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Chapitre 2

🎵 The days blur together

I watch the ceiling buckle

The walls are closing in

There's a black hole in the living room floor

I keep trying to ignore

But it's growing 🎵

Black Hole Fantasy – The Crane Wives.

Jayce tombait.

Il tombait dans un gouffre sans fin, étouffé par l'obscurité et par la douleur. Aucun son ne s'échappait de sa gorge.

Il tombait encore et encore, les yeux fermés, l'esprit vide, le cœur battant fortement, trop fortement, dans sa poitrine.

Jayce se réveilla. Il se réveilla, suffoqua, s'agita dans ses draps. Le monde était flou. Rien n'avait de sens.

Il ferma à nouveau les yeux, se rendormit, mais son sommeil était entrecoupé de réveils brutaux, sa conscience lui glissait entre les doigts, et il n'y avait que la souffrance qui l'accompagnait, la souffrance, la souffrance, et l'obscurité, l'obscurité si intense qui le dévorait de l'intérieur.

Jayce, amorphe, ne pouvait se libérer de cette prison. Il était bloqué, coincé dans cet état de semi-conscience contre lequel il ne pouvait pas se battre.

Il n'avait plus d'énergie. Il n'avait rien. Il n'y avait plus rien. Il n'y avait que le vide. Que la douleur. Il n'y avait que ces visions qui le hantaient, ces images qui explosaient derrière ses paupières closes, ces souvenirs qui revenaient encore et encore, dans une avalanche violente, dans un désordre qui le faisait grimacer.

Jayce resta longtemps, là, emmêlé dans les couvertures, entre rêve et réalité, à se battre pour tenter de remonter à la surface, impuissant.

Il resta longtemps, là, à regarder ses souvenirs aveuglants, à écouter les dernières paroles échangées, à se replonger dans sa vie, dans tout ce qu'il avait vécu avant d'atterrir dans ce monde qu'il ne connaissait pas. Il resta longtemps, là, immobile, le corps meurtri, persuadé dans sa fièvre folle qu'il n'allait jamais réussir à s'extirper de cette torpeur, qu'il était destiné à errer éternellement dans ce brouillard oppressant.

Et enfin, il se réveilla. Il se réveilla vraiment.

Jayce se redressa brusquement, le souffle court. Toujours les mêmes draps sous ses doigts. Toujours ces rayons de lumière qui le firent plisser les yeux. Sa barbe le démangeait. Son cœur battait contre ses tempes, comme un tambour incontrôlable. Une douleur lancinante explosa sous son crâne.

Jayce prit une profonde inspiration. Il était de retour. Une nouvelle fois. Encore désarçonné, mais l'esprit plus clair. Il se souvenait de tout. Il reprenait le contrôle de son corps. 

Ses paupières papillonnèrent fébrilement, ses doigts tremblèrent sur la couverture. Puis, tout s'arrêta d'un coup. L'air frais dans ses poumons le revigora. Le soleil ne l'agressait plus. Le monde retrouvait ses couleurs, et Jayce retrouvait ce monde avec une once de soulagement.

Il avait compris.

Il avait déjà vécu ça. Il avait voyagé dans une autre réalité, emporté avec Ekko et Heimerdinger par l'Arcane, par l'anomalie, menaçante, intrigante, impossible à comprendre. Jayce s'était retrouvé dans une véritable apocalypse, dans une ville détruite, terrassée par le pouvoir de l'Arcane. Il avait dû survivre, et il s'était vu, lui, figé dans la pierre, une simple statue de pierre, un corps sans vie, qui avait tout anéanti.

Jayce prit sa tête entre ses mains. Il avait déjà vécu ça. C'était forcément ça. Il était tombé dans un autre monde. Encore une fois. Dans un monde qui n'était pas détruit, et qui ressemblait au sien. Piltover. Caitlyn

Dans ce monde, les choses étaient différentes. Jayce Talis n'existait pas. Enfin, il avait existé. Mais il était mort.

Jayce s'allongea et s'enfonça dans le matelas, contre les oreillers douillets. Sa main glissa de son front à son menton, lasse, avant de retomber le long de son corps.

Comment avait-il pu atterrir dans cette réalité parallèle ?

