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Chapitre 16

Mathilde est une personne franche, qui apprécie de pouvoir dire ce qu'elle a sur le cœur et détailler ce qu'elle pense. Elle n'est en général pas du genre à prendre des pincettes. Cependant, elle se fixe quand même certaines limites, et une en particulier : ne jamais dire devant Ilana du mal de son père. Elle n'a aucune envie que Célestin et elle soient de ces couples de divorcés où, volontairement ou non, chacun des parents monte l'enfant contre l'autre. Elle expliquera à Ilana tout ce que la petite aura besoin de comprendre, mais jamais elle ne la mettra dans une situation qui lui fasse ressentir qu'elle doit prendre parti.

Maintenant qu'elles repartent de chez Ernest, Mathilde regrette que sa fille ait été avec elle. Non seulement rencontrer le petit-ami de sa baby-sitter n'a finalement pas paru l'intéresser plus que ça, mais en plus sa présence l'a empêchée de dire tout ce qu'elle aurait aimé dire. Et le jeune Ernest aurait probablement gagné à entendre ce qu'elle avait à raconter. Elle a essayé de lui faire comprendre certaines choses quand même, et de le mettre en garde. Mais pas aussi efficacement qu'elle l'aurait fait si elle avait pu utiliser l'histoire de son propre mariage, et surtout de son divorce, en guise de conte d'avertissement.

Plus elle y pense, plus la ressemblance est frappante : Ernest lui rappelle Célestin. Mais un Célestin encore jeune, encore à un stade où il est encore possible de dévier de chemin et de s'engager sur une voie qui ne le conduire pas à devenir semblable au Célestin original. Les deux hommes partagent un défaut de taille : ils refusent de se voir comme moteurs de leur propre existence. Quand ils n'ont pas un message anonyme à désigner comme source d'énergie, leur réflexe naturel est de considérer leur couple comme le moteur de leur vie, ou du moins comme ce qui devrait l'être.

Le mot est presque une aubaine pour Ariane. Il est flagrant qu'Ernest attendait que ce soit elle qui donne un sens à sa vie ; au sens de signification, mais aussi de direction. Or, il est tout aussi flagrant qu'Ariane n'est pas le genre de jeune fille à accepter d'endosser ce genre de responsabilité, bien trop consciente que ce serait là une erreur. Oui, Ariane doit savoir que cette dynamique ne serait saine ni pour Ernest ni pour leur couple. Mais sait-elle que ce pourrait même aller jusqu'à être la cause de leur séparation ?

Mathilde s'était laissée prendre à ce piège. Au début, on n'y voit aucun mal ; on en est même plutôt flattée. Prenant Célestin sous son aile, elle l'avait conseillé, aiguillé, guidé : que ce soit dans ses recherches professionnelles, dans le choix de l'endroit où ils vivraient, de leurs destinations de vacances, ou même de ce qu'ils mangeraient au dîner. C'est aussi elle qui l'avait demandé en mariage, et elle qui avait exprimé l'envie de faire un enfant. Le pire, c'est que toutes ces grandes décisions avaient perdu une part de leur signification par le fait que Célestin y ait souscrit juste comme il souscrivait à tout ce qu'elle proposait. Il n'y avait pas eu de suspens, pas d'enjeu, une implication moins significative : il disait oui à tout. Au début, Mathilde avait pris son approbation systématique constante comme un signe d'estime et de confiance envers elle. Au fil du temps, elle avait réalisé qu'il n'avait juste d'avis sur rien, aucune préférence, aucune envie particulière, aucune force motrice en lui-même.

