« Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? » brisé-je le silence.

Après avoir salué nos amis, Bucky et moi marchons à présent côte à côte dans l'obscurité.

« Je suppose que ça m'est sorti de la tête.

— Je sais que c'est faux.

— J'étais si content de te retrouver, et puis... » 

Sa phrase reste en suspens. J'attends qu'il cherche ses mots, mais je crains de comprendre ce qu'il n'ose pas formuler.

« Cette mission... elle est dangereuse ?

— Pas forcément plus qu'une autre.

— Honnêtement.

— Peut-être un peu plus que les autres.

— Assez pour que tu ne veuilles pas partir fâché avec moi. »

Son silence me répond. Il me réchauffe le cœur autant qu'il me glace le sang. Je m'immobilise en assimilant qu'il a envisagé la possibilité que ça tourne mal, et peut-être même celle de ne pas revenir.

Et cette pensée me bouleverse beaucoup trop.

« Pourquoi tu t'arrêtes ? dit-il en se retournant et en m'observant.

— Je ne sais pas, c'est... Cette idée que tu... Ça me paraît impossible à supporter.

— Tout ira bien, assure-t-il en revenant à ma hauteur et en posant ses mains sur mes épaules. Nous nous sommes bien préparés, on est prêt à parer toute éventualité.

— Je sais, mais... »

Je me sens incapable de mettre des mots sur la vague d'émotions qui me submerge.

Un geste peut parfois remplacer les mots qui ne viennent pas. Bucky l'a sûrement compris, car il me prend dans ses bras. J'enfouis ma tête contre son torse et ferme les yeux, laissant sa chaleur m'envelopper.

Quand nous nous détachons, je lève la tête vers lui et me perds dans l'océan de ses yeux. Nous nous regardons en silence pendant un moment avant qu'il rompe le contact et se râcle la gorge.

Je frotte l'arrière de ma tête et laisse échapper un rire maladroit.

« Je suis désolée. C'est toi qui pars en mission, je ne devrais pas t'embêter avec mes inquiétudes.

— Ne le sois pas. Ne t'inquiète juste pas trop pour ça. Je... Nous avons survécu à pire.

— Je n'en doute pas. Et puis, vous êtes deux durs à cuire forts et badass. Je suis sûre que vous pouvez tout gérer.

— Tu penses que je suis fort et badass ?

— Oui, enfin, je veux dire, c'est ce que tout le monde pense, non ?

— Si tu le dis. » répond-il avec un petit rire.

Pendant le reste du trajet, Bucky détend l'atmosphère en plaisantant. J'essaie de profiter de chaque seconde passée avec lui, laissant de côté un instant son départ du lendemain.

Il me laisse devant ma porte dans une dernière étreinte.

« Reviens-moi. » murmuré-je au creux de son oreille avant de le relâcher.

Sa main s'attarde sur mon bras, et ses yeux se posent sur moi avec un sourire doux. L'instant d'après, je le regarde s'éloigner en ayant perdu tout contrôle de mon cœur qui tambourine dans ma poitrine. 

L'attente des jours qui suivent leur départ m'est insoutenable. Je suis terrifiée à l'idée qu'il arrive quelque chose à mes amis. Qu'il arrive quelque chose à Bucky.

Je ne peux partager mes inquiétudes avec personne, car Sam n'a bien évidemment pas alerté Sarah sur les risques de cette mission. Inutile de lui créer du souci supplémentaire alors qu'elle se remet à peine de notre enlèvement.

« Tu as des nouvelles de ton frère ? lui demandé-je un jour où nous travaillons au port.

— C'est rare qu'il m'en donne pendant ses missions. Est-ce que par hasard un certain soldat te manquerait ?

— Il est parti juste après qu'on se soit réconcilié.

— Toi et lui... Ça a évolué ?

— De mon côté, c'est très confus. Du sien, je crois qu'il me voit toujours comme l'amie dont il a besoin. Ce qui n'est probablement pas plus mal, après tout. C'est peut-être ainsi que les choses doivent être.

— Quand je vois l'état dans lequel te met son absence, je me demande si tu te voiles volontairement la face, réplique-t-elle avec un sourire en coin qui me fait lever les yeux au ciel.

— Je tiens vraiment à lui. Il faut juste que je mette un peu d'ordre dans mes...

— Sentiments ?

— Mes idées. » corrigé-je avec un regard appuyé.

Sarah ricane et soutient mon regard en haussant les sourcils pour me signifier qu'elle n'est pas dupe.

Peut-être qu'elle a raison, peut-être que c'est moi qui essaie de me duper. Parce que le soir, Bucky est encore omniprésent dans mon esprit, troublant une fois de plus mon sommeil. J'enfonce la tête dans mon oreiller en grognant et soupire contre le tissu.

« Qu'est-ce que tu m'as fait, sergent Barnes ? »