L'idée ne lui avait pas traversé l'esprit auparavant, mais à présent, il comprenait qu'il était probable que le monde apocalyptique qu'il avait découvert n'était pas le seul et unique monde qui existait. Il devait y en avoir des centaines. Des milliers. Des milliards, peut-être. Et ces mondes pouvaient être accessibles grâce à l'Arcane... Était-ce donc cela ? En voulant détruire l'Arcane, en voulant sauver Piltover et Zaun, Viktor et lui avaient-ils plongé dans une dimension parallèle ?

Viktor.

L'image de son partenaire revint envahir son esprit. Les questions le dévoraient. Il ne savait pas où était Viktor. Il jeta un coup d'œil le long des lits alignés contre le mur, mais tous étaient vides. Viktor aurait pu être là aussi. Dans cet hôpital, avec lui. Pourquoi n'était-il pas là ? Avait-il été transporté dans ce monde, lui aussi ?

Il le fallait. Jayce ne pouvait pas se retrouver seul dans l'inconnu. Pas après tout ce qu'il s'était passé. Tout ce qu'il avait vécu.

Il s'assit à nouveau, engourdi, désireux de secouer ses membres douloureux, mais ses jambes étaient toujours solidement attachées. Un soupir exaspéré lui échappa. Son dos craqua, ses muscles protestèrent. Il devait absolument sortir d'ici.

Ses yeux se posèrent sur la table de chevet et s'écarquillèrent de surprise lorsqu'il aperçut une miche de pain et un verre rempli d'eau, accompagnés d'une carafe dorée. Il se jeta dessus, se rendant compte à l'instant qu'il était affamé et déshydraté. 

L'eau coula dans sa gorge irritée, et ses dents s'enfoncèrent avec vigueur dans le morceau de pain. Son estomac gronda, alors Jayce mâcha rapidement et avala précipitamment, dévoré par la faim. Il répéta ce geste plusieurs fois, jusqu'au moment où la mie eut un goût de cendres dans sa bouche. Il éloigna lentement la nourriture de ses lèvres, avant de déglutir difficilement, le ventre soudainement noué, la gorge obstruée. Il était dans un autre monde.

Cette réalité lui paraissait insurmontable. Il sentit les larmes lui monter aux yeux mais il les chassa d'un clignement de cils furieux. Ils étaient censés détruire l'Arcane. Disparaître avec elle. Ils étaient censés se sacrifier. Tout réparer.

Pourquoi était-il là, à présent ?

Et où était Viktor ?

L'Arcane avait-elle réellement quitté sa dimension ? Toutes les personnes qu'il connaissait avaient-elles pu continuer à vivre leur vie ? Piltover et Zaun avaient-elles enfin pu avoir leur fin heureuse ? 

Tant de questions sans réponse... Jayce détestait les questions. Il détestait ne pas savoir. Il aimait pouvoir répondre à toutes les interrogations qui le hantaient. Il détestait rester dans l'incertitude.

Mais là, il y était immergé. Nouveau monde. Nouvelle Caitlyn.

Comme en écho avec ses pensées, la porte s'ouvrit et la jeune femme pénétra dans la pièce, toujours vêtue de bleu et de noir, une longue cape posée sur ses épaules, une cape dont le col dissimulait presque son visage. Son pantalon, lui, était rentré dans de hautes bottes de cuir qui la grandissait. Jayce eut l'impression de voir la Caitlyn qu'il connaissait. Elle ressemblait à la Pacifieuse qu'il connaissait, mais surtout à la générale Caitlyn, celle qui avait pris les choses en main, encouragée par Ambessa, celle qu'il avait retrouvée lorsqu'il était revenu à Piltover. Ces deux Caitlyn avaient cette étincelle de détermination dans le regard, une flamme guerrière qui brûlait au fond d'elles. Seuls ses cheveux étaient radicalement différents et fissuraient ces deux images qui se superposaient. La dernière fois qu'il avait vu Caitlyn, elle avait une haute queue de cheval qui dégageait son visage, et non pas cette coupe au carré trop stricte. 

— Vous êtes réveillé, constata-t-elle.

Jayce sortit de sa contemplation et acquiesça distraitement. Caitlyn parut presque déçue. Elle posa les yeux sur une bassine de métal remplie d'eau, sur un meuble à côté de Jayce, avant d'avancer de quelques pas et de remettre son masque impassible. Jayce fronça les sourcils en voyant le récipient et le chiffon humide sur le rebord. S'était-elle occupée de lui ? Avait-elle essayé de lui apporter un peu de fraîcheur pendant qu'il délirait ?

