Chapitre 10 : La folie
Je me réveillais, épuisée comme si je ne m'étais jamais endormie. Alors que je reprenais conscience de la réalité, les souvenirs de mon rêve se faisaient de plus en plus lointains. Je ne me rappelais seulement de quelques bribes : il y avait Harry, et Ron, aussi. Ils me manquaient tellement, j'aimerais tant revoir leur visage, leur parler, rien qu'une petite minute. Revoir les yeux verts d'Harry, lui demander si tout va bien et lui souhaiter bonne chance. Revoir le visage de Ron, me jeter dans ses bras, le serrer contre moi, de toutes mes forces. Je tentais de m'imaginer la scène et j'y parvenais presque, j'aurais presque pu y croire. Mais, soudain ... J'eus un doute. Oh ! Sur un détail, vraiment pas grand-chose. Je n'arrivais plus à me rappeler le teint de Ron. Je ne me souvenais plus. Malgré le manque d'importance de ce fait, je ne pouvais m'empêcher d'y penser. Comment pouvais-je oublier un élément comme celui-ci ? Un tas d'autres suivirent. J'avais oublié un ingrédient de certaines potions, certains sorts, et, parfois, je confondais les noms.
Je calculais rapidement : dix jours. Cela faisait dix jours que j'étais prisonnière, que j'étais chez l'ennemi. Et combien d'autres vont suivre après eux ? Combien de temps encore j'arriverai à tenir ma langue, à ne pas lâcher prise ? Combien de jours passeraient encore avant que Voldemort décide de me tuer ?
Dix jours que mon regard était porté sur le plafond gris, terne et froid. Que la faim, la soif et la fatigue me torturaient. Sans parler de la véritable torture, celle de Drago, ou celles de Lucius et Bellatrix. Pour moi, c'était toujours de la douleur, de toutes les manières, j'avais mal. Avant ma capture, je ne connaissais le Doloris que de nom. J'aurais voulu dire que je m'y étais habituée, mais c'était complètement faux. On ne pouvait pas s'y habituer, c'était impossible. Je savais la sensation que ça procurait : cette sensation d'oppression au niveau du crâne, l'impression que l'on me poignarde, les poumons qui brûlent,... Mais personne, personne ne pouvait réellement comprendre la douleur qu'il causait. Personne. Il n'existait aucun adjectif, aucun mot assez fort pour décrire ce Mal.
Pendant une bonne partie de la nuit et en dépit du sommeil dont j'avais tant besoin, j'avais réfléchi. Je repassais en boucle les paroles qu'avait prononcées Malfoy. Il m'était apparu comme un être humain, quelqu'un capable de ressentir des émotions. Je n'avais vu que la rage dans ses yeux métalliques, alors que j'avais réussi à le faire sortir de ses gonds. Le reste du temps, son regard ne reflétait rien, pas la moindre émotion, la moindre once d'humanité. Mais je m'étais trompée, j'étais tombée de haut. Le Serpentard souffrait comme moi. J'avais eu du mal à comprendre de quelle manière la situation dans laquelle il se trouvait pouvait être douloureuse. J'avais énormément réfléchi, j'avais même tenté de me mettre à sa place. Ca non plus, je n'y arrivais pas, je ne parvenais pas à le comprendre.
Je le croyais, je voulais bien croire qu'il n'ait pas eu le choix. Pourtant, je n'avais aucune idée de la vérité. Mais je voulais le croire. La première fois que nous nous étions rencontrés, lorsque nous n'avions que onze ans, il était un garçon innocent. Mais il avait changé, quelque chose l'avait changé. Des années plus tard, l'enfant avait laissé la place à un adulte qui avait pris le mauvais chemin. Qui avait choisi le mal. Ses paroles me revenaient encore une fois. Non. Il n'avait peut-être pas eu le choix, cette marque faisait de lui un Mangemort, mais elle ne définissait pas celui qu'il était. Seulement le masque qu'il avait plaqué sur son visage et que j'avais pris pour lui. J'avais fait une erreur, l'Ordre du Phénix et les Aurors, tous avaient fait la même erreur. Celle de fermer les yeux, de ne pas voir qu'ils n'étaient pas tous comme Voldemort. Qu'ils n'étaient pas tous mauvais.
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La porte s'ouvrit dans un bruit qui me fit sursauter, je n'avais même pas entendu la clé dans la serrure, plongée dans mes pensées. Je relevais les yeux. C'était Malfoy. Je m'étais attendue à voir un autre garde, pas celui de la veille, bien-sûr, mais peut-être celui du premier jour.
-Malfoy.
-Granger.
Son visage était de nouveau le même, indifférent, froid, distant. Il me fit signe de me lever, chose que je fis, ignorant mes muscles qui criaient de protestation. Il ouvrit la porte en grand et dit, de sa voix traînante :
-Sort !
J'obéis, il devait certainement remplacer le garde de la veille. Malfoy avait sorti sa baguette et je fronçais les sourcils, il me lança, comme pour ce justifier :
-Cette fois, tu ne t'échapperas pas, Granger.