Au début, on n'y voit aucun mal. Et puis, c'est même plutôt pratique, de pouvoir faire tout ce que l'on souhaite et d'être accompagnée dans tous ses projets et toutes ses envies. Mais quand les choses commencent à se gâter, elles se gâtent doublement. Être toujours décisionnaire, c'est aussi être toujours responsable. Mathilde avait bien voulu endosser le blâme quand l'hôtel qu'elle avait choisi était pourri, ou quand le dîner dont elle avait eu l'idée n'était pas fameux. Mais quand il s'agissait de la carrière de Célestin, ou du choix de sa chemise, c'est à dire des décisions qu'il aurait dû prendre par lui-même, elle n'était pas prête à accepter des reproches. S'il n'était pas content, qu'il se débrouille seul ! Si sa vie ne prenait pas le tour qu'il voulait, qu'il ne le reproche pas à sa femme ! Il n'avait qu'à avoir fait en sorte de mettre en œuvre des actions pour en orienter les choses à sa convenance.

Célestin avait voulu que Mathilde et lui soient une équipe, mais il n'avait pas apporté grande énergie dans cette équipe. Et quand l'équipe échouait, c'était toujours à Mathilde d'en prendre la responsabilité. Pire, quand sa vie à elle prenait elle un tour positif, Célestin semblait lui en vouloir d'avoir fait plus d'efforts pour elle-même qu'elle n'en avait fait pour lui. Elle rencontrait plus de succès que lui, était satisfaite de sa carrière contrairement à lui, et il lui en voulait pour ça. Ne pouvant pas la blâmer directement de réussir sa vie, il l'accusait de négliger leur équipe, leur famille ; de le négliger lui en somme.

Ce n'était même pas de la fainéantise ou de la mauvaise foi ; c'était un point mort dans sa vision, quelque chose dont il ne se rendait absolument pas compte. Mathilde en avait voulu à Célestin. Elle ne lui pardonnait pas de manquer d'énergie vitale, d'être dépendant d'elle et de leur relation au point qu'elle doive s'interdire d'avoir d'autres sources de satisfaction et d'équilibre. En découvrant le jeune Ernest, Mathilde avait compris qu'il s'agissait d'autre chose. Le problème de Célestin n'était une dépendance amoureuse, n'avait en fait rien à voir avec le couple et la façon d'envisager l'amour. Enfin si, en partie, mais c'était en fait bien plus général que ça. Ça avait à voir avec la façon d'envisager la vie en général.

Ernest manque de confiance en lui-même. Il y a une grosse part de ça : il ne se croit pas capable d'insuffler un mouvement et ne veut pas avoir la responsabilité si le mouvement insufflé n'est finalement pas le bon. Mais ce n'est pas la seule part : de façon générale, il pense que la vie fonctionne comme ça. Il pense que rien n'arrive jamais si ce n'est pas censé arriver. Il ne pense pas qu'Ariane doit être la force motrice de leur vie, mais quand c'est Ariane qui est motrice, il ne réalise même pas qu'elle l'est. Pour lui, c'est toujours une force extérieure qui aura été le moteur : le Destin, ce qui doit être, ce dont parlait le mot, ... Il ne sent pas de pouvoir moteur en lui, alors il croit que le pouvoir moteur n'est jamais dans les gens. C'est tellement plus facile d'avoir la vie en général à blâmer, plutôt que d'endosser la responsabilité. Ariane se retrouve alors forcée d'être le moteur de leur vie, et lui ne le réalise même pas.

Peut-être que Célestin était comme ça lui aussi. Maintenant que Mathilde y repense, c'est vrai qu'il ne l'a peut-être jamais accusée directement de quoi que ce soit. Mais il se plaignait ; tout le temps, tellement : de son travail, de ses chemises, et de tout le reste. Mathilde savait qu'elle-même était la responsable des choses dont il se plaignait ; elle lui avait donné un conseil, et le résultat le décevait. Elle savait aussi que Célestin avait lui aussi une part de responsabilité, pour lui avoir demandé des conseils, et pour les avoir acceptés sans les remettre en question, mais elle savait qu'elle était la cause de ce qui arrivait, de ce dont il se plaignait. Mais peut-être qu'en fait, Célestin se plaignait de la vie plus que de Mathilde. Peut-être qu'il n'avait jamais repéré que le moteur des évènements avait été Mathilde, bien qu'elle l'ait indéniablement été.

