Chapitre 7
Eugénie et Eugène nous quittèrent néanmoins rapidement après la sortie de l'école. Ayant encore fait je ne sais quelle bêtise, je vis leurs parents qui les attendaient sur le pas de la porte de leur maison tandis que nous passions devant. Ils n'avaient pas l'air très contents. Les deux faux-jumeaux durent donc aller rejoindre leur famille la tête basse. Ils auraient bien sûr préféré rester avec moi et Lisette.
Cette dernière ne me lâchait d'ailleurs plus d'une semelle depuis que nous étions sortis de l'école. Ses yeux m'avaient toujours fasciné. L'un bleu et l'autre vert. Même enfant, elle avait déjà un air plus âgé que la moyenne. Enfin comment dire...On sentait que derrière son regard particulier, elle voyait la vie différemment de nous. Ayant perdu ses parents très jeune, elle ne regardait pas les choses de la même façon. Sa grand-mère lui avait appris très jeune à relativiser sur tout et n'importe quoi. Aussi, lorsqu'Eugène se plaignait simplement parce que l'école l'ennuyait, il se reprenait bien vite en voyant le regard plein de bonté de Lisette peser sur lui.
Bien qu'ayant confiance en nous, la petite fille parlait peu. Mais ses gestes et attitudes signifiaient beaucoup. D'une gentillesse à toutes épreuves, elle se laissait très souvent marcher sur les pieds. Dans ces cas là, bien que peu rassuré, je prenais toujours sa défense. Du coin de l'œil, je la voyais rougir. Je n'avais jamais vraiment compris pourquoi cela semblait la gêner que je prennes sa défense...Enfin ! Nous nous retrouvions maintenant sans les deux faux jumeaux dans les basques.
« Il faut que j'aille chercher le pain !m'écriais-je soudain en me souvenant, tu veux bien m'accompagner ? »
Lisette acquiesça aussitôt en souriant. A l'époque je ne m'en formalisais pas, mais plus tard, j'aurais donné cher pour revoir ce doux sourire. J'étais vraiment content de l'avoir comme amie. Elle me soutenait toujours, même quand je faisais des bêtises. Elle adorait ma mère. Celle-ci m'avait d'ailleurs confié que la petite était encore plus timide en sa présence. Lisette trouvait que maman était une femme remarquable. Sa force de caractère et d'esprit avaient toujours fasciné Lisette.
Évidemment, elle, qui n'était pas extraverti pour deux sous et qui aurait été bien en peine de dire non à quelqu'un, admirait les gens qui osaient dire ce qu'ils pensaient sans craindre les conséquences.
Marchant et trottinant à moitié sur le chemin en terre battue surplombé de quelques graviers, nous arrivâmes bientôt à la boulangerie. Je poussai donc la porte tandis que Lisette me suivait toujours et nous attendîmes notre tour.
« Bonjour Émile !s'exclama joyeusement la boulangère en me voyant, que viens-tu chercher aujourd'hui ?
-Bonjour Bérangère, répondis-je avec un sourire jusqu'aux oreilles, ma maman m'a dit d'acheter deux baguettes pas trop cuites.
-Je te donne ça tout de suite, acquiesça la jeune femme en jetant un coup d'œil derrière mon épaule qui n'était pourtant pas très haute, bonjour Lisette !
-Bonjour madame, osa mon amie en regardant presque craintivement la boulangère. »
Cette dernière se détourna donc un instant de nous et revint avec deux baguettes ainsi que deux paquets de bonbons. Elle posa le tout sur le comptoir et je m'approchai. Maman m'avait donné juste assez pour les deux baguettes de pain. Mais je n'avais pas demandé de bonbons...
« Je vous fais cadeau des bonbons, ne t'inquiète pas, sourit Bérangère en poussant ma commande vers moi.
-Oh merci Bérangère !m'écriais-je joyeusement en lui donnant les quelques francs pour payer le pain.