Je souris, évidemment. On n'était jamais mieux servi que par soi-même. Le Serpentard ne voulait pas prendre de risques. Nous nous mîmes en marche, j'avançais aussi vite que je le pouvais, mes pieds nus me faisaient souffrir autant que les courbatures de mes jambes. Le sol irrégulier me meurtrissait à chaque pas et je regrettais amèrement mes chaussures qui, bien que usées, m'étaient bien utiles. Nous arrivâmes aux sanitaires et il me fit brusquement :
-Tu as cinq minutes, pas une seconde de plus, c'est compris ?
J'hochai la tête, avec une grimace. C'était comme si ses paroles d'hier n'avaient pas existé, que le Drago Malfoy que j'avais aperçu n'était que le fruit de mon imagination. Je me dépêchai de faire mes besoins et de me laver les mains dans l'eau souillée du seau qu'on n'avait sans doute pas changé depuis mon arrivé. Je sortis de la petite pièce mal éclairée, le Serpent eut un regard pour la montre à son poignet, et dit, narquois :
-Quatre minutes et trente secondes, pas mal Granger !
Je réprimai une réplique cinglante et me contentai d'un regard incendiaire. Je tournai les talons et je sentis sa baguette contre mon dos, comme une menace. Je n'avais pas l'intention de tenter quoi que ce soit, je n'avais aucune chance de cette manière, je l'avais compris. Alors que nous passions à côté des portes d'autres cellules, alignées par dizaines, un bruit me parvint, des cris, des sanglots, c'était épouvantable. Je serrai les poings. Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer les personnes prisonnières, comme moi. Je ne pouvais que les comprendre, les plaindre, je ne pouvais rien faire pour eux. Soudain, mon pied buta contre le sol et je m'étalai sur les genoux. Je gémis, Malfoy m'observait, sans la moindre émotion. Je me relevais péniblement, mes paumes et mes genoux étaient écorchés et j'ôtais rapidement les gravillons qui s'étaient incrustés dans ma peau. Le Serpentard soupira, je n'eus pas le temps de relever la tête qu'il m'avait déjà agrippé le bras, au-dessus du coude. Il se remit en route, me traînant presque derrière lui. A plusieurs reprises, je manquais de trébucher une seconde fois, mais je rétablissais mon équilibre à temps. Nous arrivâmes enfin devant la porte de ma cellule qu'il déverrouilla et me poussa à l'intérieur.
J'étais étonnée de ne pas voir de plateau au milieu de la petite pièce. Malfoy dût voir l'incompréhension sur mon visage car il dit :
-Je n'ai pas parlé de ta tentative d'évasion au Seigneur des Ténèbres et le garde que tu as blessé ne parlera pas non plus.
Il marqua une pause. Je ne comprenais pas pourquoi il n'avait rien dit, il ne l'avait sûrement pas fait pour moi. Il avait forcément quelque chose à y gagner. Mais oui ! Si Voldemort apprenait ce que j'avais tenté de faire, il me punirait mais il le punirait aussi lui. C'était pour cette raison.
-Par contre, pas de nourriture pour toi aujourd'hui. Peut-être que tu comprendras enfin que tu ne peux pas gagner à ce petit jeu. Tu n'as vraiment rien à gagner, rien du tout !
Je le toisai, mon estomac grognait déjà, complètement vide. Malfoy l'entendit aussi, il eut un sourire moqueur, de ce qui me donnait envie d'abîmer sa petite tête d'aristocrate angélique, qui me faisait oublier toute ma réflexion de cette nuit. Je sifflai, hargneuse :
-Je n'ai peut-être rien à gagner, mais de toute manière, je n'ai plus rien à perdre.
-Même pas la vie ?
Je secouai la tête, il ne comprendrait donc jamais ? Je me redressai un peu plus, me dressais de toute ma hauteur, bien que je lui arrivais à peine à l'épaule. Je répondis, comme si je parlais à un enfant en bas âge qui ne comprenait absolument rien :
-Ma vie n'a aucune importance, je te l'ai pourtant déjà dit. Je ne suis pas une traîtresse, je préfère mourir plutôt que parler. C'est ça qui nous différencie, toi et moi, notre motivation !
J'eus à peine le temps de finir ma phrase que ma tête heurta le sol dans un bruit sourd. Des petits points de couleurs obscurcissaient ma vision et je grimaçai. J'avais touché un point sensible, apparemment. Les doigts puissants du Mangemort serraient ma gorge. Son visage n'était que colère, chaque parcelle de celui-ci transpirait cette haine, ce dégoût que je lui inspirais. Il cracha, entre ses dents serrées :
-Tu parles trop, tais-toi !
Malgré sa poigne, je parvenais encore à inspirer de courtes coulées d'air, j'en profitai pour répliquer, acide :
-Ca fait mal, la vérité, Malfoy ! Mais je ne me tairais pas, je suis forte comme ça. Moi aussi, je peux faire mal.
