Tome IV - Chapitre 3 : Mr & Mrs White
Hello tout le monde ! Comment ça va ? ^^
Je suis un peu en retard pour tout sorry. Toujours pas de reprise de LHDI, je suis vraiment dans ma période Maraudeurs en ce moment, je crois que j'avais besoin d'une pause, mais je pressens que ça veut dire que la fin du tome s'écrira plutôt facilement quand je reprendrai. Promis, si c'est le cas, vous aurez la fin du tome 2 de LHDI avec un chapitre par semaine haha !
Autre chose où je suis en retard : le concours de créations artistiques (ouais Marion, on est presque en mars...). Mais du coup vous l'aurez demain ! Je prépare tout ce soir et ça sera en ligne dimanche promis haha !
Ah et avant de commencer, je voulais dédier ce chapitre à une lectrice qui m'a envoyé sûrement le plus beau message du monde pour m'annoncer qu'elle venait d'avoir une petite fille... et qu'elle l'avait prénommée Marlène en partie grâce à mon personnage. Ca m'a énormément touché, surtout que c'est une lectrice de loooongue date. Donc encore merci à elle pour ce message qui m'a fait sourire comme jamais, j'espère que tout le monde va bien à la maison, et encore félicitations ! <3 Je vous souhaite plein de bonheur !
Mais allons-y, passons au chapitre du jour... Comme certain.es l'avaient deviné, c'est le grand retour du Marlus ! Let's go !
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Chapitre III : Mr & Mrs White
- On suspecte un traitre.
- Quoi ?
Marlène sentit son cœur s'emballer et l'exclamation quitta sa bouche avant qu'elle ne puisse la retenir. L'œil magique de Maugrey se vrilla sur elle en une seconde, puis reparcourut les visages choqués de l'assemblée.
Ils avaient presque tous été convoqué au QG aujourd'hui – ce qui avait fait assez râler Dorcas car elle devait se rendre chez Mme Guipure pour essayer sa robe pour le mariage de Lily dans quelques semaines – et étaient actuellement rassemblés dans le salon, les uns sur les autres. A côté d'elle sur le canapé s'entassaient James, Sirius et Benjy ; Remus et Peter étaient assis à même le sol à leurs pieds ; Alice Londubat était debout près de la chambranle de la porte ; Fabian avait réquisitionné un fauteuil pour lui tout seul, son frère positionné derrière lui, tandis qu'Alexia, Dorcas et Lily formaient leur propre petit groupe, perchées sur la longue table en bois. Ça faisait longtemps qu'ils n'avaient pas fait une réunion pareille au QG et les absents n'en paraissaient que plus ressortir. Elle supposait qu'Edgar Bones avait eu trop de travail pour venir, tout comme Frank, Podmore et Caradoc.
- Un traitre ? Ici ? s'étrangla Lily à son tour. Dans l'Ordre ?
- Quoi ? Non, non. Dans un Département du Ministère, allez savoir lequel, grommela Maugrey comme si c'était évident.
Immédiatement, elle se sentit respirer un peu plus facilement et, à côté d'elle, Sirius leva les bras au ciel.
- Oh merci pour la précision, Fol Œil, on a eu peur une seconde !
- Ouais, vous devriez suivre la formation de Bones sur comment rapporter des infos à l'équipe, commenta Gideon, goguenard. On était à deux doigts de tous se faire subir un interrogatoire.
- Et ça vous entraînerait peut-être à quelque chose d'utile, rétorqua Maugrey sans même hésiter. Maintenant, taisez-vous. Je n'ai pas beaucoup de temps.
Comme pour le prouver, il jeta un œil à la grande horloge dont les aiguilles se rapprochaient des coups de quinze heures et Alice désigna sa montre pour faire bonne mesure dans le fond de la pièce.
- On doit repartir au Ministère, Minchum fait une allocution aux agents aujourd'hui...
- Je sais, je sais ! Mais c'est important. Nous avons de bonnes raisons de croire que des informations filtrent à l'ennemi. Rien d'inhabituel, ils ont leurs sources comme nous avons les nôtres, mais la fréquence s'est trop intensifiée ces derniers temps pour que ça soit une coïncidence. Et vous savez ce que je pense des coïncidences.
A vrai dire, Marlène ne savait pas, mais elle en avait une assez bonne idée au vu du personnage paranoïaque qu'était l'Auror. Derrière le fauteuil de son frère, Fabian fit mine de lever la main.
- Qu'une coïncidence est toujours un danger caché dans l'ombre ? tenta-t-il. D'où la vigilance constante ?
- On peut dire ça, approuva Maugrey d'un ton bourru. Bref, je veux que vous ouvriez l'œil, surtout ceux qui travaillent au Ministère. Laissez vos oreilles trainer sans y laisser une autre partie de votre corps. Cassidy, Vance, Fenwick, c'est à vous que je parle. Vous êtes tous dans des Départements différents, croisez-moi ce que vous arriverez à recueillir, on ne sait jamais, un ou des noms pourraient émerger.
Du coin de l'œil, elle vit Alexia faire une moue sceptique, visiblement peu convaincue d'être capable de recueillir quoique ce soit. Elle retint un soupir de frustration. C'était souvent le problème avec Alexia : elle ne voyait pas le potentiel de la place qu'elle occupait en tant que secrétaire, certes moins exposée que Bones à la Justice ou les Londubat chez les Aurors, mais pourtant bien au cœur du Ministère. Maugrey avait raison. Elle pouvait se montrer utile si elle utilisait le fait d'être plus ou moins invisible pour les Hauts Fonctionnaires à son avantage. Il fallait juste attendre le bon moment. C'est ce qu'elle faisait tous les jours dans la boutique de Madame Guipure. La vente et la mode étaient loin d'être ses passions, mais elle restait alerte et à l'écoute de toutes les conversations que les clients tenaient à portée de ses oreilles et plus d'une fois cette méthode s'était révélée utile.
