Papillonnent ces yeux, et la sombre clarté des premières lueurs se faufile sous ses paupières endormies. L'étincelle brillante l'accompagne, et vient se loger dans son iris noisette, redonnant joies et couleurs à son monde si terne.

Et d'une simple respiration, elle fait soulever le voile blanc du rêve qui s'était déposé sur son corps pour la nuit. Celui-ci lui chatouille le visage, fait brusquement ouvrir et refermer ces yeux tout fatigués qui restent mi-clos, dans cet entre deux si agréable du début de journée. Il ne faut pas s'inquiéter pour le rêve ; il reviendra la nuit suivante, il va passer la journée au-dessus de sa tête comme un ange protecteur, comme un échappatoire. Elle pourra lever les mains, haut, très haut, et l'effleurer, le sentir caresser sa peau, et s'enivrer, pour oublier.

Mais le jour, elle n'y est pas encore, elle est dans cet étrange instant indéfini, ou elle voudrait rester à l'infini.

Et petit à petit, ses sens s'affinent, s'aiguisent, se propagent. Et passent dans ses oreilles les doux chants des oiseaux, celui de son père déjà dans la cuisine, et tous ceux imperceptibles qui forment un délicieux brouhaha. Et passent dans ses narines les senteurs des crêpes qui sautent joyeusement tout au bout du couloir, celle toute douce de la rosée du jardin, et même celle chaleureuse de sa mère qui est encore en voyages parmi les vapes du sommeil.

Et ses yeux, ses doux yeux noisettes à l'étincelle rieuse, les voilà de nouveau papillons, et les formes se dessinent sans s'ancrer dans la rétine, passant comme des voyages éphémères.

Et elle se sent belle, quand elle ne se voit pas, et elle se sent elle. Et elle sent ses ailes repliées sur sa poitrine.

Le tumulte des pensées, sur sa barque bancale, coule dans ses membres, de la tête aux pieds, il la traverse. Mais il est encore calme et beau, et les pensées sont les étoiles de la nuit qui viennent s'accrocher à son enveloppe diurne.

Et le réveil est presqu'achevé, le sentiment de plénitude presque complet, et ça y est, les paupières ne se touchent plus.

Et alors, parvient à ses tympans la voix tendre de son  père qui crie tout doucement son nom, et alors, le matin pénètre par sa bouche, et alors elle s'extirpe de son lit avec une légèreté céleste.

C'est moche, mais ça va, je l'aime plutôt :)