6. La mauvaise Sarah
C'est du moins ce que je pensais. Trois jours après leur départ, je n'ai toujours pas réussi à sortir Bucky de mon esprit. Je mets un temps fou à m'endormir chaque soir, ressassant en boucle les mêmes questions et les mêmes images. Au séducteur de ces derniers jours vient s'ajouter l'homme brisé qui cache sa sensibilité que je fréquente depuis son arrivée sur l'île.
Il me manque et je m'inquiète pour lui. Ok, mais pour Sam aussi. Pourquoi ce serait différent ?
Je le revois entouré de ces femmes et me prends à me demander ce que ça ferait d'être l'une d'entre elles. Il y a quelque chose que je ne m'explique pas. Quelque chose qui me perturbe bien plus que je ne l'aimerais.
Sarah le relève très bien, un soir où je viens dîner chez elle et l'aider avec les enfants.
« Tu es bizarre, depuis l'autre soir.
— Je suis juste un peu fatiguée.
— Tu peux avoir qui tu veux, mais pas moi. J'ai bien vu comment tu regardais Bucky et son fan club avant son départ.
— Pour être honnête, je ne comprends pas trop ce qui m'arrive. Il n'avait pas cet effet sur moi, avant.
— Avant que tu lui offres un coaching personnalisé pour qu'il se remette à flirter ? suggère-t-elle avec un sourire en coin.
— Si tu veux, réponds-je en haussant les épaules.
— Vous avez passé du temps ensemble, ça a dû vous rapprocher.
— Je crois que le voir avec ces femmes m'a donné une autre facette de sa personnalité. Moins froide, plus douce, plus attentionnée... et toujours respectueuse. Je croyais que c'était juste une attirance purement physique, un crush passager qui s'envolerait rapidement. Mais le bougre a envahi mes pensées, et pas seulement avec les moments qu'on a passés ensemble récemment.
— Fais gaffe, tu vas tomber amoureuse.
— Heureusement, on n'en est pas encore là. Ce serait clairement la poisse. Il m'a bien signifié que nous étions amis avant de partir. Et maintenant qu'il peut avoir tous les canons qu'il veut, il n'y a aucune chance pour qu'il me voie autrement et qu'il me remarque au milieu d'elles, noté-je avant que la chute d'un objet au-dessus de nos têtes ne me fasse lever les yeux vers le plafond.
— C'était quoi, ce bruit ? s'interroge Sarah en fronçant les sourcils.
— On dirait que ça venait de la chambre des garçons.
— Les garçons, je vous préviens, si vous ne dormez pas... » avertit-elle en élevant la voix.
Cette fois-ci, un bruit de verre brisé se fait entendre.
« Tu peux me passer la balayette qui est dans le placard ? soupire-t-elle.
— Attends, je vais t'aider. »
Je la suis à l'étage tandis qu'elle prévient ses fils qu'ils vont devoir nettoyer ce qu'ils ont cassé.
Nous nous figeons en entrant dans leur chambre. Aj et Cass sont bâillonnés et ligotés au milieu de la pièce. Nous nous précipitons vers eux mais des hommes nous attrapent avant que nous les atteignions.
« C'est laquelle, Sarah ? demande l'un d'eux.
— On s'en fiche, on prend les deux et on se débarrassera de l'autre plus tard. »
Nous échangeons un regard d'effroi. Nous avons beau essayer de lutter, ils sont plus forts que nous et, surtout, ils sont armés. Pour que nous coopérions plus vite, ils menacent même les enfants.
Ils nous embarquent tous les quatre dans un fourgon où nous nous serrons les uns contre les autres sans aucune idée du sort qui nous attend ou de notre destination. Il semble évident que je suis de trop dans leur cargaison et qu'ils comptent se désencombrer de moi dès qu'ils auront compris laquelle de nous deux est Sarah. Je me demande bien ce qu'ils lui veulent. Elle n'est pas du genre à s'attirer des ennuis.
Aj et Cass sont terrifiés. Nous essayons de les réconforter malgré le fait que nous soyons tout aussi paniquées qu'eux. Le voyage paraît durer une éternité. Après le fourgon, nous prenons un avion puis un nouveau véhicule nous emmène jusqu'à une grande bâtisse aux airs de château. Nous n'en voyons que peu l'extérieur car nous sommes poussés sans ménagement jusqu'à une pièce aux volets fermés.
Je me sens épuisée, mais tous mes sens qui sont en alerte pour tenter de comprendre la situation me tiennent éveillée.
Un homme portant un costume distingué entre dans la pièce et nous jauge avec mépris avant de s'adresser à ses sbires avec un fort accent que je n'identifie pas.
« Pourquoi y en a-t-il quatre ?
— Nous avons pris tous les occupants de la maison et aucun ne nous a dit qui n'était pas Sarah.
— Eh bien, il n'y a qu'à gentiment leur reposer la question. Mes jolies, poursuit-il en se tournant vers nous avec un sourire carnassier, je vous explique la situation. Pour le bon fonctionnement de mes affaires, j'ai besoin de la famille Wilson. Sarah et ses fils. Mais si vous ne vous décidez pas à me désigner celle d'entre vous qui est de trop, je peux toujours me contenter d'un seul enfant. »
Il sort une arme et la dirige vers Cass qui gémit en se réfugiant contre sa mère.
« C'est moi, révélé-je d'une voix tremblante. Je ne suis pas Sarah. S'il vous plaît, laissez-les en vie.
— Parfait. Vous voyez, ce n'était pas si compliqué. »
Il déplace son arme pour qu'elle me pointe. Je serre les dents. C'est donc maintenant, la fin ? Mon tortionnaire se délecte de mon expression et savoure le moment en glissant lentement son doigt sur la gâchette.
Soudain, la porte s'ouvre et une femme munie d'un plateau chargé de verres apparaît dans son embrasure.
« Oups. Je suis désolée, je me suis tromp... »
Avant même qu'elle puisse fermer la porte, il se retourne vers elle et l'abat. Nos cris d'horreur se mêlent au fracas des coupes qui se brisent quand un corps sans vie tombe au sol. Sarah s'empresse de cacher les yeux de ses enfants. La vue du sang et de notre réaction fait visiblement sourire de plus belle les hommes armés.
« Je déteste être interrompu. Débarrassez-moi de ça et allez chercher un nouvel uniforme. On dirait que c'est ton jour de chance, ma jolie, un poste de serveuse vient tout juste de se libérer. Profite-bien de ce sursis. Tu vas te tenir bien sagement, sinon le même sort les attend. Qui préfères-tu que je tue en premier ? Lui, ou lui ? chantonne-t-il en alternant entre Aj et Cass.
— Je ferai ce que vous voudrez.
— Bien, je préfère ça. »
Je me change sans qu'on ne me laisse une quelconque intimité et récupère le plateau que l'on me tend. L'un des molosses me conduit jusqu'à une grande salle de réception, remplie de gens très élégants qui semblent tout ignorer de ce qui se joue derrière ces murs luxueusement tapissés. Je déambule entre eux en essayant de contenir mes tremblements. Je n'ai pas le droit au moindre faux pas. L'idée que l'on ne m'accorde qu'un cruel délai de sursis avant d'en finir réellement avec moi me pétrifie.
Soudainement, mes yeux rencontrent un regard familier et mes doigts se resserrent sur le plateau.
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