- Et on sait quelles infos ont filtré ? voulut-elle savoir.
Le regard de Maugrey mit une seconde à tomber sur elle, apparemment surpris de sa prise de parole. Elle devait reconnaître qu'elle laissait souvent les autres poser les questions dans ce genre de réunion, mais celle-ci la taraudait.
- C'est assez large... répondit-il après une brève hésitation. Vous n'avez pas besoin d'en savoir trop. Mais deux sujets sont revenus principalement. Le premier, le plus important, c'est Bagnold. Certains ont déjà dû en entendre parler.
- Milicent Bagnold ? fit Alexia. Ce n'était pas la mission de...
Elle se coupa, une main presque devant la bouche pour retenir ses paroles, et Marlène se redressa. Vaguement, le nom lui disait aussi quelque chose et Maugrey grogna.
- Vous êtes des têtes de pioche ! Combien de fois faut vous dire de ne pas parler vos missions en cours ?
- Ils ne m'en ont pas parlé... défendit Alexia. J'ai juste entendu...
- Et bien concentre-toi plutôt à entendre au Ministère, c'est là où ça sera utile ! (Agacé, il secoua la tête, puis jeta un énième coup d'œil à l'horloge avant d'embrayer). Peu importe, ce n'était pas d'une confidentialité essentielle. Meadowes, Black, briefez les autres, allez.
D'un geste sec, il désigna l'assemblée et Marlène se tourna vers Sirius, assis à côté d'elle. Elle se souvint alors brusquement pourquoi le nom de Bagnold lui disait quelque chose : elle avait vu de temps en temps Sirius et Dorcas revenir ensemble d'une mission de surveillance en la mentionnant ou juste en parler autour d'un café au QG. Ils échangèrent à l'instant un regard interrogateur.
- Tu commences ? lui lança-t-il.
- Si tu veux.
Dorcas n'avait jamais été timide, ni réticence à être le centre d'attention ; pourtant elle marqua une pause quand tous les regards de la pièce se braquèrent sur elle et Marlène vit Lily lui donner un léger coup dans la cheville.
- Hum... oui, pardon. Euh... Pour ceux qui ne le savent pas, Millicent Bagnold a longtemps travaillé au Magenmagot, mais elle est maintenant Directrice du Département des Mystères depuis quelques années, expliqua Dorcas d'une voix forte. Il y a un an, elle a commencé à s'opposer à Minchum. Rien de spécial, des déclarations verbales, puis des commentaires à la presse écrite... Elle a commencé à avoir des soutiens au Ministère.
- A tel point qu'on pense qu'elle va bientôt déclarer sa candidature contre Minchum pour les prochaines élections en mai, précisa Sirius.
- Exactement. Et ça en fait une cible de choix pour les mangemorts. Jusqu'à présent, l'incompétence et l'hésitation de Minchum à réagir les arrangeait bien. Ça a permis à Voldemort de gagner du terrain. Mais avec Bagnold...
-... il y aurait sûrement un peu plus de résistance.
Maugrey marqua son assentiment d'un bruit de gorge profond.
- Elle a été placée sous la surveillance et la protection de l'Ordre depuis le début d'année, continua Dorcas, imperturbable. Pour l'instant, rien de grave ne s'est produit, mais on a passé des heures devant sa maison et on a vu quelques personnes... disons suspectes s'en approcher.
- Mondingus nous a même dit que des réunions secrètes s'étaient tenues dans un lieu où il y a des ventes d'objets de marchés parallèles d'habitude. On ne sait pas exactement à quel point c'est fiable mais....
- Mais on ne sait jamais. Le nom de Bagnold commence à circuler chez les mangemorts en tout cas. Et elle a des ennemis au Ministère. On a remarqué que des informations filtraient sur elle : l'école primaire de ses neveux, ses déplacements le week-end, ce genre de choses...
- Et comme elle est amenée à cause de son poste à parler avec tous les autres Départements et qu'elle est plutôt... bavarde, dit Sirius, c'est assez dur de savoir d'où viennent les fuites.
C'était le problème avec une institution aussi grande et intriquée que le Ministère. Marlène n'y avait pas mis les pieds souvent, mais elle souvenait encore de la fois où elle avait été rejoindre Benjy au bureau de la Police Magique. Elle s'était perdue dans les couloirs et avait été surprise de l'agencement labyrinthique du lieu : tout au Ministère était voué à se croiser malgré le fonctionnement assez cloisonné des Départements.
- C'est bon, c'est tout ce que tout le monde a besoin de savoir, reprit Maugrey avant que Dorcas ou Sirius ne puisse continuer à exposer leur mission. Black et Meadowes restent sur cette affaire, mais vous serez sûrement amenés à faire des missions de surveillance aussi. Perrigrew, tu me feras une cartographie de toute la maison de Bagnold et de son quartier. Je veux que tout le monde puisse s'y repérer comme s'ils y avaient grandi, c'est clair ?
Peter ne répondit pas à voix haute. Il se contenta d'un hochement de tête raide et Maugrey passa à autre chose.
- Deuxième point sensible qui a filtré et qui n'aurait pas dû : une réforme en préparation à la Justice. Sur le registre d'enregistrement des loups-garous. Croupton voulait la garder au chaud encore un peu, mais on pense que la communauté est au courant.
- Une réforme ?
- La fameuse dont tu parlais, Remus ? fit Benjy.
Si Marlène ne le connaissait pas depuis un an, elle n'aurait pas perçu la pointe presque acide derrière son ton calme en apparence. Elle se souvint brusquement que le sujet avait effectivement été abordé, plusieurs fois et avec véhémence par Remus à la fin de l'été. Il n'avait pas arrêté de parler de cette réforme, notamment à Bones dès qu'il passait au QG, révolté.
Celui-ci, assis par terre, ne se retourna pas, mais elle vit sa mâchoire tressauter avant qu'il ne réponde :
- Ouais, c'est celle-là. J'en ai entendu parler sur le terrain, je confirme qu'elle a filtré. Mais c'est peut-être pas plus mal pour une fois, ça aurait été une honte de la passer en secret !
