Chapitre 12

Albe et Teddy s'éloignèrent, suivis par leurs rossignols et renards argentés, tandis que les quatre autres se dirigeaient, leurs baguettes levées, vers le grand hall. En y arrivant, Alizée eut, malgré la gravité de la situation, le souffle coupé par la beauté et l'immensité du lieu.

Il était gigantesque, avec un toit haut et barré d'arcs-boutants, des dalles qui semblaient d'onyx tant elles étaient noires, la grande fontaine d'or au milieu représentant le centaure, l'elfe, le gobelin et les deux sorciers s'élevait comme un rocher surgi des profondeurs marines et des centaines de cheminées animées par des feux verts émeraude s'alignaient sur les murs. Une grande toile sur laquelle était affichée une peinture à peine animée de Libillius Borgen, le ministre ayant précédé à Kingsley Shacklebolt, était affiché sur un pan de mur et des appartements et bureaux aux grandes vitres en temps que fenêtres étaient situées vers leur droite. Le lieu, magnifique, vide et peu éclairé, offrait un spectacle éblouissant mais un peu froid. Pourquoi était-il aussi vide ? À n'en pas douter, Karl s'était débrouillé pour éloigner tous les Aurors de ce lieu afin de détruire cet endroit, symbole même des sorciers. Alizée se rapprocha instinctivement de son loup, et Kathy fit de même avec son cygne majestueux. Kenric n'adressa pas un regard à son lion, se contentant de lever sa baguette, au bout de laquelle un Lumos allumait une étincelle bleutée, un peu plus haut.

- Ok, murmura Zéphyr. On fait quoi, maintenant ?

- Il va venir, annonça Alizée. Je le sais.

Elle sentait comme une sorte de connexion avec son cousin, et elle sentait que cet étrange lien s'amenuisait, comme s'il s'approchait d'elle. Secouant la tête pour se remettre les idées claires, la jeune fille essaya de s'imaginer elle-même, une fois Auror, en train de fouler ce sol noir, mais elle avait du mal à se représenter la scène.

Une brusque secousse, comme un courant électrique, la traversa, et elle prit sans réfléchir la main de Zéphyr. Gênée, elle essaya de se dégager, mais il serra ses doigts entre les siens et la rapprocha de lui, comme s'il tentait de la protéger. À cet instant, un bruit de vent s'éleva, et une colonne de sable, fine et tourbillonnante, s'éleva vers le plafond haut. Les quatre Gryffondor reculèrent instinctivement vers leurs Patronus tout en levant leurs baguettes vers cette surnaturelle colonne.

Lorsque celle-ci retomba en un petit monticule doré, au-dessus de celui-ci, un capuchon noir sur la tête, se dressait un homme, sa baguette noire et simple à la main. Il se retourna et Kathy poussa un petit cri. Il était grand, avec des cheveux aile-de-corbeau lui tombant sur le visage, des traits marqués, de longs cils et des yeux noirs aux reflets rougeâtres. Alizée sentit ses lèvres trembler lorsqu'elle reconnut ces traits, ces cheveux, qui étaient les mêmes que les siens. Au creux de sa paume, il tenait une rose d'obsidienne, qu'il lança à travers la pièce. Avec un bruit de verre, l'objet ricocha sur le sol une, deux, trois fois, jusqu'à glisser aux pieds d'Alizée.

- Karl, fit-elle d'une voix plus forte de ce à quoi elle s'attendait.

- Bonjour, répondit-il.

Ce n'est pas sa voix.

- Tu n'es pas Karl, fit-elle en pointant sa baguette sur son visage.

- Non, en effet, répliqua-t-il avec un rire sans joie. Et si, en même temps.

- Vous avez prit son apparence avec du Polynectar ?

C'était l'une des seules solutions qu'elle voyait, l'autre étant plus sinistre, plus terrible pour son cousin. L'homme en noir partit d'un nouveau rire qui déforma ses traits d'une manière effrayante, irréelle, presque fausse. Non – Karl ne riait pas comme ça... Pas dans son souvenir.