Il ne savait pas quelle relation cette femme entretenait avec Jayce, le Jayce qui était mort. Était-ce la même que celle qu'il avait avec Caitlyn ? À quel point les mondes se ressemblaient-ils ?

Elle devait forcément être troublée. Elle voyait en lui le reflet d'un homme qui n'existait plus, un homme qu'elle avait connu, et peut-être auquel elle s'était attachée.

— Vous allez rester conscient, maintenant ?

La voix de Caitlyn le sortit de ses pensées.

— Euh, oui... Je crois que je me sens mieux, bafouilla-t-il.

Il était sincère. Même s'il ressentait toujours les séquelles de son voyage à travers les dimensions, il retrouvait aussi lentement ses forces et son discernement. Tout doucement, il commençait à accepter cette nouvelle réalité.

Il le fallait.

— Le Conseil va vous convoquer, l'informa-t-elle.

— Quoi ? Maintenant ? s'étrangla-t-il, surpris.

Elle glissa un coup d'œil furtif sur les miettes qui parsemaient le drap et le verre vide sur la table de chevet. Elle s'attarda plus longtemps sur ses cheveux longs, emmêlés, et sa barbe trop fournie.

— Bien sûr que non. Le Conseil vous donne accès à une chambre pour vous débarbouiller et vous rendre présentable. Pour reprendre des forces, aussi, ajouta-t-elle avec une esquisse de sourire compatissant.

Son ton était plus doux. Jayce accueillit ce changement de comportement avec plaisir et sourit en retour, un sourire qui devait plutôt ressembler à une grimace. Tous ses muscles étaient douloureux et il avait l'impression qu'il ne pouvait plus les contrôler. Son corps avait été immobile si longtemps...

— Avez-vous des réponses à m'apporter avant de voir le Conseil ?

Jayce ouvrit la bouche, puis la referma, interrompu involontairement par cette question. Il aurait aimé, lui aussi, avoir des réponses. Il n'oubliait pas Viktor. Et l'énigme autour de Jayce Talis.

— Je crois que j'ai compris ce qu'il m'arrivait.

Caitlyn l'encouragea à continuer d'un signe de tête.

— Comme je te... je vous l'ai dit, je suis Jayce Talis. Je suis Jayce Talis mais je viens d'un autre monde, d'une autre réalité, d'un autre Piltover. Et dans cette réalité parallèle, tu... vous existez. C'est pour cette raison que je vous connais. Je suis arrivé ici grâce à l'Arcane, grâce à la magie, en essayant de sauver mon propre monde.

Il avait débité ses explications précipitamment, comme pour éviter que le courage ne lui échappe. Ses mots résonnèrent à ses oreilles. Son discours paraissait complètement absurde, complètement fou. Il garda le silence devant l'absence de réaction de Caitlyn, avant d'ajouter, timidement :

— C'est la seule explication possible.

Caitlyn pinça les lèvres, suspicieuse.

— Vous vous moquez de moi ?

— Non ! s'écria aussitôt Jayce en levant la main vers son interlocutrice, comme pour la retenir, retenir son attention.

Le lit grinçait sous ses gestes brusques.

— Je ne peux pas vous croire.

La réponse tonna, sans appel. Jayce n'était pas étonné. Il comprenait. Mais elle devait se rendre à l'évidence, il n'y avait pas d'autre explication.

— Écoutez, vous dites qu'il y avait déjà un Jayce Talis, donc je suis forcément le Jayce d'un autre univers ! C'est ça, et non pas autre chose. Je connais une Caitlyn, mais elle vient de mon monde. Je ne sais pas à quel point nos deux réalités sont différentes, mais je peux déjà vous dire que les similitudes ne sont pas nombreuses... Puisque je suis en vie, et que... la Caitlyn que je connais n'est pas Conseillère.

Il retint presque sa respiration. Libérer ses réflexions et ses hypothèses fit s'envoler un poids qui pesait dans son estomac. Leur discussion paraissait peut-être tourner en boucle, mais elle était nécessaire pour que la prise de conscience se fasse. Énoncer les faits à voix haute les rendait plus réels, plus concrets.

Et légèrement plus acceptables.