- Pas la question. Je ne suis pas là pour contrôler ce que fout Croupton, rétorqua Maugrey. Sauf si y'a une taupe dans son Département.
- Mais...
- Alastor, coupa Alice Londubat. Il faut qu'on retourne au Bureau.
Il agita la main pour faire signe qu'il le savait, puis promena à nouveau son regard sur eux. Personne n'osa émettre un son cette fois-ci, pas même Remus qui bouillonnait toujours, ni même Gideon et Sirius, amateurs de bons mots.
- Bref, vous avez compris. Ouvrez l'œil. Faites des rapport à la moindre information. Interrogez vos indics sur Bagnold et la réforme sans éveiller les soupçons non plus. Et surtout...
- Vigilance constante ! clamèrent-ils tous ensemble.
Un léger rire ponctua leur chœur de voix et même Maugrey eut l'air satisfait un instant avant de traverser la pièce sans un mot pour rejoindre Alice. Cette dernière leur fit un dernier signe de la main amical, puis suivit son supérieur d'un pas énergique.
Très vite, la pièce se vida à leur suite. Marlène eut à peine le temps de dire au revoir aux frères Prewett qu'ils s'en allaient eux aussi et elle prit quelques nouvelles de Benjy sur le pas de la porte avant qu'il ne transplane à son tour. Depuis leur rupture – si elle pouvait bien l'appeler comme ça tant leur relation avait été brève – il était toujours resté correct envers elle, un peu plus distant peut-être, mais elle n'aurait pas su dire si c'était à cause de leur emploi du temps chargé ou une véritable volonté de sa part.
- Eh Marlène ! la héla Dorcas en arrivant à sa hauteur. Tu viens avec moi chez Madame Guipure ?
- Là maintenant ?
- Ouais. Faut que j'aille faire des essayages pour ma robe pour le mariage.
- Oh... mais je commence pas avant quatorze heures. J'avais pris ma matinée.
Dorcas balaya la remarque de la main. Aujourd'hui, elle portait ses longs cheveux bruns en queue de cheval, ce qui dégageait son visage et le bel hématome sur sa pommette. Elle ne demanda même pas comment elle l'avait eu : tout le monde avait le corps marqué en ce moment, que ça soit à cause d'un entraînement ou d'une confrontation avec des civils pro-mangemort ou des mangemorts eux-mêmes.
- Je sais, mais on peut y aller ensemble récupérer ma robe et peut-être trouver la tienne et puis on mange ensemble, suggéra Dorcas. Comme ça, t'auras plus qu'à aller travailler après ?
N'importe quel autre jour, elle aurait sauté sur l'occasion. Ça allait faire des jours qu'elle n'avait pas passé un moment entre amies. Pourtant, la lettre dissimulée dans sa poche l'arrêta et elle se força à sourire, le ventre noué.
- Désolée, je dois passer voir ma mère... Je lui avais promis. Et j'ai déjà ma robe en plus. Mais on peut se retrouver ce soir ?
- Oh... Je suis de surveillance de la maison de Bagnold ce soir...
Défaite, Dorcas eut l'air sincèrement déçue et elle songea pendant une folle seconde à tout annuler, à suivre son amie pour aller déjeuner et choisir une robe frivole, mais son cœur battant la retint. Si elle n'y allait pas, elle le regrettait toute sa vie, elle le savait. Il y aurait toujours un « et si » qui lui rongerait le cerveau.
Après avoir promis à Dorcas d'essayer de se voir dans la semaine, elle fit le tour de la pièce pour dire au revoir, l'œil rivé sur l'horloge. Maugrey et Alice n'étaient pas les seuls à finir par être en retard. Lily la retint quelques minutes pour parler du mariage et elle écouta au mieux, l'esprit ailleurs. Elle dû acquiescer à la mauvaise chose à un moment car le sourire de Lily finit par se figer et elle la libéra avec une expression un peu crispée. Elle se promit de se rattraper envers elle un peu plus tard.
Enfin, elle quitta à son tour le QG. Les landes irlandaises étaient baignées par le soleil estival et les bruyères commençaient même à roussir malgré leur résistance. Elle fut saisie d'une bouffée de chaleur avant même d'arriver dans la zone de transplanage. Concentrée, elle s'attacha les cheveux du mieux qu'elle pu pour essayer de gagner un peu de fraicheur, mais elle avait continué à les couper de plus en plus court et certaines mèches récalcitrantes restèrent à pendre devant son visage. Tant pis, elle n'avait plus le temps de retourner au QG chercher des épingles. Le corps saturé d'appréhension, elle transplana.
Destination, détermination, décision. Elle entendait encore la voix de leur instructeur en sixième année. Elle se demanda ce qu'il était devenu, si la guerre l'avait impacté lui aussi, et la pensée parasite faillit la déconcentrer assez pour qu'elle loupe son arrivée. Instable, elle trébucha sur le trottoir de Londres avant de se rattraper in extremis, les joues rouge. Heureusement, elle avait pris soin de viser une ruelle à l'écart de la foule que Benjy lui avait montré l'hiver dernier et personne ne la vit manquer de se ridiculiser.
- Reprends-toi, c'est pas possible, marmonna-t-elle pour elle-même.
Adossée à un mur d'immeuble, elle reprit son souffle. Son cœur ne se calma pas pour autant et elle sentit chaque battement emballé cogner contre sa poitrine. Dans sa poche, elle eut soudain l'impression de sentir la lettre peser une tonne alors que son poids était à peine perceptible, simple bout de parchemin froissé qu'elle trimballait depuis une semaine.
Dessus, il n'y avait que quelques lignes, mais elle avait assez vu son écriture sur ses fiches révision qu'elle l'avait aidé à apprendre pour la reconnaître, même sans signature.
