre mes paupières closes alors que je nous revoie dans cette ruelle, là où je n'aurais jamais dû être. Jamais. La laideur de la réalité me décroche une bonne droite et je l'ai bien mérité; j'ai sauté pieds joints dans une belle merde. Malheureusement, je suis déjà bien trop foutu pour m'en sortir maintenant.
J'inspire longuement et ramène les mèches humides, égoutant encore l'eau, sur le sommet de mon crâne. J'essaie de me focaliser sur la froideur des gouttellettes qui ruissèlent sur mon cou, mon dos et mon torse nu. Mais ça ne me calme pas. Au contraire, je me sens consumer par l'étroitesse des murs qui se referment sur moi et qui declenche un agacement dont je ne sais même pas la soure. Tout m'agace: les tic réguliers de la montre accrochée à mon poignet, les informations sur l'un des écrans qui défilent un peu trop vite pour mon cerveau ramoli par ma journée longue et fatiguante et la barre de téléchargement affichée sur l'autre, lancée pour la reconnaissance de la suspecte il y a quelques jours déjà, qui tourne trop lentement à mon goût et pour mon impatience trop aiguisée.
Quand je vois ce que je suis devenu aujourd'hui, j'en suis pas du tout fier. Et Mama ne le serait pas non plus; je vole et je traque. Je dépouille et je casse.
Je n'ai jamais voulu de tout ça.
Petit, comme tous ces gosses naïfs et aveugles, je rêvais de combattre le crime dans les rues dangereuses du petit quartier où j'habitais avec ma mère.
A treize ans, alors que mes camarades de classe apprenaient à faire des équations après les cours, moi, je trainais avec Albarezzo, un racaille du quartier avec des connaissances informatiques qui dépassait la norme. Il m'a tout appris et je pense que c'est à partir de là que j'en ai fais une drogue, une source où abrevé ma soif lorsque je voulais partir loin sans vraiment partir. Je passais quasiment tout mon temps chez lui pour en apprendre jour et nuit. Et j'aimais ça, même si ma mère me sermonait à chaque fois que je passais la porte trois ou quatre heures en retard pour le diner.
Et puis, Enrique a débarqué, cassant toutes les rêveries du gosse insouciant et borné que j'étais. J'ai perdu, j'ai souffert...
Mais je ne m'en plains pas. Ou du moins, je ne m'en plains plus.
Un soupir coupant m'échappe lorsque je me vautre sur le dos sur la chaise qui grince sous le trop plein de pression, avec une insomnie qui ne veut pas me quitter. Quand soudain un éclat de voix étouffé me sort de ma torpeur givrée et des pas précipités éveillent ma curiosité. Je lance un regard furtif par-dessus mon épaule à la radio-réveil qui borde mon lit et il n'est que deux heures du matin. Mes colocataires sont partis se coucher après s'être pris une cuite mémorable -enfin à l'exeption de Lux, fidèle à lui-même, il n'a descendu pas plus d'une bière...comme moi.
Un nouveau bruit sourd et suspect me redresse vivement et en tendant l'oreille, j'arrive à discerner la voix rugueuse de Just et celle plus de...Donna?. J'enfile à la hâte un t-shirt et me dirige à tâtons vers le salon où je trouve un Donna, bien installé sur le sofa, les jambes croisées devant lui et accosté de son éternel homme de main.
_ Tu t'es décidé de te joindre à la fête, Lynx.
Donna me lance un regard qui pourrait faire froid dans le dos de n'importe qui, mais pas moi.
Les mains plongées dans les poches de son bas, l'ombre imposante de Lux sort de la pénombre et s'interpose à l'homme en costard tout en me lançant un regard mesuré qui semble me crier " ne déconne pas, laisse-moi gérer ". Ce n'est que là que je remarque Shad et Just, tapis chacun dans leur coin.
_ On travaille sur ça, Donna.
_ Votre temp s'est écoulé; maintenant, j'exige des réponses. Qui a saboté ma mission?
Il a débarqué ici à deux heures du matin, juste pour des foutues réponses à ses putain de questions. Mais qu'est ce qui se passe réellement dans la tête de cet homme? Qu'est-ce qu'il craint aussi fort?
Il ouvre ses bras théâtralement, pour se donner encore plus en spectacle. Et ça m'agace.
_ Une semaine. Sept jours. Qu'est ce que vous avez trouvé d'ici là?
_ Nous venons de tout te dire, pour l'instant...on a que ça. Et-
Mais il se fait vite couper par Donna qui se redresse brusquement.
_ Je m'en tape de tout ça! Tout ce que je demande, c'est un responsable. Pas de tes expliquations de merde!
Et s'en est trop.
_ Et pourtant, il parait clairement qu'une semaine n'était pas suffisante pour tout arranger. Et tu le savais, arraché-je.