Caitlyn tressaillit mais resta impénétrable.

— J'entends bien ce que vous me dites là, et je peux convenir que ce soit la seule explication possible à toute cette situation...

Elle se racla la gorge.

— Je vais me contenter de cela pour l'instant, étant donné que je ne suis pas experte dans le fonctionnement de l'Arcane.

Jayce tiqua et remua sur son lit.

— Vous connaissez l'Arcane ? La magie existe aussi ici ?

Était-elle reliée à celle de sa réalité ?

— Savez-vous si l'Arcane a été détruite ?

Est-ce qu'elle savait si son monde avait été sauvé ?

Elle ne pouvait pas le savoir. Évidemment. Jayce en était parfaitement conscient. Mais les mots dévalaient sa langue sans qu'il arrive à les arrêter. Après autant de temps emprisonnés, ils avaient besoin de s'échapper.

— Mais de quoi parlez-vous ? soupira Caitlyn, excédée.

Jayce se mordit la lèvre.

— Pardon...

Il marqua une pause, aussi confus que gêné.

— Est-ce que la magie existe dans ce monde ?

Pour toute réponse, il n'y eut qu'un silence profond, plein de tension. Caitlyn fuit son regard et fit les cent pas dans la pièce. Ses talons frappaient à un rythme régulier sur le carrelage.

Jayce n'insista pas. Il nota simplement la réaction de la jeune femme dans un coin de son esprit, et tenta de réfréner la curiosité qui le dévorait. 

— Je vais vous emmener dans votre chambre, finit-elle par déclarer.

Jayce hocha la tête. Caitlyn s'approcha du lit et souleva délicatement la couverture pour pouvoir déverrouiller les menottes. Le cœur de Jayce battit un peu plus fort lorsqu'elle posa les yeux sur sa jambe blessée.

— Les médecins de Piltover ont pu vous administrer des remèdes pour guérir votre jambe. Des os avaient été brisés et s'étaient mal ressoudés, mais ils ont réussi à... tout réparer. 

Le visage de Jayce se teinta de surprise. Sa jambe était guérie ? Il allait pouvoir marcher à nouveau normalement ? 

— Merci, souffla-t-il, ému.

Cette fois-ci, les mots lui manquaient. Il n'avait pas dû supporter sa jambe longtemps depuis son retour à Piltover – les événements s'étaient enchaînés à une telle vitesse qu'il n'avait presque pas pu y penser... Elle avait surtout été douloureuse lorsqu'il avait passé tous ces jours dans ce gouffre obscur, seul, à essayer de survivre...

Jayce tressaillit. Il ne voulait pas repenser à cela. Oui, sa jambe avait subi des dommages à cause de son propre marteau, oui, il avait failli perdre l'esprit dans ce monde dévasté, mais il avait réussi à s'échapper. Il avait réussi à s'enfuir. Il n'avait même pas pu prêter attention à cette blessure, il avait été emporté par un tourbillon incontrôlable, par la guerre qui se préparait, par...

Viktor.

Jayce releva vivement la tête.

— Où est Viktor ?

Caitlyn suspendit son geste. Ses doigts s'immobilisèrent autour des menottes. Elle leva un sourcil interrogateur.

— Viktor ?

Jayce sentit son pouls s'accélérer. Il fallait qu'il soit là. Quelque part. Ils étaient forcément arrivés ensemble, il n'y avait pas d'autre explication... C'était la première question qu'il aurait dû poser – pourquoi son esprit était-il aussi chaotique ? 

— Je n'étais pas seul quand les Pacifieurs m'ont trouvé, n'est-ce pas ? J'étais avec quelqu'un. Viktor. Un... ami.

Il prit une longue inspiration.

— Est-ce qu'il était là ?

L'inquiétude était comme un nœud dans son estomac. Caitlyn pinça les lèvres.

— Oui, les Pacifieurs ont trouvé quelqu'un d'autre avec vous.

Une vague de soulagement le submergea. Viktor. Il était là. Ils étaient arrivés ensemble. L'Arcane ne les avait pas séparés. Viktor était là.

— Où est-il ?

Il aurait aimé secoué Caitlyn, mais elle ne l'avait pas libéré. Elle recula même de quelques pas. Jayce fronça les sourcils.

— Il a été envoyé en prison.

Jayce hoqueta, abasourdi.