Marly,
J'espère que tu vas bien notre dernière rencontre à la fête de notre chère amie. Je suis désolé de ne pas t'avoir recontacté plus tôt, mais il se trouve que je reviens à Londres à partir de cet été. En souvenir du bon vieux temps, nous pourrions nous retrouver au 1, Chemin de Traverse, Chambre 7, le 25 juillet à midi. Viens sans ton monstre de fourrure blanche.
Mr White
Lorsqu'elle l'avait ouvert, elle était restée tétanisée de longues minutes, seule dans sa chambre. Tout sonnait faux et en même temps juste et elle avait dû reconnaître qu'une lettre codée était bien plus prudent en ce moment. Même si Peter n'avait jamais rien vu de concret à la Poste de Pré-au-Lard, l'Ordre suspectait le Ministère d'intercepter le courrier de certains sorciers. N'empêche que recevoir une lettre de lui était la dernière chose à laquelle elle s'attendait. C'était comme si leurs retrouvailles au Manoir des Malefoy faisait maintenant partie d'un rêve, une espèce de songe né de ses désirs les plus inavouables, une sorte de parenthèse impossible à rouvrir. Pourtant, elle l'avait dit elle-même au moment de le quitter, elle s'en souvenait parfaitement : elle pouvait jouer sur plusieurs tableaux, elle ne voulait plus le laisse partir, ni prétendre qu'elle en était capable... Et malgré tout, la lettre l'avait quand même pris au dépourvu. Parce qu'elle venait de lui, qu'il avait craqué en premier, qu'il la contactait avant qu'elle n'ait pu le faire... Secrètement, elle en avait ressenti une chaleur au creux de l'estomac, prise au dépourvu.
Impatiente, elle se remit en route. Tous les cinq mètres, elle jetait des coups d'œil par-dessus son épaule comme si elle s'attendait à ce qu'un membre de l'Ordre ne la prenne en filature. Heureusement, la foule londonienne était assez clairsemée : la plupart des gens se trouvait en terrasse, à l'ombre pour échapper à la chaleur écrasante, et regardait la retransmission des Jeux Olympiques sur des écrans de mauvaise qualité. Son champ de vision était au moins dégagé et elle s'engagea dans Charing Cross Road sans repérer de silhouettes suspectes. Merlin, si quelqu'un l'apprenait... Gideon lui arracherait la tête. Et elle ne parlait pas de Maugrey. Sa « vigilance constante » venait d'être anéantie en une seule lettre... Mais elle avait bien réfléchi. Si la lettre avait été un piège, le lieu de rendez-vous semblait improbable, tout comme les informations glissées que seul Regulus pouvait connaître. La mention à Chamallow faisait office de code entre eux à ce stade.
Devant elle, la façade du Chaudron Baveur se dressa enfin, frappé par le soleil. Situé entre une librairie et un magasin de disques, sa façade sombre détonnait presque dans l'atmosphère lumineuse de la rue, mais Marlène ne ralentit pas. Si elle le faisait, elle avait l'impression qu'elle allait repartir en courant. Dès qu'elle entra à l'intérieur, des points noirs dansèrent devant ses yeux, juste le temps que sa vision s'habitue au changement d'éclairage.
- Bienvenue, miss, accueillit Tom, le barman. Qu'est-ce que je vous sers ?
Elle s'avança vers lui, une boule chauffée à blanc dans la gorge. Quand elle posa les mains sur le comptoir, elles tremblaient presque, mais le patron du pub ne parut rien remarquer. Il avait dû voir des clients plus étranges qu'elle.
- Bonjour... Hum, rien, merci. J'aimerais la clé pour la chambre 7, s'il vous plait.
- La chambre 7 ? Ah oui, tout de suite. (Il fouilla dans une boîte où cliquetèrent une vingtaine de clés jetées les unes sur les autres avant d'en sortir une). Tenez, miss. Tout est déjà payé.
- Ah... merci...
Presque avec appréhension, elle referma le poing autour de la clé que Tom lui tendait. En serrant fort ses doigts autour, elle pouvait presque sentir son cœur résonner, comme si son pouls était si fort qu'il s'y transmettait en écho et elle ignora le regard méfiant de Tom pour se diriger vers l'étage. Sous ses pieds, les vieilles marches en bois grincèrent. Tout paraissait vieux dans l'établissement de toute façon : les tables, les chaises, le sol, même Tom lui-même alors qu'il ne devait même pas avoir la trentaine entamée. Au milieu de ce décor, Marlène se trouva d'un coup bien trop jeune. Trop jeune et trop stupide. Qu'est-ce que sa mère dirait si elle savait qu'elle se trouvait là ? Et ses frères ? Benjamin et son grief contre les Black particulièrement ? Eux aussi lui arracheraient sûrement la tête et elle ne parlait même pas de Dorcas... Elle avait un goût de trahison sur la langue et leurs visages emplissaient son esprit, culpabilisants.
Pourtant, même habitée par ses doutes, elle se retrouva enfin face à la chambre numéro 7. Elle n'avait pas tourné les talons. C'était peut-être le signe dont elle avait besoin et son esprit se vida d'un coup alors qu'elle introduisait la clé dans la serrure... La porte céda.
Elle le vit immédiatement. Son champ de vision fut attiré par sa silhouette face à la fenêtre, de l'autre côté de la pièce au-delà du lit qui mangeait presque tout l'espace, et il se retourna en entendant la porte s'ouvrir. Son cœur cessa de cogner pour dévaler dans son estomac avant d'enfin se calmer. C'était Regulus, tout simplement. Elle ne sut soudain plus pourquoi elle avait tant angoissé de le revoir tant il n'avait pas changé depuis la fête de fiançailles de Narcissa Malefoy la dernière fois qu'elle l'avait vu. Toujours ses cheveux noirs qui lui retombaient sur le front, ses yeux gris, sa mâchoire plus prononcée que celle de son frère, sa stature droite... Toujours ce regard qu'il ne réservait que pour elle.