Célestin ne lui avait pas laissé d'autre choix que de devenir ce moteur ; s'ils avaient attendu après la vie, il ne se serait jamais rien passé. Pourquoi alors aujourd'hui pense-t-elle qu'il en est autrement ? Pourquoi aujourd'hui veut-elle bien croire que la vie est susceptible de faire en sorte que les événements se déclenchent d'eux mêmes ? Parce qu'un mot est passé devant ses yeux en lui promettant que des choses allaient arriver ? Ce mot est apparu devant elle et elle a cru en ses promesses, parce qu'elle avait envie d'y croire. Et les promesses en question se sont réalisées : ce nouveau travail qui lui permet de racheter une erreur du passé, cette rencontre avec Ernest qui lui donne une nouvelle perspective sur ce passé. Oui, il s'est passé des choses ; des choses qui changent la donne pour elle, qui, même si elles ne bouleverseront pas radicalement son quotidien, lui permettent de se sentir plus en paix avec son existence et plus sereine.

Alors au final, est-ce qu'Ernest et Célestin n'ont pas raison d'adopter ces croyances qui sous-tendent l'échec de leurs couples ? Peut-être qu'il y a bien une force motrice en dehors de nous-mêmes, certaines choses qui sont censées arriver ; des choses qui dépassent Mathilde, qu'elle ne pourrait pas expliquer scientifiquement. Elle a tendance à y croire, oui. Parce qu'elle le voit et que c'est aussi une attitude rationnelle que de croire ce que l'on voit. Elle ne peut pas nier les faits. Et les faits sont que, suite à la lecture de ce mot, le « plus d'épanouissement » promis est bel et bien arrivé.

C'est peut-être ridicule, mais Mathilde se sent enfin en paix avec elle-même et capable de pardonner à son ex-mari. Leur relation n'est plus à ses yeux un échec incompréhensible dû à un mauvais choix initial de partenaire, mais une histoire pleine de leçons sur deux visions différentes de la vie entrant en collision et créant un empêtrement de malentendus. Curieusement, cette histoire lui plaît. Elle lui permet de ne pas assigner de blâme ; c'est une histoire qui pourrait être racontée à Ilana. Une histoire avec une fin heureuse, même, montrant que les mauvais choix peuvent être réparés par la suite. Célestin épouse une partenaire qui lui convient probablement mieux, et Mathilde accepte l'emploi qu'elle avait fait l'erreur de refuser pour éviter de froisser Célestin. Elle accepte. Parce que, oui, on vient de la rappeler pour lui confirmer que ce nouveau poste est bel et bien à elle. Elle ira signer le contrat le jeudi suivant.

La seule chose qui la dérange, c'est de ne pas savoir quoi faire pour Ariane et Ernest. Elle sait que leur relation, si elle continue sur cette voie, risque de tomber dans un ravin. Mais elle ne peut pas suggérer à Ernest de changer de vision du monde alors qu'elle-même n'est pas certaine que ses croyances soient si absurdes qu'Ariane le pense. Elle ne peut pas non plus conseiller à Ariane d'être plus compréhensive, car la jeune fille semble irrémédiablement fermée à la possibilité qu'Ernest puisse ne pas être complètement dans l'erreur sur ce point. Elle peut leur raconter sa propre histoire d'un point de vue factuel ; c'est tout ce qu'elle peut faire.

Elle pourrait leur raconter sa propre histoire, son interprétation, et les laisser se dépêtrer avec la conclusion à en tirer. Mais Mathilde est tellement plus heureuse maintenant qu'elle est séparée de Célestin, qu'au fond d'elle, son intuition profonde reste que la nécessité d'une séparation est la seule conclusion à laquelle ils pourraient aboutir. Peut-être vaux-t-il mieux alors ne rien leur dire et les laisser vivre leur histoire jusqu'au bout et en tirer les enseignements qu'ils doivent en tirer. Si véritablement une force supérieure agit dans leur vie et a une idée en tête, peut-être que l'immiscion de Mathilde serait plus néfaste qu'autre chose. Peut-être que si leur histoire existe c'est qu'elle a lieu d'être ;qu'elle a quelque chose d'essentiel à leur apporter.

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