Chapitre 7

Tandis que les cinq élèves de Poudlard s'agrippaient aux dos de leurs montures, les Sombrals levèrent la tête vers le ciel de l'après-midi ; le temps ayant filé très vite, le soleil commençait déjà à se teinter de rouge, et le ciel de rose, tandis que les nuages prenaient une délicate couleur rose nacrée, comme un coquillage.

Ils se mirent soudain à battre des ailes, presque en même temps, et, un par un, Shadow en tête, ils s'élevèrent dans le ciel rosâtre : Alizée et Kenric profitaient pleinement de l'expérience, ayant fait du Quidditch et se délectant de l'air frais sur leur visage, et Teddy goûtait l'expérience avec excitation. Will regardait le paysage avec intérêt, comme s'il étudiait une équation particulièrement compliquée : Kathy, elle, avait laissé Kenric la prendre dans ses bras et, roulée en boule contre lui, elle poussait des cris à chaque fois que leur monture virait un peu trop vite. Ses beaux cheveux caramel virevoltaient, légèrement bouclés, autour d'elle. Kenric riait à chaque fois qu'il s'en prenait dans la figure et lui parlait avec animation : Alizée fit virer Shadow vers eux, pour vérifier qu'ils ne se disputaient pas, et entendit des bribes de leur conversation.

- Mais si ! Tu as entendu ? Alizée a appelé le sien Shadow. Moi, je décide d'appeler le nôtre Licorne !

- Mais idiot, ce n'est pas une Licorne...

- Je sais, il fait flipper. Alors justement, donnons-lui un nom moins intimidant, non ? Par exemple... je sais pas...

- Sucre d'orge ? se moqua Kathy.

- D'accord ! Si tu veux.

Elle lui jeta un coup d'œil amusé tandis que le Sombral prenait un air furieux et vexé.

- Là, tu me donnes encore moins envie de me marier avec toi. Parce que sinon, si on a des enfants, leurs noms vont leur attirer des tonnes de moqueries.

- Mais bien sûr. Je les appellerai Sucre d'orge, Fifi et Loulou. Et s'ils se plaignent, je changerai leurs noms pour Walter et Clarke. WC.

Kathy ne put s'empêcher de rire et Alizée, amusée, fit signe à Shadow de s'éloigner d'eux pour qu'ils aient un peu d'intimité.

Elle eut un soupir en les voyant de loin rire ensemble. Ils avaient de la chance. Zéphyr et elle, quant à eux, étaient séparés – mais pourrait-il venir la voir en transplanant ? Il ne connaissait pas son point d'arrivée... ça risquait d'être dangereux pour lui. Peut-être à Pré-aux-lards, où il connaissait bien l'endroit ?

Aussitôt, ses yeux se mirent à briller. Mais oui ! Il pourrait venir à Pré-aux-lards. Seulement, comment le prévenir ? Un hibou ? Pourquoi pas. Sauf qu'elle avait relâché Ambar... Et qu'elle ne le reverrait sans doute plus jamais. Enfin. C'était pour son bien.

- Ted ! cria-t-elle par-dessus le sifflement du vent.

- Oui, Lizzie ?

- Tu as un hibou ?

- Non, je ne l'ai pas emmené...

Elle s'écarta après l'avoir remercié. Au pire, elle en prendrait un à la poste de Pré-aux-lards.

Le temps passa, mais ils aperçurent très vite le village, non loin de là, qui se découpait au milieu de landes auxquelles avait cédé la place la forêt interdite : les toits pentus coiffés de diverses cheminées laissaient s'échapper de petits nuages blancs qui s'élevaient vers le ciel. Celui-ci, devenu d'un orange vif, était strié de vagues d'étoiles, et la lune presque pleine étincelait comme une gigantesque balle d'argent.

Les Sombrals descendirent lentement puis se posèrent sans le moindre bruit au beau milieu de l'allée principale. Kathy sauta aussitôt à terre et chancela, l'air sur le point de vomir ; Will prit son temps pour descendre de l'étalon ailé. Alizée vit une femme rondelette avec un chapeau de sorcière posé en équilibre sur sa tête les regarder, bouche bée, en faisant tomber le balais avec lequel elle nettoyait le paillasson. Elle ne devait sans doute pas voir les Sombrals et apercevait seulement une bande d'adolescents descendant du ciel à califourchon sur une monture invisible.