- Marlène...
Elle sourit. Sa voix avait changé, c'était la seule chose qu'elle devait reconnaître : plus grave et plus profonde que lorsqu'ils s'étaient rencontrés dans un couloir à Poudlard, mais elle supposait que c'était normal. Si elle s'était sentie jeune il y a quelques minutes, alors elle se sentait carrément gamine en repensant à cette époque.
Pour cacher sa nervosité, elle s'adossa à la porte qu'elle venait de refermer et feignit la nonchalance comme elle l'avait si souvent vu faire.
- Mr White, déclara-t-elle en inclinant la tête, théâtrale. J'ai eu votre lettre...
Regulus laissa échappé un rire gêné.
- Ma lettre, oui... Désolé, je me suis dit qu'il fallait mieux être prudent. Mais je savais que tu saurais.
- T'avais bien confiance en moi. J'aurais pu croire à un piège, tu sais.
- Peut-être...
D'un pas lent, il se détacha de la fenêtre pour venir à sa rencontre. Elle resta les pieds ancrés dans le sol, le dos collé à la porte jusqu'à ce qu'il la rejoigne, face à face. C'était totalement différent du Manoir Malefoy où ils avaient eu une foule entre eux et un décor somptueux où évoluer. Là, ce n'étaient qu'eux. L'espace d'une seconde, il parut intimidité lui aussi et elle le laissa chercher ses mots alors que l'impatience courrait dans ses veines.
- Mais c'est un peu devenu la constance de ma vie, non ? souffla-t-il après un instant. Je te fais confiance, c'est tout.
- Reg...
Quelque chose craqua dans sa poitrine. N'y tenant plus, elle ouvrit ses bras et les jeta à son cou. Il enroula ses bras autour de sa taille en réponse immédiatement. Dans cette étreinte, elle retrouva tout ce qu'elle avait déjà ressentie au manoir Malefoy : l'incroyable sensation d'être attiré vers ce garçon envers et contre tout. Peu importe qu'elle ne porte plus de robe de princesse pareille à un ciel étoilé ou qu'il ne la fasse pas danser au rythme d'un orchestre, l'euphorie était la même. Tous les doutes qui l'avait traversé sur le chemin s'évanouirent d'un coup et elle s'autorisa à ne plus penser ni à l'Ordre ni à ses amis. Dans son cou, elle crut entendre Regulus chuchoter son prénom et ses bras nus se hérissèrent de frisson avant qu'il ne finisse par reculer.
Accrochés l'un à l'autre, elle ne voulut pas lâcher prise, habitée par la peur irrationnelle qu'après tant de temps séparés il ne disparaisse sous ses yeux. La nervosité était toujours là sous la surface, bien sûr, mais elle était trop heureuse pour vraiment s'y attarder et elle tenta de s'éclaircir la gorge piteusement :
- Intéressant comme lieu de retrouvailles... commenta-t-elle, soucieuse de rester en terrain neutre pour ne pas trahir le maelstrom d'émotions qui s'agitaient en elle. Moins grandiose que la dernière fois, mais mieux que notre repère.
- Il manque juste un canapé vert, c'est ça ?
La pointe d'humour dans sa voix la détendit.
- Vu le nombre de fois où je me suis pris les ressorts dans le dos, il me manquera juste à moitié, je ne vais pas le pleurer.
- Ouch. Pauvre canapé, fit-il, l'air faussement heurté. (Il marqua une pause, hésitant, puis ajouta). Et moi ? Je t'ai manqué ?
A la façon dont les mots quittèrent ses lèvres avec précipitation, elle sut que la question lui avait presque échappé, difficile à retenir ; et elle sourit avec amusement.
- Peut-être...
- Peut-être seulement ?
- Disons que j'espérais des nouvelles, oui... J'avoue que j'ai quand même été surprise par lettre. Je ne sais pas, je crois que j'avais perdu espoir d'en recevoir une...
- Marlène... souffla-t-il.
Immédiatement, elle sentit le sérieux le reprendre et elle s'en voulut un instant de briser leur bulle, mais elle avait besoin de réponse. Tout lui semblait trop instable sinon, comme il pouvait vraiment disparaître de cette chambre à tout moment.
- Pardon, je ne voulais pas... s'excusa-t-elle d'un timbre rauque. C'est juste que... je ne comprends pas vraiment. Qu'est-ce qu'on fait là, Reg ? Pourquoi maintenant ?
- Je sais. Je suis désolé, vraiment. Mais je ne pouvais pas te contacter après la fête de Cissy, pas tant que j'étais à Poudlard. Maintenant... disons que ça sera plus simple.
La réalisation la frappa soudain.
- Merlin, mais oui ! s'exclama-t-elle, honteuse de ne pas y avoir pensé avant. T'as passé tes ASPICS !
Il hocha la tête.
- Oui, j'attends les résultats la semaine prochaine. Mais ça y est...
- Et qu'est-ce que tu vas faire ?
Dès que la question quitta ses lèvres, elle se tendit. Elle n'aurait peut-être pas dû la poser, c'était évident que ses projets allaient en partie la contrarier... Il dû s'en rendre compte aussi car une certaine tension se glissa entre eux en même temps que le silence s'étirait. Mine de rien, elle s'écarta légèrement pour ne pas le laisser voir son trouble et s'assit sur le lit, attentive. Leur étreinte se rompit. A distance respectueuse, Regulus resta malgré tout face à elle et elle se fit la réflexion qu'elle aurait peut-être dû choisir la chaise de bureau, plus neutre, mais elle n'osa pas se relever pour bouger.
- Rien de précis pour le moment, répondit-il finalement en se râclant la gorge. Je vais prendre une année sabbatique. C'est ce que mes parents veulent en tant qu'hériter, c'est un peu la norme. Techniquement, ça sert à se faire des contacts, voir du pays, rendre visite aux membres de la famille... Et puis l'année prochaine, je pourrais intégrer la société de mon père. C'est un peu...décidé.