-Mais de rien, répondit-elle tandis que nous allions nous détourner pour sortir de la boulangerie. »
Nous partîmes donc de l'endroit. Moi tenant les deux baguettes et Lisette serrant contre elle les paquets de bonbons. Nous décidâmes d'aller déposer le pain à la ferme. Nous partirions ensuite voir si les faux jumeaux pouvaient sortir de chez eux. Sur le chemin d'herbe menant à ma maison, des gamins nous barrèrent soudainement la route. Leur chef, Fernand, avait un sourire fier de lui. Croisant les bras et ancrant ses pieds dans le sol, il nous dépassait d'une tête et demi.
« Alors les mioches, ricana-t-il en nous regardant d'un air mauvais, vous n'auriez pas quelque chose pour moi ?
-Laisse nous passer Fernand, déclarais-je en essayant de garder mon calme, s'il te plaît.
-Oh le petit me demande de le laisser passer !railla le garçon en regardant ses deux camarades autour de lui, qu'est-ce-que je dois faire les gars ?
-Ils ont des bonbons, siffla le plus maigrelet avec des dents excessivement longues, prenons les et fichons le camp d'ici.
-Bien dit, le soutint l'autre camarade de Fernand, donnez nous vos bonbons ! »
Après moult négociations, je finis par leur céder un paquet de bonbons en leur dissimulant le deuxième. Trop intéressés pour regarder plus attentivement, ils s'en allèrent finalement et nous pûmes reprendre notre marche en direction de la ferme de ma mère. Nous arrivâmes dans la cour et entendîmes aussitôt les cochons qui grommelaient. Un sourire amusé éclaira le visage de Lisette. Elle qui vivait avec sa grand-mère dans une assez vieille maison, elle n'avait pas d'animaux de compagnie.
Je pénétrai à l'intérieur de la maison et posai le pain sur la table du salon. Ma mère n'était pas à l'intérieur. Peut-être la trouverait-on à l'étable. J'entraînai donc Lisette à ma suite et courus avec énergie jusqu'à la grange. Mais il n'y avait personne. Je me souvins alors que papi et mamie avaient promis de s'occuper des bêtes aujourd'hui. Visiblement, l'odeur et la force des bestiaux ne les rebutaient pas le moins du monde. Nous allâmes donc finalement à la porcherie et trouvâmes enfin ma mère en train de nourrir les porcelets. Les épluchures de légumes qu'elle avait utilisés pour la soupe semblaient ravir les petits animaux.
Entendant du bruit derrière elle, ma mère se retourna et nous fit un large sourire.
« Bonjour Lisette, la salua aussitôt maman en lui jetant un regard accueillant.
-Bonjour madame, répondit poliment mon amie en osant à peine regarder ma mère dans les yeux.
-Je vois que Bérangère vous a encore gâtés, remarqua cette dernière en regardant le paquet de bonbons que Lisette tenait contre elle.
-Oui !souris-je aussitôt en m'approchant d'un pas pour voir les petits porcelets de plus près, et j'ai réussi à convaincre Fernand de ne nous prendre qu'un sachet sur les deux !
-Fernand vous a encore embêtés ?déduisit ma mère en me jetant un regard interrogateur.
-Oui mais j'ai réussi à nous défendre moi et Lisette !contrais-je fièrement en me redressant et en souriant.
-Et je t'en félicite, enchaîna ma mère en souriant, j'en toucherai deux mots à sa mère lorsque je la verrai au marché.
-Mais il va comprendre que c'est nous qui l'avons dénoncé !m'écriais-je vivement en suppliant ma mère des yeux, s'il te plaît ne dis rien !
-Mm...D'accord, accepta maman franchement à contre-cœur, mais ne viens pas te plaindre qu'il continue à t'enquiquiner ensuite !
-Promis !fis-je en l'embrassant énergiquement sur la joue en remerciement, merci maman ! »
Ma mère sourit largement tandis que nous nous éloignions déjà pour aller chercher Eugène et Eugénie en espérant que leurs parents les laissent à nouveau sortir. Déguster des bonbons rien qu'à deux ne nous paraissait pas très drôle...
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