— Comment ça, en prison ? 

Une colère inattendue commença à grimper en lui, en écho avec la température de son corps qui s'éleva soudainement. Jayce pouvait presque sentir ses émotions bouillonner en lui. Il ne comprenait pas.

— Pourquoi est-il en prison ? insista-t-il.

Il garda un ton mesuré, mais il avait envie de hurler. Viktor ne pouvait pas être en prison. Il n'avait rien fait. Il n'avait rien fait dans ce monde. Que s'était-il passé pendant que lui était endormi, inconscient, terrassé par la douleur, par son voyage à travers l'Arcane ?

— Il est considéré comme étant une personne dangereuse. Le Conseil a pris ses précautions pour protéger Piltover.

Elle lissa sa cape d'un geste de la main. Jayce s'écria :

— Mais j'étais avec lui ! Pourquoi est-il en prison et moi, ici ?

L'injustice et l'absurdité de la situation le laissait pantois. Une nouvelle fois, rien n'avait de sens. Tout paraissait sens dessus dessous.

— Nous avons des soupçons. Des doutes. Nous avons de bonnes raisons de penser que cet homme est lié à la magie, et la magie étant interdite à Piltover, nous refusons de prendre des risques.

La magie était interdite. Jayce secoua la tête, confus.

— Mais attendez, attendez... Moi aussi, j'ai utilisé la magie ! Je viens de vous le dire. Et j'étais avec Viktor ! 

Sa gorge était irritée à force de parler.

— Vous venez de me le dire aujourd'hui, mais rien ne le prouve.

Jayce retint un rictus moqueur.

— Il ne peut pas y avoir deux Piltover et deux Jayce Talis, j'ai compris... marmonna-t-il d'un air renfrogné.

Caitlyn leva les yeux au ciel.

— Écoutez, nous avons trouvé des runes tracées sur sa peau, ce qui est, je pense, une preuve assez tangible qui indique que cet homme a eu recours à de la magie, ce qui est impensable ici. Le Conseil est sage et fait parfaitement son travail, alors je vous interdis de l'insulter. Peut-être que vous vous sentiez supérieur dans votre monde, mais dans celui-ci, vous n'êtes rien. Vous êtes un problème que nous essayons de régler.

Son ton accusateur évacua toute trace de colère au fond de Jayce. Il entrouvrit les lèvres mais aucun mot ne sortit. Une unique pensée tournait en boucle : Viktor n'avait pas de runes tracées sur sa peau...

Oh.

Le souvenir revint, net, clair, douloureux. Jayce avait vu ces cicatrices sur le corps de Viktor lorsqu'il l'avait emmené dans le laboratoire, après l'explosion qui avait failli lui coûter la vie. Non. L'explosion qui lui avait coûté la vie. C'était ce jour-là que Jayce avait lié Viktor au Cœur Hextech, c'était ce jour-là que tout avait basculé. C'était ce jour-là qu'il avait vu avec horreur ce que Viktor s'était infligé. Mais il n'avait pas eu le temps d'y penser, il n'avait pas eu le temps de parler à son partenaire. En un clignement d'yeux, il avait fui, était sorti du laboratoire et avait laissé Jayce tout seul.

C'était comme si tout était arrivé dans une autre vie, à un autre Jayce. 

Il se sentit soudainement misérable, insignifiant dans cet hôpital immense, affaibli, l'esprit torturé, les membres endoloris. Toutes ses erreurs le hantaient. Tout ce temps écoulé était comme un poids insupportable qui l'écrasait et qu'il ne pouvait pas soulever.

Jayce sentit sa gorge se serrer.

— Ces runes... Elles ne sont pas un danger. Elles ont un rapport avec ce qu'il s'est produit dans mon monde, mais elles ne peuvent rien provoquer ici. Viktor ne représente pas un danger, je vous assure, expliqua-t-il d'une voix douce, presque suppliante.

— Nous voulons aussi des réponses de sa part, trancha Caitlyn. Rien ne me prouve que vous dites la vérité, vous pouvez affirmer cela pour le protéger.

— Eh bien, interrogez-le ! Vous verrez que sa version des faits est la même que la mienne.

— Il refuse de répondre à nos questions.