- Oh... je vois. C'est mieux que de vendre des vêtements.
A son tour, les mots lui échappèrent trop vite. A croire que son esprit était bel et bien perturbé. Regulus haussa un sourcil.
- McKinnon, tu fais plus que vendre des vêtements il me semble. Ou tu vas refaire comme si je ne savais pas ?
Elle entendit deux choses dans sa voix : qu'il n'aimait pas qu'elle se dévalue devant lui, comme toujours, et surtout qu'il n'aimait toujours pas l'idée qu'elle fasse partie de l'Ordre. Piquée, elle redressa le menton.
- Je croyais qu'on ne devait pas en parler ? Ni de mon activité ni de la tienne ? rétorqua-t-elle avec fermeté. Et on retourne à McKinnon du coup ? Qu'est-ce que tu fais de « Marly » ?
La remarque parut le déstabilisé.
- Hum... C'était pour la lettre...
- Mais j'aimais bien.
Elle s'amusa de le voir rougir légèrement. Elle se fit la réflexion qu'elle n'aurait surement pas osé le pousser autant il y a deux ans à Poudlard, mais l'année écoulée lui avait fait reconsidérer les choses : elle n'avait pas de temps à perdre à cacher ce qu'elle voulait vraiment. D'où sa présence dans cette chambre d'hôtel. Ce n'était pas si différent de ce qui l'avait poussé à passer des heures dans leur repère au canapé vert et à risquer la colère de Dorcas et Sirius. Elle engloba d'ailleurs l'espace du regard et reprit devant le silence de Regulus :
- Tu n'as pas peur que ça soit un peu risqué ? Qu'on se retrouve ici je veux dire ? Tout le monde passe au Chaudron Baveur...
- Je sais. C'était un pari plus qu'autre chose, je me suis dit qu'on se fonderait plus dans la foule. Et j'ai loué la chambre sous un faux nom.
- Mr White ? releva-t-elle, amusée. Très spirituel.
Regulus eut un demi-sourire. Il marqua un temps d'arrêt, l'air d'hésiter, puis lança avec aplomb :
- Pas seulement. Mr et Mrs White. Tu as autant accès à la chambre que moi. Elle est louée pour un an.
- Quoi ?
Comme lors de la réunion de l'Ordre, l'exclamation quitta ses lèvres avant qu'elle ne puisse la retenir et elle le dévisagea, sidérée. Il se contenta de lui renvoyer un rictus fier. Bon sang, qui avait dit que les frères Black ne se ressemblaient pas ? Une main sur le front, elle tenta d'intégrer ce qu'il venait d'avouer.
- Un an ? Merlin, Reg, t'étais bien sûr de toi. Et si j'avais refusé de te revoir ? Si je n'étais même pas venue ?
- J'en avais peur jusqu'à ce que la porte s'ouvre, c'est vrai... avoua-t-il, soudain plus réservé. Mais c'est toi qui m'a dit que tu serais toujours là, non ? Que tu n'abandonnerai pas ? Ne me fais pas le coup de partir maintenant...
Sous couvert d'humour, elle entendit sa voix trembler et elle lui tendit la main instinctivement, attendrie.
- Viens là, murmura-t-elle.
Il mit une seconde à s'exécuter, mais finit par saisir sa main et s'assoir à côté d'elle. Le contact renoué sembla reformer la bulle autour d'eux et ils laissèrent leurs doigts entrelacés reposés entre l'espace de leur corps assis de biais l'un en face de l'autre.
- Je ne repartirai pas, non. Mais un an ? Bon sang, ça a dû te coûter une fortune !
- Je pense que j'ai fait le chiffre d'affaires de Tom pour un moment... nuança-t-il, la tête penchée sur le côté.
- Laisse-moi payer la moitié !
- Hors de question.
La finalité dans sa voix la prit de court.
- Regulus ! protesta-t-elle. Ce n'est pas juste, je peux...
- Non. Marlène, tu peux accepter, parce que c'est la seule chose que je peux te donner, coupa-t-il avec urgence. Et je sais que ça ne sera jamais assez par rapport à ce que tu voudrais, ni par rapport à ce que tu mérites, mais c'est la seule chose... Alors laisse-moi le faire. Si t'as besoin d'un endroit sûr un jour pour n'importe quoi, t'auras toujours celui-ci. Et égoïstement on pourra aussi s'y retrouver.
Elle battit des cils, incapable de trouver quoi répondre. « C'est la seule chose que je peux te donner ». Il avait raison, elle aurait voulu plus. Elle l'avait toujours voulu, même quand elle avait prétendu le contraire par altruisme.
- Je ne suis pas à vendre... articula-t-elle en guise de protestation.
Il tressaillit.
- Je sais. Et je ne cherche pas à t'acheter, ce n'est pas ça du tout...
- Alors pourquoi ?
- Marlène, tu sais pourquoi je le fais. Tu le sais, pas vrai ?
Il y avait une plainte dans sa voix, une supplique pour qu'elle comprenne. Dis-le, eut-elle envie d'hurler. Dis-le-moi. Mais elle n'avait pas la force d'essuyer un refus et hocha la tête doucement, les larmes aux yeux. Autour de sa main, sa prise s'était raffermie, presque à lui en faire mal, mais elle ne se dégagea pas.
- J'ai même pas droit à une bague pour rendre ça officiel ? plaisanta-t-elle plutôt en levant son autre main libre. Pour être vraiment Mrs White ?
Son teint s'empourpra à nouveau. Elle se mordit la joue pour ne pas rire et il lui jeta un regard blasé.
- Non, pas de bague, regretta-t-il finalement. Mais j'ai autre chose.
