Avant, elle ne savait pas qui elle était. Alors elle portait des masques, pour faire semblant de savoir. Des masques banals, clichés. Ennuyeux. Des masques de laides beautés classiques. Des masques changeants, qui s'adaptaient du mieux qu'ils pouvaient à leur public. Des masques qu'elle s'efforçait tant bien que mal de ne pas fissurer. Des masques qui n'éprouvaient rien, ou en tout cas, ne le montraient pas.

Maintenant, elle ne sait toujours pas qui elle est. Mais quelque chose a changé. Quelque chose de radical. D'absolu.

Elle a fait tomber les masques, laissant sa peau brûler sous les sentiments : elle a décidé de vivre de ce non-savoir. Un non-savoir explosif et sans-défenses. Un non-savoir imprévisible, un non-savoir de larmes qui coulent à chaque instant, un non-savoir d'étoiles dans les yeux, un non-savoir d'adrénaline colorée.

Un non-savoir que personne ne connaît, qui file entre les doigts, trainée de rêves dorés. Un non-savoir qui lui fait mal, qui la jette entre ses draps, qui s'échappe de ses bras, qui prend contrôle de son corps. Un non-savoir tissé de frustrations et autres indécisions, un non-savoir qui peine à s'exprimer. Un non-savoir qu'elle jette sur le papier, et dont elle contemple quelques éclats bleutés.

Un non-savoir qu'on appelle à tort, ou pas, elle ne sait pas, elle ne sait rien, un non-savoir que les adultes appellent adolescence. Mais ce qu'ils appellent n'est que la partie qu'ils voient, pas celle qui divague et divague en elle chaque instant de sa vie de rien (et de tout, et qu'importe).

Un non-savoir, ô, belle douleur de sens exposés à l'existence ! Un non-savoir qu'on voit d'un mauvais œil, un non-savoir anormal, un non-savoir qui l'isole et ou elle se retrouve, butant dans ses étoiles.

Un non-savoir si dur à accepter, un non-savoir d'éternelle lutte éveillée. Un non-savoir qui la tiraille chaque seconde de ses jours, chaque minute de ses nuits. Un non-savoir qu'elle hurle, encore et encore et encore dans l'espoir et la crainte de trouver le savoir.

Un non-savoir, qui haut-delà des souffrances, est une pure délivrance. Un non-savoir, qui entre chaque pleur, entre chaque cri, dans toutes ses batailles, trouve parfois quelque chose. Une petite flamme multicolore qui la balance encore plus fort, toujours plus loin, une petite flamme dont elle ose à peine s'approcher tant elle est sensible à sa beauté. Une petite flamme qui se cache, qui s'éteint. Et qui revient.

Il lui semble qu'on l'appelle le bonheur.