Alizée s'avança vers elle avec un sourire avenant, gênée à l'idée qu'il pouvait s'agir d'un d'une des partisantes de Royle. Elle ne la reconnut qu'à deux mètres d'elle. Les joues roses et ses boucles blond sale tombant sur ses épaules, il ne pouvait s'agir que de la fille de la patronne des Trois Balais, Marthe Rosmerta. Elle hésita tandis que ses amis se réunissaient derrière elle.

- Euh, Mlle Rosmerta ?

- Oui ...? balbutia-t-elle.

- Ahem... Les Trois Balais n'est pas fermé, au moins ? Nous voudrions prendre des chambres.

- Oh, des clients, fit-elle, aussitôt remise d'aplomb. Non, non, mais vous avez des Gallions au moins ?

- Oui, pas de problème. On peut louer deux chambres s'il-vous-plaît ?

- Bien sûr. Entrez dans la taverne, je m'en vais les préparer. Et si ce n'est pas trop indiscret... Je ne sais pas comment vous avez fait pour descendre du ciel comme ça mais ne recommencez pas ou je vais faire une crise cardiaque !

- Pas de problème. Je vous ranimerai, fit Kenric avec un sourire.

Kathy leva les yeux au ciel et Will lui donna un coup de coude, mais Teddy et Alizée ne purent s'empêcher de rire. Marthe Rosmerta reprit un peu de couleurs après avoir pâli et eut un faible sourire avant de les faire entrer.

Ils la suivirent dans la taverne, ravis d'échapper à la nuit qui était presque totalement tombée sur le village : dans le pub pourtant célèbre, il n'y avait qu'un vieux sorcier, le nez dans sa choppe, et un autre qui ressemblait à un vampire et qui sirotait une boisson glacée rouge dans laquelle flottaient des cerises confites. Une femme au chapeau orné d'un vautour empaillé faisait tourner son rhum groseille dans le verre qu'elle tenait entre ses longs doigts fins semblables à des griffes. À part eux, la salle d'habitude bondée était vide. Un chandelier éteint pendait du plafond et des tables rondes étaient entreposées dans la salle au parquet grinçant : malgré le soir tombant et la chaleur étouffante de l'été qui ne parvenait pas jusqu'à la salle froide, le tout avait un côté très chaleureux qui rendait joyeux. Les cinq jeunes gens prirent place sur une table éclairée par la lumière des bougies et posèrent leurs sacs sur le sol, heureux de retrouver la civilisation après leurs quelques journées camping : Mme Rosmerta – la mère de celle qui les avait vus descendre de leurs Sombrals – accourut vers eux et leur demanda ce qu'ils souhaitaient boire.

- Un sirop de cerise soda, s'il vous plaît, demanda Will sans sourciller.

- Et quatre Bièraubeurres, ajouta Kenric. Avec gingembre pour moi.

- Moi aussi, demanda Alizée.

- Quatre Bièraubeurres, deux au gingembre, et un soda-cerise, récapitula la femme en faisant signe à la plume à Papotte brune d'écrire dans le carnet la commande. Vous allez manger quelque chose ?

Alizée consulta les autres et ils se révélèrent tous aussi affamés qu'elle. Will leva les yeux vers la serveuse et annonça :

- On va prendre deux omelettes, une soupe aux oignons, le poulet barbecue et une piazza marguerite.

- Pizza Margarita, le corrigea Teddy. C'est Moldu.

Mme Rosmerta fila dans les cuisines et ils se regardèrent sans trop savoir que dire. Enfin Alizée, qui se demandait jusque-là si les disciples de Royle avaient aussi saisit Pré-aux-lards, brisa le silence :

- Ah, ça fait du bien de revenir ici.

- Au village où à la civilisation ? rigola Ted.

- Les deux ! Franchement, on s'ennuyait à mourir dans les bois !

- Avec le Runespoor ? fit Kathy en écarquillant les yeux. Et les Sombrals ? On s'ennuyait ?

Kenric rit et approuva :

- Je suis d'accord. Maintenant, on va aller parler à Scamander. Ça, ça risque d'être palpitant !

- Sûrement, approuva Will. En plus, on risque de devoir partir faire un petit séjour en Arizona.

- Arizona ?

- C'est là que se trouve Franck, il me semble.

Le jeune homme sourit et secoua la tête.

- On ne peut pas aller faire du camping tranquilles, hein ? Il faut aller chercher le plus grand magizoologiste jamais connu, aller farfouiller tout l'Arizona à la recherche d'un gros poulet volant et se débarrasser du mage noir de notre ère. Sympa !

- Ce n'est pas un poulet ! s'indigna Alizée.

Tous les autres rirent, sous les regards désapprobateurs de la sorcière et du vieillard, et sous celui, curieux, de celui qui ressemblait à un vampire.