Il lâcha enfin sa main pour fouiller dans la poche interne de sa veste. Elle se rappela soudain qu'elle ne lui avait jamais rendu celle qu'il lui avait donné au moment de sa fuite du Manoir Malefoy et se fit une note mentale pour la ramener la prochaine fois. En face d'elle, Regulus parut enfin trouver ce qu'il cherchait : bras tendu, il lui présenta soudain une chaine en argent sur laquelle pendait un pendentif petit et rond, lui aussi en argent. Il se balança devant ses yeux plusieurs fois avant qu'elle ne reconnaisse sa forme. Une montre à gousset.
- Oh...
- Elle est pour toi. Vas-y, regarde.
Prudemment, elle l'attrapa, presque craintive de la casser. Dans sa paume, la petite montre pesait son poids, signe qu'elle était vraiment faite d'argent pur et elle admira son cadran aux chiffres noirs entourés de minuscules étoiles. Au milieu, la date du jour était même visible, comme au centre d'un système solaire temporel.
- Elle est magnifique, Reg...
- C'est de l'art gobelin. Et attends, elle a une utilité. Essaie de changer l'heure, vas-y.
- Pourquoi ?
Mais elle s'exécuta quand même. Au hasard, elle régla les aiguilles sur quinze heures, puis releva la tête vers lui, perplexe. Il lui tendit son poignet où une montre en argent étrangement semblable entourait sa peau. Sans qu'il ne touche à rien, les aiguilles se déplacèrent alors jusqu'à imiter le placement de celles de la montre à gousset et elle écarquilla les yeux.
- Elles sont reliées ? s'émerveilla-t-elle.
- Exactement. Touche-la, regarde.
Doucement, il lui prit la main pour venir poser sa paume contre le cadran de sa montre. Elle émettait une chaleur diffuse, pas assez pour brûler, mais assez prégnante pour être remarquée.
- Ca nous permettra de définir quand se retrouver, expliqua-t-il. On a juste à mettre une date et une heure et la montre de l'autre chauffera pour le prévenir. Si on est d'accord, on ne change rien. Si on a un empêchement, on propose une autre heure ou une autre date jusqu'à tomber d'accord. Et on se retrouve ici sous le nom d'emprunt.
- Merlin... T'y as vraiment réfléchi !
Il haussa les épaules.
- C'est pour ça que j'ai attendu un peu après Poudlard pour t'envoyer la lettre... Il fallait mettre tout ça au point. Et regarde. Tu vois la couronne, là ?
- Le truc pour la remonter ?
Elle ne savait même que ça s'appelait une couronne, mais Regulus ne le releva pas.
- Oui, le petit bouton qui tourne là, confirma-t-il patiemment. Si tu appuies dessus fort, je le saurai. Ma montre chauffera encore plus fort. C'est comme un signal d'alarme, d'accord ? Si tu as besoin de moi à un moment, pour n'importe quoi, tu appuies. C'est clair ?
- Reg...
- Marlène. Promets-moi.
Elle plongea son regard dans le sien. Derrière ses yeux gris, elle vit un sérieux mortel et, même si elle en était déjà bien consciente elle-même, elle sut qu'il savait ce qu'elle risquait. Ce qu'elle affrontait au quotidien. Il était de l'autre côté de la barrière et en avait peur pour elle. D'un coup, le feu qui sommeillait en elle depuis une éternité se remit à brûler.
- Je ne veux pas promettre, se déroba-t-elle. Reg, je suis désolée, je sais qu'on ne devait pas en parler...mais je dois essayer encore une fois...
- McKinnon, non.
Son ton ferme l'énerva plus qu'autre chose.
- Mais écoute-toi, écoute ce que t'es en train de me dire ! Comment tu peux rester avec eux ? Comment tu peux les soutenir ? Si t'as si peur pour moi...
- Ce n'est pas la même chose. On a déjà eu cette conversation, je ne peux pas tourner le dos au Seigneur des Ténèbres maintenant. Pas après ce que j'ai fait, pas après avoir prêté allégeance. C'est le nom de ma famille qui est en jeu.
La famille. Telle une ombre qui planait sur eux, les Black semblaient toujours revenir et elle sentit une vague de frustration monter en elle. Dans sa main, la montre à gousset parut peser encore plus lourd et elle crispa ses doigts autour.
- Mais en quoi leur nom a de l'importance ? éructa-t-elle, désespérée. Regarde le coup à Ste-Mangouste, l'attentat des Archives ! Ca n'avait rien à voir avec la pureté du sang, ça ne ciblait personne. C'était de la prise de pouvoir pure et simple !
- Peut-être, mais ça ne change pas ce que je t'ai déjà dit. Je suis l'héritier. Après ce que Sirius et Andromeda ont fait, je ne peux pas me dérober. Ils attendent plus de moi, ils veulent une rédemption !
- Et tu crois que ça le vaut ? Ton nom en échange de l'honneur familial ?
- Je ne sais pas... je ne sais pas si ça le vaut, Marlène, dit-il avec lassitude. Mais c'est ce qu'on attend de moi. Il faut que je m'engage pour mes parents parce que le Seigneur des Ténèbres est en train de s'avancer sur un chemin que personne n'a emprunté en magie. Même Dumbledore ne peut pas imaginer ça. Et si je veux découvrir ce que c'est, je dois tenir mon rôle. Je dois rester.
- Donc la magie est au-dessus de tout ? Les Black et leur honneur sont au-dessus de tout ? Ils justifient les atrocités ?
Il soupira. Les traits déchirés, il ne répondit pas, mais elle lut la réponse dans ses yeux malgré tout. Son estomac se retourna. Une seconde, elle envisagea sérieusement de partir. Elle aurait dû se lever, lui jeter sa montre au visage et claquer la porte sans se retourner. Mais elle ne bougea pas. Si pour lui les Black était au-dessus de tout, pour elle son amour l'était aussi. C'était l'asymétrie de leur relation, celle qu'elle devait accepter pour ne pas le perdre, même si ça la déchirait de l'intérieur. Au fond de la boîte de Pandore demeurait l'espoir et elle gardait justement l'espoir de parvenir à l'arracher à la magie noire. A quel prix ? Ca restait encore à déterminer.