Jayce s'emporta :

— Peut-être qu'il se sentirait mieux s'il n'était pas en prison ! Il n'a rien fait ! Vous ne pouvez pas le garder enfermé, il est fragile, il a besoin d'aide, il...

Il s'interrompit. En réalité, il ne savait même pas dans quel état se trouvait Viktor. Avait-il gardé ce corps modifié par l'Hextech ? Avait-il retrouvé le sien ? Comment allait-il ?

— Piltover traite ses détenus avec tout le respect dont elle peut faire preuve envers des êtres humains. Nous ne sommes pas des monstres. Votre ami a un lit confortable, de quoi se laver, et les gardes lui apportent des repas à des heures régulières tous les jours, répondit Caitlyn, impassible.

Ses yeux de glace transpercèrent Jayce. Celui-ci lâcha un soupir de soulagement. Il était presque rassuré. Presque. Il ne le serait pas complètement tant qu'il ne l'aurait pas vu. 

— Est-ce que...

— Ce n'est pas de la faute du Conseil s'il refuse de s'alimenter, lâcha Caitlyn du bout des lèvres, au même moment.

Les mots de Jayce moururent sur sa langue.

— Quoi ? s'étrangla-t-il, interloqué.

Caitlyn soupira mais ne répondit rien. Jayce se massa les tempes et passa une main sur son visage. Il aurait aimé pouvoir s'asperger d'eau froide pour y voir plus clair.

Viktor... À quoi jouait-il ? Pourquoi refusait-il de manger ? Il devait aller le voir.

— Laissez-moi le voir, la supplia-t-il.

Un éclair de compassion sembla traverser les traits austères de Caitlyn. Il devait s'engouffrer dans cette brèche, appuyer sur les émotions qu'elle avait enfouies, réveiller la femme sensible qu'il devinait derrière ce masque de froideur. 

— Vous voyez bien que je ne suis pas dangereux. Je me présenterai au Conseil, je répondrai à toutes leurs questions, je ferai ce qu'il faut pour que la situation puisse être tirée au clair... Mais je ne peux pas faire cela sans Viktor. 

Ils avaient traversé tout cela ensemble. Ils allaient continuer ensemble. Jayce n'allait pas abandonner Viktor.

— Je vais d'abord vous conduire dans vos appartements temporaires. Ensuite, j'irai parler au Conseil de votre demande, concéda-t-elle.

Jayce retint un soupir désapprobateur.

— Je t'en prie, Caitlyn... Depuis quand laisses-tu les règles dicter ta conduite ? tenta-t-il, avec un sourire en coin.

Sa remarque n'eut pas l'effet escompté. Caitlyn se crispa et planta ses prunelles dans les siennes.

— Je suis Conseillère, monsieur Talis, répliqua-t-elle.

Elle ne cilla même pas quand elle prononça son nom. Comme si elle avait effacé le Jayce Talis qu'elle avait mentionné lors de leur première discussion. Ce Jayce qu'elle avait connu... Il était certain qu'il était proche d'elle. Peut-être comme un frère et une sœur, comme ce que lui avait vécu avec elle. Avait-elle vraiment fermé son cœur à double tour, de manière à ne pas pouvoir être atteinte par cette apparition inexplicable ?

Jayce repensa à la bassine remplie d'eau. À la douceur qui transparaissait dans certains de ses gestes quand elle s'approchait de lui. Elle ne pouvait pas rester indifférente.

— Tu me connais, Caitlyn. Tu sais qui je suis. Tu peux m'aider.

Pour toute réponse, la jeune femme se pencha et déverrouilla les menottes autour des chevilles de Jayce. Elle les récupéra dans sa main gantée avant d'avancer d'un pas vif vers la porte de la pièce.

— Vous venez ? demanda-t-elle en se tournant vers lui.

Jayce reprit ses esprits, hébété. Tout s'était passé très vite, et le gant mystérieux avait retenu toute son attention. Il agita doucement ses pieds nus pour les désengourdir, avant de les poser sur le sol. La froideur du carrelage le pétrifia, puis ce fut la douleur qui fusa dans chacun de ses muscles. Jayce grimaça mais se leva tout de même, encouragé par une énergie nouvelle.

Une fois debout, un vertige bouleversa ses repères. Il se stabilisa en s'appuyant d'une main tremblante sur le matelas, excédé au fond de lui par cette fragilité qui le rendait maladroit et incapable. Il serra les dents et puisa en lui pour se redresser et s'éloigner de son lit. 