Ses doigts me serrèrent davantage, plus douloureusement et je grimaçai. Pourtant, mue par ..., une chose que je ne connaissais pas, que je ne maîtrisais pas, j'étais confiante.
-Mais tu vas te taire, sale Sang-de-Bourbe ? Tu ne sais plus ce que tu dis.
Je souriais, un horrible rictus déformait mes traits amaigris. Je me sentais étrange, le danger, la peur étaient devenues dérisoires. J'étais comme invulnérable, plus rien ne pouvait m'atteindre, pas même Malfoy avec sa force et ses sortilèges. Je poursuivis :
-Tu es vraiment un idiot, Drago Malfoy !
La baguette du Serpentard se trouva devant mon nez, je l'observai avec attention. Il prononça l'incantation, les trémolos de sa voix étaient bien audibles, pourtant, je ne m'en souciai guère. La douleur. Partout. Dans chaque partie de mon corps, de mon organisme. Comme un venin qui vous dévore, qui s'approprie toutes les cellules afin de les contrôler à sa guise. Qui poursuit son chemin et ne laisse rien derrière lui. Qui vous détruit petit-à-petit. La poigne de Malfoy, les gravillons qui meurtrissaient ma peau, je les sentais à peine. Les muscles de mon corps tremblaient, tressautaient et je n'étais pas en mesure de contrôler quoi que ce soit.
Enfin, tout s'arrêta. Je tentai de reprendre ma respiration, mais les mains de Malfoy qui comprimaient ma trachée m'en empêchait. Je portai difficilement mes doigts à ma gorge et il desserra légèrement sa poigne. Je respirais par brèves inspirations. Soudain, alors que le Mangemort semblait moins énervé, un rire. Mon rire se répandit dans la pièce, hystérique, complètement insupportable. Et pourtant, c'était de ma bouche qu'il s'échappait. Je ne savais même pas pourquoi je riais, alors que tout mon corps tremblait encore du Doloris. Le Vert-et-Argent eut un mouvement de recul, plus inquiet, à présent. Je me mis à tousser, tellement je riais et je lançai, entre deux quintes :
-Tu vois ... Malfoy, je n'ai plus mal ... Tu ne peux même plus me faire ... Souffrir.
Une part de moi, ne comprenait pas ce qu'il se produisait. Mais l'autre, n'avait plus aucune logique, ne pensait plus. Cette fille qui riait à gorge déployée, qui répondait des mots sans queue ni tête, ce n'était pas Hermione Granger. Ce n'était pas moi. Mais qui était-elle alors ? Pourquoi suis-je si impuissante ? Tu ne peux rien faire Hermione. La véritable moi était-elle en train de mourir, une autre prenait-elle sa place ? La voix de Malfoy me tirait instantanément du combat intérieur qui faisait rage dans mon esprit dérangé :
-Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu es folle, Granger !
Folle ? Est-ce que j'étais réellement en train de le devenir. La douleur. Je le ressentais encore, celle du Doloris. Dans ma tête, toujours aussi insupportable. Pourtant, malgré elle, je souris, ou plutôt, elle sourit. Je pouvais presque me voir, mes cheveux broussailleux collés sur mon crâne, mon visage abîmé par des jours de torture et, pourtant, ce rictus. Ses yeux exorbités avec une petite lueur qui brille tout au fond.
La prise sur ma gorge se fit plus dure, bien plus dure, de sorte à ce que l'air ne puisse plus passer. Je tentais en vain de respirer, d'apaiser le feu de mes poumons. Les secondes passaient et, au fur-et-à-mesure, le sourire disparu tandis que la panique s'emparait complètement de moi. De l'air ! J'avais besoin d'air. C'était horrible, cette engourdissement qui se propageait partout, mon corps qui commençait à s'endormir alors que mon cerveau, lui, était encore fonctionnel. Ma bouche prononçait silencieusement « Malfoy », un dernier appel. Mais son visage restait de marbre alors que je me sentais partir. Mes paupières devenues lourdes se fermèrent alors que la douleur était à son paroxysme. Je partais, je m'éloignais de cet enfer. Une voix me parvint, elle semblait venir de tellement loin, elle semblait si lointaine, si irréaliste :
-Je suis désolée, Granger.
Ce chapitre signe la fin des dix chapitres de PDV Hermione, les cinq prochains seront avec un PDV Drago. Ce chapitre est peut-être un peu dérangeant (un peu x), mais je pense que notre Gryffondor a trop bien vécut tout ça, ce gros pètage de plomb était donc nécessaire. Pour la petite histoire sympathique, le jour où j'ai écrit ça, c'était à Pâques et j'avais un peu trop bu. Ce qui fait que je n'étais pas encore tout à fait sobre quand j'ai écrit ça. Bah, vous savez quoi ? Quand je me suis relue le lendemain, je me suis dit « va falloir que je boive plus souvent » XD No comment ! Comme d'hab', laissez moi un petit quelque chose à me mettre sous la dent, ça fait toujours plaisir ^^
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