Bien entendu, il le sait. Il le sait depuis qu'il a quitté cet appartement la fois dernière.
Donna fronce violemment les sourcils, ses iris se dilatent et ses narines tremblent; j'ai frappé exactement au bon endroit. Je lui ai décroché une bonne droite qui le laisse sans voix et qui m'attire le regard effaré de Shad et celui de mise en garde de Lux, toujous posté devant lui.
Je sais ce que je fais et j'ai la tête sur les épaules. Et non, je ne suis pas suicidaire, car c'est ce que je lis dans les yeux de mes trois équipiers. Et je ne suis pas non plus le chien de Donna.
_ Qu'est ce que tu viens de dire?
Lux me lance une oeillade dure que je choisis volontairement d'ignorer et replante mon regard dans celui méprisant de l'homme en face de moi.
_ Il nous faut plus de temp.
Donna va exploser; il souffle désormais comme un mufle et il a cloué son bec. Un sentiment de bien-être fait gonfler ma poitrine et seulement là, je m'autorise à respirer cet air qui emplit mes narines et gonfle mes poumons.
Contre toute attente, ses lèvres s'étirent et un sourire maniaque prend place sur son visage plissé.
_ Tu te crois intelligent, hum?
Je ne me crois pas intelligent. Je le suis.
_ Ce qu'il veut dire c'est que ce serait mieux si tu nous accordes quelques jours de plus, ajoute Lux, pensant éteindre le feu ardent qui brule dans nos yeux.
Même si le britanicò s'est jeté au beau milieu de cet affront, Donna ne me quitte pas de son regard noir pour autant. Et alors qu'il s'apprête à parler, King déboule dans la pièce attirant le regard de tous les présents. Ses cheveux touffus et desordonnés forment une masse rousse sur sa tête et retombent lourdement sur ses épaules enveloppées par les manches amples de son t-shirt. Ses yeux bleus polaires et encore lourds de sommeil voyagent entre Donna et nous et King prononce d'une voix enraillée alourdit par sa cuite monumentale:
_Qu'est ce qui se passe?
Et là, ce qui devait arriver, arriva.
Donna pousse une râle de colère avant de raser la table basse des bouteilles de bière vides qu'on descendu mes colocataires quelques heures plus tôt. Un hochet de surprise échappe à King et Just la tire en arrière avant que les résidus de verres cassés se plantent dans sa peau pâle.
_ Vous vous foutez de moi!
Sur la défensive, Lux recule et Shad se glisse à moitié derrière un mur pour échapper à la lampe qui s'écrase brutalement et dans un bruit assourdissant non loin d'eux. La télé subit le même sort et éclate la table basse en mille morceaux sous nos yeux ébahis.
Un silence lourd s'abat, et personne n'ose perçer la bulle horrifique dans laquelle Donna nous a mué en éclatant comme un chien enragé. Il inspire bruyamment tout en se redressant et promène son regard sombre sur nous. Un regard qui nous met au défi de riposter.
Qui me met au défi de riposter.
_ Je vous donne une semaine de plus. Une semaine pour me trouver le responsable de tout ça. Une semaine...pas plus.
J'ai envie de cogner sa gueule jusqu'à ce qu'elle soit une bouillie diforme sous mes poings, et là, je la lui ferait avaler par le nez. Je le fixe, espérant qu'il capte les mots tranchants qui m'écorchent la gorge comme des millions de verres pilés.
Mais il n'en fait rien, à part continuer à nous fixer de haut comme si nous n'étions rien que de vieilles merdes sous son jauge. Et je lui retourne son regard mauvais, parce que pour l'instant, ce n'est que de ça que je suis capable. Pour l'instant.
Le silence perdue; pour se comprendre, il sort un couteau russe de sa poche et le plante d'un coup sec dans le canapé pour y laisser une longue trace béante qui fait jaillir une multitude de cotons. Il pense nous effrayer: peut-être que oui, il effraie mes acolites mais je ne ressens rien qu'un profond dégoût et une haine que je risque de laisser sortir.
_ Je crois m'être bien fait comprendre.
J'ai compris.
Mais pas ce que Donna aurait préféré que je comprenne, non. J'ai compris qu'il a certainement quelque chose à cacher pour avoir perdu son sang froid aussi facilement. Ce n'est pas du tout son genre.
J'ai compris que quelque chose clochait avec lui. Et avec son buisness pas si méchant que ça.
***
❄Hii❄
Fatiguée, j'ai enfin fini par écrire ce chapitre après de nombreuses réécritres et de nombreux changements scénarios. Pour en finir avc celui-là et j'en particulièrement satisfaite.
M'enfin...merci infiniment❤. Merci pour vos 1,36k❤.
Icekiss la mif❄
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