Une main sur le mur à sa gauche, les yeux mi-clos, assailli par la souffrance et son environnement soudainement trouble, Jayce laissa ses pieds glisser sur le sol, lentement, en priant silencieusement pour retrouver rapidement son équilibre. 

Il cligna des paupières et aperçut une main lui tendre une béquille. Son visage se teinta de surprise, et son regard remonta jusqu'à celui de Caitlyn qui lui offrait un sourire timide.

— Prenez ça.

Jayce se cramponna à la béquille comme si sa vie en dépendait, et suivit la jeune femme en boitant, vacillant sur ses jambes. Chaque coup sourd contre le sol était comme une bouffée d'énergie qui s'engouffrait en lui. Il chancelait, mais il tenait bon, et surtout, il avançait.

Son corps était rouillé, à l'instar d'une machine qui n'avait pas servi depuis longtemps. Il devait reprendre le contrôle. Reprendre des forces.

Caitlyn passa la porte, Jayce l'imita, et tous deux traversèrent de longs couloirs vides, seulement accompagnés du son de la démarche claudicante de Jayce et du bruissement de la cape de Caitlyn. Celle-ci marchait à ses côtés, à son rythme, sans qu'il sache si elle le surveillait ou si elle lui témoignait son soutien. Elle les guida dans ce labyrinthe d'or et de pierres grises jusqu'à ce qu'ils arrivent devant un ascenseur doré dont les portes étaient décorées de grandes ailes déployées. Jayce devina que ce devait être le symbole de Piltover, et cette pensée le fit presque trébucher ; dans son monde, Piltover portait fièrement en tant qu'emblème la représentation d'un Hexgate doré. C'était ça, le symbole de Piltover, chez lui.

Mais l'Hextech n'existait pas ici. Les Hexgates non plus. La magie n'existait pas.

Une sonnerie le tira de ses pensées. Jayce releva la tête. Caitlyn avait déjà pénétré dans la cabine, ouverte, devant lui. Il s'appuya sur sa béquille et y entra à son tour. La Conseillère effleura un bouton sur le tableau de bord, et l'ascenseur se mit en marche, en silence, pour descendre vers les étages inférieurs.

Jayce ne savait pas exactement dans quel bâtiment il était, pourquoi celui-ci était relié à l'hôpital, et comment avait été pensé l'édifice dans lequel il se trouvait, mais il comprenait que Caitlyn l'emmenait vers les cellules de prison, comme il le lui avait demandé. Son cœur accéléra sa course dans sa poitrine, sa paume devint moite contre le métal de sa béquille.

Les portes s'ouvrirent, et Jayce se figea un instant avant de se décider à sortir de la cabine. Les couloirs devant eux étaient à l'image du luxe de Piltover, un emboîtement de pierres claires sur lesquelles de multiples dorures se croisaient et semblaient briller. Viktor se portait forcément bien. Il était dans un environnement agréable, Caitlyn n'avait pas menti.

Les cellules qui s'alignaient sur le mur étaient entièrement vides. Caitlyn encouragea Jayce à avancer d'un geste du menton.

— Nous mettons ici les personnes dans l'attente d'un procès, ou celles que nous n'envoyons pas inévitablement dans la véritable prison de Piltover. Ce sont des cellules de réflexion qui permettent aux accusés d'être à la portée du Conseil selon ses besoins, avant de les désigner comme étant coupables ou non.

Jayce l'écouta d'une oreille distraite. Toute son attention était tournée vers Viktor. Viktor qu'il allait revoir, Viktor pour qui il était inquiet, Viktor...

Caitlyn s'arrêta devant une cellule. Jayce se figea à son tour, mais son cœur poursuivit sa course dans sa poitrine. La cellule était à moitié plongée dans l'obscurité. Jayce ne distinguait rien. Il se pencha et jeta un coup d'œil à travers les barreaux. Un lit confortable bien que minimaliste se dessinait dans un coin, ainsi qu'une chaise sur laquelle s'amoncelait une pile de vêtements. Le regard de Jayce glissa sur le plateau repas encore rempli qui était posé sur le sol de pierres, avant de remonter vers le fond de la cellule.

Son cœur rata un battement.

