La petite fille
Et la petite fille, debout dans la rue
Et les mains tendus vers l'attente
Et la crasse des cheveux et le sentiment je m'en fiche
Et l'argent qui ne veut rien dire pour les autres enfants
Et l'argent qui veut tout dire pour elle
Car avec l'argent on a tout
Et en ce moment elle n'a pas d'argent
Alors en ce moment elle n'a rien
Juste le froid du dehors et le froid des regards
Et le vacarme des voitures et le vacarme dans la tête
Et le sentiment de ne pas savoir ce qu'on demande
Et de demander quand même
Et de vibrer dans ces petites demandes plaintives comme des automatismes
Et juste la certitude
Qu'avec l'argent on a tout
Et qu'en ce moment elle n'a pas d'argent
Alors qu'en ce moment elle n'a rien
Juste huit mille brûlures
Qui flambent dans son corps frêle
Et la pitié des gens
Et les cailloux dans ses chaussons
Et les clignotements des feux de circulation
Et le trop, trop, trop de pression, trop de tout
Alors qu'elle n'a rien
Car elle n'a pas d'argent
Et qu'avec l'argent on a tout.
Et l'idée qu'elle ne va rien ramener
Que sa mère va être fâchée et surtout désolée
Et qu'il faudra mordiller ses doigts pour faire oublier la faim
Et les dents serrées
Et les larmes qu'il ne faut pas laisser couler
Ou peut-être que si, ça pourrait attendrir les gens
Et ramener un peu d'argent.
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