Volutes saisonnières
D'abord c'est humide. Si les nuages étaient des yeux ce seraient ceux d'hypersensibles, intarissables en larmes douces amères, belles et terribles.
Tout est doux, s'il fallait une émotion ce serait la mélancolie, mais alors une mélancolie si fragile qu'il ne faut pas la prononcer sinon déjà elle serait trop triste, et ce n'est pas triste, non ce n'est pas triste.
Les feuilles, aussi, se mettent au gout du jour, le vert non, c'est trop fort, trop, trop, non il faut quelque chose de plus doux, jaune, c'est mieux, non pas encore, doucement virent à l'orange, plutôt ocre, oui voilà comme ça c'est bien.
Les enfants sautillent dans les flaques, psssssch, plouf, grrrr mais tes jolies bottines.
Et voilà, quand tout est sa place, tourbillon. Léger tourbillon d'âmes et de vies inachevées.
Et soudain, non pardon pas soudain, juste naturellement, sans un bruit, les feuilles restent sur le sol, toutes, et disparaissent, on ne fait pas attention, on ne sait pas pourquoi, elles disparaissent.
Et dans l'air, quelque chose, même si ce n'est pas vraiment une chose, comme un voile, ou, enfin, l'air se glace, paf, un matin on ouvre la fenêtre et de la vapeur s'échappe par la bouche, pourtant cela fait un an deux mois trois semaines qu'on a arrêté de fumer.
Et ça se retire, comme la vague au creux du corps, laissant le monde dans sa candeur et sa nudité naissante, exposé plus que jamais auparavant.
A présent, c'est silence. Même pas silencieux, non, avec l'adjectif ce n'aurait plus vraiment le même sens, non, vraiment, c'est silence.
Parfois la neige se pose, ça adoucit le tout, sourire aux lèvres indécrochable et maturité envolée, dehors les enfants courent après un temps perdu, mais c'est rare, trop rare.
Le reste du temps les arbres se tendent, incroyablement grands et puissants, seuls, comme des appels à l'aide tirent leurs branches vers le ciel, en vain.
Ce n'est plus de la mélancolie, c'est de la tristesse, de la tristesse pâteuse restée collée sous la langue, elle a un gout de thé noir trop infusé et une consistance de porridge, et on a l'impression qu'elle va durer éternellement, qu'elle va attacher vos pieds au brouillard glacial, et que la flamme au fond du cœur va finir par s'éteindre, et mourir
mais
inévitablement
ça finit par changer
Ça te tire par le nombril comme le fil invisible qu'adore les professeurs de gym, ou d'équitation, c'est comme une danse, c'est quelque chose de moins et de plus à la fois qu'une danse
Transcendance
Transe en danse
Voilà, transe en danse, ça fait jaillir des fleurs et du vent et de la vie par tous les recoins de la nature.
Ça balaye le froid d'un revers de, pas de la main, d'un revers de l'infini, voilà, d'un revers de l'univers le froid s'attiédit, rassurant, les arbres se couvrent de bourgeons doux qui perlent comme cent larmes de joies au coin de tes yeux, et c'est beau.
A ce moment, c'est au-dessus des mots. C'est le bonheur, pas la joie, la joie est trop pleine, ici c'est plus fragile et plus puissant aussi, plus coulis de sensations irrattrapables plein la bouche.
Les arbres donnent envie de les embrasser, tant pis les regards moqueurs, ils sont si doux, et puis l'odeur, ô l'odeur, le muguet et le lilas et le coquelicot qui veulent enserrer les narines, tendres parfums colorés.
Ça a le bruit d'un rire et d'un chant à la fois, d'un oiseau et d'un enfant, d'une cour de récré et d'une prairie, de trop d'innocences à leur apothéose.
Et quand les yeux se ferment ce n'est pas noir, non, les rayons de soleil font chavirer des ombres illuminées derrière nos paupières, se mêlent parfois à la pluie – peut-être ce sont nos larmes – et quand on les rouvre il y a des arcs-en-ciel.
Et là, encore une transition, celle-là ne se voit pas, pas vraiment, disons que le bonheur se transforme en joie, se remplit, peut-être un peu trop d'ailleurs.
L'air tiède devient chaud, les larmes de joies muent en gouttes de sueur, les fleurs deviennent fruits, et les enfants chanceux emmènent leurs rires en vacances ou des mouettes les attendent.
La brise se meurt, ou alors elle est vraiment très malade, et les poètes s'endorment : ce n'est pas leur saison, elle est trop, trop.
Maintenant, c'est presque la fin : le Happy End guimauve tellement joyeux qu'il laisse un goût acre dans la bouche ;
Les arbres, on monte dedans ; la sève est chaude, les cerises rouges, croque dedans mon chéri ; on mange à s'en faire éclater le ventre ; c'est comme la dernière touche de couleur sur une peinture : peut-être qu'elle était de trop finalement.
Comme ponctuation : uniquement des points virgules ; et des deux points : ils prennent toutes la place, s'imposent, coupent sans terminer, veulent tout expliquer, nous prouver que c'est beau, toi tu ne veux pas tu trouves que c'est laid alors ne le fais pas
Ce devrait être trop beau ; finalement c'est l'ennui : l'ennui de la fausse perfection ; l'ennui de la chaleur accablante qui prive de motivation ; l'ennui.
Et là, quand l'ennui est à son maximum, alors doucement, ultime changement, les fruits sont tous cueillis, ou tombent doucement sur le sol, et la brise émerge sans un bruit de son sommeil estival.
Les enfants reviennent, les rires se mêlent de nouveau au vent, les parapluies dansent avec eux de nouveau et tout, tout, tout s'emmène et tout s'envole, tout s'entraîne.
Un temps se couche et un autre renait, encore et encore.
Enfin, c'est humide. Si les nuages étaient des yeux ce seraient ceux d'hypersensibles, intarissables en larmes douces amères, belles et terribles.
Tout est doux, s'il fallait une émotion ce serait la mélancolie, mais alors une mélancolie si fragile qu'il ne faut pas la prononcer sinon déjà elle serait trop triste, et ce n'est pas triste, non ce n'est pas triste.
Les feuilles, aussi, se mettent au gout du jour, le vert non, c'est trop fort, trop, trop, non il faut quelque chose de plus doux, jaune, c'est mieux, non pas encore, doucement virent à l'orange, plutôt ocre, oui voilà comme ça c'est bien.
Et voilà, quand tout est sa place, tourbillon. Légertourbillon d'âmes et de vies inachevées.
Un texte au sujet pas hyper original, mais bon il me plaisait bien, alors tadaaaam ! En plus j'ai pu caser le "transcendance - transe en danse" ( vous aussi vous avez remarqué que j'associe toujours "transe" et "danse" sans même le faire exprès ?) , qui me traitait depuis trop longtemps dans la tête... Bref, voili voilou !
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