- Ok très bien... souffla-t-elle. On avait dit qu'on arrêtait d'en parler pour une raison...
Rageusement, elle essuya une larme qui avait dévalé sa joue et les traits de Regulus se crispèrent, traversés par le regret et la détermination mêlés. Elle changea de sujet en lui présentant la chaîne en argent.
- Tu peux me la mettre ?
- Evidemment...
Visiblement soulagé d'échapper à un sermon, il lui prit le collier et elle se retourna en dégageant ses cheveux blonds. Avec précision, il passa le collier autour de son cou. Elle retint un nouveau frisson alors que sa peau frôlait la sienne. La montre à gousset se glissa dans le creux de sa gorge, presque encore froide. Elle la frôla, fascinée.
- Mieux qu'une bague, jugea-t-elle avant d'ajouter par réflexe à voix haute. Je préfère, désolée Alexia.
Regulus se figea.
- Alexia ? répéta-t-il. Cassidy ?
- Oh... hum...
- Elle a eu une bague ? Sirius... ? Il... ?
Les yeux écarquillés, il la fixa, incrédule. Elle s'empressa de le détromper :
- Non, non ! Pas vraiment ! C'est plus une bague de promesse, pas une bague de fiançailles. Euphemia lui a donné.
- Euphemia lui a... Oh.
Regulus s'interrompit lui-même. Il ne sembla pas savoir quoi dire ni même penser de cette fameuse promesse, mais il vit un éclat amer traversé ses prunelles grises à la mention d'Euphemia Potter. Conscience d'être en terrain glissant, elle embraya avant qu'il ne tombe dans une spirale infernale, comme toujours dès que ça concernait son frère aîné.
- Eh, regarde-moi, intima-t-elle d'une voix apaisante. Ici, c'est juste nous, c'était l'idée non ? Alors on ne parle plus des Black, de Tu-Sais-Qui ou de l'Ordre. Pas si ce n'est pas nécessaire.
- Ca exclut beaucoup de choses, releva-t-il, circonspect. Mais je suppose qu'on peut au moins essayer...
- Eh, un peu de confiance, Reg. Faut que tu y crois aussi, sinon ce n'était pas la même de m'amener ici et de faire de moi un énième secret.
Son ton se fit plus sec qu'elle ne l'aurait voulu. Tendu, Regulus ouvrit la bouche plusieurs fois, l'air prêt à s'excuser, mais elle secoua imperceptiblement la tête et il garda le silence. Elle n'était pas sûre d'être prête à supporter le même refrain qu'à Poudlard : il n'avait pas honte d'elle, non, pas vraiment mais... C'était ce « mais » qui se tiendrait toujours entre le monde et eux, tout comme le Chaudron Baveur se tiendrait toujours entre le monde sorcier et le monde moldu. Une belle façade sombre, qui recélait des merveilles, mais qui demeurait invisible et cachée.
- Marlène... souffla-t-il d'une voix étranglée.
Elle comprit son intention avant même qu'il ne s'incline vers elle. Sous sa peau, l'envie criait depuis qu'elle avait ouvert la porte : elle aurait voulu l'embrasser sans retenu, exactement comme dans la bibliothèque plongée dans l'obscurité chez les Malefoy, mais une barrière la retint. Une barrière qui avait la forme de l'indécision. Malgré ses explications, elle ne savait toujours pas ce que signifiait leur plan insensé de se retrouver dans cette chambre d'hôtel et de se protéger mutuellement. Qu'est-ce que ça signifiait pour eux ? Pour leur relation ? Pour la guerre qui grondait dehors ? La culpabilité vis-à-vis de l'Ordre la retint au dernier moment.
D'un geste vif, elle détourna la tête, les yeux fixés sur le vieux parquet et les lèvres de Regulus se déposèrent au coin des siennes, presque sur sa joue. Son cœur manqua d'éclater.
Figé, Regulus ne s'écarta pas tout de suite. Il l'embrassa tout de même dans un mélange paradoxal de légèreté et de tension avant de reculer doucement. Lorsqu'elle croisa son regard en osant relever les yeux vers lui, elle n'y lut que de la résignation. C'était la première fois qu'il tentait de l'embrasser sans lui demander la permission avant, réalisa-t-elle. Il l'avait fait les deux fois précédentes, son dernier jour à Poudlard près du Lac Noir et au Manoir Malefoy, comme s'il s'était attendu à un refus mais qu'il avait été poussé par l'urgence de lui dire adieu. Ici, ils ne se disaient plus adieu. Ils reconnaissaient enfin leur envie de construire quelque chose. Ils se retrouvaient. Et ça demandait du temps.
Contre sa gorge, le mouvement des aiguilles de la montre à gousset résonnèrent. Le temps était déjà en marche. Dans un flash, elle se rappela soudain la mise en garde de Sirius le soir de leur retour du Manoir : les Black allaient la briser. Regulus allait lui faire du mal et il fallait qu'elle brise le lien. Encore plus qu'à l'époque, l'injonction lui parut insurmontable.
Combien de fois pouvait-on avoir le cœur brisé par la même chose de toute façon ? Elle commençait à en entrapercevoir la réponse : autant de fois qu'on continuait à l'aimer. Et elle aimait Regulus Black. Jusqu'au bout, elle aurait encore l'espoir que cela vaille quelque chose.
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Verdict ? ^^ On entame donc ce qui constituera une part de l'intrigue de Regulus et Marlène pendant ce dernier tome : un huit clos au Chaudron Baveur, une dernière parenthèse dans cette guerre qui bat son plein.
Est-ce que le petit jeu avec une citation et le titre du prochain chapitre vous avait plu ? On continue à tenter de deviner de quoi va parler la suite ? Go !
Chapitre IV : Faire honneur à la tradition
"- Sirius...
- Hum ?
- J'ai l'impression de prendre la meilleure décision de ma vie. Alors pourquoi j'ai peur ?"
A dans deux semaines !
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