Là, dans l'obscurité, au milieu des ombres, à peine éclairée par la lumière déversée par les appliques murales, Jayce devina une silhouette recroquevillée sur elle-même. Il plissa les yeux.

Viktor. 

Viktor était assis à même le sol, une jambe tendue, l'autre ramenée contre lui, comme un animal pris au piège. Jayce aperçut sa peau livide sous la couverture qui le recouvrait à moitié. Son corps était celui d'un homme. Son corps était le sien. C'était Viktor.

Jayce tenta de voir son visage mais la noirceur ambiante l'en empêcha. Il s'agrippa aux barreaux d'une main et se tourna vers Caitlyn.

— Laisse-moi entrer, Cait.

Son ton suppliant la fit hésiter. Les jointures de Jayce blanchirent autour des barreaux de métal. Il aurait aimé pouvoir les arracher, il aurait aimé pouvoir pénétrer dans cette cellule et parler à Viktor. Celui-ci n'avait pas effectué un seul mouvement. Il ne semblait même pas conscient de ce qu'il se passait autour de lui. Jayce sentit les larmes lui monter aux yeux. Une douleur inexplicable le submergea, mais ce n'était pas en raison de sa fatigue ni de sa migraine et encore moins de sa jambe, qu'il avait totalement oubliée. 

C'était Viktor.

Un bruit de clés le fit se redresser. Caitlyn poussa la porte et l'invita à entrer d'un geste de la main. Jayce la fixa quelques secondes, interdit, avant de laisser tomber sa béquille et de se précipiter à l'intérieur de la cellule.

L'espace exigu lui donna l'impression d'étouffer. Il esquiva le plateau de nourriture et, en quelques pas, arriva devant le corps recroquevillé de Viktor. Il tomba à genoux et sans réfléchir, se jeta sur son ami pour le serrer dans ses bras.

Jayce enfouit son visage dans le cou de Viktor. La couverture glissa légèrement. Viktor ne broncha pas. Il resta là, amorphe, tandis que Jayce l'étreignait avec toute la douceur dont il pouvait faire preuve malgré l'émotion intense qui l'envahissait et qui rendait ses gestes plus vigoureux, peut-être un peu trop précipités. Jayce n'avait pas réfléchi. Pour une fois, il avait simplement agi. Il avait eu envie de serrer Viktor dans ses bras. 

— Je suis là, partenaire, murmura-t-il à son oreille.

Viktor ne répondit pas, alors Jayce se blottit un peu plus contre lui, et ferma les yeux un instant, apaisé à l'idée de ne plus être seul.

Viktor était là.

C'est finiii ! Oh, c'était long xD Excusez-moi pour ce chapitre qui explose vraiment le compteur, mais je ne pouvais vraiment pas faire autrement... J'ai réfléchi à un moyen de le couper avant mais ça n'allait pas, je ne pouvais pas, notamment parce que je sais exactement ce que je veux faire dans le chapitre suivant ; j'étais donc obligée d'écrire celui-ci jusqu'à ce que j'arrive à cette fin.

Mais, au moins, vous avez les retrouvailles ! Viktor et Jayce sont réunis, même si le premier n'a pas l'air au meilleur de sa forme...

J'espère que ce chapitre vous a plu ! Il est long, oui, mais il apporte quelques réponses, les choses avancent ! :)

Bon, le problème ici, c'est clairement la taille de ce chapitre ; pas au niveau de la forme mais plutôt du fond... Est-ce que vous le trouvez ennuyant ? Redondant ? J'ai peur de ça parce que je sais que je peux avoir tendance à me répéter, à tourner en boucle, et surtout à passer beaucoup trop de temps sur les descriptions des pensées, de la psychologie des personnages...

Je sais que je suis du genre à m'emporter et je sais que je ne suis pas forcément objective envers ce que j'écris puisque c'est mon travail, c'est pourquoi vous m'aideriez vraiment en me donnant votre ressenti ! Pas besoin d'un long commentaire, je veux juste savoir si vous trouvez ça long ou non.

En même temps, je ne me vois pas passer trop rapidement sur ce que ressent Jayce parce qu'il se retrouve quand même dans un autre monde, je veux que ça paraisse réaliste et qu'il soit un minimum déboussolé, choqué... Vous me comprenez, je pense xD

Bref, c'est tout pour aujourd'hui ! 

À bientôt pour le prochain chapitre :)

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