- Oh, non. Je lui ai simplement emprunté la capacité de contrôler son propre corps. Mais il est là, reprit-il en se tapotant la tête du bout de sa baguette, et j'ai l'impression que ça ne lui plaît pas trop d'être ainsi possédé. Il lutte. Parfois, il réussissait même à reprendre le contrôle, comme au moment où il a retrouvé cette rose, où il a écrit le message sur le mur de cet endroit, où il a appelé à l'aide sa pauvre petite Étincelle.

Il y avait une telle moquerie, un tel dédain dans sa voix qu'Alizée, fulminante, débordante de rage et de douleur, poussa un hurlement aigu ;

- Stupéfix !

- Petite peste ! s'époumona l'homme aux traits de Karl en évitant de justesse le rayon rouge. Petrificus totalus !

- Non, Lizzie !

Kathy la poussa violemment et prit le sortilège à sa place ; il la frappa de plein fouet et elle s'effondra. Karl fit un nouveau geste et l'envoya voler à l'autre bout de la salle majestueuse ; avec un bruit d'os brisés, elle s'écrasa contre le mur et glissa jusqu'au sol, où elle s'affaissa comme une poupée de chiffon, inconsciente. Sa meilleure amie essaya de se précipiter vers elle, mais elle fut dépassée par Kenric, qui se jeta aux côtés de la jeune fille et la secoua pour essayer de la réanimer.

Le cygne d'argent battit une dernière fois des ailes à côté de sa maîtresse puis s'évapora. Le lion de Kenric, dans son désespoir, disparut à son tour en quelques inoffensives volutes de fumées d'argent.

Zéphyr attrapa Alizée par les épaules pour l'empêcher de courir à sa suite, et elle se tourna vers l'homme pour hurler ;

- Qui êtes-vous ? Pourquoi faites-vous ça ?

- Tu ne me connais pas, répondit-il avec un calme apparent. Pas encore. Bientôt, le monde des sorciers me connaîtra enfin, ils sauront que c'est moi qu'ils ont toujours eu à craindre...

- Dis-nous au moins ton nom ! cria Kenric, Kathy toujours dans ses bras.

- Je m'appelle Royle.

Royle, pensa Alizée. Est-ce le nouveau nom du mage noir de notre temps ? Est-il finalement celui que nous devons affronter ? Comment le vaincre ?

- Pourquoi Karl ? demanda-t-elle tandis que son loup et le tigre de son « ami » montraient les crocs, menaçants. Pourquoi l'avez-vous prit comme victime ?

- Il est brillant, dit simplement le dénommé Royle. Je l'ai bien observé avant de prendre possession de sa misérable existence. Il a réussi ses simulations de B.U.S.E.s à sept ans... Un sorcier remarquable, avec qui j'aurais pu faire de grandes choses sans votre intervention. Je ne veux pas vous tuer, car il me semble que vous avez laissé des amis à Poudlard à qui vous avez expliqué l'innocence de Karlenir... Vous tuer serait une perte de temps. Je vais, par contre, devoir tuer mon hôte. Dommage, il était remarquable, il s'est défendu, lui, contrairement à votre chère amie, si faible, si innocente...

- Endol... hurla Kenric en sautant en avant vers le mage noir, sa baguette brandie et de la haine dans ses yeux verts.

- Impero !

Mais il évita l'éclair sans mal et se jeta sur Royle, tandis qu'Alizée en profitait pour se dégager de l'étreinte protectrice de Zéphyr pour le suivre. Karl/Royle roula au sol, assailli par le jeune homme, mais il lui pressa alors le bâton sous son cou en criant ;

- Sectusempra !

- Non !

Dans une marre de sang, il s'effondra sur le dallage noir. Alizée sauta sur l'ennemi, pleine de fureur, et essaya de lui donner un coup de pieds en pressant sa baguette sur son cœur et en hurlant des sortilèges qu'il arrêtait ; elle s'aperçut que son seul compagnon encore conscient criait lui aussi des maléfices divers.

Karl/Royle fit un grand geste accompagné d'une formule magique inaudible dans le concert de cris et les deux Gryffondors furent projetés loin de lui. En se relevant, il leur cria :

- Idiots ! Vous ignorez donc que personne n'est plus à l'abri ? J'ai déjà envoyé quelques Détraqueurs à Poudlard ! Ils s'occuperont facilement de vos amis insouciants !

- Oh, non, souffla Alizée en serrant sa baguette dans sa main.

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